11 juillet 2018
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-90.017

Chambre criminelle - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2018:CR02001

Titres et sommaires

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE - juridictions correctionnelles - code de procédure pénale - article 472 - droits de la défense - liberté d'expression - caractère sérieux - défaut - non-lieu à renvoi au conseil constitutionnel

Texte de la décision

N° S 18-90.017 FS-P+B

N° 2001


11 JUILLET 2018

VD1



NON LIEU À RENVOI






Mme DE LA LANCE conseiller le plus ancien faisant fonction de président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________



LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à Paris, le onze juillet deux mille dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité transmise par un jugement du tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand, en date du 17 mai 2018, dans la procédure suivie du chef de diffamation publique envers un particulier, contre M. Serge X..., reçu le 29 mai 2018 à la Cour de cassation ;



Vu les observations produites ;

Attendu que la question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

"L'article 472 du code de procédure pénale, en ce qu'il permet à la partie civile d'éviter la condamnation par la juridiction pénale à dédommager la personne contre laquelle elle s'est abusivement constituée pour un délit de presse en choisissant une plainte avec constitution de partie civile au lieu d'une citation directe, vu le rôle restreint qu'a le juge d'instruction en matière de presse, lequel doit renvoyer la personne mise en examen devant la juridiction de jugement même si le propos ne constitue pas un abus de la liberté d'expression, porte-t-il atteinte au respect des droits de la défense garantis par l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dans la mesure où la personne relaxée ne pourra obtenir de dommages-intérêts en cas de plainte avec constitution de partie civile abusive, et à la liberté d'expression protégée par l'article 11 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, dans la mesure où la partie mise en cause abusivement pourrait prendre une décision contraire à sa liberté d'expression pour des raisons financières liées au coût de sa défense ?" ;

Attendu que la disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

Mais attendu que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;

Et attendu que la question posée ne présente pas un caractère sérieux ;

Qu'en matière d'infractions à la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, la plainte avec constitution de partie civile, qui peut être déposée sans nécessité d'une plainte préalable analysée par le ministère public, fixe irrévocablement la nature et l'étendue de la poursuite ;

Que le juge d'instruction ainsi saisi ne peut apprécier ni la pertinence de la qualification retenue dans la plainte avec constitution de partie civile, ni les éventuels moyens de défense de l'auteur du message incriminé, mais seulement l'imputabilité des propos dénoncés et leur caractère public ;

Qu'en matière de presse, la partie civile doit donc être regardée comme n'étant pas dans une situation différente, lorsqu'elle fait l'objet d'une demande de dommages-intérêts pour abus de constitution, selon qu'elle a mis en mouvement l'action publique par la voie d'une plainte avec constitution de partie civile ou par la voie d'une citation directe ;

Qu'il en résulte que les dispositions de l'article 472 du code de procédure pénale doivent désormais être interprétées comme permettant au prévenu, qui a été renvoyé des fins d'une poursuite engagée du chef d'infractions prévues par la loi sur la presse, d'obtenir la condamnation de la partie civile au paiement de dommages-intérêts en cas d'abus, sans distinguer selon que l'action publique a été mise en mouvement par une plainte avec constitution de partie civile devant le juge d'instruction ou par voie de citation directe ;

Par ces motifs :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : Mme de la Lance , conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Bonnal , conseiller rapporteur, Mmes Drai, Planchon, Durin-Karsenty, Schneider, Ingall-Montagnier, M. Parlos, Mme Zerbib, conseillers de la chambre, Mme Harel-Dutirou, M. Laurent, conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Bonnet ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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