19 septembre 2019
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-19.383

Deuxième chambre civile - Formation restreinte RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2019:C210647

Texte de la décision

CIV. 2

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 septembre 2019




Rejet non spécialement motivé


M. PRÉTOT, conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10647 F

Pourvoi n° R 18-19.383




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par M. G... V..., domicilié [...] ,

contre l'arrêt rendu le 15 mai 2018 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aisne, dont le siège est [...] , [...],

2°/ à la Fédération APAJH, dont le siège est [...] ,

défenderesses à la cassation ;

La Fédération APAJH a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 3 juillet 2019, où étaient présents : M. PRÉTOT, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Cadiot, conseiller rapporteur, Mme Vieillard, conseiller, Mme Szirek, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de Me Haas, avocat de M. V..., de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la Fédération APAJH ;

Sur le rapport de M. Cadiot, conseiller, l'avis de M. de Monteynard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;


Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen de cassation annexé au pourvoi principal et celui annexé au pourvoi incident éventuel, invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;


REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ;

Condamne M. V... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président et Mme Vieillard, conseiller faisant fonction de doyen, en ayant délibéré conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, et signé par Mme Rosette, greffier de chambre qui a assisté au pononcé de la décision le dix-neuf septembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. V..., demandeur au pourvoi principal.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. V... de ses demandes tendant à voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur, à voir fixer au maximum la majoration de la rente consécutive à la consolidation de l'accident du travail dont il a été victime et à voir ordonner une expertise médicale afin de liquider ses préjudices ;

AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitué dans la direction, la victime ou ses ayants-droit ont droit à une indemnisation complémentaire ; qu'en vertu du contrat le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat et le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article précité lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'il appartient au salarié de rapporter la preuve d'une faute inexcusable imputable à l'employeur ; que pour conclure à l'infirmation du jugement déféré et à la reconnaissance d'une faute inexcusable imputable à son employeur, M. V... fait valoir qu'il avait avant les faits pour responsable hiérarchique M. J..., occupant le poste de chef d'atelier, lequel est très autoritaire, que plusieurs incidents sont survenus avec son responsable hiérarchique en 2002, 2004 et 2011, à l'occasion desquels il s'est rapproché de sa direction pour signaler le contexte difficile de sa relation de travail avec l'intéressé, son comportement anormalement agressif et désagréable à son égard, que suite à ces signalements, il a été reçu en entretien par sa direction, qui ne pouvait dès lors ignorer la problématique liée au comportement de M. J..., mais qu'aucune suite n'a été donnée quant à l'entretien à celui-ci, ni information, qu'il a consulté le médecin du travail et la psychologue du travail à plusieurs reprises pour un état anxio-dépressif, mais l'employeur a mis fin à ce suivi psychologique au motif que les consultations auprès du psychologue du travail impactaient sur le temps de travail, que le rapport d'enquête sur les risques psycho-sociaux menée au sein de l'ESAT, en date du 31 mai 2012, a révélé un management inadapté et une ambiance dégradée, sans qu'aucune suite ne lui soit réservée, que le 4 juillet 2013, il a été reçu par son directeur et M. J..., entretien qualifié de rude et de « recadrage » par ces derniers, au cours duquel le directeur a donné l'ordre au chef d'atelier de le harceler et lui a dit « (
) Vous pouvez vous plaindre à qui vous voulez, je n'en ai rien à foutre
», que cet entretien a constitué le point culminant de sa détresse psychologique et c'est ainsi que le 5 juillet 2013, après avoir mal dormi, se sentant « fliqué et harcelé », il a tenté de se pendre sur son lieu de travail, que le rapport établi par le CHSCT le 8 juillet 2013 suite à sa tentative de suicide, comme le courrier de l'inspecteur du travail daté du 30 octobre 2013 confirment le lien avec l'entretien du 4 juillet 2013 et sa situation professionnelle, que l'inspection du travail relève en outre que la direction était au courant des difficultés relationnelles existant entre lui-même et M. J..., ainsi que des difficultés managériales de ce dernier ; que M. V... soutient que son employeur s'est dispensé de mettre en place des mesures préservant sa santé mentale, qu'il ne pouvait ignorer que ses difficultés pouvaient entraîner une détresse psychologique conduisant à une tentative de suicide et qu'il a accentué le climat de stress en le recevant le 4 juillet 2013 avec son chef d'atelier ; que M. V... précise qu'il est à ce jour toujours suivi par un psychiatre et un psychologue du travail ; que la Fédération des APAJH conteste l'existence d'une faute inexcusable qui lui serait imputable ; qu'elle fait valoir notamment que le médecin du travail a systématiquement délivré des avis d'aptitude au travail concernant M. V..., que le geste volontaire de celui-ci se mettant lui-même en danger était imprévisible et qu'il ne saurait constituer le fondement d'une prétendue faute inexcusable ; que l'APAJH souligne que les deux enquêtes menées par le CHSCT respectivement les 8 juillet 2013 et 7 octobre 2013 montrent que rien de laissait présager une tentative de suicide de la part de M. V... ; qu'elle indique que contrairement à ce qui est prétendu, l'employeur n'a pas mis fin aux consultations psychologiques suivies par l'intéressé et qu'elle a pris des mesures afin d'apaiser la situation entre M. V... et son chef d'atelier, dont le comportement n'est pas celui décrit pas l'appelant ; qu'elle expose que l'entretien ayant eu lieu le 4 juillet 2013 ne s'inscrivait dans aucune procédure disciplinaire, que leurs obligations respectives ont été rappelées à M. J... et M. V..., et que l'entretien ne saurait être à l'origine des faits en cause ; qu'elle observe que plusieurs éléments laissent penser que la tentative de suicide de M. V... pouvait avoir un rapport avec son état de santé, celui-ci ayant informé le directeur de problèmes de santé graves en octobre 2012 ; qu'au soutien de ses prétentions, M. V... verse divers courriers, dont un courrier adressé à l'inspecteur du travail dès le 14 octobre 2002 faisant état d'une « situation insupportable au travail » et un courrier adressé le 10 avril 2004 au directeur du CAT faisant état du comportement maladroit et très agressif tenu à son égard par son supérieur hiérarchique ; que par courrier du 6 juillet 2011, et suite à un entretien ayant eu lieu avec l'équipe de direction sur la demande de M. V..., M. Y..., directeur de l'établissement, lui indiquait à cet égard : « (
) vous nous avez informés de problèmes de santé, mais également d'un relationnel difficile avec votre chef d'atelier
vous nous expliquiez que cette situation perdurait depuis 2003
je vous indique que
nous portons une attention toute particulière à la situation que vous avez décrite
je reçois ce jour votre collègue de travail
» ; que la souffrance ressentie au travail par M. V..., comme le suivi psychologique de celui-ci par la psychologue du travail à compter de 2011 pour un état anxio-depressif dans un contexte de situation professionnelle difficile étaient ainsi parfaitement connus de sa direction, qui ne le conteste pas ; que les témoignages produits par M. V... émanant de son entourage professionnel montrent d'ailleurs que les difficultés relationnelles existant entre celui-ci et son chef d'atelier étaient connues de tous ; que le courrier de l'inspection du travail du 30 octobre 2013, faisant suite à l'enquête relative à la tentative de suicide de M. V... indiquait quant à lui, s'agissant des causes de celle-ci que si le harcèlement moral ne pouvait être retenu à l'encontre de l'employeur, il était néanmoins « clairement établi que la tentative de suicide de M. V... sur son lieu de travail est en lien, au moins pour partie avec sa situation professionnelle
» ; que toutefois, l'inspecteur du travail observait dans ce même courrier : «
concernant la décrédibilisation des encadrants, il m'apparaît que le grief soulevé par M. V... reste un cas isolé ou tout du moins exceptionnel
» ; que de son côté, l'employeur de M. V... verse, pour conforter sa contestation de toute faute inexcusable, le compte-rendu d'enquête effectué par le CHSCT le 8 juillet 2013 ; que cette enquête au cours de laquelle 9 personnes employées par la Fédération des APAJH ont été entendues mentionne : «
le CHSCT n'a pas identifié formellement une ou des causes qui justifient et expliquent la tentative de suicide de M. V...
les personnes entendues ont été surprises de son geste, pour certains ce geste leur apparaît comme étant en totale contradiction avec l'attitude qu'il dégageait vendredi matin
» ; que dans un rapport établi le 7 octobre 2013 par la commission d'enquête du CHSCT, laquelle a procédé à l'audition de 11 employés, il est par ailleurs relevé : «
la commission d'enquête croit identifier plus une difficulté interpersonnelle
entre deux personnes
plus qu'un problème de mode de management du chef d'atelier
l'attitude de M. J... n'est pas vécue comme décrédibilisante ou anormale dans les auditions ci-dessus
à de nombreuses reprises est évoqué le fait que M. V... se mette une pression seul » ; que le courrier de M. Julien C..., responsable des ressources humaines, adressé à l'inspection du travail, montre en outre qu'après un entretien du 6 juillet 2011, le directeur de l'établissement avait demandé à M. J... de ne plus intervenir auprès du salarié afin d'éviter tout débordement ; qu'il indique par ailleurs que M. V... avait informé le directeur de problèmes de santé graves en octobre 2012 ; qu'en considération de ces éléments contradictoires versés de part et d'autre, s'il est établi que la mésentente existant entre M. V... et son chef d'atelier était connue de l'employeur, comme le mal être du salarié, la preuve n'est en revanche pas rapportée de ce que l'employeur avait ou devait avoir conscience du risque encouru par M. V... ; qu'en effet, l'enquête montre qu'aucun signe avant-coureur extérieur observable ne laissait présager que M. V... tenterait d'attenter à ses jours et son supérieur hiérarchique, s'il avait un caractère déterminé, n'avait pas pour autant un comportement professionnel anormal de l'avis des personnes entendues ; qu'il convient à cet égard de rappeler que des faits de harcèlement moral n'ont pas été retenus par l'inspection du travail ; que la preuve n'est pas rapportée non plus de ce que les conditions de l'entretien du 4 juillet 2013 auraient été humiliantes pour M. V... ; que par ailleurs un avis d'aptitude de travail était délivré à chaque visite de M. V... auprès de la médecine du travail ; qu'en outre aucun antécédent connu de tentative de suicide de M. V... n'est rapporté ; qu'il en résulte que c'est par une juste appréciation des faits de la cause que les premiers juges ont dit qu'il ne pouvait être retenue une faute inexcusable à l'endroit de l'employeur de M. V... et l'ont débouté de l'ensemble de ses demandes, en relevant que la demande d'inopposabilité formulée par la Fédération des APAJH devenait dès lors sans objet ;

ALORS, 1°), QU'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'en considérant que la tentative de suicide de M. V... ne résultait pas d'une faute inexcusable de son employeur, après avoir relevé que cette tentative de suicide était liée à sa situation professionnelle difficile et que l'employeur connaissait non seulement les difficultés professionnelles rencontrées par son salarié mais aussi la grande souffrance psychologique qu'il ressentait, ce dont elle aurait dû déduire que l'employeur avait conscience du danger auquel le salarié était exposé, sans qu'il ait justifié avoir pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légale de ses propres constatations, a violé les articles 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 et L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;

ALORS, 2°), QU' en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'en relevant, pour écarter la faute inexcusable, qu'aucun signe ne laissait présager que M. V... était susceptible de mettre fin à ses jours, qu'il n'était pas établi que son supérieur hiérarchique ait eu un comportement professionnel anormal en l'absence de harcèlement retenu par l'inspection du travail et qu'après chaque visite médicale, le salarié avait été déclaré apte au travail, tout en constatant par ailleurs que la tentative de suicide de l'intéressé était liée à une situation professionnelle difficile née de sa relation conflictuelle avec son chef d'atelier et que l'employeur connaissait non seulement les difficultés professionnelles rencontrées par son salarié mais aussi la grande souffrance psychologique qu'il en ressentait, ce dont il ressortait que l'employeur aurait dû avoir conscience du danger auquel le salarié était exposé, peu important qu'aucun signe extérieur ne laissait présager un tel passage à l'acte, ou que le salarié n'ait pas été victime d'un harcèlement moral ou ait été déclaré inapte au travail, la cour d'appel, qui s'est fondée sur des motifs inopérants, a violé les articles 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 et L. 452-1 du code de la sécurité sociale. Moyen produit par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour la Fédération APAJH, demanderesse au pourvoi incident éventuel.

LE POURVOI REPROCHE À L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR dit sans objet la demande d'inopposabilité de la prise en charge de l'accident du travail formée par la Fédération des APAJH ;

AUX MOTIFS QUE c'est par une juste appréciation des faits de la cause que les premiers juges ont dit qu'il ne pouvait être retenu une faute inexcusable à l'endroit de l'employeur de M. V... et l'ont débouté de l'ensemble de ses demandes, en relevant que la demande d'inopposabilité formulée par la Fédération des APAJH devenait dès lors sans objet ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il ne peut être caractérisé à l'encontre de l'employeur une faute inexcusable ; que par conséquent, la demande principale de Monsieur G... V... sera déboutée ; que par suite, la demande tendant à l'inopposabilité des conséquences de la faute inexcusable formulée par la Fédération des APAJH devient sans objet ;

ALORS QUE si elle était prononcée, la cassation de l'arrêt qui interviendrait sur le pourvoi principal de M. V... entrainerait, par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile, sa censure en ce qu'il a dit sans objet la demande d'inopposabilité de la prise en charge de l'accident du travail formée par la Fédération des APAJH ;

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