21 décembre 2018
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-20.480

Première chambre civile - Formation de section

ECLI:FR:CCASS:2018:C101242

Texte de la décision

CIV. 1

COUR DE CASSATION



IK


______________________

QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________





Audience publique du 21 décembre 2018




RENVOI


Mme BATUT, président



Arrêt n° 1242 FS-D

Pourvoi n° G 18-20.480






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les questions prioritaires de constitutionnalité formulées par mémoire spécial reçu le 10 octobre 2018 et présenté par Adama X..., domicilié chez Mme Florence Y...[...] ,

à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt rendu le 3 juillet 2018 par la cour d'appel de Lyon (chambre spéciale des mineurs), dans le litige l'opposant :

1°/ au conseil départemental de l'Ain, domaine enfance/adoption, dont le siège est [...] ,

2°/ au procureur général près la cour d'appel de Lyon, domicilié [...] ,

défendeurs à la cassation ;

EN PRESENCE : du Défenseur des droits, domicilié [...] ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 18 décembre 2018, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Z..., conseiller rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, MM. Hascher, Reynis, Mmes Reygner, Bozzi, M. Acquaviva, Mme Auroy, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, Azar, Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, M. A..., avocat général, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Z..., conseiller, les observations et plaidoiries de la SCP Zribi et Texier, avocat d'Adama X..., les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat du conseil départemental de l'Ain, domaine enfance/adoption, les observations écrites et orales du Défenseur des droits, l'avis de M. A..., avocat général, auquel l'avocat plaidant a été invité à répliquer, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;


Attendu que le juge des enfants a, par jugement du 20 juillet 2016, sur le fondement de l'article 375 du code civil, confié au conseil départemental de l'Ain Adama X..., se disant né le [...] à Conakry (République de Guinée) ; qu'un arrêt du 14 novembre 2017 a ordonné une expertise médicale aux fins d'évaluation de son âge physiologique ; qu'estimant qu'il résultait de cette mesure d'instruction que celui-ci n'était plus mineur, un arrêt du 3 juillet 2018 a ordonné la mainlevée de la mesure de placement ;

Attendu qu'à l'occasion du pourvoi formé contre ces deux arrêts, Adama X... a, par mémoire distinct et motivé, présenté des questions prioritaires de constitutionnalité dans les termes suivants :

1°/ L'article 388 du code civil méconnaît-il les alinéas 10 et 11 du Préambule de 1946 en permettant le recours à des expertises osseuses, procédé dont l'absence de fiabilité a été soulignée par divers organismes internes et internationaux, pour déterminer la minorité de l'intéressé, minorité dont dépend, pour les mineurs étrangers, la protection des autorités françaises ?

2°/ L'article 388 du code civil méconnaît-il le principe constitutionnel de dignité humaine en permettant le recours à des examens osseux pour déterminer la minorité de l'intéressé, procédé qui emporte des risques d'irradiation sans fin diagnostique ou thérapeutique ?

3°/ L'article 388 du code civil méconnaît-il le principe constitutionnel de dignité humaine en permettant le recours à des expertises osseuses pour déterminer la minorité de l'intéressé, qui constitue un examen invasif, sans interdire au juge de déduire de son refus de s'y soumettre son absence de minorité ?

4°/ L'article 388 du code civil méconnaît-il le principe constitutionnel de protection de la santé garanti par l'article 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 en permettant le recours à des examens osseux pour déterminer la minorité de l'intéressé, procédé qui emporte des risques d'irradiation et qui est dénué de fin diagnostique ou thérapeutique ?

5°/ L'article 388 du code civil méconnaît-il l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en permettant le recours à des expertises osseuses pour déterminer la minorité de l'intéressé, et ainsi, en autorisant la divulgation de ses données médicales, sans interdire au juge de déduire de son refus de s'y soumettre son absence de minorité ?

6°/ L'article 388 du code civil méconnaît-il les articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et des alinéas premiers du Préambule de 1946 et du Préambule de 1958 en subordonnant le recours à des expertises osseuses à la circonstance qu'il ne soit pas justifié de documents d'identité valables, sans définir suffisamment cette notion, et plus particulièrement, sans préciser si, dans ce cadre, une présomption de sincérité est attachée aux documents d'identité établis à l'étranger ? ;

Attendu que la disposition contestée est applicable au litige ;

Qu'elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

Et attendu que les questions posées, en tant qu'elles invoquent une atteinte aux droits et libertés garantis par les articles 2, 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, les alinéas 1er, 10 et 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'alinéa 1er du Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 et au principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, présentent un caractère sérieux ;

D'où il suit qu'il y a lieu de les renvoyer au Conseil constitutionnel ;

PAR CES MOTIFS :

RENVOIE au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un décembre deux mille dix-huit.

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