20 juin 2018
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-40.017

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2018:C100768

Titres et sommaires

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE - droit des étrangers - code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile - article l. 611-1-1 - interprétation constante - liberté d'aller et venir - principe d'égalité devant la loi - compétence de l'autorité judiciaire - principe d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi - droits de la défense - droit à un recours juridictionnel effectif - articles 1, 2, 4, 6, 7, 8, 9 et 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen - préambule de la constitution de 1958 - articles 1er, 34 et 66 de la constitution - caractère sérieux - défaut - non-lieu à renvoi au conseil constitutionnel

Texte de la décision

CIV. 1

COUR DE CASSATION



LM


______________________

QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________





Audience publique du 20 juin 2018




NON-LIEU A RENVOI


Mme BATUT, président



Arrêt n° 768 F-P+B

Affaire n° U 18-40.017







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu l'ordonnance rendue le 6 avril 2018 par le tribunal de grande instance de Paris, transmettant à la Cour de cassation les questions prioritaires de constitutionnalité, reçues le 9 avril 2018, dans l'instance mettant en cause :

D'une part,

M. A... Z..., domicilié [...],

D'autre part,

le préfet de police, domicilié [...] ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 19 juin 2018, où étaient présents : Mme Batut, président, Mme Gargoullaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, M. Sassoust, avocat général, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Gargoullaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. Z..., l'avis de M. Sassoust, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;


Attendu que M. Z..., dont l'identité et les titres de circulation et de séjour ont été vérifiés à l'occasion d'un contrôle ordonné sur le fondement de l'article 78-2 du code de procédure pénale, n'a pas été placé sous le régime de la retenue prévu à l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), mais invité à suivre les fonctionnaires de police jusqu'au service où son placement en rétention lui a été notifié ; que le préfet a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande de prolongation de la mesure ; que M. Z... a, par mémoire distinct et motivé, présenté deux questions prioritaires de constitutionnalité, dont la transmission à la Cour de cassation a été ordonnée dans les termes suivants :

"Les dispositions de l'article L. 611-1-1 du CESEDA tel que créé par la loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012, tel qu'interprété par la Cour de cassation notamment aux termes de ses arrêts de la 1re chambre civile du 13 juillet 2016 (n° 15-22.855) et 18 novembre 2015 (n° 14-25.877), en ce qu'ils retiennent que le régime légal de la retenue ne s'impose pas dès lors que l'irrégularité de la situation administrative de l'étranger est apparue dès son interpellation (ce qui est également le cas lorsque il est décidé de placer en retenue l'étranger), permettant ainsi aux seuls services de police de décider, en dehors de tout critère objectif légal puisque la situation administrative est quasi systématiquement révélée dès l'issue du contrôle du titre de séjour, de décider dès lors arbitrairement si l'étranger va bénéficier des garanties instituées par l'article L. 611-1-1 du CESEDA ;

Portent-elles une atteinte injustifiée aux droits et libertés garanties notamment par les articles 1, 4, 6 et 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et 66 de la Constitution, tels que la liberté d'aller et venir ainsi que les principes d'égalité devant la loi et d'indivisibilité de la République, le principe de la liberté individuelle d'aller et venir, la compétence de l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle ? Mais également, aux principes constitutionnels ou à valeur constitutionnelle de proportionnalité, de légalité, de sécurité juridique, de prévisibilité devant la justice et devant la loi, d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi qui commande au législateur de prémunir les sujets de droit de tous risques d'arbitraire, d'interprétation stricte de la loi, corollaire du principe de légalité, du principe des droits de la défense et à son corollaire, aux droits de ne pas faire l'objet d'arrestations d'une rigueur non nécessaire, au droit à l'égalité devant la loi et devant la justice, du droit à un recours juridictionnel effectif, tels que découlant notamment par les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, par les articles 1, 2, 4, 6, 7, 8, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et le préambule de la Constitution de 1958 et les articles 1er, 34 et 66 de la Constitution ?" ;

Attendu que la disposition contestée est applicable au litige ;

Que, si une partie de cette disposition a déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif de la décision n° 2016-606/607 QPC rendue le 24 janvier 2017 par le Conseil constitutionnel, elle n'a pas été examinée par celui-ci au regard de la portée effective que lui conférerait l'interprétation jurisprudentielle invoquée par les questions, de sorte qu'à cet égard elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

Mais attendu, d'une part, que les questions, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, ne sont pas nouvelles ;

Et attendu, d'autre part, que les questions ne présentent pas un caractère sérieux en ce qu'elles ne sont entachées d'aucune méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ; qu'en effet, conformément à l'article L. 551-2 du CESEDA, qui prévoit les circonstances dans lesquelles un étranger peut être placé en rétention, notamment après son interpellation ou lors de sa retenue, l'intéressé doit recevoir notification de la décision de placement en rétention et être informé de ses droits dans les meilleurs délais, qui s'entendent compte tenu du temps requis pour informer chaque étranger de ses droits lorsqu'un nombre important d'étrangers doivent être simultanément placés en rétention, ce qui garantit à l'intéressé une information aussi rapide que possible des droits qu'il peut exercer ; que, dès lors, l'absence de placement en retenue en application de l'article L. 611-1-1 du CESEDA, lequel n'est requis que pour vérifier la situation d'un étranger au regard de son droit de circuler ou de séjourner en France, ne porte pas atteinte aux droits et libertés qu'il invoque ;

D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de les renvoyer au Conseil constitutionnel ;

PAR CES MOTIFS :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille dix-huit.

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