9 décembre 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-16.269

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2020:CO00753

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 décembre 2020




Rejet


M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 753 F-D

Pourvoi n° B 19-16.269




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 DÉCEMBRE 2020

La société EDF renouvelables France, dont le siège est [...] , anciennement dénommée EDF en France, a formé le pourvoi n° B 19-16.269 contre l'arrêt rendu le 1er février 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, 11e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Oser, dont le siège est [...] ,

2°/ à la société Baywa RE France, dont le siège est [...] ,

3°/ à la société Bleriot et associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , prise en qualité d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la société Oser,



4°/ à la société [...] , dont le siège est [...] , en la personne de M. U... , pris en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société Oser,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Riffaud, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société EDF renouvelables France, de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Baywa RE France, après débats en l'audience publique du 20 octobre 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Riffaud, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er février 2019), la société Baywa RE France (la société Baywa), a signé, le 18 juin 2013, avec la société Oser, un contrat-cadre de partenariat ayant pour objet de définir les conditions de la coopération des parties en vue du développement de neuf projets éoliens, lesquels avaient vocation à appartenir à la société Baywa si cette dernière prononçait leur acceptation.

2. Par une lettre recommandée du 17 mars 2014, la société Baywa a prononcé l'acceptation des projets numéros 3, 5 et 7, tout en dénonçant des manoeuvres dolosives de la société Oser. Elle a notifié à la société Oser sa renonciation aux autres projets et la résiliation du contrat, la mettant en demeure de lui payer des dommages-intérêts.

3. Le 21 mai 2014, la société Baywa a assigné la société Oser devant le tribunal de commerce de Paris, pour voir constater la nullité pour dol du projet éolien n° 7, constater son acceptation des projets numéros 3 et 5 et obtenir réparation de son préjudice.



4. En cours d'instance, le 2 avril 2015, la société Oser a cédé le projet numéro 3 à la société EDF en France devenue la société EDF renouvelables France (la société EDF), en dépit de l'acceptation de ce projet par la société Baywa.

5. Par un jugement du 10 février 2016, le tribunal de commerce a rejeté l'ensemble des demandes de la société Baywa relatives au transfert de propriété des projets du contrat-cadre et sa demande en réparation du dommage résultant de la vente du projet numéro 3. Il a prononcé la résolution du contrat-cadre et condamné la société Oser, dont les demandes indemnitaires ont été rejetées, à verser à la société Baywa les sommes remises en exécution de ce contrat.

6. La société Oser ayant interjeté appel du jugement, la société Baywa a appelé la société EDF en intervention forcée.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. La société EDF fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de condamnation de la société Oser au paiement de la somme de 165 000 euros TTC et du surplus de ses demandes, alors :

« 1°/ que le juge ne peut méconnaître les termes du litige, déterminés par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, en l'état de sa demande tendant, au titre de la garantie d'éviction, au paiement de la somme de 165 000 euros TTC par la société Oser, cette dernière ne s'est opposée à cette prétention qu'en soutenant d'une part que la société EDF aurait renoncé à son projet d'exploitation du parc éolien litigieux, d'autre part que la société Baywa ne serait pas fondée à se dire propriétaire des droits afférents à ce projet qui, partant, seraient la propriété de la société EDF sans aucunement faire valoir que l'exposante ne pourrait se prévaloir des dispositions de l'article 1630 du code civil, faute d'avoir été évincée par la société Baywa ; que, dès lors, en estimant, pour débouter l'exposante de sa demande indemnitaire au titre de la garantie d'éviction, que la revendication en justice par la société Baywa de la propriété du projet Bosc (projet numéro 3), dont le bien-fondé a été admis, lui fait subir une menace d'éviction totale de ses droits mais que cette menace n'a pas abouti à son éviction effective, la cour d'appel qui s'est emparée d'un fait qui n'était pas allégué par la société Oser et tiré de l'absence d'effectivité de l'éviction, a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire respecter et respecter lui-même le principe de la contradiction ; qu'à ce titre, il ne peut relever d'office un moyen sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations ; qu'en estimant, pour la débouter de sa demande indemnitaire au titre de la garantie d'éviction, que l'éviction effective de l'intéressée n'est pas intervenue, en dépit de l'action de la société Baywa dont le bien-fondé a été admis et qui fait subir à l'exposante une menace d'éviction totale de ses droits, quand la société Oser n'avait nullement soutenu que la société EDF devait être déboutée de sa demande, faute d'avoir été effectivement évincée par la société Baywa, la cour d'appel, qui a relevé d'office un moyen sans inviter les parties à présenter leurs observations à cet égard, a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3°/ que la découverte d'un droit invoqué en justice par un tiers sur la chose vendue, existant au moment de la vente, non déclaré et ignoré de l'acheteur, constitue un trouble actuel obligeant de ce seul fait le vendeur à en garantir l'acquéreur et, partant, à indemniser ce dernier ; qu'en l'espèce, pour la débouter de sa demande indemnitaire au titre de la garantie d'éviction, la cour d'appel a relevé que si la revendication en justice par la société Baywa de la propriété du projet Bosc lui fait subir une menace d'éviction totale de ses droits, cette menace n'a pas abouti à son éviction effective ; qu'en statuant ainsi, tout en jugeant par ailleurs que la propriété du projet numéro 3 a été transférée à la société Baywa le 17 mars 2014, que ce projet a été cédé le 2 avril 2015 à la société EDF en fraude des droits de la société Baywa, que "la société Oser n'a pas averti la société EDF de l'existence de cette revendication par un tiers
et que la révélation à la société EDF de ces éléments est intervenue après la signature du protocole du 2 avril 2015" et que "l'action engagée par la société Baywa contre la société Oser en revendication de la propriété du projet cédé à la société EDF caractérise l'éviction dont souffre cette dernière dans les droits qu'elle a acquis. En conséquence la société Oser doit garantir la société EDF de l'éviction dont elle souffre dans la totalité du projet vendu
", ce dont il résulte que l'action en revendication formée par la société Baywa et la reconnaissance du droit de cette dernière sur le projet litigieux constituait pour la société exposante un trouble actuel devant donner lieu à indemnisation, indépendamment du point de savoir si l'intéressée serait effectivement évincée par la société Baywa, propriétaire du projet, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles 1626 et 1630 du code civil ;

4°/ que pour la débouter de sa demande indemnitaire au titre de la garantie d'éviction, la cour d'appel a relevé que "l'action engagée par la société Baywa contre la société Oser en revendication de la propriété du projet cédé à la société EDF caractérise l'éviction dont souffre cette dernière dans les droits qu'elle a acquis. En conséquence la société Oser doit garantir la société EDF de l'éviction dont elle souffre dans la totalité du projet vendu
" et que si la revendication en justice par la société Baywa de la propriété du projet Bosc fait subir à l'exposante une menace d'éviction totale de ses droits, cette menace n'a pas abouti à son éviction effective ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, dès lors que la propriété du projet numéro 3 litigieux a été transférée à la société Baywa le 17 mars 2014 et que ce projet a été cédé le 2 avril 2015 à la société EDF en fraude des droits de la société Baywa, la société EDF qui avait pourtant réglé à la société Oser, en application du protocole du 2 avril 2015, une somme de 165 000 euros TTC, ne se trouvait pas, à tout le moins, privée de la possibilité de développer, à terme, ce projet dont elle n'était plus propriétaire et, partant, ne subissait pas nécessairement, de ce chef, un préjudice au moins égal aux sommes qu'elle avait déboursées pour l'acquisition de ce projet qu'elle n'était plus en mesure de développer, indépendamment du point de savoir si elle en serait effectivement évincée, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1630 du code civil. »

Réponse de la Cour

8. Tenue sur le fondement de l'article 12 du code de procédure civile, de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui étaient applicables, la cour d'appel s'est bornée, sans introduire un nouveau moyen dans le débat, à examiner si les conditions d'indemnisation de l'éviction invoquée par la société EDF étaient remplies. Après avoir constaté que le projet numéro 3 avait été cédé à la société EDF par la société Oser en fraude des droits de la société Baywa, la cour d'appel a partiellement fait droit à la demande de dommages-intérêts présentée par cette dernière société et n'a pas ordonné le transfert des droits et autorisations afférents à ce projet qu'elle demandait seulement à titre subsidiaire, de sorte que, la société Baywa n'ayant jamais pris possession de ce projet, elle a pu considérer que l'éviction de la société EDF n'était pas effective et rejeter sa demande indemnitaire. La cour d'appel, qui n'a ainsi pas méconnu les termes du litige, ni violé le principe de la contradiction, a légalement justifié sa décision.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

10. La société EDF fait grief à l'arrêt, de rejeter sa demande subsidiaire tendant à voir prononcer la nullité pour dol du protocole d'accord du 2 avril 2015 conclu entre elle et la société Oser et condamner cette dernière à lui restituer les sommes réglées en exécution dudit protocole, alors « que tout jugement doit être motivé ; qu'en la déboutant de toutes ses demandes sans assortir sa décision d'aucun motif s'agissant du rejet de la demande subsidiaire tendant à voir prononcer la nullité pour dol du protocole d'accord du 2 avril 2015 conclu entre la société EDF et la société Oser et condamner cette dernière à lui restituer les sommes réglées en exécution dudit protocole pour un montant de 137 500 euros HT soit 165 000 euros TTC, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

11. Sous le couvert du grief de défaut de réponse à conclusions, la société EDF dénonce en réalité une omission de statuer, laquelle peut être réparée suivant la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile.

12. Le moyen n'est donc pas recevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société EDF renouvelables France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société EDF renouvelables France et la condamne à payer à la société Baywa RE France la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour la société EDF renouvelables France.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUE D'AVOIR débouté la société EDF EN FRANCE de sa demande de condamnation de la société OSER à la somme de 165 000 € TTC au titre de la garantie d'éviction et du surplus de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE Selon l'article 1625 du code civil, « la garantie que le vendeur doit à l'acquéreur a deux objets : le premier est la possession paisible de la chose vendue ; le second, les défauts cachés de cette chose ou les vices rédhibitoires » ; L'article 1626 du même code précise : « quoique lors de la vente il n'ait été fait aucune stipulation sur la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l'acquéreur de l'éviction qu'il souffre dans la totalité ou partie de l'objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente » ; La garantie d'éviction constitue pour le vendeur notamment l'obligation d'assurer la protection de l'acquéreur contre les risques d'éviction résultant de l'action des tiers qui, invoquant à l'encontre de l'acheteur un droit sur la chose vendue, porteraient atteinte à la propriété, à la possession ou à la détention de l'acquéreur ; La société Oser a, selon protocole d'accord en date du 2 avril 2015 cédé à la société Edf les éléments des études et analyses accomplies jusqu'à ce jour ainsi que l'intégralité des autorisations foncières et droits d'ores et déjà obtenues en vue de la réalisation puis du fonctionnement du projet de la commune [...] , qui est le projet n° 3 objet du contrat-cadre de partenariat du 18 juin 2013 conclut entre les sociétés Oser et Baywa ; Par acte du 21 mai 2014, la société Baywa a fait assigner la société Oser devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de voir constater le transfert de propriété sur ce projet de la commune [...] ; Il n'est pas contesté par la société Oser qu'elle n'a pas averti la société Edf de l'existence de cette revendication par un tiers, celle-ci estimant ne pas avoir à le faire cette revendication étant selon elle manifestement infondée et abusive, et que la révélation à la société Edf de ces éléments est intervenue après la signature du protocole du 2 avril 2015 ; Aussi, l'action engagée par la société Baywa contre la société Oser en revendication de la propriété du projet cédé à la société Edf caractérise l'éviction dont souffre cette dernière dans les droits qu'elle a acquis ; En conséquence, la société Oser doit garantir la société Edf de l'éviction dont elle souffre dans la totalité du projet vendu ce tant en application de l'article 1625 du code civil précité que de l'article 2 paragraphe 4 du protocole d'accord en date du 2 avril 2015 qui prévoit que la société Oser garantit la société Edf « de tout recours ou réclamation que formulerait tout tiers an sujet de l'un quelconque des droits, études et autorisations visés en Annexe l et l'indemnisera de tous coûts ou dépenses engagés par elle en cas de recours ou réclamation » ; L'action en garantie de la société Edf contre son vendeur, la société Oser, est donc fondée ; Néanmoins, si comme le fait valoir la société Edf, la revendication en justice par la société Baywa de la propriété du projet Bosc lui fait subir une menace d'éviction totale de ses droits, cette menace n'a pas abouti à son éviction effective ; Bien que l'acquéreur évincé a droit à la réparation de tout le préjudice causé par l'inexécution du contrat, la société Edf ne peut prétendre à l'allocation de la somme totale de 165.000 euros TTC qu'elle a réglée en application du protocole, cette somme comprenant le prix d'acquisition du projet en cause d'un montant de 100.000 euros HT (120.000 euros TTC) et les frais exposés pour le développement foncier du projet dont elle est toujours propriétaire ; La société Edf est en conséquence déboutée de sa demande tendant à la condamnation de la société Oser au paiement de la somme de 165.000 euros TTC (arrêt, pages 21 et 22) ;

ALORS D'UNE PART QUE le juge ne peut méconnaître les termes du litige, déterminés par les prétentions respectives des parties ; Qu'en l'espèce, en l'état de la demande de l'exposante tendant, au titre de la garantie d'éviction, au paiement de la somme de 165 000 € TTC par la société OSER, cette dernière ne s'est opposée à cette prétention qu'en soutenant d'une part que la société EDF EN FRANCE aurait renoncé à son projet d'exploitation du parc éolien litigieux (conclusions d'appel de la société OSER, pages 80 et 81), d'autre part que la société BAYWA ne serait pas fondée à se dire propriétaire des droits afférents à ce projet qui, partant, seraient la propriété de la société EDF EN FRANCE (conclusions, page 81), sans aucunement faire valoir que l'exposante ne pourrait se prévaloir des dispositions de l'article 1630 du code civil, faute d'avoir été évincée par la société BAYWA ; Que, dès lors, en estimant, pour débouter l'exposante de sa demande indemnitaire au titre de la garantie d'éviction, que la revendication en justice par la société Baywa de la propriété du projet Bosc, dont le bien-fondé a été admis, lui fait subir une menace d'éviction totale de ses droits mais que cette menace n'a pas abouti à son éviction effective, la cour d'appel qui s'est emparée d'un fait qui n'était pas allégué par la société OSER et tiré de l'absence d'effectivité de l'éviction, a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS D'AUTRE PART QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire respecter et respecter lui-même le principe de la contradiction ; Qu'à ce titre, il ne peut relever d'office un moyen sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations ; qu'en estimant, pour débouter l'exposante de sa demande indemnitaire au titre de la garantie d'éviction, que l'éviction effective de l'intéressée n'est pas intervenue, en dépit de l'action de la société BAYWA dont le bien-fondé a été admis et qui fait subir à l'exposante une menace d'éviction totale de ses droits, quand la société OSER n'avait nullement soutenu que la société EDF EN FRANCE devait être déboutée de sa demande, faute d'avoir été effectivement évincée par la société BAYWA, la cour d'appel, qui a relevé d'office un moyen sans inviter les parties à présenter leurs observations à cet égard, a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile ;

ALORS DE TROISIEME PART QUE la découverte d'un droit invoqué en justice par un tiers sur la chose vendue, existant au moment de la vente, non déclaré et ignoré de l'acheteur, constitue un trouble actuel obligeant de ce seul fait le vendeur à en garantir l'acquéreur et, partant, à indemniser ce dernier ; Qu'en l'espèce, pour débouter l'exposante de sa demande indemnitaire au titre de la garantie d'éviction, la cour d'appel a relevé que si la revendication en justice par la société BAYWA de la propriété du projet J... lui fait subir une menace d'éviction totale de ses droits, cette menace n'a pas abouti à son éviction effective ; Qu'en statuant ainsi, tout en jugeant par ailleurs que la propriété du projet n° 3 litigieux (projet J...) a été transférée à la société BAYWA en date du 17 mars 2014 (arrêt, page 18, al. 5 et dispositif de l'arrêt p 23), que ce projet a été cédé le 2 avril 2015 à la société EDF EN FRANCE en fraude des droits de la société BAYWA (dispositif de l'arrêt p 23), que « la société Oser n'a pas averti la société Edf de l'existence de cette revendication par un tiers
et que la révélation à la société Edf de ces éléments est intervenue après la signature du protocole du 2 avril 2015 » et que « l'action engagée par la société Baywa contre la société Oser en revendication de la propriété du projet cédé à la société Edf caractérise l'éviction dont souffre cette dernière dans les droits qu'elle a acquis. En conséquence la société OSER doit garantir la société Edf de l'éviction dont elle souffre dans la totalité du projet vendu
», ce dont il résulte que l'action en revendication formée par la société BAYWA et la reconnaissance du droit de cette dernière sur le projet litigieux constituait pour la société exposante un trouble actuel devant donner lieu à indemnisation, indépendamment du point de savoir si l'intéressée serait effectivement évincée par la société BAYWA, propriétaire du projet, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles 1626 et 1630 du code civil ;

ALORS DE QUATRIEME PART et en tout état de cause QUE pour débouter l'exposante de sa demande indemnitaire au titre de la garantie d'éviction, la cour d'appel a relevé que « l'action engagée par la société Baywa contre la société Oser en revendication de la propriété du projet cédé à la société Edf caractérise l'éviction dont souffre cette dernière dans les droits qu'elle a acquis. En conséquence la société OSER doit garantir la société Edf de l'éviction dont elle souffre dans la totalité du projet vendu
» et que si la revendication en justice par la société BAYWA de la propriété du projet J... fait subir à l'exposante une menace d'éviction totale de ses droits, cette menace n'a pas abouti à son éviction effective ; Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, dès lors que la propriété du projet n° 3 litigieux (projet J...) a été transférée à la société BAYWA en date du 17 mars 2014 (arrêt, page 18, al. 5 et dispositif de l'arrêt p 23) et que ce projet a été cédé le 2 avril 2015 à la société EDF EN FRANCE en fraude des droits de la société BAYWA (dispositif de l'arrêt p 23), l'exposante qui avait pourtant réglé à la société OSER, en application du protocole du 2 avril 2015, une somme de 165 000 € TTC, ne se trouvait pas, à tout le moins, privée de la possibilité de développer, à terme, ce projet dont elle n'était plus propriétaire et, partant, ne subissait pas nécessairement, de ce chef, un préjudice au moins égal aux sommes qu'elle avait déboursées pour l'acquisition de ce projet qu'elle n'était plus en mesure de développer, indépendamment du point de savoir si elle en serait effectivement évincée, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1630 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUE D'AVOIR débouté la société EDF EN FRANCE de sa demande subsidiaire tendant à voir prononcer la nullité pour dol du protocole d'accord du 2 avril 2015 conclu entre elle et la société OSER et condamner cette dernière à lui restituer les sommes réglées en exécution dudit protocole pour un montant de 137.500 euros HT soit 165.000 euros TTC outre intérêts de retard au taux légal courus depuis la mise en demeure du 4 octobre 2016 et capitalisation des intérêts ;

AUX MOTIFS QUE Selon l'article 1625 du code civil, « la garantie que le vendeur doit à l'acquéreur a deux objets : le premier est la possession paisible de la chose vendue ; le second, les défauts cachés de cette chose ou les vices rédhibitoires » ; L'article 1626 du même code précise : « quoique lors de la vente il n'ait été fait aucune stipulation sur la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l'acquéreur de l'éviction qu'il souffre dans la totalité ou partie de l'objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente » ; La garantie d'éviction constitue pour le vendeur notamment l'obligation d'assurer la protection de l'acquéreur contre les risques d'éviction résultant de l'action des tiers qui, invoquant à l'encontre de l'acheteur un droit sur la chose vendue, porteraient atteinte à la propriété, à la possession ou à la détention de l'acquéreur ; La société Oser a, selon protocole d'accord en date du 2 avril 2015 cédé à la société Edf les éléments des études et analyses accomplies jusqu'à ce jour ainsi que l'intégralité des autorisations foncières et droits d'ores et déjà obtenues en vue de la réalisation puis du fonctionnement du projet de la commune [...] , qui est le projet n° 3 objet du contrat-cadre de partenariat du 18 juin 2013 conclut entre les sociétés Oser et Baywa ; Par acte du 21 mai 2014, la société Baywa a fait assigner la société Oser devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de voir constater le transfert de propriété sur ce projet de la commune [...] ; Il n'est pas contesté par la société Oser qu'elle n'a pas averti la société Edf de l'existence de cette revendication par un tiers, celle-ci estimant ne pas avoir à le faire cette revendication étant selon elle manifestement infondée et abusive, et que la révélation à la société Edf de ces éléments est intervenue après la signature du protocole du 2 avril 2015 ; Aussi, l'action engagée par la société Baywa contre la société Oser en revendication de la propriété du projet cédé à la société Edf caractérise l'éviction dont souffre cette dernière dans les droits qu'elle a acquis ; En conséquence, la société Oser doit garantir la société Edf de l'éviction dont elle souffre dans la totalité du projet vendu ce tant en application de l'article 1625 du code civil précité que de l'article 2 paragraphe 4 du protocole d'accord en date du 2 avril 2015 qui prévoit que la société Oser garantit la société Edf « de tout recours ou réclamation que formulerait tout tiers an sujet de l'un quelconque des droits, études et autorisations visés en Annexe l et l'indemnisera de tous coûts ou dépenses engagés par elle en cas de recours ou réclamation » ; L'action en garantie de la société Edf contre son vendeur, la société Oser, est donc fondée ; Néanmoins, si comme le fait valoir la société Edf, la revendication en justice par la société Baywa de la propriété du projet Bosc lui fait subir une menace d'éviction totale de ses droits, cette menace n'a pas abouti à son éviction effective ; Bien que l'acquéreur évincé a droit à la réparation de tout le préjudice causé par l'inexécution du contrat, la société Edf ne peut prétendre à l'allocation de la somme totale de 165.000 euros TTC qu'elle a réglée en application du protocole, cette somme comprenant le prix d'acquisition du projet en cause d'un montant de 100.000 euros HT (120.000 euros TTC) et les frais exposés pour le développement foncier du projet dont elle est toujours propriétaire ; La société Edf est en conséquence déboutée de sa demande tendant à la condamnation de la société Oser au paiement de la somme de 165.000 euros TTC (arrêt, pages 21 et 22) ;

ALORS QUE tout jugement doit être motivé ; qu'en déboutant la société exposante de toutes ses demandes sans assortir sa décision d'aucun motif s'agissant du rejet de la demande subsidiaire tendant à voir prononcer la nullité pour dol du protocole d'accord du 2 avril 2015 conclu entre la société EDF en France et la société OSER et condamner cette dernière à lui restituer les sommes réglées en exécution dudit protocole pour un montant de 137.500 euros HT soit 165.000 euros TTC, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.