12 septembre 2018
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-90.019

Chambre criminelle - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2018:CR02267

Titres et sommaires

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE - Droit pénal fiscal - Code monétaire et financier - Article L. 152-4 - Principe de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines - Applicabilité partielle à la procédure - Caractère sérieux - Renvoi au Conseil constitutionnel

Texte de la décision

N° U 18-90.019 FS-P+B

N° 2267

12 SEPTEMBRE 2018

CG10


RENVOI




M. SOULARD président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________



LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à Paris, le douze septembre deux mille dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire PICHON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN et de la société civile professionnelle boré, salve de bruneton et mégret et les conclusions de M. l'avocat général MONDON ;

Statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité transmise par arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 5-12, en date du 18 juin 2018, dans la procédure suivie du chef de transfert de capitaux sans déclaration, contre M. A... Z..., reçu le 22 juin 2018 à la Cour de cassation ;



Vu les observations produites ;

1. Attendu que la question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

"Le l de l'article L. 152-4 du code monétaire et financier tel qu'issu des rédactions de la loi 2004-204 du 9 mars 2004 et de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 méconnaît-il le principe constitutionnel de proportionnalité des peines découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en ce qu'il prévoit une amende proportionnelle en cas de simple manquement à l'obligation déclarative prévue à l'article L. 152-1 du code monétaire et financier alors même que les sommes non déclarées ne concourent à la fixation d'aucun impôt ou taxe douanière et qu'aucune infraction à une loi ou à un règlement fiscal, douanier ou financier n'a été commise ?" ;

2. Attendu que la disposition législative contestée, à laquelle renvoie l'article 465 du code des douanes, n'est applicable à la procédure qu'en ce qu'elle prévoit une amende pour manquement aux obligations déclaratives énoncées à l'article L. 152-1 du code monétaire et financier, s'agissant en l'espèce de transferts entre la France et un autre Etat membre de l'Union européenne, à l'exclusion de l'amende encourue en cas de transferts entrant ou sortant de la Communauté prévus par le règlement (CE) n° 1889/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 26 octobre 2005 ; qu'elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

3. Attendu que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;

4. Attendu que l'article L. 152-4, I, du code monétaire et financier dans sa version antérieure à la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016, auquel renvoie l'article 464 du code des douanes, sanctionne, par une amende égale au quart de la somme sur laquelle a porté l'infraction ou sa tentative, le manquement déclaratif commis par une personne physique qui transfère vers un Etat membre de l'Union européenne ou en provenance d'un Etat membre de l'Union européenne, pour un montant égal ou supérieur à 10 000 euros, des sommes, titres ou valeurs, sans l'intermédiaire d'un établissement de crédit, ou d'un organisme ou service mentionné à l'article L. 518-1 ;

5. Attendu que cette réglementation vise à prévenir et dissuader l'introduction du produit d'activités illicites, telles que le trafic de stupéfiants, le terrorisme international, la fraude et l'évasion fiscales, dans le système financier ainsi que l'investissement de ce produit une fois blanchi, et permet de collecter des informations sur ces mouvements financiers ; qu'elle poursuit ainsi des objectifs de valeur constitutionnelle ;

6. Mais attendu qu'en fixant une amende au quart de la somme qui n'a pas été déclarée à l'occasion d'un transfert d'au moins 10 000 euros, la disposition attaquée institue une sanction qui n'est pas insusceptible d'être manifestement disproportionnée avec la gravité du manquement réprimé, s'agissant d'un simple manquement à une obligation déclarative ;

7. Attendu que dès lors, s'agissant de la méconnaissance alléguée du principe de proportionnalité des peines, la question posée présente un caractère sérieux ;

Par ces motifs :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Soulard, président, Mme PICHON, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, MM. Steinmann, Germain, Mme Planchon, M. Larmanjat, Mme Zerbib, MM. d'Huy, Wyon, conseillers de la chambre, Mme Chauchis, M. Ascensi, Mme Fouquet, conseillers référendaires ;

Avocat général : M. MONDON ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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