30 mai 2018
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-81.697

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2018:CR01601

Texte de la décision

N° Y 18-81.697 F-D

N° 1601


AB8
30 MAI 2018


REJET


M. SOULARD président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente mai deux mille dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller ZERBIB, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GAILLARDOT ;


Statuant sur le pourvoi formé par :


-
M. C... Z... ,


contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 2 mars 2018, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef d'assassinat, a rejeté sa demande de mise en liberté ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 66 de la Constitution, 6 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 181 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de mise en liberté ;

"aux motifs que « l'article 181 du code de procédure pénale dispose que l'accusé détenu doit comparaître devant la cour d'assises avant l'expiration d'un délai d'un an à compter de la date à laquelle la décision de mise en accusation est devenue définitive. Ce délai peut être prolongé, à titre exceptionnel, pour deux nouvelles périodes de six mois (alinéa 9). Les dispositions de l'article 181 n'imposent pas cependant qu'une décision au fond soit rendue avant l'expiration du délai légal d'un an. Il est satisfait aux exigences légales dès lors que l'accusé a comparu devant la cour d'assises et que les débats ont été ouverts, même si l'affaire, comme en l'espèce, a ensuite été renvoyée à une session ultérieure. Contrairement à ce qui est soutenu, la jurisprudence ne fait aucune distinction entre les renvois sollicités par la défense et les renvois ordonnés par la cour d'assises, notamment pour supplément d'information. » ; qu'ainsi, la chambre de l'instruction n'avait pas à être saisie d'une demande de prolongation de la détention provisoire à titre exceptionnelle, ces dispositions n'étant applicables que si l'affaire n'a pas été évoquée devant la cour d'assises dans le délai précité d'un an, ce qui n'est pas le cas puisque l'audience sur le fond s'est ouverte le 4 décembre 2017 ; qu'il apparaît en conséquence que M. Z... est régulièrement détenu en vertu du mandat de dépôt décerné qui conserve sa force exécutoire jusqu'à son jugement par la cour d'assises ; qu'il ne peut donc être prétendu que M. Z... est détenu arbitrairement depuis le 26 février 2018 ;

"alors que l'article 181, alinéas 7 à 9, du code de procédure pénale, en ce qu'il n'exige pas que le juge d'instruction statue, par une ordonnance motivée, sur le maintien ou non en détention provisoire du mis en examen lorsqu'il met ce dernier en accusation, n'impose pas qu'une décision au fond soit rendue avant l'expiration du délai légal d'un an et permet après comparution de l'accusé dans ce délai et renvoi à une session ultérieure indéterminée, un maintien en détention au-delà du délai d'un an, sans terme déterminé ni saisine de la chambre de l'instruction aux fins de prolongation dans les conditions prévues par son alinéa 9, est contraire aux droits et libertés garantis par la Constitution et notamment, à la liberté individuelle, à la présomption d'innocence et au principe d'égalité garantis par les articles 66 de la Constitution et 6 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que l'annulation de cette disposition ou la formulation d'une éventuelle réserve d'interprétation par le Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité en application de l'article 61-1 de la Constitution, privera l'arrêt attaqué de base légale" ;

Attendu que le moyen est devenu sans objet dès lors que la Cour de cassation a dit, par arrêt de ce jour, n'y avoir lieu de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 181, alinéas 7 à 9, du code de procédure pénale ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 5, § 3, et 6, §1, de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 144-1 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de mise en liberté ;

"aux motifs que M. Z... est détenu depuis le 3 juin 2014 ; que l'ordonnance de mise en accusation a été rendue par le magistrat instructeur, le 2 décembre 2016 ; que la chambre de l'instruction saisie par M. Z... a statué par arrêt du 21 février 2017, après des débats à l'audience du 7 février 2017 ; que la procédure a été audiencée sur la session de la cour d'assises des Alpes de Haute-Provence du mois de décembre 2017, soit 9 mois après que la décision soit devenue définitive le 8 mars ; que s'agissant de fait d'assassinat qui ont nécessité de longues et minutieuses investigations, suite à la fuite de M. Z..., compte tenu des contradictions, dénégations de certains témoins, de la soustraction de preuves par certains membres de sa famille, et que la réserve adoptée ensuite dans ses déclarations par l'intéressé n'a guère facilitées, l'information, en dépit de sa durée n'a connu aucun retard ; que compte tenu de ses éléments, et des implications de l'exercice légitime de voies de recours instituées par la loi, la durée de la détention provisoire subie par M. Z... jusqu'à sa comparution devant la cour d'assises en décembre 2017 n'apparaît pas revêtir un caractère excessif ni non plus disproportionné ; que le délai de convocation devant la cour d'assises des Alpes de Haute-Provence, ne peut d'avantage être critiqué, étant en bien deçà du délai maximum prévu par la loi ; qu'à cet égard la jurisprudence citée dans le mémoire n'apparaît pas adaptée à la situation de M. Z..., aucun retard lié à des dysfonctionnements imputables aux différentes juridictions saisies ne pouvant être invoqué ; qu'il sera observé enfin, qu'en application de l'article 283 du code de procédure pénale, le président de la cour d'assises peut procéder lui-même aux actes d'information ordonnés, la désignation d'un juge d'instruction n'étant qu'une faculté ; qu'il ne peut donc être tiré aucun argument de l'absence de désignation d'un magistrat instructeur à la suite de l'arrêt du 7 décembre 2018 ; que le ministère public indique que la procédure pourrait être de nouveau évoquée au mois de mai, après exécution du supplément d'information ; que quant à la détention qu'aurait subie M. Z... en Algérie suite au mandat d'arrêt qui avait été délivré par le juge d'instruction le 22 février 2013 ; qu'il sera observé que M. Z... a été interpellé par les autorités algériennes le 27 février 2013, après que le magistrat instructeur ait saisi ces mêmes autorités d'une demande d'entraide, les interceptions téléphoniques ayant permis d'apprendre que celui-ci et sa famille allaient se rendre en Algérie pour se marier avec sa compagne A... X... ; qu'il ressort des documents adressés par les autorités algériennes au mois de février 2013, que la chambre criminelle constatant l'absence de demande formelle d'extradition conforme à la convention d'entraide franco algérienne du 27 août 1964, après plusieurs ajournements, a déclaré irrecevable la demande adressée par le procureur général de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et décidé, par arrêt du 6 juin 2013 de remettre M. Z... en liberté ; que M. Z... a donc été détenu du 27 février 2013 au 6 juin 2013 en exécution du mandat d'arrêt ; qu'en application des dispositions combinées des articles 716-4 et 803-4 du code de procédure pénale, cette période de détention devra être déduite de la peine qui serait effectivement prononcée, mais n'a pas à être prise en compte au titre de la détention provisoire ; que le point de départ de la détention provisoire se situant en matière d'extradition, en tout état de cause qu'à compter de l'écrou en France après la remise ; que M. Z... est rentré en France à une date indéterminée, par ses propres moyens, vraisemblablement en utilisant le passeport de son frère, et a été interpellé en France plus d'un an plus tard, le 2 juin 2014 suite à un autre mandat de recherche ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, et au regard de la gravité des faits et des charges qui pèsent en l'état sur celui-ci, il ne peut donc être considéré que la détention provisoire subie par M. Z... a excédé un délai raisonnable, la mesure de contrainte ayant été limitée aux nécessités de la procédure et proportionnées à la gravité de l'infraction, au regard des garanties présentées par celui-ci ;

"1°) alors que la durée de la détention provisoire ne doit pas excéder le délai raisonnable ; que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en se déterminant par des motifs qui ne justifient pas de l'accomplissement d'une quelconque diligence aux fins d'exécution du supplément d'information ordonné depuis le 7 décembre 2017 et sont hypothétiques quant à la date à laquelle l'affaire pourrait être évoquée et quant au magistrat ayant effectivement pris en charge l'exécution de ce supplément d'information, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifiée sa décision ;

"2°) alors que la durée de la détention provisoire ne doit pas excéder le délai raisonnable ; que la durée de détention provisoire effectuée à l'étranger, pour les mêmes faits, sur demande d'entraide du juge d'instruction, doit être prise en compte ; qu'en s'en abstenant, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. Z..., placé sous mandat de dépôt en France depuis le 3 juin 2014, a été mis en accusation, par arrêt du 21 février 2017, du chef de l'assassinat de Thierry B..., survenu le 7 décembre 2012, et renvoyé devant la cour d'assises des Alpes de Haute-Provence devant laquelle il a comparu à partir du 4 décembre 2017 et qui, par arrêt du 7 décembre 2017, a ordonné un supplément d'information et renvoyé l'examen de l'affaire à une audience ultérieure ; que M. Z... a formé une demande de mise en liberté le 21 février 2018 ;

Sur le moyen, pris en sa première branche :

Attendu que, pour rejeter cette demande et écarter l'argumentation de M. Z... selon laquelle sa détention provisoire excédait un délai raisonnable, la chambre de l'instruction retient notamment que ce dernier, après avoir fui à l'étranger et être revenu en France où il a été interpellé et mis en détention le 3 juin 2014, puis mis en accusation par ordonnance du juge d'instruction du 2 décembre 2016 confirmée, sur son appel, par arrêt de la chambre de l'instruction du 21 février 2017, a comparu devant la cour d'assises le 4 décembre 2017, soit neuf mois après que cette décision soit devenue définitive ; que l'assassinat dont M. Z... est accusé a nécessité de longues et minutieuses investigations que sa fuite en Tunisie et en Algérie n'ont pas facilitées et qui ont été rendues nécessaires à la suite de la soustraction des preuves par des membres de sa famille et des variations des dépositions de certains témoins ; que les juges ajoutent qu'il ne peut être considéré que constitue un dysfonctionnement des services judiciaires générateur d'un retard injustifié le fait qu'au 2 mars 2018, un juge d'instruction n'ait pas encore été délégué pour accomplir le supplément d'information ordonné le 7 décembre 2017 par la cour d'assises, le président de cette juridiction ou l'un de ses assesseurs pouvant y procéder ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction qui, statuant par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction, a répondu à tous les chefs péremptoires de conclusions, vérifié que la détention provisoire de l'accusé n'a pas excédé un délai raisonnable et caractérisé les circonstances qui en expliquent la durée, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le grief n'est pas fondé ;

Sur le moyen, pris en sa seconde branche :

Attendu que, pour écarter la demande de prise en compte de la détention subie en Algérie par M. Z... en exécution d'un mandat d'arrêt délivré par le juge d'instruction, l'arrêt énonce notamment que, si elle sera déduite de la peine qui viendrait à être ultérieurement prononcée, la durée de cette incarcération allant du 27 février au 6 juin 2013, date à laquelle il a été remis en liberté par la Chambre criminelle en l'absence d'une demande formelle d'extradition conforme à la convention franco-algérienne du 27 août 1964, en exécution du mandat d'arrêt dont il a fait l'objet après que le juge d'instruction a saisi les autorités algériennes d'une demande d'entraide, n'entre pas, en l'état de la procédure, dans le décompte de sa détention provisoire au regard de l'article 803-4 du code de procédure pénale qui dispose que les délais de détention ne courent qu'à compter de la remise aux autorités françaises ou du retour sur le territoire national de la personne arrêtée à l'étranger, l'intéressé étant en l'espèce rentré en France par ses propres moyens, vraisemblablement en utilisant le passeport de son frère, à une date indéterminée et où il a été interpellé le 2 juin 2014 en exécution d'un mandat de recherche ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Zerbib, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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