4 avril 2018
Cour de cassation
Pourvoi n° 17-15.456

Chambre sociale - Formation plénière de chambre

ECLI:FR:CCASS:2018:SO00621

Texte de la décision

SOC.

CGA



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 4 avril 2018




Cassation
sans renvoi


M. X..., conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 621 FP-D

Pourvois n° B 17-15.456
à n° M 17-15.488 JONCTION







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois n° B 17-15.456 à M 17-15.488 formés par la société La Poste, société anonyme, dont le siège est [...]                                             ,

contre trente-trois jugements rendus le 7 juin 2016 par le conseil de prud'hommes de Paris (section commerce, chambre 1), dans les litiges l'opposant respectivement :

1°/ à M. Philippe Y..., domicilié [...]                             ,

2°/ à Mme Marie-Annick Z..., épouse A..., domiciliée [...]                                 ,

3°/ à Mme Nadia B..., domiciliée [...]                        ,

4°/ à Mme Corinne C..., domiciliée [...]                                             ,

5°/ à M. Sidy D..., domicilié [...]                                  ,

6°/ à Mme Christine E..., épouse F..., domiciliée [...]                                                  ,

7°/ à Mme Laetitia G..., épouse H..., domiciliée [...]                                           ,

8°/ à M. Christophe F..., domicilié [...]                                ,

9°/ à Mme LL... II... , épouse F..., domiciliée [...]                                ,

10°/ à Mme Brigitte I..., épouse J..., domiciliée [...]                                ,

11°/ à M. John K..., domicilié [...]                                 ,

12°/ à Mme Magali L..., domiciliée [...]                                ,

13°/ à Mme Christelle M..., épouse N..., domiciliée [...]                                   ,

14°/ à M. Demba O..., domicilié [...]                              ,

15°/ à Mme Sylvie P..., domiciliée [...]                                             ,

16°/ à Mme Rachida Q..., domiciliée [...]                                     ,

17°/ à Mme Christelle R..., domiciliée [...]                          ,

18°/ à Mme Isabelle S..., domiciliée [...]                             ,

19°/ à Mme Sabrina T..., domiciliée [...]                                          ,

20°/ à Mme Stéphanie U..., domiciliée [...]                                               ,

21°/ à Mme Yamina V..., domiciliée [...]                                               ,

22°/ à M. Abdel Malik W..., domicilié [...]                              ,

23°/ à M. Michel XX..., domicilié [...]                , [...]                        ,

24°/ à Mme Karine YY..., domiciliée [...]                         ,

25°/ à M. Nestor ZZ..., domicilié [...]                                                      ,

26°/ à M. Stéphane AA..., domicilié [...]                                        ,

27°/ à Mme Isabelle BB..., domiciliée [...]                                   ,

28°/ à Mme MM... JJ... , domiciliée [...]                                             ,

29°/ à M. Franck CC..., domicilié [...]                                             ,

30°/ à Mme Jocelyne DD..., domiciliée [...]                                    ,

31°/ à Mme Cristèle EE..., domiciliée [...]                                         ,

32°/ à Mme Natacha FF..., domiciliée [...]                                       ,

33°/ à M. Christophe GG..., domicilié [...]                                     ,

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de ses pourvois, deux moyens de cassation communs annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 14 mars 2018, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, Mme HH..., conseiller référendaire rapporteur, Mme Goasguen, M. Chauvet, Mme Farthouat-Danon, M. Maron, Mme Aubert-Monpeyssen, MM. Rinuy, Pion, Schamber, Mme Slove, M. Ricour, conseillers, Mmes Ducloz, Salomon, Depelley, conseillers référendaires, Mme Rémery , avocat général, Mme Piquot, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme HH..., conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société La Poste, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. Y..., de M. GG..., de M. D..., de Mme E..., de M. F..., de Mme II..., de Mme I..., de Mme L..., de Mme M..., de M. O..., de Mme P..., de Mme Q..., de Mme R..., de Mme T..., de Mme U..., de Mme V..., de M. XX..., de Mme YY..., de M. ZZ..., de Mme BB..., de Mme JJ..., de Mme DD..., de Mme EE..., de Mme Z..., l'avis de Mme Rémery , avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la connexité, joint les pourvois n°B1715456 à M1715488 ;

Sur le second moyen :

Vu le principe d'égalité de traitement ;

Attendu que, selon la délibération du 25 janvier 1995 du conseil d'administration de La Poste, les primes et indemnités perçues par les agents de droit public et les agents de droit privé et initialement regroupées au sein d'un complément indemnitaire ont été supprimées et incorporées dans un tout indivisible appelé « complément Poste » constituant désormais de façon indissociable l'un des sous-ensembles de la rémunération de base de chaque catégorie de personnel et, selon la décision n° 717 du 4 mai 1995 du président du conseil d'administration de La Poste, la rémunération des agents de La Poste se compose de deux éléments, d'une part, le traitement indiciaire pour les fonctionnaires ou le salaire de base pour les agents contractuels, lié au grade et rémunérant l'ancienneté et l'expérience, d'autre part, le « complément poste » perçu par l'ensemble des agents, qui rétribue le niveau de fonction et tient compte de la maîtrise du poste ; qu'en application du principe d'égalité de traitement, pour percevoir un « complément Poste » du même montant, un salarié doit justifier exercer au même niveau des fonctions identiques ou similaires à celles du fonctionnaire auquel il se compare ;

Attendu, selon les jugements attaqués rendus en dernier ressort et les pièces de la procédure, que M. Y... et trente-deux autres salariés de La Poste ont saisi la juridiction prud'homale de demandes de rappel de salaires au titre du « complément Poste » pour la période allant de septembre 2009 à janvier 2014 ;

Attendu que pour faire droit aux demandes des salariés, les jugements retiennent qu'il résulte du principe d'égalité de traitement que tout employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous ses salariés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale, que, sans contester que les salariés et les fonctionnaires auxquels ils se comparent sont employés au même niveau de fonction et avec une maîtrise du poste équivalente, La Poste soutient néanmoins que le versement d'un complément Poste d'un montant supérieur au fonctionnaire référent est justifié objectivement par une ancienneté supérieure, par un « historique de carrière » spécifique aux fonctionnaires ou encore par un intitulé de poste différent, que ces explications, certes objectives, ne sont pas des justifications pertinentes de la différence observée au regard de la définition du complément Poste rappelée ci-dessus et commune à tous les agents, qu'en effet, la généralisation de l'élément de salaire « complément Poste » à tous les collaborateurs à partir de 1995 a été mise en oeuvre sur la base d'une définition claire, précise et exempte de toute référence au statut, à l'ancienneté, à la description du poste, à l'historique de carrière et a fortiori à la notion d'avantage individuel acquis, qu'en conséquence, les salariés ont donc droit à un complément Poste de même montant que celui des fonctionnaires auxquels ils se comparent, dès lors qu'ils sont l'un et l'autre employés au même niveau de fonction avec une maîtrise du poste analogue ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les salariés ne se comparaient pas à des fonctionnaires exerçant des fonctions identiques ou similaires, et que, dès lors, les intéressés n'offraient pas de démontrer être dans une situation identique ou similaire à celle des fonctionnaires considérés, le conseil de prud'hommes a violé le principe susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur le premier moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les jugements rendus le 7 juin 2016, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

REJETTE les demandes de M. Y..., Mme Z..., Mme B..., Mme C..., M. D..., Mme E..., Mme G..., M. F..., Mme II..., Mme I..., M. K..., Mme L..., Mme M..., M. O..., Mme P..., Mme Q..., Mme R..., Mme S..., Mme T..., Mme U..., Mme V..., M. W..., M. XX... , Mme YY..., M. ZZ..., M. AA..., Mme BB..., Mme JJ..., M. CC..., Mme DD..., Mme EE..., Mme FF... et M. GG... ;

Condamne les salariés aux dépens devant la Cour de cassation et les juges du fond ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des jugements cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens communs produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société La Poste

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief aux jugements attaqués d'AVOIR condamné La Poste à verser aux défendeurs, salariés de droit privé, diverses sommes à titre de rappels de "complément Poste" et de congés payés y afférents, ainsi qu'au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE "il résulte du principe "à travail égal salaire égal" dont s'inspirent les articles L.1242-14, L.1242-15, L.2261-22-9°, L.2271-1-8° et L.3221-2 du Code du travail que tout employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un travail de même valeur ou de valeur égale ; que l'identité de situation s'apprécie au regard de l'avantage concerné et qu'en application de l'article 1315 du Code civil, s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe d'égalité salariale de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence ;

QU'en l'espèce, le litige se rapporte à la différence de montant du complément Poste perçu par [M. X
] et par certains de ses collègues, fonctionnaires placés au même niveau de fonction ;

QU'il ressort du dossier que le complément Poste bénéficie depuis 1995 à l'ensemble du personnel de La Poste, quel que soit son statut, par décision du directeur de La Poste n° 717 du 4 mai 1995 publiée au bulletin des RH de La Poste et qu'il s'est substitué sous cette dénomination, à un complément indemnitaire propre aux fonctionnaires précédemment fixé à titre individuel à partir du montant cumulé de primes et indemnités acquises par ceux-ci et définitivement supprimées dans le cadre de la rénovation de la politique de rémunération de la Société La Poste ;

QUE cette décision stipule que le complément Poste est : "une entité indissociable et non plus un agrégat de primes et indemnités
" et précise que "depuis la création du complément Poste, chaque agent perçoit mensuellement un montant fixe appelé "rémunération de référence. Cette rémunération se compose de deux éléments, à savoir :
*le traitement indiciaire pour les fonctionnaires ou le salaire de base pour les agents contractuels. Cet élément est lié au grade et rémunère l'ancienneté et l'expérience,
* le complément Poste perçu par l'ensemble des agents, qui est le résultat de la simplification du régime indemnitaire
ce second élément rétribue le niveau de fonction et tient compte de la maîtrise du poste" ;

QU'il se déduit de cette définition que le montant du complément Poste ne dépend que du niveau de fonction et/ou de la maîtrise du poste, tandis que les critères d'ancienneté et d'expérience sont pris en compte expressément dans le traitement indiciaire pour les fonctionnaires ou le salaire de base pour les agents contractuels ;

QUE sans contester que [M. X
] et le fonctionnaire auquel il se compare sont employés au même niveau de fonction et avec une maîtrise du poste équivalente, La Poste soutient néanmoins que le versement d'un complément Poste d'un montant supérieur au fonctionnaire référent est justifié objectivement par une ancienneté supérieure, par un "historique de carrière" spécifique aux fonctionnaires ou encore par un intitulé de poste différent ;

QUE ces explications, certes objectives, ne sont pas des justifications pertinentes de la différence observée au regard de la définition du complément Poste rappelée ci-dessus et commune à tous les agents ; qu'en effet, la généralisation de l'élément de salaire "complément Poste" à tous les collaborateurs à partir de 1995 a été mise en oeuvre sur la base d'une définition claire, précise et exempte de toute référence au statut, à l'ancienneté, à la description du poste, à l'historique de carrière et a fortiori à la notion d'avantage individuel acquis ;

QUE c'est au demeurant ce qui avait été constaté par arrêt de la Cour de cassation du 9 décembre 2015, rappelant que "l'employeur n'est pas fondé à justifier une différence de rémunération au titre du complément Poste, entre les fonctionnaires et les agents de droit privé de même niveau exerçant les mêmes fonctions, par la nécessité de maintenir au bénéfice des fonctionnaires des primes qui leur étaient versées avant la généralisation, à compter du 1er janvier 1995, du complément Poste, lesquelles ont été incorporées dans cet élément de rémunération applicable à l'ensemble du personnel sur le critère de la fonction occupée" ;

QU'il importe aussi de relever que, dans l'accord salarial d'entreprise pour l'année 2001 signé le 10 juillet 2001, l'engagement avait été pris, sous l'intitulé "Evolution pluriannuelle", que "fin 2003, les compléments Poste des agents contractuels des niveaux I.2, I.3 et II.1 seront égaux aux montants des compléments Poste des fonctionnaires de même niveau", et qu'il ressort à l'évidence des exemples comparatifs au dossier entre agents contractuels et fonctionnaires de même niveau I.2, I.3 ou II.1 que la réalisation de cet engagement n'a pas été conduite à son terme ;

QUE de même, dans l'arrêt du 9 décembre 2015 rejetant le pourvoi de La Poste sur le jugement rendu en dernier ressort par le Conseil de prud'hommes de Paris le 29 juillet 2014, qui la condamnait à payer la différence de complément Poste demandée en application du principe d'égalité salariale, il est rappelé que "La Poste fournissait pour seules explications à cette différence, le maintien des « avantages acquis » par les fonctionnaires avant la généralisation, en 1995 de ce complément indemnitaire à l'ensemble du personnel ainsi qu'un historique de carrière distinct des fonctionnaires, contredisant ainsi le plan de convergence progressive qu'elle avait mis en place pour combler l'écart existant entre les agents de droit privé et les fonctionnaires ; qu'il en a exactement déduit que la différence de traitement n'était justifiée par aucune raison pertinente et que le principe « à travail égal salaire égal » avait été méconnu" ;

QU'en conséquence, et en application du principe d'égalité, la partie demanderesse a donc droit à un complément Poste de même montant que celui du fonctionnaire auquel elle se compare (référent Y
), dès lors qu'ils sont l'un et l'autre employés au même niveau de fonction avec une maîtrise du poste analogue ; que la Société La Poste sera donc condamnée au paiement demandé, non critiqué sérieusement dans le détail de son calcul ;

QUE sur les accords du 5 février 2015, les accords cités par la partie défenderesse n'ont réglé les situations qu'à compter de leur signature, sauf en ce qui concerne l'année 2014 pour laquelle l'accord a un effet rétroactif ; que la partie demanderesse est fondée à réclamer les compléments Poste pour les périodes sollicitées" ;

ALORS QUE les différences de traitement entre catégories professionnelles opérées par voie de conventions ou d'accords collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle ; que l'accord collectif du 5 février 2015 qui, en supprimant le complément Poste et en lui substituant une double allocation comprenant d'une part, un complément de rémunération et, d'autre part, pour certains agents bénéficiant, à sa date, d'un complément Poste plus élevé que ce complément de rémunération, une "indemnité de carrière antérieure personnelle" destinée à permettre (article II-1) "le maintien, à titre personnel, du montant du complément Poste acquis avant la date de mise en oeuvre du présent accord", et dont il est précisé qu'elle "
est héritée notamment de la perte antérieure de dispositifs de primes et indemnités", a validé pour le passé et pérennisé pour l'avenir les différences de traitement antérieures dans l'attribution du complément Poste, dont les partenaires sociaux ont ainsi reconnu qu'elles étaient non seulement fondées mais justifiées par la compensation de la perte des primes et indemnités antérieures ; qu'en retenant cependant, pour invalider la différence de traitement pratiquée pour la période antérieure à son entrée en vigueur, que cet accord n'avait " réglé les situations qu'à compter de [sa] signature, sauf en ce qui concerne l'année 2014 pour laquelle l'accord a un effet rétroactif", le Conseil de prud'hommes a violé l'article II-1 de l'accord collectif du 5 février 2015.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief aux jugements attaqués d'AVOIR condamné La Poste à verser aux défendeurs, salariés de droit privé, diverses sommes à titre de rappels de "complément Poste" et de congés payés y afférents, ainsi qu'au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE "il résulte du principe "à travail égal salaire égal" dont s'inspirent les articles L.1242-14, L.1242-15, L.2261-22-9°, L.2271-1-8° et L.3221-2 du Code du travail que tout employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un travail de même valeur ou de valeur égale ; que l'identité de situation s'apprécie au regard de l'avantage concerné et qu'en application de l'article 1315 du Code civil, s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe d'égalité salariale de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence ;

QU'en l'espèce, le litige se rapporte à la différence de montant du complément Poste perçu par [M. X
] et par certains de ses collègues, fonctionnaires placés au même niveau de fonction ;

QU'il ressort du dossier que le complément Poste bénéficie depuis 1995 à l'ensemble du personnel de La Poste, quel que soit son statut, par décision du directeur de La Poste n° 717 du 4 mai 1995 publiée au bulletin des RH de La Poste et qu'il s'est substitué sous cette dénomination un complément indemnitaire propre aux fonctionnaires précédemment fixé à titre individuel à partir du montant cumulé de primes et indemnités acquises par ceux-ci et définitivement supprimées dans le cadre de la rénovation de la politique de rémunération de la Société La Poste ;

QUE cette décision stipule que le complément Poste est : "une entité indissociable et non plus un agrégat de primes et indemnités
" et précise que "depuis la création du complément Poste, chaque agent perçoit mensuellement un montant fixe appelé "rémunération de référence. Cette rémunération se compose de deux éléments, à savoir :

*le traitement indiciaire pour les fonctionnaires ou le salaire de base pour les agents contractuels. Cet élément est lié au grade et rémunère l'ancienneté et l'expérience,
* le complément Poste perçu par l'ensemble des agents, qui est le résultat de la simplification du régime indemnitaire
ce second élément rétribue le niveau de fonction et la maîtrise du poste" ;

QU'il se déduit de cette définition que le montant du complément Poste ne dépend que du niveau de fonction et/ou de la maîtrise du poste, tandis que les critères d'ancienneté et d'expérience sont pris en compte expressément dans le traitement indiciaire pour les fonctionnaires ou le salaire de base pour les agents contractuels ;

QUE sans contester que [M. X
] et le fonctionnaire auquel il se compare sont employés au même niveau de fonction et avec une maîtrise du poste équivalente, La Poste soutient néanmoins que le versement d'un complément Poste d'un montant supérieur au fonctionnaire référent est justifié objectivement par une ancienneté supérieure, par un "historique de carrière" spécifique aux fonctionnaires ou encore par un intitulé de poste différent ; que ces explications, certes objectives, ne sont pas des justifications pertinentes de la différence observée au regard de la définition du complément Poste rappelée ci-dessus et commune à tous les agents ; qu'en effet, la généralisation de l'élément de salaire "complément Poste" à tous les collaborateurs à partir de 1995 a été mise en oeuvre sur la base d'une définition claire, précise et exempte de toute référence au statut, à l'ancienneté, à la description du poste, à l'historique de carrière et a fortiori à la notion d'avantage individuel acquis ;

QUE c'est au demeurant ce qui avait été constaté par arrêt de la Cour de cassation du 9 décembre 2015, rappelant que "l'employeur n'est pas fondé à justifier une différence de rémunération au titre du complément Poste, entre les fonctionnaires et les agents de droit privé de même niveau exerçant les mêmes fonctions, par la nécessité de maintenir au bénéfice des fonctionnaires des primes qui leur étaient versées avant la généralisation, à compter du 1er janvier 1995, du complément Poste, lesquelles ont été incorporées dans cet élément de rémunération applicable à l'ensemble du personnel sur le critère de la fonction occupée" ;

QU'il importe aussi de relever que, dans l'accord salarial d'entreprise pour l'année 2001 signé le 10 juillet 2001, l'engagement avait été pris, sous l'intitulé "Evolution pluriannuelle", que "fin 2003, les compléments Poste des agents contractuels des niveaux I.2, I.3 et II.1 seront égaux aux montants des compléments Poste des fonctionnaires de même niveau", et qu'il ressort à l'évidence des exemples comparatifs au dossier entre agents contractuels et fonctionnaires de même niveau I.2, I.3 ou II.1 que la réalisation de cet engagement n'a pas été conduite à son terme ;

QUE de même, dans l'arrêt du 9 décembre 2015 rejetant le pourvoi de La Poste sur le jugement rendu en dernier ressort par le Conseil de prud'hommes de Paris le 29 juillet 2014, qui la condamnait à payer la différence de complément Poste demandée en application du principe d'égalité salariale, il est rappelé que "La Poste fournissait pour seules explications à cette différence, le maintien des « avantages acquis » par les fonctionnaires avant la généralisation, en 1995 de ce complément indemnitaire à l'ensemble du personnel ainsi qu'un historique de carrière distinct des fonctionnaires, contredisant ainsi le plan de convergence progressive qu'elle avait mis en place pour combler l'écart existant entre les agents de droit privé et les fonctionnaires ; qu'il en a exactement déduit que la différence de traitement n'était justifiée par aucune raison pertinente et que le principe « à travail égal salaire égal » avait été méconnu" ;

QU'en conséquence, et en application du principe d'égalité, la partie demanderesse a donc droit à un complément Poste de même montant que celui du fonctionnaire auquel elle se compare, dès lors qu'ils sont l'un et l'autre employés au même niveau de fonction avec une maîtrise du poste analogue ; que la Société La Poste sera donc condamnée au paiement demandé, non critiqué sérieusement dans le détail de son calcul (
)" ;

1°) ALORS QUE le principe « à travail égal, salaire égal » impose à l'employeur d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés fournissant un même travail ou un travail de valeur égale, pour autant qu'ils sont placés dans une situation identique au regard de l'avantage considéré ; que le complément Poste, tel qu'institué pour l'ensemble des agents par la décision n° 717 du 4 mai 1995 "rétribue le niveau de fonction et tient compte de la maîtrise du poste" ; qu'il en résulte que l'employeur n'est tenu d'assurer l'égalité du complément Poste entre les fonctionnaires et les agents de droit privé que pour autant qu'ils exercent au même niveau les mêmes fonctions avec la même maîtrise personnelle du poste ; qu'en écartant la justification déduite, par La Poste, de l'absence d'identité de fonctions entre les demandeurs et les fonctionnaires référents, motif pris "que la généralisation de l'élément de salaire "complément Poste" à tous les collaborateurs à partir de 1995 a été mise en oeuvre sur la base d'une définition
exempte de toute référence
à la description du poste
", écartant ainsi la condition d'identité des fonctions occupées qui doit présider à l'attribution du complément Poste, le Conseil de prud'hommes a violé le principe d'égalité de traitement, ensemble la décision n° 717 du 4 mai 1995 susvisée ;

2°) ALORS QUE le principe « à travail égal, salaire égal » impose à l'employeur d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés fournissant un même travail ou un travail de valeur égale, pour autant qu'ils sont placés dans une situation identique au regard de l'avantage considéré ; que le complément Poste, tel qu'institué pour l'ensemble des agents par la décision n° 717 du 4 mai 1995 "rétribue le niveau de fonction et tient compte de la maîtrise du poste" ; qu'il en résulte que l'employeur n'est tenu d'assurer l'égalité du complément Poste entre les fonctionnaires et les agents de droit privé que pour autant qu'ils exercent au même niveau les mêmes fonctions avec la même maîtrise personnelle du poste ; que cette appréciation s'effectue in concreto ; qu'en l'espèce, pour accueillir la demande de chacun des trente trois salariés concernés, le Conseil de prud'hommes retient que, "la partie demanderesse a donc droit à un complément Poste de même montant que celui du fonctionnaire auquel elle se compare (référent X
), dès lors qu'ils sont l'un et l'autre employés au même niveau de fonction avec une maîtrise du poste analogue
" ; qu'en se déterminant aux termes de tels motifs abstraits et généraux, sans préciser ni les fonctions respectivement occupées au moment de la demande et pendant la période de la réclamation par le salarié demandeur et le fonctionnaire auquel il se comparaît, ni leur niveau de fonction le Conseil de prud'hommes, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du principe susvisé.

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