19 juin 2019
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-82.621

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2019:CR01553

Texte de la décision

N° Y 19-82.621 F-D

N° 1553




19 JUIN 2019

VD1





NON LIEU À RENVOI







M. CASTEL conseiller le plus ancien faisant fonction de président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________



LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à Paris, le dix-neuf juin deux mille dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller de LAROSIÈRE de CHAMPFEU et les conclusions de M. l'avocat général VALAT ;


La Cour de cassation statue sur les trois questions prioritaires de constitutionnalité formulées par des mémoires spéciaux, reçus le 5 avril 2019, présentés par :


-
M. X... A...,


à l'occasion du pourvoi en cassation qu'il a formé contre le jugement du tribunal de police de SAINT-ETIENNE, en date du 20 mars 2019, qui l'a reconnu coupable de stationnements irréguliers et l'a dispensé de peine ;

Les trois questions prioritaires de constitutionnalité sont jointes en raison de la connexité, car elles sont formulées à l'occasion d'un pourvoi contre la même décision.

Sur la première question prioritaire de constitutionnalité :

1. M. X... A... soutient que l'article 522 du code de procédure pénale, en ce qu'il dispose : "est compétent le tribunal de police du lieu de commission ou de constatation de la contravention ou celui de la résidence du prévenu", laisse ainsi au ministère public un choix discrétionnaire de la juridiction qu'il peut saisir, et porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, plus particulièrement aux principes constitutionnels du droit au procès équitable et du respect des droits de la défense. Pour le demandeur, cette règle permet la saisine d'une juridiction éloignée du lieu du domicile de la personne poursuivie, ce qui lui pose des difficultés pratiques et la contraint à engager des frais importants pour se défendre et accéder au juge, ces circonstances étant de nature à la décourager de contester une simple amende contraventionnelle.

2. La disposition législative contestée, en vertu de laquelle a été saisi le tribunal qui a rendu la décision frappée de pourvoi, est applicable à la procédure. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. Elle ne porte pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, et n'est donc pas nouvelle.

3. Cette question ne présente pas de caractère sérieux, dès lors que la règle contestée se borne à définir des critères précis de compétence territoriale des tribunaux, garantissant l'égalité d'accès et de traitement des citoyens devant les juridictions, dans le souci d'assurer une bonne administration de la justice.;

4. Ainsi, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel cette question prioritaire de constitutionnalité.

Sur la deuxième question prioritaire de constitutionnalité :

5. M. A... soutient que l'article 459 du code de procédure pénale, tel qu'il est interprété par la Cour de cassation, conduit à déclarer irrecevables les conclusions soumises à un tribunal de police, qui lui sont adressées par la voie postale, même pour le jugement d'une contravention où seule une amende est encourue, ce qui porte atteinte aux principes à valeur constitutionnelle du droit au procès équitable et du respect des droits de la défense, le justiciable, pour défendre sa cause en matière contraventionnelle, étant astreint à engager des frais disproportionnés au regard du montant de l'amende encourue, ce qui le décourage de se présenter devant le juge et l'incite à payer une amende injuste plutôt qu'à la contester.

6. La disposition législative contestée, en vigueur devant toutes les juridictions correctionnelles de police, est applicable à la procédure. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. Elle ne porte pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application et n'est donc pas nouvelle.

7. Cette même question prioritaire de constitutionnalité a déjà été posée à la Cour de cassation, qui y a ainsi répondu : "la question posée ne présente pas un caractère sérieux, les dispositions contestées, d'où il résulte que les juges ne sont pas tenus de répondre aux écrits qui n'ont pas été régulièrement déposés à l'audience par le prévenu ou son avocat, étant destinés à inciter la personne poursuivie à comparaître ou à se faire représenter à l'audience, où elle a la parole en dernier, ce qui permet d'assurer l'oralité et le caractère contradictoire des débats sans porter atteinte aux droits de la défense" (Crim., 8 janvier 2014, n°13-83.072).

8. La Cour de cassation estime devoir maintenir cette réponse, en l'absence de circonstances nouvelles conduisant à la modifier. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel cette question prioritaire de constitutionnalité.

Sur la troisième question prioritaire de constitutionnalité :

9. M. A... critique la constitutionnalité de l'article L. 241-3-2 du code de l'action sociale et des familles, qui dispose :
"Toute personne, y compris les personnes relevant du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et du code de la sécurité sociale, atteinte d'un handicap qui réduit de manière importante et durable sa capacité et son autonomie de déplacement à pied ou qui impose qu'elle soit accompagnée par une tierce personne dans ses déplacements, peut recevoir une carte de stationnement pour personnes handicapées. Cette carte est délivrée par le représentant de l'Etat dans le département conformément à l'avis du médecin chargé de l'instruction de la demande dans un délai de deux mois suivant la demande. A défaut de réponse du représentant de l'Etat dans le département dans ce délai, la carte est délivrée au demandeur.
Lorsque le demandeur est bénéficiaire de l'allocation mentionnée à l'article L. 232-1 et classé dans les groupes 1 ou 2 de la grille nationale prévue à l'article L. 232-2, la carte est délivrée à titre définitif par le représentant de l'Etat dans le département conformément à la notification de la décision d'attribution de l'allocation dans les délais mentionnés au premier alinéa du présent article.
Les organismes utilisant un véhicule destiné au transport collectif des personnes handicapées peuvent recevoir une carte de stationnement pour personnes handicapées.
La carte de stationnement pour personnes handicapées permet à son titulaire ou à la tierce personne l'accompagnant d'utiliser, à titre gratuit et sans limitation de la durée de stationnement, toutes les places de stationnement ouvertes au public. Toutefois, les autorités compétentes en matière de circulation et de stationnement peuvent fixer une durée maximale de stationnement qui ne peut être inférieure à douze heures. La carte de stationnement permet, dans les mêmes conditions, de bénéficier des autres dispositions qui peuvent être prises en faveur des personnes handicapées par les autorités compétentes en matière de circulation et de stationnement.
Les mêmes autorités peuvent également prévoir que, pour les parcs de stationnement disposant de bornes d'entrée et de sortie accessibles aux personnes handicapées depuis leur véhicule, les titulaires de cette carte sont soumis au paiement de la redevance de stationnement en vigueur.
Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article."

10. M. A... soutient que ce texte méconnaît le principe constitutionnel d'égalité, en imposant à des personnes dont le handicap est supérieur à 80 %, ce qui implique sa gravité, d'apposer, sur le pare-brise d'un véhicule, pour stationner gratuitement à une place ouverte au public, une carte de stationnement pour personnes handicapées, distincte de leur carte d'invalidité.

11. L'article L. 241-3-2 du code de l'action sociale et des familles a été abrogé, mais la disposition qu'il contient et qui est contestée est reprise à l'article L. 241-3 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 27 janvier 2017. Cette disposition législative contestée est applicable au litige, car son inconstitutionnalité ferait disparaître l'infraction reprochée à M. A.... Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. Elle ne porte pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application et n'est donc pas nouvelle.

12. Cette question ne présente pas de caractère sérieux, car l'obligation, pour une personne handicapée, d'obtenir, si elle souhaite stationner gratuitement un véhicule automobile sur les places ouvertes au stationnement public, une carte spéciale de stationnement ne méconnaît pas le principe d'égalité pour deux raisons :


- d'une part, la disposition contestée ne conduit pas à traiter de manière différente des personnes se trouvant dans la même situation, toutes les personnes handicapées qui connaissent les mêmes difficultés de mobilité étant traitées de la même manière ;

- d'autre part, l'obligation de détenir une carte particulière de stationnement, qui ne s'impose pas aux personnes qui ne sont pas atteintes d'un handicap, trouve sa justification dans la gratuité du stationnement, prévu de manière spécifique au profit des personnes handicapées ;

13. Ainsi, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel cette question prioritaire de constitutionnalité ;

Par ces motifs :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. CASTEL, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. de LAROSIÈRE de CHAMPFEU, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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