15 mai 2018
Cour de cassation
Pourvoi n° 17-16.166

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2018:C100496

Texte de la décision

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 mai 2018




Cassation partielle


Mme BATUT, président



Arrêt n° 496 F-D

Pourvoi n° Y 17-16.166









R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. Dominique X..., domicilié [...] ,

contre l'arrêt rendu le 7 février 2017 par la cour d'appel de Chambéry (3e chambre), dans le litige l'opposant à Mme Dominique Y..., divorcée X..., domiciliée [...] ,

défenderesse à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 27 mars 2018, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme Tardieu, conseiller référendaire rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Mouty-Tardieu , conseiller référendaire, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. X..., de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de Mme Y..., l'avis de Mme Mathorez-Marilly, avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur les deux moyens réunis :

Vu l'article 815-13 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement a prononcé le divorce de M. X... et de Mme Y..., mariés sous le régime de la séparation de biens ;

Attendu que, pour rejeter la demande de M. X... en fixation de sa créance sur l'indivision au titre du remboursement du prêt contracté par lui pour l'acquisition d'un bien immobilier indivis, l'arrêt retient qu'en sa qualité d'unique souscripteur du prêt, il est seul tenu envers la banque au paiement des échéances ;

Qu'en statuant ainsi, alors que M. X... n'était plus débiteur d'une contribution aux charges du mariage après le 25 novembre 2010, date des effets du divorce quant aux biens des époux, de sorte que les échéances du prêt remboursées postérieurement à cette date, nécessaires à la conservation du bien indivis, ouvraient droit à une créance sur l'indivision, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu que la cassation ainsi prononcée ne saurait entraîner la cassation par voie de conséquence, contraire aux intérêts de M. X..., du chef du dispositif de l'arrêt relatif à la prestation compensatoire, qui ne s'y rattache par aucun lien de dépendance nécessaire ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de M. X... tendant à ce que sa créance sur l'indivision constituée sur l'appartement de [...] au titre l'article 815-13 du code civil soit fixée à la somme de 208 168,49 euros, représentant le solde restant dû en capital sur le prêt bancaire, arrêté au 25 novembre 2010, date des effets du divorce quant aux biens des époux, l'arrêt rendu le 7 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande subsidiaire de Monsieur X..., formée pour le cas où la cour d'appel estimerait que le remboursement du prêt pour le financement de l'appartement situé à [...] participerait de sa contribution aux charges du mariage, tendant à ce que sa créance sur l'indivision au titre l'article 815-13 du code civil soit à tout le moins fixée à la somme de 208.168,49 €, représentant le solde restant dû en capital sur ce prêt, arrêté au 25 novembre 2010, date des effets du divorce quant aux biens des époux et, en conséquence, purement et simplement rejeté, par confirmation du jugement, la demande formée par M. Dominique X... aux fins de fixation à son profit d'une créance sur l'indivision au titre du financement de cet immeuble ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'ainsi que l'a rappelé le premier juge, le contrat de mariage des époux stipulait expressément que les futurs époux contribueraient aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives, conformément aux dispositions des articles 214 et 1357 du code civil et que chacun d'eux serait réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive en sorte qu'il ne serait assujetti à aucun compte entre eux, ni à retirer à ce sujet aucune quittance l'un de l'autre ; que M. Dominique François X... exerçait et continue d'exercer une activité d'ostéopathe en France et en Suisse, dégageant de ce fait des revenus importants, en tout état de cause beaucoup plus importants que ceux dégagés par l'activité de Mme Dominique Noëlle Y..., ainsi que cela sera examiné ultérieurement, notamment en 2004 soit à la date de l'acquisition du bien ; que le bien d'une valeur très importante en 2004, plus de 500.000 €, l'a été en partie au moyen de fonds propres, démontrant ainsi que les époux disposaient d'un patrimoine important et d'un train de vie confortable, essentiellement dus à l'activité de M. Dominique François X..., la faiblesse des pensions de retraites actuelles de l'épouse démontrant la faiblesse de ses revenus de l'époque ; qu'en tout état de cause, les sociétés DD CO et ID Co exploitées par Mme Y... ont été dissoutes en 2002, 2003 et 2004 avec un déficit de plus de 81.000 €, ainsi que M. X... le reconnaît lui-même dans ses écritures, ce qui suppose que Mme Y... ne disposait plus de revenus tirés de ces gérances ; que le bien acquis à [...] constituait la résidence secondaire du couple ; que le financement d'un bien indivis, même s'il s'agit comme au cas d'espèce d'une résidence secondaire, constitue bien une charge du mariage de l'époux telle que l'a retenue le premier juge, dès lors que la contribution plus importante de M. Dominique François X... pour le financement de ce bien était parfaitement en rapport et conforme à ses revenus au sein du couple ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement qui a débouté M. Dominique François X... de sa demande de reconnaissance d'une créance d'indivision au titre du financement du bien immobilier de [...], en l'absence de toute démonstration que la participation de l'époux ait excédé ses facultés contributives ; que M. Dominique François X... sollicite enfin, dès lors que la cour admettrait le principe de la contribution aux charges du mariage, que sa créance soit fixée à tout le moins au capital restant dû au 25 novembre 2010, date des effets du divorce quant aux biens, soit pour la somme de 277.093 ,08 francs suisses ou sa contrevaleur en euros pour 208.168,49 € ; que M. Dominique François X... étant seul souscripteur du prêt, il a donc l'obligation contractuelle de le rembourser ; qu'il sera en conséquence débouté de ce chef de demande ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE les époux ont acquis le 29 juillet 2004 un appartement situé à [...] (Alpes Maritimes) au prix de 510.010 € ; que M. X... expose avoir financé seul cette acquisition au moyen notamment du produit de la vente de son studio d'[...] intervenue le 6 août 2003, d'un montant de 24.400 €, remis sur le compte-joint des époux, de la remise d'un chèque de 24.206,56 € sur le compte-joint des époux et d'un prêt contracté auprès du Crédit Lyonnais Suisse d'un montant de 570.000 francs suisses, soit 371.335,50 €, sur laquelle la somme de 116.335,50 € a été mise à la disposition de Mme X... pour qu'elle s'acquitte de la partie du prix à sa charge ; que Mme Y... ne conteste pas que, sur le prix de vente de l'appartement, la somme de 48.606 € ait été apportée par M. X... seul (24.400 + 24.206) ; que de plus, il résulte des pièces versées aux débats que M. X... a contracté seul un prêt auprès du Crédit Lyonnais Suisse aux fins de permettre à son épouse de régler sur le prix de vente la somme de 116.335,50 € ; que toutefois, le contrat de mariage des époux stipulait que les futurs époux contribueraient aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives, conformément aux dispositions des articles 214 et 1537 du code civil, et que chacun d'eux serait réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu'ils ne seraient assujettis à aucun compte entre eux, ni à retirer à ce sujet aucune quittance l'un de l'autre ; qu'or M. X... ne conteste pas qu'il percevait au cours du mariage des revenus bien plus importants que ceux de son épouse tirés de son activité d'ostéopathe exercée en France et en Suisse, ni que les époux avaient un train de vie conséquent, tel que cela ressort des mouvements de fonds apparaissant sur le compte joint des époux en 2003 et 2004, à une époque contemporaine à l'achat de la résidence secondaire de [...] ; qu'il convient également de souligner que les époux ont été en mesure de s'acquitter d'une part non négligeable du prix de vente, avoisinant 180.000 €, à l'aide de fonds propres sans avoir recours à un emprunt ; que dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le financement, par M. X..., de l'acquisition de la résidence secondaire des époux, en rapport avec les revenus du mariage, participait de l'exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage ; que dès lors, en l'absence de preuve que cette participation ait excédé les facultés contributives de M X..., la demande formée par l'intéressé aux fins de reconnaissance d'indivision au titre du financement de la résidence secondaire sera rejetée ;

ALORS QUE le remboursement au moyen des derniers personnels de l'un des époux de l'emprunt contracté pour le financement d'un immeuble indivis constitue une dépense nécessaire à la conservation de cet immeuble qui lui ouvre droit à indemnité, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que l'époux qui l'a assumée était seul souscripteur du prêt et donc seul tenu de le rembourser à l'égard de la banque ou que ce prêt était au contraire souscrit au nom des deux époux ; qu'en déboutant M. X... de sa demande tendant à la fixation à son profit d'une créance sur l'indivision, s'agissant du financement de l'appartement indivis de [...], y compris au titre des mensualités d'emprunt échues postérieurement à l'extinction de son obligation de contribuer aux charges du mariage, au motif qu'il était le seul souscripteur du prêt et donc seul tenu contractuellement de le rembourser, la cour d'appel, qui a subordonné le droit à indemnité du coindivisaire solvens à la condition, non prévue par la loi, que la dépense nécessaire à la conservation de l'immeuble ait constitué une dette commune aux propriétaire indivis, a violé l'article 815-13 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. Dominique X... à payer à Mme Dominique Y... une prestation compensatoire à hauteur de 120.000 € ;

AUX MOTIFS D'ABORD QUE le divorce met fin au devoir de secours, mais que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ; que cette prestation est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; que dans la détermination des besoins et des ressources, le juge prend en considération notamment : l'âge et l'état de santé des époux, la durée du mariage, les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps déjà consacré ou qu'il faudra encore y consacrer, ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne, leur qualification et leur situation professionnelles, leur situation respective en matière de pension de retraite, leur patrimoine estimé ou prévisible tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial, leurs droits existants et prévisibles ;

AUX MOTIFS ENSUITE QU'au regard du projet d'état liquidatif, les droits de M. Dominique François X..., sauf compte plus précis à établir notamment à la lumière du présent arrêt, seraient de l'ordre de 380.000 € et ceux de Mme Dominique Noëlle Y... de l'ordre de 400.000 € ; que dès lors, il est bien justifié d'une disparité dans les conditions de vie respectives des parties au détriment de l'épouse du fait de la rupture du lien conjugal, disparité tenant tant à la grande différence de revenus actuels entre les deux parties, qu'aux droits de la retraite certains pour Mme Dominique Noëlle Y... et à venir pour M. Dominique François X..., ainsi qu'aux valeurs patrimoniales de chacun acquises au cours du mariage ; qu'en égard à la durée du mariage, il convient de confirmer le jugement qui a condamné M. Dominique François X... à payer à Mme Dominique Noëlle Y... une prestation compensatoire en capital de 120.000 € ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE les droits des parties dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial, qui seront à recalculer en tenant compte de la date de liquidation et de la créance d'indivision de M. X... au titre de la gestion du bien indivis, non pris en compte par le notaire, sont de l'ordre de 380.000 € pour M. X... et de 400.000 € pour Mme Y... ; qu'au regard de ces éléments, il apparaît établi que la rupture du mariage entraîne une disparité importante dans les conditions de vie des époux, au détriment de l'épouse, qui sera néanmoins atténuée par la perception d'un capital conséquent à l'issue des opérations de liquidation du régime matrimonial ;

ALORS QUE le droit à prestation compensatoire devant notamment s'apprécier au regard de la situation des époux après la liquidation du régime matrimonial, toute modification des bases de cette liquidation est susceptible d'influer sur l'appréciation de ce droit et sur le quantum de la prestation compensatoire ; qu'aussi bien, la cassation qui ne manquera pas d'intervenir sur le premier moyen entraînera l'annulation par voie de conséquence du chef de l'arrêt qui statue sur la prestation compensatoire, ce en application de l'article 624 du code de procédure civile.

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