21 février 2019
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-20.373

Troisième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2019:C300183

Titres et sommaires

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE - Droit des biens - Loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 - Article 6 - Liberté d'entreprendre - Principe de nécessité et de proportionnalité des peines - Principe de légalité des peines - Principe d'individualisation des peines - Critique d'une règle jurisprudentielle fondée sur une disposition réglementaire - Irrecevabilité

Texte de la décision

CIV.3


COUR DE CASSATION


JT


_____________________
QUESTION PRIORITAIRE

de

CONSTITUTIONNALITÉ
_____________________


Audience publique du 21 février 2019


IRRECEVABILITE


M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 183 FS-P+B

Pourvoi n° S 18-20.373





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
________________________



LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les questions prioritaires de constitutionnalité formulées par mémoire spécial reçu le 30 novembre 2018 et présentées par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de :

1°/ la société Alfaga Sati, société par actions simplifiée, dont le siège est [...], venant aux droits de la société Sati,

2°/ la société Sogire, société anonyme,

3°/ la société Pierre et Vacances, société anonyme à directoire,

ayant toutes deux leur siège [...], [...],

A l'occasion du pourvoi formé par elles contre l'arrêt rendu le 29 mai 2018 par la cour d'appel de Chambéry, dans le litige les opposant :

1°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble La Nova 1-2, dont le siège est [...], représenté par son syndic, le cabinet Sogimalp Tarentaise, dont le siège est [...],

2°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble La Nova 3-4-5, dont le siège est [...], représenté par son syndic, le cabinet Sogimalp Tarentaise, dont le siège est [...],

3°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Vogel, dont le siège est [...], représenté par son syndic, le cabinet Sogimalp Tarentaise, dont le siège est [...],

4°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Pierra Menta, dont le siège est [...], représenté par son syndic, le cabinet Sogimalp Tarentaise, dont le siège est [...],

5°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble l'Archeboc, dont le siège est [...] , représenté par son syndic, le cabinet Sogimalp Tarentaise, dont le siège est [...],

6°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble l'Armoise, dont le siège est [...], représenté par son syndic, le cabinet Sogimalp Tarentaise, dont le siège est [...],

7°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Les Belles Challes Lauzières, dont le siège est [...] , représenté par son syndic, le cabinet Sogimalp Tarentaise, dont le siège est [...],

8°/ à l'Union syndicale des copropriétaires des Villards, dont le siège est [...] , représentée par son syndic, le cabinet Sogimalp Tarentaise, dont le siège est [...],

9°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble le Grand Arbois 6, dont le siège est [...], représenté par son syndic, la société Gestrimalp, dont le siège est [...],

10°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Les Tournavelles, dont le siège est [...], représenté par son syndic, la société CIS immobilier, dont le siège est [...],

11°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Aiguille Grive 1, dont le siège est [...], représenté par son syndic, la société Nexity Bourg-Saint-Maurice, dont le siège est [...],

12°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Aiguille Grive 2, dont le siège est [...], représenté par son syndic, la société Nexity Bourg-Saint-Maurice, dont le siège est [...],

13°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Aiguille Grive 3, dont le siège est [...], représenté par son syndic, la société Nexity Bourg-Saint-Maurice, dont le siège est [...],

14°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Parking des Villards, dont le siège est [...], représenté par son syndic, le cabinet Sogimalp Tarentaise, dont le siège est [...],

15°/ à l'Union syndicale du Charvet, dont le siège est [...], représentée par son syndic, le cabinet Sogimalp Tarentaise, dont le siège est [...],

16°/ à la société Ulysse investissements, société par actions simplifiée, dont le siège est [...],

17°/ à M. K... B..., domicilié [...] , pris en sa qualité d'administrateur provisoire de la société Immobilier Monceau investissement holding,

défendeurs à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 5 février 2019, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme Dagneaux, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. Parneix, Mme Provost-Lopin, MM. Barbieri, Jessel, conseillers, Mmes Corbel, Collomp, MM. Béghin, Jariel, Mme Schmitt, conseillers référendaires, Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Dagneaux, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat des sociétés Alfaga Sati, Sogire et Pierre et Vacances, de Me Isabelle Galy, avocat des syndicats des copropriétaires des immeubles La Nova 1-2, La Nova 3-4-5, Le Vogel, Pierra Menta, l'Archeboc, l'Armoise, Les Belles Challes Lauzières, Le Grand Arbois 6, Les Tournavelles, Aiguille Grive 1, Aiguille Grive 2, Aiguille Grive 3, de l'Union syndicale des copropriétaires des Villards et de l'Union syndicale du Charvet, l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, auquel les parties ont répliqué et après en avoir délibéré conformément à la loi ;


Attendu que la société Alfaga Sati, qui, à la suite d'une action en responsabilité engagée à son encontre, a été condamnée par plusieurs arrêts irrévocables à rembourser à divers syndicats des copropriétaires l'intégralité des honoraires qu'elle avait perçus, dans la limite de la prescription trentenaire, les a assignés en fixation de ses honoraires sur le fondement des articles 1986 et 1999 du code civil et, subsidiairement, de la gestion d'affaires ou de l'enrichissement sans cause ; que les sociétés Sogire et Pierre et Vacances sont intervenues volontairement à l'instance ;

Attendu qu'à l'occasion du pourvoi formé contre l'arrêt déclarant irrecevables leurs demandes, les sociétés Alfaga Sati, Sogire et Pierre et Vacances ont demandé, par mémoire spécial et distinct, de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité suivantes :

1°/ Les dispositions de l'article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, telles que la jurisprudence les interprète, pour retenir que le syndic désigné en assemblée générale et ayant fait préalablement à l'exécution de sa mission approuver ses honoraires par le vote d'un budget prévisionnel portant mention spécifique de leur montant doit être privé de l'intégralité de sa rémunération et donc de son chiffre d'affaires pour n'avoir pas prévu une délibération spéciale sur le montant de ses honoraires, ne constituent-elles pas une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre telle qu'elle découle de l'article 4 de la déclaration de 1789 ? ;

2°/ Les dispositions de l'article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, telles que la jurisprudence les interprète, pour retenir que le syndic désigné en assemblée générale et ayant fait préalablement à l'exécution de sa mission approuver ses honoraires par le vote d'un budget prévisionnel portant mention spécifique de leur montant doit être privé de l'intégralité de sa rémunération et donc de son chiffre d'affaires pour n'avoir pas prévu une délibération spéciale sur le montant de ses honoraires, ne consacrent-elle pas une sanction ayant la nature d'une punition revêtant un caractère disproportionné avec la gravité du manquement réprimé et ne constituent-elles pas de ce fait une violation de l'article 8 de la déclaration de 1789 ? ;

3°/ Les dispositions de l'article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, telles que la jurisprudence les interprète, pour retenir que le syndic désigné en assemblée générale et ayant fait préalablement à l'exécution de sa mission approuver ses honoraires par le vote d'un budget prévisionnel portant mention spécifique de leur montant doit être privé de l'intégralité de sa rémunération et donc de son chiffre d'affaires pour n'avoir pas prévu une délibération spéciale sur le montant de ses honoraires, ne consacrent-elle pas une sanction ayant la nature d'une punition que ne prévoit aucun texte en violation de l'article 8 de la déclaration de 1789 ? ;

4°/ Les dispositions de l'article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, telles que la jurisprudence les interprète, pour retenir que le syndic désigné en assemblée générale et ayant fait préalablement à l'exécution de sa mission approuver ses honoraires par le vote d'un budget prévisionnel portant mention spécifique de leur montant doit être privé de l'intégralité de sa rémunération et donc de son chiffre d'affaires pour n'avoir pas prévu une délibération spéciale sur le montant de ses honoraires, ne consacrent-elle pas une sanction ayant la nature d'une punition en méconnaissance du principe posé par l'article 8 de la déclaration de 1789 qui impose au législateur d'indiquer précisément le montant maximum de la peine encourue ? ;

5°/ Les dispositions de l'article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, telles que la jurisprudence les interprète, pour retenir que le syndic désigné en assemblée générale et ayant fait préalablement à l'exécution de sa mission approuver ses honoraires par le vote d'un budget prévisionnel portant mention spécifique de leur montant doit être, automatiquement et sans que le juge dispose d'une quelconque marge d'appréciation, privé de l'intégralité de sa rémunération et donc de son chiffre d'affaires pour n'avoir pas prévu une délibération spéciale sur le montant de ses honoraires, ne consacrent-elle une sanction ayant la nature d'une punition automatique en méconnaissance du principe d'individualisation des peines qui découle de l'article 8 de la déclaration de 1789 lequel implique que l'exercice du pouvoir de sanction tienne compte des circonstances propres à chaque espèce ? ;

Mais attendu que, sous couvert de critiquer une disposition législative, les questions posées contestent en réalité une règle jurisprudentielle qui n'est pas fondée directement sur l'article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, mais sur l'article 29 du décret du 17 mars 1967, dans sa rédaction applicable en la cause, selon lequel les conditions de la rémunération du syndic devaient être précisées dans le mandat ou fixées par l'assemblée générale ;

Qu'elles sont donc irrecevables ;

PAR CES MOTIFS :

DÉCLARE IRRECEVABLES les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé le vingt et un février deux mille dix neuf par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

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