11 avril 2019
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-15.819

Troisième chambre civile - Formation restreinte RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2019:C310129

Texte de la décision

CIV.3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 avril 2019




Rejet non spécialement motivé


M. CHAUVIN, président



Décision n° 10129 F

Pourvoi n° S 18-15.819







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par M. W... O..., domicilié [...] ,

contre l'arrêt rendu le 27 février 2018 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile B), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme I... M..., épouse S...,

2°/ à M. V... S...,

tous deux domiciliés [...] ,

défendeurs à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 12 mars 2019, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme Andrich, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat de M. O..., de Me Le Prado, avocat de M. et Mme S... ;

Sur le rapport de Mme Andrich, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;


Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;


REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. O... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. O... ; le condamne à payer à M. et Mme S... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze avril deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyens produits par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour M. O...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré l'appel des époux S... recevable et, en conséquence, d'avoir jugé que le chemin litigieux était un chemin à usage privé, d'avoir fait interdiction à M. O... ainsi qu'à tout membre de sa famille et/ou ayant-cause et/ou préposés de passer sur les parcelles [...] et [...] appartenant aux consorts S..., rejetant ainsi les demandes de M. O... ;

AUX MOTIFS QUE les époux S... sont propriétaires d'une maison et de plusieurs parcelles situées au lieu-dit [...] à Lavoute-sur-Loire, figurant au cadastre sous les numéros [...], [...], [...], [...] et [...] ; que faisant valoir qu'il s'était arrogé le droit de circuler sur leurs parcelles pour rejoindre la parcelle [...] qui appartient à son épouse à partir des parcelles [...] et [...] alors qu'il existe un chemin communal lui permettant d'y accéder, les époux S... ont assigné M. W... O..., par acte d'huissier du 14 janvier 2013, afin qu'il lui soit fait interdiction de passer sur leurs parcelles [...] et [...] et en paiement de dommages et intérêts ; que le 22 novembre 2013, le tribunal de grande instance du Puy-en-Velay a débouté les époux S... en déclarant leur demande irrecevable aux motifs qu'ils n'avaient aucun droit sur ledit chemin (apparaissant en traits discontinus sur le cadastre), lequel serait une propriété de la commune ; que par arrêt du 17 novembre 2014, la 1re chambre civile de la cour d'appel de Riom a confirmé le jugement querellé en considérant que les époux S... n'étaient pas fondés à interdire à M. W... O... de passer sur ce chemin ; que les époux S... ont formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel de Riom et par décision du 17 mars 2016, la troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 17 novembre 2014, au motif « que l'affectation à l'usage du public implique une circulation générale et continue », a remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Lyon ; que les époux S... ont adressé à la cour d'appel de Lyon la déclaration de saisine le 2 juin 2016 ; qu'aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 3 mai 2017, les époux S... demandent à la cour vu les articles 771, 907 et 914 du code de procédure civile, les articles L161-1 et L161-2 du code rural et de la pêche maritime, les articles 1382 et 1383 du code civil, l'article L131-1 du code de procédure civile d'exécution, de dire et juger que leur appel est recevable et bien fondé, dire et juger que le chemin litigieux n'est ni communal ni rural et qu'il n'est pas la propriété de la commune de La Voute sur Loire, de faire interdiction à M. W... O..., ainsi qu'à tout membre de sa famille et/ou ayant-cause et/ou préposés de passer sur les parcelles [...] et [...] leur appartenant à, sous astreinte de 1 500 euros par infraction constatée à compter de l'arrêt à intervenir, de condamner M. W... O... à leur payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour trouble de jouissance ; qu'ils font valoir que le conseiller de la mise en état est seul compétent pour déclarer l'appel irrecevable et qu'il n'a pas été saisi par l'intimé, qu'il résulte de la recherche effectuée par Mme G... généalogiste que le chemin n'est pas considéré comme un véritable chemin au sens d'une voie de circulation, et ce depuis de très nombreuses années et qu'il ne fait pas partie des chemins communaux, ruraux ou vicinaux de la commune, que le maire de la commune de Lavoute-sur-Loire atteste qu'il ne s'agit pas d'un chemin communal et précise que le cadastre fait apparaître un passage ancien de droit privé emprunté par les pêcheurs et promeneurs à pieds et en aucun cas par les véhicules à moteur, que l'absence d'affectation à l'usage du public ressort également du constat d'huissier de Me E..., que les parcelles de l'intimé sont directement accessibles par la route départementale en empruntant un chemin carrossable et praticable, éléments corroborés par plusieurs attestations, dont celle du maire de la commune, que les arguments soulevés par l'intimé par rapport à son état de santé doivent être rejetés, l'interdiction demandée concernant également tout membre de sa famille, ses ayants cause, et ses préposés ; qu'aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées le 31 juillet 2017, M. W... O... demande à la cour, vu l'article 32 du code de procédure civile, de constater que M. O... est quasiment grabataire, que les appelants sont irrecevables pour défaut d'intérêt à agir et mal fondés en leur action, les en débouter, de les condamner à payer et à porter à M. O... la somme de 5 000 euros pour procédure abusive, ainsi que la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'il fait valoir qu'il est âgé maintenant de 87 ans, titulaire d'une carte d'invalidité supérieure à 80 % depuis 2013 et demeure à 65 km des parcelles concernées, que son médecin certifie que son état dé santé (cancer traité par radiothérapie et compliqué par une embolie pulmonaire), qui s'est dégradé au cours de l'année écoulée, nécessite des soins quotidiens, réduit son autonomie et sa mobilité de façon importante et qu'il ne peut plus effectuer de déplacements loin de chez lui ni conduire depuis plusieurs mois, qu'ainsi cela fait longtemps qu'il n'est plus capable de passer sur des voies sur berge difficiles d'accès pour des piétons, que les attestations versées aux débats démontrent en outre la réalité de l'existence d'une servitude de passage, qu'un chemin est présumé faire partie du domaine privé communal si depuis longtemps il est utilisé par les habitants ce qui est le cas en l'espèce sa famille, ses parents, de nombreux agriculteurs pécheurs et promeneurs passant par ce chemin depuis plus de 60 ans ; qu'en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile il est expressément renvoyé pour les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives déposées ; que l'intimé soulève le défaut d'intérêt à agir des appelants au regard de son âge et de son état de santé qui ne lui permettraient plus de se déplacer, qu'en application de l'article 546 du code de procédure civile pour faire appel, il faut y avoir un intérêt, que l'existence de l'intérêt à agir s'apprécie au jour de l'appel, soit en l'espèce le 9 décembre 2013, qu'ainsi peu importe la dégradation de l'état de santé de M. O... dont il est attesté pour l'année 2017 ; que de plus la demande d'interdiction concerne également la famille de M. O..., ses ayants droit ainsi que ses préposés ; que dès lors la preuve du défaut d'intérêt à agir des appelants à la date du 9 décembre 2013 n'est pas rapportée ;

1°) ALORS QUE le juge doit s'abstenir de dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, M. O... exposait dans ses conclusions que la demande des époux S... était irrecevable, sur le fondement de l'article 32 du code de procédure civile, car cette demande portait sur des droits réels et que ni la commune ni les propriétaires des parcelles traversées par le chemin n'étaient parties à l'instance (conclusions p. 2 § 6 à 9 et p. 3 § 1 à 3) ; que la cour d'appel a retenu que « l'intimé [M. O...] soulève le défaut d'intérêt à agir des appelants au regard de son âge et de son état de santé qui ne lui permettraient plus de se déplacer » (arrêt p. 4 § n° 13 «recevabilité de l'appel ») ; qu'en statuant ainsi, tandis que M. O... invoquait l'irrecevabilité de la demande en raison de l'absence à l'instance de la commune de Lavoute-sur-Loire et des autres propriétaires sur la propriété desquels passait le chemin litigieux, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de M. O... et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE, en tout état de cause, en déclarant recevable l'appel de M. O... et en faisant droit aux demandes des époux S... sans répondre aux conclusions de M. O... qui faisaient valoir que la demande des époux S... était irrecevable dans la mesure où le chemin litigieux passait par plusieurs parcelles appartenant à des propriétaires différents et où ceux-ci n'avaient pas été appelés à l'instance par les époux S..., tout comme la commune de Lavoute-sur-Loire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé que le chemin litigieux était un chemin à usage privé, d'avoir fait interdiction à M. O... ainsi qu'à tout membre de sa famille et/ou ayants cause et/ou préposés de passer sur les parcelles [...] et [...] appartenant aux consorts S..., rejetant ainsi les demandes de M. O... ;

AUX MOTIFS QU'en application de l'article L 161-1 et -2 du code rural et de la pêche, les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales, qu'ils font partie du domaine privé de la commune, l'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale, que la destination du chemin peut être définie notamment par l'inscription sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée ; qu'il résulte de l'attestation du maire de Lavoute-sur-Loire que le chemin litigieux n'est emprunté que par quelques pêcheurs et promeneurs à pieds, que d'autres attestations versées par l'intimé font état d'un usage saisonnier pour les fenaisons et conduites des troupeaux, qu'il n'est rapporté la preuve d'aucun entretien par la commune ; qu'en l'absence de preuve d'une circulation générale et continue et dès lors d'une affectation à l'usage public au sens des articles précités, le chemin litigieux ne peut être considéré comme un chemin rural appartenant à la commune, mais doit être considéré comme un chemin à usage privé ;

1°) ALORS QUE constituent des chemins ruraux les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales, qui font partie du domaine privé de la commune ; que l'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le chemin était emprunté par des pêcheurs et des promeneurs à pieds et qu'il existait un passage saisonnier pour les fenaisons et la conduite des troupeaux (arrêt, p. 5 § 2), ce dont il résultait qu'il existait sur le chemin une circulation générale et continue de sorte que le chemin devait être regardé comme affecté à l'usage du public et était présumé appartenir à la commune ; qu'en excluant l'existence d'un chemin rural, aux motifs inopérants que le chemin n'aurait été utilisé que par quelques personnes et ne serait pas entretenu par la commune, cependant qu'il résultait de ses propres constatations qu'il devait être regardé comme un chemin rural, dont l'accès ne pouvait être restreint par les époux S..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L 161-1 et L 161-2 du code rural et de la pêche maritime ;

2°) ALORS QUE, en toute hypothèse, tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'il appartient au juge d'analyser, même de façon sommaire, les éléments de preuve produits ; qu'en l'espèce, M. O... avait fait valoir que le chemin était utilisé depuis plusieurs dizaines d'années et qu'il l'était encore par des promeneurs, des pêcheurs, des agriculteurs (ccl p. 5 in fine) ; qu'il avait produit en particulier des attestations de personnes qui témoignaient de l'usage du chemin par leurs parents, par des pêcheurs, des promeneurs, des agriculteurs pour les fenaisons et les récoltes ; que la cour d'appel en se bornant à énoncer « que les attestations versées par [M. O...] font état d'un usage saisonnier pour les fenaisons et la conduite des troupeaux » (arrêt, p. 5 § 3), sans analyser, ne serait-ce que sommairement les témoignages qui relataient le passage, depuis des décennies, d'autres catégories de personnes comme les pêcheurs et les promeneurs, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

ET AUX AUTRES MOTIFS QUE M. O... ne rapporte par ailleurs la preuve ni de l'existence d'une servitude de passage conventionnelle à son profit sur le chemin litigieux ni d'une situation d'enclave alors que le maire fait état d'un accès possible aux parcelles concernées par un chemin entretenu par la commune et carrossable comme cela résulte également du constat d'huissier de Me E... (accès depuis la route départementale N° 25 par les parcelles [...] [...] [...] , [...] et suivantes) ; que dès lors il convient d'infirmer la décision déférée et de faire droit à l'interdiction sollicitée sans l'assortir d'une astreinte ;

3°) ALORS QUE les juges doivent s'abstenir de dénaturer les éléments de la cause ; que le constat d'huissier de Me E... concluait que « ces premières constatations montrent que ce chemin bien de section entretenu par la commune de Lavoute-sur-Loire donne accès directement aux parcelles numéros [...] et [...] et par voie de conséquence à l'entier tènement de parcelles [...], [...], [...], [...] (ces quatre parcelles numérotées avant partage [...] et [...]) et les parcelles [...] et [...]) » (constat p. 32) ; que ce constat avait établi que le chemin desservait directement les parcelles [...] et [...], mais en aucune façon les parcelles [...], [...] et [...] et [...] ; que la cour d'appel, en énonçant que l'état d'enclavement n'était pas établi, car il existait un accès possible aux parcelles par un chemin entretenu par la commune comme cela résultait du constat d'huissier de M. E... « accès depuis la route départementale n° 25 par les parcelles [...] , [...] , [...] , [...] » (arrêt, p. 5 § 5) a dénaturé le constat et a violé le principe susrappelé.

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