27 septembre 2017
Cour de cassation
Pourvoi n° 16-16.235

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2017:CO01197

Texte de la décision

COMM.

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 septembre 2017




Cassation partielle


Mme MOUILLARD, président



Arrêt n° 1197 F-D

Pourvoi n° C 16-16.235







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par le directeur général des finances publiques, représenté par le chef des services fiscaux chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales, domicilié [...]                                ,

contre l'ordonnance rendue le 29 mars 2016 par le premier président de la cour d'appel de Chambéry, dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Ambiance piscines et spas, dont le siège est [...]                                  ,

2°/ à Mme Heidi X..., épouse Y..., domiciliée [...]                                             ,

défenderesses à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 4 juillet 2017, où étaient présentes : Mme Mouillard, président, Mme Z..., conseiller rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Z..., conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Ambiance piscines et spas, de Mme X..., épouse Y..., l'avis de M. A..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par un premier président de cour d'appel, que, le 6 octobre 2015, un juge des libertés et de la détention a, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, autorisé des agents de l'administration fiscale à effectuer une visite avec saisies dans des locaux sis à Saint Martin Bellevue, susceptibles d'être occupés notamment par Mme X..., épouse Y..., (Mme Y...) et la société de droit suisse Ambiance piscines et spas afin de rechercher la preuve de la fraude commise par cette société au regard de l'impôt sur le revenu ou les bénéfices et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que ces opérations ont été réalisées le 8 octobre 2015 et que la société et Mme Y... ont formé un recours contre leur déroulement ;

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ;

Attendu que, pour accueillir la demande de la société et de Mme Y... tendant à l'annulation de la saisie de fichiers informatiques et documents papier, l'ordonnance se borne à retenir qu'un certain nombre de fichiers sont susceptibles d'être couverts par le secret des correspondances entre l'avocat et son client ;

Qu'en statuant ainsi, sans constater que chacune des pièces en cause relevait du secret des correspondances entre un avocat et son client, le premier président a privé sa décision de base légale ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ;

Attendu que l'ordonnance retient encore qu'un certain nombre de fichiers sont susceptibles de relever du secret de la vie privée ;

Qu'en statuant ainsi, sans constater que chacune des pièces en cause relevait du secret de la vie privée, le premier président a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle constate que des fichiers sont susceptibles d'être couverts par le secret des correspondances entre un avocat et son client ou de relever du respect de la vie privée et ordonne la destruction des fichiers informatiques saisis avec la restitution des documents papier, ainsi qu'en ce qu'elle se prononce sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'ordonnance rendue le 29 mars 2016, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne la société Ambiance piscines et spas et Mme X..., épouse Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer la somme globale de 2 500 euros au directeur général des finances publiques ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour le directeur général des finances publiques.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

L'ordonnance attaquée encourt la censure ;

EN CE QU'elle a constaté que des fichiers et documents étaient susceptibles d'être couverts par le secret des correspondances entre un avocat et son client, ou de relever du secret de la vie privée et a ordonné en conséquence la destruction des fichiers informatiques saisis et la restitution des documents papiers à Mme Heidi Y... née X... ;

AUX MOTIFS QU' « il sera rappelé que seules font l'objet de critiques les opérations de visite et saisie qui se sont déroulées au [...]                                               , où les agents se sont présentés à 7h05 et ont été reçus par Mme Edith Y..., laquelle a été informée de ses droits ; que par ailleurs la seule critique portée sur les opérations de saisie concerne la nature des documents papiers et fichiers informatiques saisis, dont certains relèveraient, selon les appelants du secret professionnel, relatif aux communications entre un avocat et son client, ou du respect de la vie privée ; qu'il sera relevé à cet égard que le PV de visite (pièce n.9 demandeur) relève que Mme Heidi Y... a été expressément interrogée par les agents ayant procédé aux opérations de visites sur les noms d'avocats avec lesquels elle était susceptibles d'avoir été en relation et que les noms des cabinets d'avocats cités par Mine Y... ont été intégralement repris dans le PV des opérations, les agents ayant pris soin de vérifier qu'aucun de ces noms n'apparaissaient dans les répertoires dont il a été pris copie ; qu'il ressort cependant des explications fournies à ce jour par Mme Heidi Y... qu'un certain nombre de fichiers se rapportent aux relations qu'elle même, son mari ou leurs sociétés ont pu avoir avec d'autres cabinets d'avocats, ou avec le parquet, dans le cadre de dossiers judiciaires ; que ces fichiers, susceptibles d'être couverts par le secret des correspondances entre l'avocat et son client, n'avaient pas vocation à faire l'objet de copie et de saisie, et la destruction des copies saisies sera ordonnée ; que de même, Mme Y..., a produit une liste de fichiers se rapportant manifestement à sa vie privée et à celle de sa famille et la copie de ces fichiers a pareillement vocation à être détruite ; que les documents papiers saisis, concernés par le secret des correspondances entre un avocat et son client ou se rapportant à la vie privée de Mine Y... et de sa famille, tels qu'ils résultent de la liste qu'elle a fournie ont pareillement vocation à lui être restitués » ;

ALORS QUE, PREMIEREMENT, pour qu'une saisie soit illégale, comme portant sur une correspondance entre un avocat et son client, il est nécessaire que le juge procède à une analyse au moins sommaire de la pièce avant de décider que son appréhension a été illégale et d'en tirer les conséquences ; qu'en s'abstenant de se livrer à une analyse des pièces dont la saisie a été jugée illégale, pour les traiter en bloc, le Premier Président a violé l'article L. 16-B du Livre des procédures fiscales ;

ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, pour déclarer une saisie illégale, le juge doit énoncer, sous la forme d'une certitude, qu'une pièce appréhendée a trait à la correspondance entre l'avocat et son client ; qu'en se bornant en l'espèce à énoncer que des fichiers étaient « susceptibles d'être couverts par le secret des correspondances entre l'avocat et son client », le Premier Président, qui n'a pas été fait état d'une certitude, a violé l'article L. 16-B du Livre des procédures fiscales.

SECOND MOYEN DE CASSATION

L'ordonnance attaquée encourt la censure ;

EN CE QU'elle a constaté que des fichiers et documents étaient susceptibles d'être couverts par le secret des correspondances entre un avocat et son client, ou de relever du secret de la vie privée et a ordonné en conséquence la destruction des fichiers informatiques saisis et la restitution des documents papiers à Mme Heidi Y... née X... ;

AUX MOTIFS QU' « il sera rappelé que seules font l'objet de critiques les opérations de visite et saisie qui se sont déroulées au [...]                                               , où les agents se sont présentés à 7h05 et ont été reçus par Mme Edith Y..., laquelle a été informée de ses droits ; que par ailleurs la seule critique portée sur les opérations de saisie concerne la nature des documents papiers et fichiers informatiques saisis, dont certains relèveraient, selon les appelants du secret professionnel, relatif aux communications entre un avocat et son client, ou du respect de la vie privée ; qu'il sera relevé à cet égard que le PV de visite (pièce n.9 demandeur) relève que Mme Heidi Y... a été expressément interrogée par les agents ayant procédé aux opérations de visites sur les noms d'avocats avec lesquels elle était susceptibles d'avoir été en relation et que les noms des cabinets d'avocats cités par Mine Y... ont été intégralement repris dans le PV des opérations, les agents ayant pris soin de vérifier qu'aucun de ces noms n'apparaissaient dans les répertoires dont il a été pris copie ; qu'il ressort cependant des explications fournies à ce jour par Mme Heidi Y... qu'un certain nombre de fichiers se rapportent aux relations qu'elle même, son mari ou leurs sociétés ont pu avoir avec d'autres cabinets d'avocats, ou avec le parquet, dans le cadre de dossiers judiciaires ; que ces fichiers, susceptibles d'être couverts par le secret des correspondances entre l'avocat et son client, n'avaient pas vocation à faire l'objet de copie et de saisie, et la destruction des copies saisies sera ordonnée ; que de même, Mme Y..., a produit une liste de fichiers se rapportant manifestement à sa vie privée et à celle de sa famille et la copie de ces fichiers a pareillement vocation à être détruite ; que les documents papiers saisis, concernés par le secret des correspondances entre un avocat et son client ou se rapportant à la vie privée de Mine Y... et de sa famille, tels qu'ils résultent de la liste qu'elle a fournie ont pareillement vocation à lui être restitués » ;

ALORS QUE, si des pièces se rapportant à la vie privée d'une personne ou de sa famille et par suite, sans lien avec la fraude suspectée, peuvent être écartées de la saisie, il faut qu'au préalable le juge se soit prononcé, au moins sommairement, sur le contenu de ces pièces ; qu'en se bornant à examiner en bloc un ensemble de pièces et apporter une appréciation globale faisant échec à un quelconque contrôle, le Premier Président a violé l'article L. 16-B du Livre des procédures fiscales.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.