16 mai 2018
Cour de cassation
Pourvoi n° 17-16.359

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2018:C100511

Texte de la décision

CIV. 1

IK



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 mai 2018




Cassation


Mme BATUT, président



Arrêt n° 511 F-D

Pourvoi n° G 17-16.359







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. Mathieu X..., domicilié [...] ,

contre l'arrêt rendu le 22 mars 2017 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile A), dans le litige l'opposant à la Société générale, société anonyme, dont le siège est [...] ,

défenderesse à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 5 avril 2018, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Avel, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Avel, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. X..., de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de la Société générale, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant offre acceptée le 16 septembre 2009, M. X... (l'emprunteur) a souscrit un prêt immobilier de 250 000 euros auprès de la Société générale (la banque) et a adhéré à un contrat d'assurance de groupe « décès et perte totale et irréversible d'autonomie » garantissant les prêts destinés au financement d'un bien à usage locatif, souscrit par la banque auprès de la société Sogecap ; qu'à la suite d'un arrêt de travail, l'emprunteur, soutenant que la banque avait manqué à ses obligations d'information et de conseil à son égard, l'a assignée en indemnisation ;

Attendu que, pour rejeter ses demandes, l'arrêt retient que l'emprunteur ne démontre pas avoir demandé à la banque de lui accorder un prêt garanti par une assurance décès-invalidité incapacité de travail destiné au financement de la résidence principale, et que l'ambiguïté de la mention « locatif résidence principale » figurant sur les documents contractuels est dissipée par les autres éléments du dossier desquels il ressort que le bien financé était destiné à la location, de sorte qu'aucun manque d'information et de conseil ne peut être imputé à la banque ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la banque avait éclairé M. X... sur l'adéquation du risque couvert par le contrat avec sa situation personnelle d'emprunteur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bastia, autrement composée ;

Condamne la Société générale aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. X...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté M. X... de l'intégralité de ses demandes formées à l'encontre de la Société Générale ;

AUX MOTIFS QUE M. X... agit en responsabilité contractuelle contre la banque, en lui reprochant d'avoir été négligente dans la gestion de son dossier et d'avoir failli à son obligation de conseil et d'information en ne tenant pas compte de sa demande expresse d'obtention d'un prêt immobilier destiné non pas à la location mais à sa résidence principale, et de l'avoir en conséquence orienté vers la souscription d'une assurance «Décès-PTIA»
(perte totale et irréversible d'autonomie), suffisante en cas d'emprunt en vue de la location, au lieu d'une assurance «DIT» (décès-invalidité-incapacité de travail), indispensable en cas d'emprunt pour le financement d'une résidence principale ; qu'ainsi que l'a exactement relevé le premier juge, suivant en cela l'argumentation de M. X..., tant la demande de prêt du 3 juillet 2009 que l'offre de prêt du 4 septembre 2009 comportent, pour le premier de ces documents, à la rubrique «objet du prêt» et pour le second à la rubrique «destination des fonds» une mention ambiguë : «locatif résidence principale» ; que cette mention indique à la fois que le bien est destiné à la location et qu'il est destiné à la résidence principale, de sorte qu'en l'absence d'autres indications, l'emprunteur aurait pu se méprendre sur l'objet de l'opération ; que cependant, c'est à tort, en s'appuyant sur l'article 1162 du code civil pour juger que dans le doute la convention doit s'interpréter contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation, que le premier juge a fait droit à la demande de M. X..., puisque le litige concerne non pas l'interprétation de la convention et ses conséquences sur l'application des clauses - M. X... ne demandant pas la mise en jeu de la garantie de l'assurance - mais le manquement du prêteur à ses obligations de conseil et d'information au moment de la formation du contrat, qui ouvrirait droit à dommages-intérêts ; que sur ce point, M. X..., à qui il incombe de prouver qu'il avait exprimé un tel choix à sa cocontractante, ne démontre pas avoir explicitement demandé à la société générale de lui accorder un prêt au titre de sa résidence principale ; qu'en effet : - La demande de prêt du 3 juillet 2009, qu'il verse lui-même aux débats, et qu'il reconnaît avoir signée, contient certes la mention «locatif résidence principale», mais également l'indication suivante, à la rubrique «description du bien» : montant du loyer à percevoir : 950 euros. En outre, M. X... et son épouse avaient fourni un avis de valeur locative du bien, établi par une agence immobilière le 9 juillet 2009, avis dont on perçoit mal l'intérêt si le bien n'est pas destiné à être loué. La demande de prêt contient le détail des assurances : décès/PTIA Sogecap ; que le 10 juillet 2009 M. X... a reçu, et signé, la fiche d'information indiquant que le prêt sollicité est destiné à l'investissement locatif, et qu'il sera couvert par l'assurance décès-PTIA ; que par conséquent, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, aucun élément, tiré de la demande de prêt ou de toute autre pièce, ne permet d'affirmer que l'emprunteur et le prêteur s'étaient entendus sur le principe d'un prêt pour l'acquisition de la résidence principale de l'emprunteur et, à cet égard, la destination finale effective du bien est inopérante ; que l'ambiguïté de la mention litigieuse se trouve dissipée par les autres mentions contractuelles ainsi que par les copies des documents internes de la banque, qui n'ont certes pas de valeur contractuelle mais qui concordent avec les autres éléments: il s'agissait d'un bien destiné à la location à titre de résidence principale, par opposition à la location saisonnière ; que - L'offre de prêt du 4 septembre 2009, signée par M. X... le 16 septembre 2009, s'intitule clairement «Solution Investissement locatif» même si plus bas est reprise la formule litigieuse «Locatif résidence principale». Il y est mentionné que l'opération est couverte par l'assurance «décès PTIA», le tableau d'amortissement indiquant qu'elle coûte 75 euros par mois. Enfin les conditions générales, que M. X... a reconnu par sa signature avoir reçues, donnent une information exhaustive sur les modalités d'assurance, en distinguant selon que le prêt est ou non destiné à financer une habitation principale ou un investissement locatif ; que le 31 novembre 2009, M. X... a signé la demande d'adhésion à l'assurance décès-PTIA en toute connaissance de cause ; que par conséquent aucun manque d'information et de conseil ne peut être reproché à la Société Générale ; le jugement déféré sera infirmé dans toutes ses dispositions et les demandes de M. X... seront rejetées ;

1° ALORS QUE les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs s'interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au consommateur ; qu'en retenant que le contrat de prêt comportait à la rubrique « destination des fonds » une mention ambiguë, « locatif résidence principale », tout en refusant d'interpréter cette clause dans le sens le plus favorable à M. X..., qui soutenait que le prêt litigieux était destiné à financer sa résidence principale, la cour d'appel a violé l'article L. 133-2 ancien, devenu l'article L. 211-1, du code de la consommation ;

2° ALORS QUE les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs s'interprètent toujours en cas de doute dans le sens le plus favorable au consommateur, que l'enjeu du litige soit l'exécution du contrat ou la responsabilité du professionnel ; qu'en refusant d'interpréter la clause litigieuse relative à la destination dans le sens le plus favorable à M. X..., au motif que le litige concernait le manquement du prêteur à ses obligations de conseil et d'information au moment de la formation du contrat, et non l'interprétation de la convention et ses conséquences sur l'application des clauses, la cour d'appel a violé l'article L. 133-2 ancien, devenu L. 211-1, du code de la consommation ;

3° ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motif ; qu'en jugeant qu'aucune pièce ne permettait d'établir que l'emprunteur et le prêteur s'étaient entendus sur la destination du bien financé (arrêt, p. 6, al. 2), tout en retenant que l'ambiguïté de la clause stipulant un usage du bien « locatif résidence principale » se trouvait dissipée par les autres mentions contractuelles ainsi que les copies des documents internes de la banque (arrêt, p. 6, al. 3), la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4° ALORS QU'en toute hypothèse, le banquier prêteur qui propose à son client d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'il a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenu de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur, la remise de la notice ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation ; qu'en se bornant, pour juger que la banque n'avait pas manqué à son obligation d'information et de conseil, à rechercher la destination du bien et à examiner les mentions des documents remis à M. X..., à savoir la demande de prêt, l'offre de prêt et les conditions générales de la banque, quand la seule destination du bien n'était pas de nature à exclure le devoir de conseil du banquier, et sans rechercher, comme elle y était invitée, si la banque avait éclairé M. X... sur l'adéquation du risque couvert par le contrat avec sa situation personnelle d'emprunteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce ;

5° ALORS QU'en toute hypothèse, le banquier, tenu d'éclairer son client sur l'adéquation des risques couverts par l'assurance emprunteur à sa situation personnelle, doit s'assurer que son client a conscience des limites de la garantie souscrite, la remise de la notice ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation ; qu'en se bornant, pour juger que M. X... s'était engagé en toute connaissance de cause, à relever qu'il résultait des documents qui lui avait été remis que le bien financé était destiné à la location, et que l'assurance souscrite était par conséquent une assurance décès/PTIA, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la banque avait éclairé M. X... sur les conséquence de l'absence d'assurance DIT couvrant le risque invalidité, et si M. X... avait ainsi conscience des limites des garanties souscrites dans le cadre du contrat d'assurance décès/PTIA, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce ;

6° ALORS QU'en toute hypothèse, la banque est tenue de se renseigner sur la situation personnelle de son client emprunteur afin de lui proposer une assurance en adéquation avec ses besoins ; qu'en retenant, pour écarter tout manquement de la banque à son obligation d'information et de conseil, que M. X... n'établissait pas avoir explicitement demandé à la banque un prêt au titre de sa résidence principale, et qu'aucune pièce ne permettait d'établir que l'emprunteur et le prêteur s'étaient entendus sur la destination du bien financé (arrêt, p. 5, pén. al. et p. 6, al. 2), quand il revenait à la banque de se renseigner sur la situation personnelle de l'emprunteur afin de lui proposer une assurance adaptée à sa situation personnelle, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce.

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