15 mai 2019
Cour de cassation
Pourvoi n° 17-28.217

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2019:SO00751

Texte de la décision

SOC.

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 mai 2019




Rejet


M. CHAUVET, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 751 F-D

Pourvoi n° X 17-28.217







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. N... H..., domicilié [...] ,

contre l'arrêt rendu le 3 octobre 2017 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige l'opposant à la société Thoal, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

défenderesse à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 2 avril 2019, où étaient présents : M. Chauvet, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Richard, conseiller rapporteur, M. Pietton, conseiller, Mme Piquot, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Richard, conseiller, les observations de la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat de M. H..., de la SCP Boullez, avocat de la société Thoal, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 octobre 2017), que M. H..., qui gérait un hôtel dont la société Thoal était propriétaire, a sollicité, après la résiliation par cette dernière du contrat de "gérance-mandat", la requalification de celui-ci en contrat de travail ; que par jugement du 27 janvier 2016, le conseil de prud'hommes de Montmorency s'est déclaré incompétent pour juger le litige au profit du tribunal de commerce de Pontoise, et a dit qu'à défaut de contredit dans le délai de quinze jours, le dossier serait transmis au tribunal de commerce ; que le salarié qui a reçu le 6 février 2016 le jugement notifié le 4 février 2016, a formé un contredit contre cette décision le 19 février 2016 ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer le contredit formé par lui contre le jugement du conseil de prud'hommes irrecevable comme tardif alors, selon le moyen :

1°/ que le délai de contredit prévu par l'article 82 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable à l'espèce, ne court pas contre la partie qui a reçu, avant son expiration, une notification du jugement non prévue par le texte, de nature à induire cette partie en erreur sur les modalités dudit recours ; qu'en effet, un acte de notification erroné ou incomplet, qui n'indique pas de manière très apparente le délai de recours ainsi que les modalités selon lesquelles ce recours peut être exercé, a pour effet de ne pas faire courir le délai de recours ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a déclaré irrecevable car hors délai le contredit formé par M. H... le 19 février 2016 contre le jugement dont le prononcé avait été fixé au 27 janvier 2016 par mise à disposition au greffe, ce dont M. H... avait été informé, sans s'expliquer, comme elle y avait été invitée, sur l'effet de la notification dudit jugement, reçue par M. H... le 6 février 2016 qui ne précisait pas les modalités du recours qui était indiqué, notamment quant à son point de départ différent selon que la date du délibéré a été portée ou non à la connaissance des parties, en méconnaissance des articles 82 ancien du code de procédure civile et 680 dudit code, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ que toute partie a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; que l'obligation de motiver un recours juridictionnel ne peut être mise à la charge d'une partie qu'à la condition qu'elle ait eu préalablement effectivement connaissance de la décision qu'elle entend contester ; qu'en décidant que le délai de contredit pouvait courir alors même que les motifs du jugement n'étaient pas connus de M. H..., avant sa notification, la cour d'appel a violé l'article 82 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable et l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble les droits de la défense ;

Mais attendu qu'ayant constaté d'une part que la date du prononcé du jugement avait été portée à la connaissance des parties au moment de la clôture des débats à l'audience du 9 décembre 2015, et d'autre part que la notification du jugement, mentionnant que la voie de recours est le contredit ainsi que le texte de l'article 82 du code de procédure civile indiquant le délai de quinze jours à compter du jugement pour former contredit, avait été reçue par le salarié le 6 février 2016, avant l'expiration du délai de contredit, et qu'il était ainsi en mesure de satisfaire aux exigences de motivation prévues par l'article 82 du code de procédure civile, la cour d'appel en a exactement déduit, sans méconnaître les dispositions de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, que le contredit formé le 19 février 2016 alors qu'il devait être formé dans les quinze jours du prononcé du jugement du 27 janvier 2016, soit avant le 12 février 2016, était irrecevable comme tardif ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. H... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour M. H...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable comme tardif le contredit formé par Monsieur H... le 19 février 2016 contre le jugement du conseil de prud'hommes de Montmorency du 27 janvier 2016

AUX MOTIFS QUE :

« Vu l'article 82 du code de procédure civile, indiquant que le contredit doit à peine d'irrecevabilité être motivé et remis au secrétariat de la juridiction qui a rendu la décision dans les 15 jours de celle-ci ;
Que le contredit devait être formé dans les 15 jours du prononcé du jugement en date du 27 janvier 2016, soit avant le 12 février, la date de ce prononcé ayant été porté à la connaissance des parties au moment de la clôture des débats à l'audience du 9 décembre 2015, comme en fait état le jugement en page 2 (« Puis l'affaire a été mise en délibéré et le prononcé du jugement fixé au 27 janvier 2016, par mise à disposition au greffe. Cette date a été portée à la connaissance des parties qui ont émargé au dossier. ») et comme le confirment les signatures des avocats des parties sur la côte du dossier ; que M. H... soutient qu'il n'a pas été informé dans la notification du jugement faite par le greffe de la distinction faite par la jurisprudence entre le cas où la date de délibéré a été portée par écrit à la connaissance des parties à l'issue des débats le jour de l'audience de plaidoirie, et le cas où cela n'a été indiqué qu'à l'oral ce qui ne fait alors courir le délai de contredit qu'à compter de la notification du jugement ;
Qu'il invoque l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme sur le droit d'accès effectif des justiciables aux tribunaux, qui impose un contrôle de proportionnalité entre les règles de procédure et le droit d'accès au juge ;
Qu'il fait également valoir une décision de l'assemblée plénière de la Cour de Cassation en date du 21 avril 2016, laquelle a jugé que « le délai de contredit prévu par l'article 82 du code de procédure civile ne court pas contre la partie qui a reçu, avant son expiration, une notification du jugement, non prévue par ces dispositions, mentionnant une voie de recours erronée » ; qu'en l'espèce, la notification du jugement mentionne bien que la voie de recours est le contredit, ainsi que le texte de l'article 82 du code de procédure civile indiquant le délai de 15 jours à compter du jugement ; que la jurisprudence susvisée ne concerne pas le présent cas, vu l'absence d'erreur, dans la notification du jugement, sur la voie de recours afférente ; que les termes de l'article 82 du code de procédure civile sont clairs et non contraires à l'article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'homme ; que M. H... a manifestement formé contredit de manière tardive, soit le 19 février 2016, 7 jours après l'expiration du délai de contredit ; que dès lors, son contredit est irrecevable car hors délai ».

1) ALORS QUE le délai de contredit prévu par l'article 82 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable à l'espèce, ne court pas contre la partie qui a reçu avant son expiration, une notification du jugement non prévue par le texte, de nature à induire cette partie en erreur sur les modalités dudit recours ; qu'en effet, un acte de notification erroné ou incomplet qui n'indique pas de manière très apparente le délai de recours ainsi que les modalités selon lesquelles ce recours peut être exercé, a pour effet de ne pas faire courir le délai de recours ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a déclaré irrecevable car hors délai, le contredit formé par M. H... le 19 février 2016 contre le jugement dont le prononcé avait été fixé au 27 janvier 2016 par mise à disposition au greffe, ce dont M. H... avait été informé, sans s'expliquer comme elle y avait été invitée, sur l'effet de la notification dudit jugement, reçue par M. H... le 6 février 2016 qui ne précisait pas les modalités du recours qui était indiqué, notamment quant à son point de départ différent selon que la date du délibéré a été portée ou non à la connaissance des parties, en méconnaissance des articles 82 ancien du code de procédure civile et 680 dudit code, ensemble l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme ;

2) ALORS QUE toute partie a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; que l'obligation de motiver un recours juridictionnel ne peut être mise à la charge d'une partie qu'à la condition qu'elle ait eu préalablement effectivement connaissance de la décision qu'elle entend contester ; qu'en décidant que le délai de contredit pouvait courir alors même que les motifs du jugement n'étaient pas connus de M. H..., avant sa notification, la cour d'appel a violé l'article 82 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable et l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, ensemble les droits de la défense ;

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