13 décembre 2018
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-17.729

Troisième chambre civile - Formation de section

ECLI:FR:CCASS:2018:C301173

Texte de la décision

CIV.3

COUR DE CASSATION



JL


______________________

QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________





Audience publique du 13 décembre 2018




RENVOI


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 1173 FS-D

Pourvoi n° T 18-17.729







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité formulée par mémoire spécial reçu le 1er octobre 2018 et présenté par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme Sylviane X..., domiciliée [...]

A l'occasion du pourvoi formé par elle, contre le jugement rendu le 30 mars 2018 par le tribunal d'instance de Grenoble, dans le litige l'opposant :

1°/ à M. Antoine Y..., domicilié [...],

2°/ à M. Johan Z..., domicilié [...],

3°/ à M. Laurent A..., domicilié [...],

défendeurs à la cassation ;



Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 11 décembre 2018, où étaient présents : M. Chauvin, président, M. B..., conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mmes Andrich, Dagneaux, Provost-Lopin, MM. Barbieri, Jessel, conseillers, Mmes Corbel, Collomp, MM. Béghin, Jariel, Mme Schmitt, conseillers référendaires, Mme Valdès C..., premier avocat général, Mme Besse, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. B..., conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme X..., de la SCP Krivine et Viaud, avocat de MM. Y..., Z... et A..., l'avis de Mme Valdès C..., premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;


Attendu que, par jugement du 30 mars 2018, Mme X..., propriétaire d'un logement donné à bail à MM. A..., Y... et Z..., a été condamnée à rembourser aux preneurs la somme de 177 euros en restitution du dépôt de garantie, après déduction des réparations locatives et des charges impayées, et la somme de 1 900 euros au titre de la majoration de retard ; qu'à l'occasion du pourvoi formé contre cette décision, elle a présenté, par mémoire distinct, la question prioritaire de constitutionnalité suivante :

"L'article 22 alinéa 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, en ce qu'il dispose qu'à défaut de restitution dans les délais prévus, le dépôt de garantie restant dû au locataire est automatiquement majoré d'une somme égale à 10 % du loyer mensuel en principal pour chaque période mensuelle commencée en retard, et ce indépendamment du montant du dépôt de garantie à restituer après compensation des sommes dues par le locataire, est-il contraire au droit de propriété ainsi qu'aux principes de proportionnalité et d'individualisation des peines garantis par la Constitution (articles 2 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789) ?" ;

Attendu que la disposition contestée est applicable au litige au sens de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Qu'elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

Mais attendu, d'une part, que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;

Et attendu, d'autre part, que la question présente un caractère sérieux en ce que, fixée indépendamment du montant du dépôt de garantie à restituer après compensation des sommes dues par le preneur et sans que le juge puisse tenir compte des circonstances à l'origine du retard de paiement ni de la bonne ou mauvaise foi du bailleur, la majoration prévue par l'article 22 de la loi du 6 juillet 1989 pourrait être qualifiée de sanction ayant le caractère d'une punition contraire, par son automaticité et l'absence de pouvoir de modulation accordé au juge, aux exigences de proportionnalité et d'individualisation des peines qui découlent de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

D'où il suit qu'il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

PAR CES MOTIFS :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille dix-huit.

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