13 février 2019
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-12.707

Chambre sociale - Formation de section

ECLI:FR:CCASS:2019:SO00248

Texte de la décision

SOC. / ELECT



FB







COUR DE CASSATION

______________________





Audience publique du 13 février 2019









Rejet





M. CATHALA, président







Arrêt n° 248 FS-D



Pourvoi n° J 18-12.707















R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E



_________________________



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________





LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Statuant sur le pourvoi formé par :



1°/ le syndicat CFE CGC France Télécom Orange, dont le siège est [...] ,



2°/ Mme A... Q..., domiciliée [...] ,



3°/ M. T... M..., domicilié [...] ,



contre le jugement rendu le 16 février 2018 par le tribunal d'instance de Saint-Denis (contentieux des élections professionnelles), dans le litige les opposant :



1°/ à la fédération Communication conseil culture CFDT F3C CFDT, dont le siège est [...] , 75950 Paris cedex 19,



2°/ à la société Orange, société anonyme, dont le siège est [...] ,



3°/ à la société Orange porte-à-porte, dont le siège est [...] ,



4°/ à la société Orange Caraïbes, dont le siège est [...] ,



5°/ à M. V... W..., ayant élu domicile cabinet Brihi-Koskas et associes, [...] ,



défendeurs à la cassation ;



Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;



Vu la communication faite au procureur général ;



LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 16 janvier 2019, où étaient présents : M. Cathala, président, Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Basset, Pécaut-Rivolier, Ott, conseillers, Mme Lanoue, MM. Joly, Le Masne de Chermont, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, Mme Jouanneau, greffier de chambre ;



Sur le rapport de Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat du syndicat CFE CGC France Télécom Orange, de Mme Q... et de M. M..., de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la société Orange, de la société Orange porte-à-porte et de la société Orange Caraïbes, l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Saint-Denis, 16 février 2018), que, du 7 au 9 novembre 2017, des élections professionnelles ont été organisées en vue du renouvellement des délégués du personnel et des membres des comités d'établissement au sein de plusieurs établissements de l'unité économique et sociale (UES) Orange, selon des modalités prévues par deux protocoles préélectoraux conclus les 7 juillet et 22 septembre 2017 ; que, par requête du 22 novembre 2017, la Fédération communication conseil culture (F3C) CFDT et M. W... ont saisi le tribunal d'instance aux fins d'obtenir l'annulation de l'élection de Mme Q... en qualité de membre suppléante du deuxième collège du comité d'établissement Orange SCE de l'UES Orange et de M. M... en qualité de membre suppléant du troisième collège du comité d'établissement Orange SCE de l'UES Orange, élus du syndicat CFE CGC Orange ; que le protocole préélectoral fixant la proportion des femmes et des hommes à 51 % et 49 %, deux sièges étant à pourvoir, pour le deuxième collège, et à 35 % et 65 % , douze sièges étant à pourvoir, pour le troisième collèges, les requérants ont soutenu que les listes de candidatures présentées pour les suppléants par le syndicat CFE-CGC France Télécom Orange (le syndicat CFE-CGC Orange), comportant deux femmes pour le deuxième collège, au lieu d'un homme et une femme, et trois femmes et deux hommes pour le troisième collège, au lieu de trois femmes et neuf hommes, ne satisfaisaient pas aux exigences de parité proportionnée prévues par les articles L. 2314-24-1 et L. 2324-22-1 du code du travail, alors applicables ;



Sur le second moyen qui est préalable :



Le syndicat CFE-CGC Orange et les candidats dont l'élection a été contestée font grief au jugement de faire droit à la demande d'annulation, alors, selon le moyen :



1°/ que dans un mémoire distinct et motivé, le syndicat CFE CGC France Telecom Orange a contesté la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles L. 2314-25 et L. 2314-7 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'article 7 de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, en ce qu'ils imposent l'annulation de l'élection des délégués du personnel du sexe surreprésenté ou mal positionné sur la liste de candidatures sans prévoir le remplacement des sièges vacants selon des modalités permettant d'assurer l'effectivité de la représentation proportionnelle des deux sexes dans les instances représentatives du personnel voulue par le législateur et sans obliger l'employeur, dans cette hypothèse, à organiser de nouvelles élections si un collège électoral n'est plus représenté ou si le nombre de délégués titulaires est au moins réduit de moitié, ce qui porte atteinte à l'effectivité du principe d'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales garanti par l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958, au principe de la participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises garanti par l'alinéa 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et au principe résultant de l'article 34 de la Constitution selon lequel l'incompétence négative du législateur ne doit pas affecter un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; que la déclaration d'inconstitutionnalité que prononcera le Conseil constitutionnel sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 entrainera, par voie de conséquence, la cassation du jugement attaqué pour perte de fondement juridique ;



2°/ que les dispositions de l'article L. 2314-24-1 du code du travail, qui imposent pour chaque collège électoral des listes de candidature composées d'un nombre de femmes et d'hommes correspondant à la proportion des deux sexes dans le collège, ont pour finalité d'assurer une représentation équilibrée entre hommes et femmes ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'il était invité à le faire, si l'annulation de l'élection de Mme Q... et de M. M... sans prévoir les modalités de leur remplacement dans le respect d'une représentation équilibrée des femmes et des hommes et l'impossibilité d'exiger de l'employeur l'organisation d'élections partielles pour pourvoir à leurs sièges vacants ne portent pas une atteinte disproportionnée au principe de participation prévu par l'alinéa 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2314-24-1, L. 2314-25 et L. 2314-7 du code du travail ;



Mais attendu que dans sa décision n° 2018-720/721/722/723/724/725/726 QPC du 13 juillet 2018, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution les mots « ou s'ils sont la conséquence de l'annulation de l'élection de membres du comité d'entreprise prononcée par le juge en application des deux derniers alinéas de l'article L. 2324-23 » du code du travail figurant au premier alinéa de l'article L. 2324-10 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 ; que cette déclaration d'inconstitutionnalité, qui ne concerne que l' impossibilité d'organiser des élections partielles pour pourvoir aux sièges vacants, prévue par l'article L. 2324-10 du code du travail, ne rend pas sans fondement ou sans base légale le jugement qui prononce l'annulation de l'élection des deux élus au motif du non respect des dispositions de l'article L. 2324-22-1 du même code ; que le moyen n'est pas fondé ;



Sur le premier moyen :



Le syndicat CFE-CGC Orange et les candidats dont l'élection a été contestée font le même grief au jugement alors, selon le moyen :



1°/ que les articles 3 et 8 de la Convention n° 87 de l'OIT, 4 de la Convention n° 98 de l'OIT et 5 de la Convention n° 135 de l'OIT ainsi que les articles 11-2 de la Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, 5 et 6 de la Charte sociale européenne, 28 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, pris en leur ensemble, garantissent la liberté syndicale laquelle implique la liberté des organisations syndicales de choisir leurs représentants et d'organiser librement leur activité ; qu'il s'en évince que les organisations syndicales représentatives, qui disposent du monopole de présentation des candidats au premier tour des élections de délégués du personnel, ont la liberté de présenter les candidats de leur choix ; que sont donc contraires à ces dispositions conventionnelles, celles de l'article L. 2314-24-1 du code du travail qui contraignent les organisations syndicales à établir, pour chaque collège électoral, des listes composées, alternativement jusqu'à épuisement du sexe sous-représenté, d'un nombre de femmes et d'hommes correspondant à la proportion des deux sexes inscrits sur la liste électorale ; qu'en jugeant que les dispositions de l'article L. 2314-24-1 du code du travail, au regard des objectifs qu'elles poursuivent en faveur de l'égalité des sexes et de l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives, ne pouvaient être analysées comme une limitation du droit des syndicats à choisir leurs représentants, le tribunal d'instance a violé les textes susvisés ;



2°/ que le droit des organisations syndicales d'organiser leur gestion et leur activité garanti aux articles 3 et 8 de la Convention n° 87 de l'OIT comprend tant la liberté pour les organisations reconnues représentatives de choisir leurs délégués syndicaux que celle de pouvoir présenter aux élections professionnelles les candidats de leur choix ; qu'en considérant que les articles 3 et 8 de la Convention n° 87 de l'OIT ne concernaient pas les instances représentatives du personnel, le tribunal d'instance a violé les articles susvisés ;



3°/ que seules des restrictions légitimes conformes à l'article 11 § 2 de la convention européenne des droits de l'homme peuvent être portées à l'exercice de la liberté syndicale garanti par le § 1 ; que sont considérées comme des restrictions légitimes celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; que tel n'est pas le cas des dispositions de l'article L. 2314-24-1 du code du travail, lesquelles en contraignant les organisations syndicales à présenter aux élections de délégués du personnel des listes comportant alternativement des candidats des deux sexes à proportion de la part de femmes et d'hommes dans le collège électoral, restreignent, sans motif légitime au sens de l'article 11 § 2, leur liberté de choisir les candidats en fonction de leurs compétences et de la force de leur engagement pour la communauté des travailleurs ; qu'en décidant le contraire, le tribunal d'instance a violé l'article 11 de la convention européenne des droits de l'homme ;



4°/ que si toute recherche de la volonté du législateur par voie d'interprétation est interdite au juge, lorsque le sens de la loi, tel qu'il résulte de sa rédaction, n'est ni obscur ni ambigu, et doit par conséquent être tenu pour certain, il y a exception si l'application du texte aboutit à quelque absurdité ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'il était invité à le faire si l'application des dispositions de l'article L. 2314-24-1 du code du travail, en ce qu'elle peut entrainer l'annulation de l'élection de candidates femmes aux élections de délégué du personnel, comme en l'espèce, n'est pas contraire à l'objectif du législateur qui est d'opérer un rééquilibrage de la représentation au bénéfice des femmes dans les instances représentatives du personnel et de favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article susvisé ;



Mais attendu, d'abord, qu'il résulte tant de l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, d'effet direct (CJUE, 17 avril 2018, Egenberger, C-414/16), que de l'article 23 de ladite Charte, que, dans le champ d'application du droit de l'Union européenne, est interdite toute discrimination fondée sur le sexe ; que les dispositions du code du travail relatives aux modalités d'élection des représentants du personnel mettent en oeuvre, au sens de l'article 51 de la charte, les dispositions de la directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne ;



Attendu, ensuite, qu'il résulte de la combinaison des articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que toute discrimination entre les sexes en matière de conditions de travail est prohibée ;



Attendu, enfin, qu'aux termes de l'article 1er de la convention n° 111 de l'Organisation internationale du travail concernant la discrimination, ratifiée par la France le 28 mai 1981, toute distinction, exclusion ou préférence fondée notamment sur le sexe, qui a pour effet de détruire ou d'altérer l'égalité de chances ou de traitement en matière d'emploi ou de profession, est interdite ;



Qu'il en résulte que l'obligation faite aux organisations syndicales de présenter aux élections professionnelles des listes comportant alternativement des candidats des deux sexes à proportion de la part de femmes et d'hommes dans le collège électoral concerné répond à l'objectif légitime d'assurer une représentation des salariés qui reflète la réalité du corps électoral et de promouvoir l'égalité effective des sexes ; qu'en ce que le législateur a prévu, d'une part, non une parité abstraite, mais une proportionnalité des candidatures au nombre de salariés masculins et féminins présents dans le collège électoral considéré au sein de l'entreprise, d'autre part, une sanction limitée à l'annulation des élus surnuméraires de l'un ou l'autre sexe, et dès lors que, par application de la décision du Conseil constitutionnel du 13 juillet 2018, l'organisation d'élections partielles est possible dans le cas où ces annulations conduiraient à une sous-représentation trop importante au sein d'un collège, les dispositions en cause ne constituent pas une atteinte disproportionnée au principe de la liberté syndicale reconnu par les textes européens et internationaux visés au moyen et procèdent à une nécessaire et équilibrée conciliation avec le droit fondamental à l'égalité entre les sexes instauré par les dispositions de droit européen et international précitées ; que c'est dès lors à bon droit que le tribunal, sans avoir à effectuer la recherche visée à la quatrième branche du moyen, constatant que les listes déposées par le syndicat CFE-CGC Orange ne respectait pas l'article L. 2324-22-1 du code du travail, a fait droit à la demande d'annulation dans les conditions prévues par l'article L. 2324-23 du même code ;



D'où il suit que le moyen, inopérant en sa quatrième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :



REJETTE le pourvoi ;



Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;



Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize février deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt





Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour le syndicat CFE CGC France Télécom Orange, Mme Q... et M. M....





PREMIER MOYEN DE CASSATION



IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué D'AVOIR annulé l'élection de Mme Q... en qualité de membre élue suppléante (2ème collège) du comité d'établissement Orange SCE de l'UES Orange et D'AVOIR annulé l'élection de M. M... en qualité de membre élu suppléant (3ème collège) du comité d'établissement Orange SCE de l'UES Orange ;



AUX MOTIFS QUE aux termes de l'article L. 2324-22-1 du code du travail, dans sa version applicable à la cause, pour chaque collège électoral, les listes mentionnées à l'article L. 2324-22 qui comportent plusieurs candidats sont composées d'un nombre de femmes et d'hommes correspondant à la part de femmes et d'hommes inscrits sur la liste électorale. Les listes sont composées alternativement d'un candidat de chaque sexe jusqu'à épuisement des candidats d'un des sexes. Lorsque l'application du premier alinéa du présent article n'aboutit pas à un nombre entier de candidats à désigner pour chacun des deux sexes, il est procédé à l'arrondi arithmétique suivant : 1° Arrondi à l'entier supérieur en cas de décimale supérieure ou égale à 5 ; 2° Arrondi à l'entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5. En cas de nombre impair de sièges à pourvoir et de stricte égalité entre les femmes et les hommes inscrits sur les listes électorales, la liste comprend indifféremment un homme ou une femme supplémentaire. Le présent article s'applique à la liste des membres titulaires du comité d'entreprise et à la liste de ses membres suppléants ; qu'en application de l'article L.2324-23 alinéa 3 du même code, dans sa version applicable à la cause, la constatation par le juge, après l'élection, du non-respect par une liste de candidats des prescriptions prévues à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 2324-22-1 entraîne l'annulation de l'élection d'un nombre d'élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d'hommes que celle-ci devait respecter. Le juge annule l'élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l'ordre inverse de la liste des candidats ; qu'en l'espèce, le syndicat CFE-CGC Orange, Mme Q... et M. M... se prévalent d'un certain nombre de dispositions internationales et soutiennent que l'article L. 2324-22-1 du code du travail n' est pas conforme, en créant une atteinte à la liberté des syndicats de choisir librement la personne la plus à même de les représenter au sein de l'entreprise ; que tant les articles 3 et 8 de la convention n° 87 de l'OIT, l'article 5 partie II de la Charte sociale européenne que l'article 11 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont relatifs aux organisations syndicales et consacrent leur droit à se constituer en tant qu'organisations, à s'organiser ou à désigner leurs représentants pour défendre leurs intérêts ; qu'or, les dispositions de l'article L. 2324-22-1 du code du travail ne concernant pas l'organisation interne des syndicats, mais visent à promouvoir une représentation proportionnée des hommes te des femmes au sein de l'institution représentative du personnel qu'est le comité d'entreprise ; que ces dispositions ne contiennent aucune atteinte à la liberté syndicale ou limitation du droit des syndicats susceptibles de les voir écartées comme étant non conformes aux textes internationaux ;



1°) ALORS QUE les articles 3 et 8 de la Convention n° 87 de l'OIT, 4 de la Convention n° 98 de l'OIT et 5 de la Convention n° 135 de l'OIT ainsi que les articles 11-2 de la Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, 5 et 6 de la Charte sociale européenne, 28 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, pris en leur ensemble, garantissent la liberté syndicale laquelle implique la liberté des organisations syndicales de choisir leurs représentants et d'organiser librement leur activité ; qu'il s'en évince que les organisations syndicales représentatives, qui disposent du monopole de présentation des candidats au premier tour des élections des représentants du personnel au comité d'entreprise, ont la liberté de présenter les candidats de leur choix ; que sont donc contraires à ces dispositions conventionnelles, celles de l'article L. 2324-22-1 du code du travail qui contraignent les organisations syndicales à établir, pour chaque collège électoral, des listes composées, alternativement jusqu'à épuisement du sexe sous-représenté, d'un nombre de femmes et d'hommes correspondant à la proportion des deux sexes inscrits sur la liste électorale ; qu'en jugeant le contraire, le Tribunal d'instance a violé les textes susvisés ;



2°) ALORS QUE le droit des organisations syndicales d'organiser leur gestion et leur activité garanti aux articles 3 et 8 de la Convention n° 87 de l'OIT comprend tant la liberté pour les organisations reconnues représentatives de choisir leurs représentants que celle de pouvoir présenter aux élections professionnelles les candidats de leur choix ; qu'en considérant que les dispositions de l'article L. 2324-22-1, dès lors qu'elles ne concernent pas l'organisation interne des syndicats, ne comportent aucune atteinte à la liberté syndicale ou limitation du droit des syndicats susceptibles de les voir écartées comme étant non conformes aux textes internationaux, le Tribunal d'instance a violé les articles susvisés ;



3°) ALORS QUE seules des restrictions légitimes conformes à l'article 11§ 2 de la convention européenne des droits de l'homme peuvent être portées à l'exercice de la liberté syndicale garanti par le §1 ; que sont considérées comme des restrictions légitimes celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; que tel n'est pas le cas des dispositions de l'article L. 2324-22-1 du code du travail, lesquelles en contraignant les organisations syndicales à présenter aux élections des représentants du personnel au comité d'entreprise des listes comportant alternativement des candidats des deux sexes à proportion de la part de femmes et d'hommes dans le collège électoral, restreignent, sans motif légitime au sens de l'article 11 § 2, leur liberté de choisir les candidats en fonction de leurs compétences et de la force de leur engagement pour la communauté des travailleurs ; qu'en décidant le contraire, le Tribunal d'instance a violé l'article 11 de la convention européenne des droits de l'homme ;



4°) ALORS QUE si toute recherche de la volonté du législateur par voie d'interprétation est interdite au juge, lorsque le sens de la loi, tel qu'il résulte de sa rédaction, n'est ni obscur ni ambigu, et doit par conséquent être tenu pour certain, il y a exception si l'application du texte aboutit à quelque absurdité ; que l'objectif de la loi du 17 août 2015 est d'opérer un rééquilibrage de la représentation au bénéfice des femmes dans les instances représentatives du personnel ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'il était invité à le faire si l'application des dispositions de l'article L 2324-22-1 du code du travail, en ce qu'elle peut entrainer l'annulation de l'élection de candidates femmes aux élections professionnelles, comme en l'espèce, n'est pas contraire à l'objectif du législateur qui est d'opérer un rééquilibrage de la représentation au bénéfice des femmes dans les instances représentatives du personnel et de favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales, le Tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article susvisé.



SECOND MOYEN DE CASSATION



IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué D'AVOIR annulé l'élection de Mme Q... en qualité de membre élue suppléante (2ème collège) du comité d'établissement Orange SCE de l'UES Orange et D'AVOIR annulé l'élection de M. M... en qualité de membre élu suppléant (3ème collège) du comité d'établissement Orange SCE de l'UES Orange ;



AUX MOTIFS QUE concernant la demande en annulation, il résulte du protocole d'accord-cadre pour les élections des comités d'établissement et des délégués du personnel du personnel de l'UES Orange adopté le 22 septembre 2017, qu'au sein de l'établissement SCE les sièges à pourvoir se répartissaient comme suit : 2ème collège : 51 % de femmes et 49 % d'hommes pour 2 sièges à pourvoir, soit des listes comportant nécessairement 1 homme et 1 femme, 3ème collège : 35 % de femmes et 65 % d'hommes pour 12 sièges à pourvoir, soit des listes comportant nécessairement 4 femmes et 8 hommes ; qu'or la liste déposée par le syndicat CFE-CGC Orange pour l'élection des suppléants au comité d'établissement comportait : 2ème collège : 2 femmes, 3ème collège : 3 femmes et 9 hommes ; que compte tenu de l'ensemble de ces éléments, l'élection de Mme Q... et celle de M. M... doivent être annulées ;



1°) ALORS QUE dans un mémoire distinct et motivé, le syndicat CFE CGC France Telecom Orange a contesté la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 2324-23 et L. 2324-10 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'article 7 de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, dès lors qu'ils imposent l'annulation de l'élection des représentants du personnel au comité d'entreprise du sexe surreprésenté ou mal positionné sur la liste de candidatures sans assortir cette sanction de dispositions prévoyant le remplacement des sièges vacants selon des modalités permettant d'assurer l'effectivité de la représentation proportionnelle des deux sexes dans les instances représentatives du personnel voulue par le législateur et sans obliger l'employeur, dans cette hypothèse, à organiser de nouvelles élections si un collège électoral n'est plus représenté ou si le nombre de représentants du personnel titulaires est au moins réduit de moitié, ce qui porte atteinte à l'effectivité du principe d'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales garanti par l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958, au principe de la participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises garanti par l'alinéa 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et au principe résultant de l'article 34 de la Constitution selon lequel l'incompétence négative du législateur ne doit pas affecter un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; que la déclaration d'inconstitutionnalité que prononcera le Conseil constitutionnel sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 entrainera, par voie de conséquence, la cassation du jugement attaqué pour perte de fondement juridique ;



2°) ALORS QUE les dispositions de l'article L.2324-22-1 du code du travail, qui imposent pour chaque collège électoral des listes de candidature composées d'un nombre de femmes et d'hommes correspondant à la proportion des deux sexes dans le collège, ont pour finalité d'assurer une représentation équilibrée entre hommes et femmes ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'il était invité à le faire, si l'annulation de l'élection de Mme Q... et de M. M... sans prévoir les modalités de leur remplacement dans le respect d'une représentation équilibrée des femmes et des hommes et l'impossibilité d'exiger de l'employeur l'organisation d'élections partielles pour pourvoir à leurs sièges vacants ne portent pas une atteinte disproportionnée au principe de participation prévu par l'alinéa 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2324 -22-1, L. 2324-23 et L. 2324-10 du code du travail.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.