3 octobre 2018
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-13.828

Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2018:C101019

Titres et sommaires

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE - Droit de la famille - Code civil - Article 2224 - Code des procédures civiles d'exécution - Article L. 111-4 - Interprétation jurisprudentielle constante - Principe d'égalité devant la loi - Caractère sérieux - Défaut - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Texte de la décision

CIV. 1

COUR DE CASSATION



LM


______________________

QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________





Audience publique du 3 octobre 2018




NON-LIEU A RENVOI


Mme BATUT, président



Arrêt n° 1019 FS-P+B

Pourvoi n° C 18-13.828







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité formulée par mémoire spécial reçu le 16 juillet 2018 et présenté par Mme Elisabeth X..., domiciliée [...],

à l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 25 janvier 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige l'opposant à M. Régis Y..., domicilié [...],

défendeur à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 2 octobre 2018, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Vigneau, conseiller rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, MM. Hascher, Reynis, Mmes Reygner, Bozzi, M. Acquaviva, Mme Auroy, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, Azar, Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Caron-Déglise, avocat général, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Vigneau, conseiller, les observations de la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat de Mme X..., de la SCP Richard, avocat de M. Y..., l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;


Attendu qu'un arrêt du 14 octobre 1999 a prononcé le divorce de Mme X... et de M. Y... et mis à la charge de celui-ci le paiement d'une prestation compensatoire sous forme de rente pour une durée de sept ans ; que, le 15 janvier 2016, Mme X... a fait pratiquer une saisie-attribution sur les comptes bancaires de M. Y... à hauteur d'une certaine somme correspondant aux mensualités impayées du 17 octobre 2000 au 17 octobre 2007 ; que M. Y... ayant contesté cette mesure d'exécution forcée, un juge de l'exécution a annulé la saisie-attribution et ordonné sa mainlevée après avoir retenu que la créance servant de fondement à cette mesure était atteinte par la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil ;

Attendu qu'à l'occasion du pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris qui a confirmé ce jugement, Mme X... demande, par mémoire spécial et motivé, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité suivante :

« La combinaison des articles 2224 du code civil et L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, selon l'interprétation qui en est donnée par la jurisprudence, porte-t-elle atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et plus précisément à l'égalité des citoyens devant la loi, protégée par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en ce qu'elle autorise le créancier d'une prestation compensatoire devant être financée en capital, conformément à l'article 274 du code civil dans sa version applicable en la cause, à recouvrer sa créance pendant dix ans, alors que le créancier d'une même prestation compensatoire devant être versée à échéances périodiques, en raison de conditions de fortune du débiteur, conformément à l'ancien article 275-1 du code civil également applicable, ne peut recouvrer les arriérés échus depuis plus de cinq ans ? » ;

Attendu que les dispositions contestées, qui sont applicables au litige, n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

Mais attendu, en premier lieu, que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;

Et attendu, en second lieu, que la question ne présente pas un caractère sérieux en ce que les dispositions législatives critiquées, telles qu'interprétées par la jurisprudence constante de la Cour de cassation, dont il résulte que, si le créancier peut poursuivre pendant dix ans l'exécution du jugement portant condamnation au paiement d'une somme payable à termes périodiques, il ne peut obtenir le recouvrement des arriérés échus plus de cinq ans avant la date de sa demande et non encore exigibles à la date à laquelle le jugement a été obtenu, ne portent pas atteinte au principe d'égalité devant la loi, qui ne s'oppose pas à ce que des situations différentes soient réglées de façon différente, dès lors que cette différence de traitement est en rapport direct avec la loi qui l'établit, qu'elle répond à des objectifs d'intérêt général de protection du débiteur en incitant les créanciers à agir rapidement et que cette jurisprudence contribue à traiter de façon équivalente les créanciers d'une prestation compensatoire allouée sous forme de rente par un jugement de divorce et ceux d'une prestation compensatoire instituée sous la même forme par une convention sous seing privé de divorce par consentement mutuel, laquelle ne bénéficie pas de la prescription de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution ;

D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

PAR CES MOTIFS :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois octobre deux mille dix-huit.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.