6 février 2018
Cour de cassation
Pourvoi n° 17-83.857

Chambre criminelle - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2018:CR00222

Titres et sommaires

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE - droit de la presse - loi du 29 juillet 1881 - articles 29, 30, 31, 32, 48-1, 48-2, 48-3, 48-4, 48-5, 48-6, 48-7, 48-8 - droit au recours - article 16 de la déclaration des droits de l'homme de 1789 - défaut partiel d'applicabilité au litige - caractère sérieux - défaut - non-lieu à renvoi au conseil constitutionnel

Texte de la décision

N° A 17-83.857 FS-P+B

N° 222



6 FÉVRIER 2018

ND



NON LIEU À RENVOI




M. SOULARD président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________



LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à Paris, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité formulée par mémoire spécial reçu le 30 novembre 2017 et présenté par la République d'Azerbaïdjan, à l'occasion du pourvoi formé par elle contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 16 mai 2017, qui, dans la procédure suivie sur sa plainte contre MM. François Y... et Jean-Marc Z... du chef de diffamation publique envers un particulier, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 23 janvier 2018 où étaient présents : M. SOULARD, président, M. Parlos, conseiller rapporteur, M. Straehli, Mme Durin-Karsenty, MM. Cathala, Ricard, Bonnal, Mme Ménotti, conseillers de la chambre, MM. Barbier, Talabardon, conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Croizier ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;

Sur le rapport de M. le conseiller Parlos, les observations de la société civile professionnelle ORTSCHEIDT, de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général Croizier ;


Attendu que la question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée : "Renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité tirée de ce que les dispositions des articles 29, 30, 31, 32, et 48-1, 48-2, 48-3, 48-4, 48-5,48-6, 48-7 et 48-8 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, en tant qu'elles ne prévoient pas qu'un Etat étranger puisse obtenir réparation du préjudice résultant d'une diffamation en engageant l'action publique devant les juridictions pénales aux fins de se constituer partie civile, emporte une restriction à son droit d'exercer un recours, en méconnaissance des exigences de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et des citoyens de 1789 ?" ;

Attendu qu'au nombre des dispositions contestées figurant dans la question sont cités les articles 48-1 à 48-8 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui sont en réalité l'article 48, 1°, à 8°, de ladite loi ;

Que l'article 29, alinéa 2, de la loi précitée définit l'injure  ;

Que l'article 32, alinéas 2, 3 et 4, de cette loi prévoit et réprime la diffamation envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, ou à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle ou de leur handicap  ;

Que ces dispositions ne sont pas applicables au litige ;

Que les autres dispositions critiquées, les articles 29, alinéa 1, 30, 31, 32, alinéa 1, et 48, 1°, à 8°, de la loi du 29 juillet 1881, l'article 32, alinéa 1, précité ayant été invoqué par le demandeur, tandis que ses termes lui ont été opposés par la juridiction comme l'excluant de la qualité de particulier, en ce que lesdites dispositions prévoient et répriment la diffamation et organisent les modalités des poursuites de ces infractions, mais ne comprennent pas, parmi les personnes ou institutions pouvant être visées par le fait diffamatoire, un Etat étranger, sont, quant à elles, applicables au litige et n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel  ;

Mais attendu que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;

Et attendu que la question posée ne présente pas un caractère sérieux ;

Attendu qu'aucune des dispositions légales critiquées ne permet à un Etat étranger, pas plus qu'à l'Etat français, d'engager une poursuite en diffamation sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, un Etat ne pouvant être assimilé à un particulier au sens de l'article 32, alinéa 1, de la loi précitée ;

Qu'il n'en résulte aucune atteinte disproportionnée au principe du recours juridictionnel effectif, puisque ces dispositions protègent les responsables et représentants de cet Etat en leur permettant de demander réparation, sur le fondement de l'article 32, alinéa 1, précité, dans les conditions qu'elles fixent et telles qu'elles résultent de leur interprétation jurisprudentielle, du préjudice consécutif à une allégation ou imputation portant atteinte à leur honneur ou leur considération ;

Qu'il est ainsi opéré une juste conciliation entre la libre critique de l'action des Etats ou de leur politique, nécessaire dans une société démocratique, et la protection de la réputation et de l'honneur de leurs responsables et représentants ;

Par ces motifs :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six février deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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