10 janvier 2019
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-40.038

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2019:CO00139

Texte de la décision

COMM.

COUR DE CASSATION



JT


______________________

QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________





Audience publique du 10 janvier 2019




RENVOI


Mme MOUILLARD, président



Arrêt n° 139 F-D

Affaire n° S 18-40.038





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu l'ordonnance rendue le 26 septembre 2018 par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris, transmettant à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité, reçue le 11 octobre 2018,
dans l'instance mettant en cause :

D'une part,

Mme Ruth X..., épouse Y..., domiciliée [...] ,

D'autre part,

le directeur général des finances publiques, agissant poursuites et diligences du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, pôle fiscal parisien 1, pôle juridictionnel judiciaire, dont le siège est [...] ,

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 8 janvier 2019, où étaient présents : Mme Mouillard, président, M. Z..., conseiller rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, Mme Labat, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Z..., conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques, agissant poursuites et diligences du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, l'avis de M. A... , premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;


Attendu que la question transmise est ainsi rédigée :

"L'article 885 V bis, II, alinéa 1er du code général des impôts dans sa rédaction issue de l'article 13 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 est-il conforme aux droits et libertés garantis par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 ?"

Attendu que l'article 885 V bis du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012, applicable au litige, dispose : "I.-L'impôt de solidarité sur la fortune du redevable ayant son domicile fiscal en France est réduit de la différence entre, d'une part, le total de cet impôt et des impôts dus en France et à l'étranger au titre des revenus et produits de l'année précédente, calculés avant imputation des seuls crédits d'impôt représentatifs d'une imposition acquittée à l'étranger et des retenues non libératoires et, d'autre part, 75 % du total des revenus mondiaux nets de frais professionnels de l'année précédente, après déduction des seuls déficits catégoriels dont l'imputation est autorisée par l'article 156, ainsi que des revenus exonérés d'impôt sur le revenu et des produits soumis à un prélèvement libératoire réalisés au cours de la même année en France ou hors de France.
II.-Les plus-values ainsi que tous les revenus sont déterminés sans considération des exonérations, seuils, réductions et abattements prévus au présent code, à l'exception de ceux représentatifs de frais professionnels.
Lorsque l'impôt sur le revenu a frappé des revenus de personnes dont les biens n'entrent pas dans l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune, il est réduit suivant le pourcentage du revenu de ces personnes par rapport au revenu total." ;

Attendu que la disposition contestée est applicable au litige, lequel concerne le calcul de la réduction de l'impôt de solidarité sur la fortune par la différence entre le total des impôts acquittés par le contribuable en France et à l'étranger au titre de ses revenus et produits et 75 % de ces mêmes revenus nets de frais professionnels ;

Attendu que celle-ci a déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif de la décision n° 2012-662 DC rendue le 29 décembre 2012 par le Conseil constitutionnel ; qu'en effet, dans les motifs de sa décision, si le Conseil a jugé qu'en intégrant au paragraphe II de l'article 885 V bis du code général des impôts, pour le calcul du plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune et de la totalité des impôts dus au titre des revenus, des sommes ne correspondant pas à des bénéfices ou à des revenus réalisés ou obtenus au cours de la même année, le législateur avait fondé son appréciation sur des critères méconnaissant l'exigence de prise en compte des facultés contributives des contribuables et censuré en conséquence partie de ces dispositions, il a déclaré conforme aux articles 6, 13 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le surplus de l'article précité, en dépit de l'absence d'abattement destiné à la prise en compte de l'érosion monétaire ; que cependant, par une décision n° 2016–538 QPC du 22 avril 2016, le Conseil constitutionnel a jugé que le législateur ne pouvait, sans méconnaître l'exigence de prise en compte des facultés contributives des contribuables, prévoir l'assujettissement à l'impôt sur le revenu de plus-values de cession de valeurs mobilières, quel que soit le délai écoulé depuis la date d'acquisition des biens cédés, sans égard à l'érosion de la valeur de la monnaie ni application d'aucun abattement sur le montant de la plus-value brute ; que cette précision, quant à la portée des exigences découlant pour le législateur du respect du principe d'égalité devant les charges publiques énoncé par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, fût-ce pour un autre impôt, constitue un changement de circonstance de droit affectant la portée de la disposition législative considérée, qui en justifie le réexamen ;

Et attendu que la question posée présente un caractère sérieux en ce que les dispositions contestées ont pour effet d'intégrer dans le revenu du contribuable, pour le calcul du plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune, des sommes qui, au titre des plus-values, ne correspondent pas à des bénéfices ou revenus que le contribuable a réalisés ou dont il a disposé au cours de la même année d'imposition ; qu'en l'absence de prise en compte de l'érosion de la valeur de la monnaie ni application d'abattement ou exonération sur le montant de la plus-value brute, ces dispositions sont susceptibles de méconnaître le respect des capacités contributives des contribuables et partant le principe d'égalité devant les charges publiques ;

D'où il suit qu'il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

PAR CES MOTIFS :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix janvier deux mille dix-neuf.

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