27 octobre 2020
Cour d'appel de Montpellier
RG n° 17/05243

5e chambre civile

Texte de la décision

Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 27 OCTOBRE 2020



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/05243 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NK23







Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 OCTOBRE 2017

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 16/07552







APPELANTE :



SCI BRAMOH prise en la personne de son représentant légal domicilié de droit audit siège

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Aliaume LLORCA de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant







INTIME :



SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE LA [Adresse 5] pris en la personne de son syndic Monsieur [T] [L]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Georges INQUIMBERT de la SCP CHRISTOL I./INQUIMBERT G., avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assisté de Me Iris CHRISTOL, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant









ORDONNANCE DE CLOTURE DU 26 Août 2020







COMPOSITION DE LA COUR :



En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 SEPTEMBRE 2020, en audience publique, M. Emmanuel GARCIA, Conseiller, ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :



Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre

Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

qui en ont délibéré.



Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SABATON





ARRET :



- contradictoire



- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;



- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.






*

**







Suivant acte authentique en date du 4 février 2013, la SCI BRAMOH a fait l'acquisition, au sein de la copropriété [Adresse 5] (34), du lot n° 16 ainsi désigné :



« Ce lot est situé au sous-sol de l'immeuble et comprend tout le jardin donnant côté [Adresse 6], d'une superficie de cent cinquante-sept mètres carrés cinquante-cinq décimètres carrés, figuré sur le plan du sous-sol de l'immeuble, ci-annexé sous une teinte verte par le chiffre 16.



Le plan dudit lot n°16 demeurera ci-après annexé après avoir été visé par les parties.



Il résulte du titre de propriété ainsi que d'un courrier du syndic en date du 2 octobre 2012 dont la copie demeurera ci-après annexée qu'il n'a pas été attribué de millième à ce lot. »



Par acte d'huissier signifié le 5 décembre 2016, la SCI BRAMOH a fait assigner le [Adresse 5], ci-après dénommé « le syndicat des copropriétaires », devant le tribunal de grande instance de Montpellier afin de le voir condamné à effectuer toutes formalités en vue que l'état descriptif de division soit expurgé de la mention selon laquelle la copropriété comprend le lot n° 16 désigné comme un jardin, que soit établi un document d'arpentage morcelant l'ensemble immobilier cadastré section HL n° [Cadastre 3], plus généralement d'effectuer toutes formalités aux fins de modification de l'assiette de la copropriété pour parvenir au détachement du terrain figurant au plan de division dressé par monsieur [H] [Z], géomètre-expert, et ce sous astreinte de 500 € par jour de retard passé le délai de trois mois à compter de la signification de la décision à intervenir.



Le syndicat des copropriétaires, régulièrement assigné, n'a pas constitué avocat.



Le jugement rendu le 3 octobre 2017 par le tribunal de grande instance de Montpellier énonce dans son dispositif :




Déboute la SCI BRAMOH de l'ensemble de ses demandes ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la SCI BRAMOH aux dépens.




A titre liminaire, le Tribunal relève qu'à l'examen de ses écritures et pièces produites, la SCI BRAMOH aurait pu faire une certaine confusion sur son acquisition et sur les droits en découlant, qu'en effet elle y indiquait avoir acquis un terrain correspondant au lot n° 16 de l'ensemble immobilier alors qu'une simple lecture de l'acte d'acquisition permettait de constater que celui-ci mentionnait non l'acquisition d'un terrain mais du lot n° 16, situé au sous-sol de l'immeuble, comprenant tout le jardin donnant côté [Adresse 6], d'une superficie de cent cinquante-sept mètres carrés.



Le Tribunal s'est référé à l'article 3 de la loi du 3 juillet 1965 pour considérer qu'il s'agissait d'une partie commune dont la jouissance était conférée au propriétaire du lot n° 16 et a indiqué que le fait que ce lot ne soit pas affecté de millièmes de parties communes pouvait s'expliquer par son usage exclusif et par son accès direct par la [Adresse 6].



Le Tribunal a par ailleurs relevé que le notaire rédacteur avait pris la précaution d'insérer en page 22 de son acte une clause d'information générale intitulée « Changement d'affectation, d'usage ou de destination », par laquelle il informait l'acquéreur de la nécessité, en cas de changement de destination non prévu au règlement de copropriété, d'obtenir l'accord unanime des copropriétaires.



Au final, le Tribunal a rejeté l'ensemble des prétentions de la SCI BRAMOH en mentionnant qu'il ne pouvait être considéré que le terrain acquis par la SCI BRAMOH était constructible et que celle-ci aurait subi préjudice par le seul fait d'avoir dû honorer les échéances de son prêt d'acquisition.



La SCI BRAMOH a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 6 octobre 2017.



La clôture a été prononcée par ordonnance du 26 Août 2020.



Les dernières conclusions pour la SCI BRAMOH ont été déposées le 19 août 2020.



Les dernières conclusions pour le syndicat des copropriétaires ont été déposées le 30 juillet 2020.



Le dispositif des écritures pour la SCI BRAMOH énonce :




Réformer le jugement principal en ce qu'il a débouté la SCI BRAMOH de sa demande de sortie de la copropriété et de sa demande de dommages et intérêts ;

Condamner le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 5] à :

effectuer toutes formalités en vue que l'état descriptif de division et règlement de copropriété établis aux termes d'un acte reçu par Maître JONQUET, Notaire à [Localité 4], le 10 octobre 1960, dont une copie authentique a été publiée au service de la publicité foncière de [Localité 4] 1er, le 14 octobre 1960, Volume 2596 n°33, soit expurgé de la mention selon laquelle la copropriété comprend un lot numéro 16 désigné comme un jardin,

établir un document d'arpentage morcelant l'ensemble immobilier constitué initialement par la parcelle située à [Adresse 5], lieudit [Adresse 5], cadastrée section HL n°[Cadastre 3] pour une surface de 00 ha 04 a 33 ca de telle manière que soit créée une parcelle comprenant le terrain figurant au plan de division établi par Monsieur [H] [Z], Géomètre Expert, et qui fera corps avec l'arrêt à intervenir,

plus généralement effectuer toutes formalités aux fins de modification de l'assiette de la copropriété pour parvenir au détachement du terrain figurant au plan de division dressé par Monsieur [H] [Z],

Et ce sous astreinte de 500 € par jour de retard passé le délai de trois mois à compter de la signification de la décision à intervenir ;

Condamner le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 5] à payer à la SCI BRAMOH la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts, à parfaire ;

Réformer le jugement en ce qu'il n'a pas fait application de l'article 700 du Code de procédure civile et condamné la SCI BRAMOH aux dépens ;

Condamner le syndicat des copropriétaires à régler à la SCI BRAMOH la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.




La SCI BRAMOH déclare à titre liminaire qu'il importe peu de savoir si elle a été convoquée ou pas aux assemblées générales de la copropriété dès lors que le lot acquis par elle ne comporte aucune quote-part des parties communes et qu'elle ne peut y voter pour ne disposer d'aucune voix.



Se fondant sur les dispositions de l'article 1 de la loi du 10 juillet 1965, dont elle rappelle qu'elles sont d'ordre public, la SCI BRAMOH entend rappeler qu'un lot de copropriété est composé d'une part d'une fraction de l'immeuble provenant de la division de la propriété, d'autre part d'une partie privative ainsi que d'une quote-part des parties communes, et qu'il ne peut y avoir de lot de copropriété en l'absence de quote-part des parties communes.



En l'espèce, la SCI BRAMOH estime que le fait que le lot n° 16 ne soit pas affecté de quote-parts des parties communes s'explique par l'absence de parties communes au sein de la copropriété.



De plus, la SCI BRAMOH souligne qu'il existe un accès direct côté [Adresse 6], que le lot n° 16 est de ce fait physiquement en dehors de la copropriété, ce qui explique qu'il ne participe pas aux charges.



Au final, écartant toute application de l'article 3 de la loi du 10 juillet 1965 qui dispose que sont communes les parties des bâtiments et des terrains affectées à l'usage ou à l'utilité de tous les copropriétaires ou de plusieurs d'entre eux, la SCI BRAMOH soutient que le lot n° 16 dont elle a fait l'acquisition est bien une partie privative qui ne peut faire partie de la copropriété compte tenu de la réalité topographique et de ce qu'il ne dispose d'aucun tantième des parties communes.



La SCI BRAMOH en demande donc le détachement à la Cour.



Le dispositif des écritures pour le syndicat des copropriétaires énonce :




Confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Montpellier le 3 octobre 2017 en toutes ses dispositions, et notamment en ce qu'il a débouté la SCI BRAMOH de l'ensemble de ses demandes tendant à la séparation du lot n°16 d'avec la copropriété [Adresse 5], aux modifications de l'état descriptif d'indivision et du règlement de copropriété, ainsi qu'à l'établissement d'un document d'arpentage matérialisant cette scission ;





Confirmer également le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SCI BRAMOH de sa demande de dommages et intérêts comme étant infondée ;

Condamner la SCI BRAMOH à payer et porter à la copropriété [Adresse 5] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.




Pour l'essentiel, le syndicat des copropriétaires tient à souligner que la SCI BRAMOH avait tout à fait conscience de ce qu'elle faisait l'acquisition d'un lot de copropriété en nature de jardin et qu'elle ne peut venir aujourd'hui en contester les caractéristiques, sans considération aucune pour les dispositions de son contrat, au seul motif qu'elle entend émanciper ce bien du statut impératif de la copropriété.



Reprenant la jurisprudence de la Cour de Cassation qui juge qu'un droit de jouissance exclusif sur des parties communes n'est pas un droit de propriété et ne peut constituer la partie privative d'un lot, le syndicat des copropriétaires estime que le droit de propriété de la SCI BRAMOH consiste en un simple droit de jouissance exclusive, qui constitue certes un droit réel, mais qui n'emporte pour autant nullement la propriété du tréfonds, qu'ainsi elle ne peut en conséquence rechercher la séparation du lot n° 16.






MOTIFS



Le règlement de copropriété en date du 10 octobre 1960, publié à la conservation des hypothèques de [Localité 4] sous le volume 2597 n° 33, indique que « l'entier immeuble faisant l'objet du présent règlement de copropriété va être divisé en seize lots (...). Les seize lots qui subdiviseront l'entier immeuble dont s'agit, ci-après formés et désignés, porteront respectivement les chiffres 1 à 16 inclus, (...) ».



S'agissant du lot n° 16, le règlement de copropriété le définit littéralement comme suit : « Ce lot est situé au sous-sol de l'immeuble et comprend tout le jardin donnant côté [Adresse 6], d'une superficie de cent cinquante sept mètres carrés cinquante cinq décimètres carrés, figuré sur le plan du sous-sol de l'immeuble, ci-annexé, sous une teinte verte par le chiffre 16.



Le propriétaire de ce lot devra faire son affaire personnelle de toute servitude encore susceptible de grever ledit lot, telles que lesdites servitudes sont ci-après plus amplement rapportées sous un paragraphe spécial. ».



Il est constant, comme le relève la SCI BRAMOH, que contrairement aux lots n° 1 à 15, le lot n° 16 est le seul qui ne dispose d'aucun millième des parties communes, en contradiction avec l'article 1 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis qui dispose que le lot de copropriété comporte obligatoirement une partie privative et une quote-part de parties communes, lesquelles sont indissociables.



Pour autant, la SCI BRAMOH ne peut en tirer pour conséquence que le régime de la copropriété n'est pas applicable à l'immeuble et que le jardin compris dans le lot n° 16 peut par conséquent être détaché de son assiette cadastrale.



En effet, comme le premier juge l'a indiqué, il convient en pareil cas de se référer à l'article 3 de la loi du 10 juillet 1965 qui dispose que sont communes les parties des bâtiments et des terrains affectées à l'usage ou à l'utilité de tous les copropriétaires ou de plusieurs d'entre eux et que, dans le silence ou la contradiction des titres, sont notamment réputées parties communes le sol, les cours, les parcs, les jardins et voies d'accès.



En l'espèce, la Cour confirme la juste déduction du premier juge, que le lot n° 16 consiste en une partie commune dont la jouissance est conférée à son propriétaire, étant rappelé que celui-ci ne peut se prévaloir d'un droit de propriété du sol, l'attribution d'un droit d'usage privatif sur une partie commune ne modifiant pas le caractère de partie commune.



Il ne peut par conséquent être effectué d'acte de propriété telle une emprise ou un détachement sans l'accord de l'assemblée générale des copropriétaires, ce qu'a d'ailleurs pertinemment rappelé le notaire rédacteur en page 22 de son acte de vente.



Ainsi, la SCI BRAMOH, qui savait en toute connaissance qu'elle faisait l'acquisition non pas d'un terrain à bâtir mais d'un lot de copropriété en nature de jardin, ne peut en demander le détachement ou indemnisation du fait que ce lot est inconstructible en l'état de son appartenance à la copropriété.



Le jugement de première instance sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la SCI BRAMOH de l'ensemble de ses demandes.



Sur les dépens et les frais non remboursables



Le jugement sera également confirmé en ce qui concerne les dépens et en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.



La SCI BRAMOH sera condamnée aux dépens de l'appel et l'équité justifie d'accorder au syndicat des copropriétaires la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS



La Cour, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe ;



CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance de Montpellier rendu le 3 octobre 2017, en toutes ses dispositions ;



CONDAMNE la SCI BRAMOH à payer au [Adresse 5] la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais non remboursables exposés en appel ;



CONDAMNE la SCI BRAMOH aux dépens de l'appel.



LE GREFFIER LE PRÉSIDENT









E. G.

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