27 septembre 2017
Cour de cassation
Pourvoi n° 16-15.039

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2017:CO01237

Texte de la décision

COMM.

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 septembre 2017




Cassation partielle


M. X..., conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1237 F-D

Pourvoi n° C 16-15.039







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. Alexandre Y..., domicilié [...]                              ,

contre l'arrêt rendu le 21 janvier 2016 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (8e chambre C), dans le litige l'opposant à la Caisse d'épargne et de prévoyance Provence Alpes Corse, dont le siège est [...]                                  ,

défenderesse à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 11 juillet 2017, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, Mme B..., conseiller rapporteur, M. Guérin, conseiller, M. Graveline, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme B..., conseiller, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. Y..., de la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat de la Caisse d'épargne et de prévoyance Provence Alpes Corse, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que par acte du 7 avril 2010, la Caisse d'épargne et de prévoyance Provence Alpes Corse (la Caisse) a consenti à la société SH (la société) un prêt, garanti par les cautionnements solidaires souscrits par M. Y... et M. Z... à concurrence, chacun, d'un montant de 23 725 euros ; que la société ayant été mise en liquidation judiciaire, la Caisse a assigné M. Y... en paiement ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement de la somme principale de 23 725 euros alors, selon le moyen, que lorsque plusieurs personnes se sont portées cautions d'un même débiteur pour une même dette, le montant total des condamnations mises à la charge des cautions ne peut excéder celui de la dette principale ; qu'il résulte des constatations mêmes des juges du fond que la somme résiduelle restant due par la société SH, débitrice principale, n'excédait pas 38 846 euros et que, par un précédent jugement du 18 janvier 2013, le tribunal de commerce de Brive avait déjà condamné M. Jamal Z..., cofidéjusseur de M. Alexandre Y..., à payer la somme principale de 23 725 euros ; qu'en condamnant également M. Alexandre Y... au paiement d'une somme principale de même montant, la cour d'appel porte le montant total des condamnations prononcées à l'encontre des cofidéjusseurs à une somme supérieure au montant de la dette garantie, ce en quoi elle viole les articles 2290 et 2302 du code civil, ensemble l'article 12 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni de ses conclusions devant la cour d'appel que M. Y... ait soutenu qu'eu égard à la condamnation au paiement de la somme principale de 23 725 euros prononcée par un jugement du 18 janvier 2013 contre son cofidéjusseur, M. Z..., il ne pouvait être condamné à payer une somme principale de même montant, sauf à porter le montant total des condamnations prononcées à l'encontre des cautions à une somme supérieure au montant de la dette garantie ; que le moyen est donc nouveau et, mélangé de fait et de droit, irrecevable ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 ;

Attendu que pour condamner M. Y... en qualité de caution, l'arrêt retient qu'il a remis à la Caisse une fiche de renseignements datée du 2 mars 2010, sur laquelle il est indiqué qu'il est commerçant et qu'il perçoit des revenus qui étaient d'un montant de 24 967 euros pour l'année 2008, et qu'au regard de cette pièce, il y a lieu de constater que son cautionnement, souscrit dans la limite de 23 725 euros, correspondait à moins d'une année de revenus professionnels et n'était pas manifestement disproportionné ;

Qu'en se déterminant ainsi, au regard de revenus se rapportant à l'année 2008, donc non contemporains à la souscription, le 7 avril 2010, de l'engagement de la caution, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette les demandes de M. Y... d'annulation de son engagement de caution et d'indemnisation, l'arrêt rendu le 21 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne la Caisse d'épargne et de prévoyance Provence Alpes Corse aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour M. Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Monsieur Alexandre Y... au paiement de la somme principale de 23.725 euros ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'Alexandre Y... fait valoir que dans la mesure où le prêt consenti à la société SH était garanti par deux cautionnements, la Caisse d'Épargne ne peut agir contre lui sans justifier des poursuites engagées à l'encontre de l'autre caution ; que cependant, aux termes du contrat de cautionnement qu'il a conclu avec la Caisse d'Épargne, Alexandre Y... a expressément renoncé au bénéfice de division prévu à l'article 2303 du Code civil, s'engageant à s'acquitter des sommes dues sans pouvoir exiger que le prêteur engage de quelconques poursuites préalables à l'encontre d'autres personnes s'étant portées le cas échéant caution de la société SH ; qu'au regard de cette stipulation contractuelle, l'argumentation développée par l'appelant sera écartée ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il ressort des faits exposés et des documents produits que suivant acte sous seing privé en date du 7 avril 2010, la Caisse d'Épargne a consenti à la SARL SH un prêt d'un montant de 36.500 euros ; que par acte sous seing privé du 7 avril 2010, Monsieur Y... Alexandre, gérant de la société SH, s'est porté caution personnelle et solidaire de cette dernière dans les limites de la somme de 23.725 euros, couvrant le paiement du principal et des intérêts, pénalités et intérêts de retard ; par acte sous seing privé du 7 avril 2010, Monsieur Z... Jamal s'est également porté caution personnelle et solidaire, en sa qualité d'associé de la SARL SH, à hauteur de 23.725 euros ; que par jugement du 25 octobre 2011, le Tribunal de commerce de Manosque a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL SH ; que la Caisse d'Épargne a régulièrement déclaré sa créance auprès de Maître A..., en date du 28 décembre 2011 ; que suivant décompte versé aux débats, la somme qui reste due par la SARL SH au titre de ce prêt impayé s'élève à 38.846 euros (cf. jugement p. 4, 2ème alinéa) ; que comme le rappelle à juste titre la Caisse d'Épargne, Monsieur Y... s'est porté caution personnelle et solidaire de la SARL SH et a renoncé au bénéfice de discussion et de division, de sorte que les poursuites engagées contre Monsieur Z..., autre caution, sont sans incidence en l'action engagée à l'encontre de Monsieur Y... ; qu'il sera constaté au surplus, bien que n'y étant pas tenu, la Caisse d'Épargne a produit le jugement rendu le 18 janvier 2013 par le Tribunal de commerce de Brive qui a condamné Monsieur Jamal Z... à lui payer la somme principale de 23.725 euros augmentée des intérêts au taux de 4,03 % à compter du 18 octobre 2012 et celle de 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; que ce moyen de Monsieur Y... est donc sans fondement (cf. jugement p. 4 in fine et p. 5 § 1) ;

ALORS QUE lorsque plusieurs personnes se sont portées cautions d'un même débiteur pour une même dette, le montant total des condamnations mises à la charge des cautions ne peut excéder celui de la dette principale ; qu'il résulte des constatations mêmes des juges du fond que la somme résiduelle restant due par la société SH, débitrice principale, n'excédait pas 38.846 euros (cf. jugement p. 4, in medio) et que, par un précédent jugement du 18 janvier 2013, le Tribunal de commerce de Brive avait déjà condamné Monsieur Jamal Z..., cofidéjusseur de Monsieur Alexandre Y..., à payer la somme principale de 23.725 euros (cf. jugement p. 5, 1er alinéa) ; qu'en condamnant également Monsieur Alexandre Y... au paiement d'une somme principale de même montant, la Cour porte le montant total des condamnations prononcées à l'encontre des cofidéjusseurs à une somme supérieure au montant de la dette garantie, ce en quoi elle viole les articles 2290 et 2302 du Code civil, ensemble l'article 12 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Monsieur Alexandre Y... au paiement de la somme principale de 23.725 euros ;

AUX MOTIFS, en partie contraires à ceux des premiers juges, QU'aux termes de l'article L 341-4 du Code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle- ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; que le caractère disproportionné du cautionnement s'apprécie au regard de l'ensemble des engagements souscrits par la caution, d'une part, de ses biens et revenus d'autre part, sans tenir compte des bénéfices escomptés de l'opération garantie ; qu'il appartient à la caution de rapporter la preuve de la disproportion qu'elle allègue ; qu'en l'espèce, Alexandre Y... a remis à la Caisse d'Épargne une fiche de renseignements datée du 2 mars 2010, sur laquelle il est indiqué qu'il est commerçant et qu'il perçoit des revenus qui étaient d'un montant de 24.967 euros pour l'année 2008 ; qu'au regard de cette pièce, il y a lieu de constater que son cautionnement souscrit dans la limite de 23.725 euros correspondait à moins d'une année de revenus professionnels et n'était pas manifestement disproportionné au sens du texte précité ; que c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la Caisse d'Épargne pouvait se prévaloir du cautionnement litigieux ;

ALORS QUE la proportionnalité du cautionnement aux capacités financières de la caution doit s'apprécier au regard des revenus dont elle dispose au jour de la conclusion du cautionnement, sur lesquels il appartient au créancier professionnel de se renseigner ; qu'en l'espèce, pour dire non manifestement disproportionné aux revenus de Monsieur Y... le cautionnement fourni par celui-ci le 7 avril 2010, la Cour se fonde sur le revenu annuel que celui-ci avait déclaré avoir perçu au titre de l'année 2008 ; qu'en statuant de la sorte, sans préciser les revenus dont disposait Monsieur Y... au moment de la souscription de son engagement, ni rechercher, comme elle y était invitée, si lesdits revenus n'étaient pas d'un montant nettement inférieur à ses revenus de l'année 2008, comme il en était justifié par la production de ses avis d'imposition sur les revenus 2009 et 2010 (cf. les dernières écritures de Monsieur Alexandre Y... du 1er décembre 2015, p. 7), la Cour prive son arrêt de base légale au regard de l'article L. 341-4 du Code de la consommation.

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