19 septembre 2019
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-16.451

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2019:C201135

Texte de la décision

CIV. 2

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 septembre 2019




Rejet


Mme FLISE, président



Arrêt n° 1135 F-D

Pourvoi n° D 18-16.451







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. C... H..., domicilié [...] ,

contre l'arrêt rendu le 14 février 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (14e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du Var, dont le siège est [...] ,

2°/ à la société BR associés, société civile professionnelle, dont le siège est [...] , représentée par M. R... W..., pris en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de M. H...,

défenderesses à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 3 juillet 2019, où étaient présents : Mme Flise, président, Mme Palle, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, Mme Szirek, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Palle, conseiller référendaire, les observations de la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat de M. H... et de la société BR associés, ès qualités, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Var, l'avis de M. de Monteynard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 février 2018) et les productions, que M. H..., infirmier d'exercice libéral, a fait l'objet d'une analyse de son activité par le service du contrôle médical portant sur la période de janvier 2011 à octobre 2012, à l'issue de laquelle la caisse primaire d'assurance maladie du Var (la caisse) lui a notifié, le 8 août 2014, un indu correspondant à des facturations d'actes non réalisés et des cotations non conformes à la nomenclature générale des actes professionnels, puis, le 5 juin 2014, une pénalité financière ; que M. H... a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que M. H... fait grief à l'arrêt de rejeter le moyen tiré de la forclusion de l'action en recouvrement de l'indu, alors, selon le moyen, que les dispositions de l'article D. 315-3 du code de la sécurité sociale s'appliquent quelle que soit la procédure que l'organisme de sécurité sociale met en oeuvre, sur le fondement de l'article R. 315-1 du même code, à l'issue de l'analyse de l'activité du professionnel de santé effectuée en application du IV de l'article L. 315-1 dudit code, au nombre desquelles figure notamment, outre la procédure disciplinaire prévue par l'article L. 145-1, la procédure de recouvrement de l'indu prévue par l'article L. 133-4 ; qu'en jugeant, pour dire que l'article D. 315-3 du code de la sécurité sociale n'était pas applicable en l'espèce où la caisse avait, à l'issue du contrôle de l'activité de M. H..., exercé une action en recouvrement de l'indu, que ce texte ne s'applique qu'en cas de poursuites disciplinaires, la cour d'appel a violé ledit texte, ensemble l'article R. 315-1 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu, selon l'article R. 315-1, III du code de la sécurité sociale, que lorsqu'à l'occasion de l'analyse de l'activité d'un professionnel de santé effectuée en application du IV de l'article L. 315-1, le service du contrôle médical constate le non-respect de dispositions législatives ou réglementaires régissant la prise en charge des frais médicaux au titre des risques maladie, maternité, invalidité, accidents du travail et maladies professionnelles, ou de règles de nature législative, réglementaire ou conventionnelle que les professionnels sont tenus d'appliquer dans leur exercice, les procédures prévues notamment aux articles L. 133-4 et L. 145-1 du même code sont mises en oeuvre ; qu'en application de l'article R. 315-1-2 du même code, à l'issue de l'analyse de l'activité, la caisse notifie au professionnel concerné les griefs retenus à son encontre par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, l'intéressé pouvant demander à être entendu par le service du contrôle médical dans le délai d'un mois qui suit la notification des griefs ; que, selon l'article D. 315-3 du même code, la caisse est réputée avoir renoncé à poursuivre le professionnel de santé contrôlé si elle ne l'informe pas des suites qu'elle envisage de donner aux griefs initialement notifiés dans un délai de trois mois à compter de l'expiration des délais prévus au second alinéa de l'article D. 315-2 ou, à défaut, du délai d'un mois mentionné à l'article R. 315-1-2 ;

Qu'il en résulte que la caisse, liée par les constatations faites par le service du contrôle médical à l'occasion de l'analyse de l'activité du professionnel de santé, doit, quelle que soit la nature de la procédure qu'elle met en oeuvre à l'issue de ce contrôle, avoir préalablement notifié au professionnel concerné les griefs retenus à son encontre par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et l'avoir informé des suites qu'elle envisage de donner aux griefs initialement notifiés dans les formes et délais impartis ;

Et attendu qu'ayant souverainement constaté, par motifs adoptés, que par courrier du 7 août 2013, la caisse avait notifié à M. H... les suites contentieuses, tel que prévu à l'article D. 315-3, à savoir que les griefs ont conduit la caisse à envisager une récupération d'indu et la saisine de la commission des pénalités financières pour fraude, la cour d'appel en a exactement déduit que la procédure suivie par la caisse, en application de l'article D. 315-3 du code de la sécurité sociale, était régulière ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, et sur le second moyen, annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. H... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par M. Prétot, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du président empêché, et par Mme Rosette, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt, en l'audience publique du dix-neuf septembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour M. H...


PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le moyen tiré de la forclusion, constaté le bien-fondé de l'indu à hauteur de la somme de 156.684,87 euros, fixé le montant de la pénalité financière à 120.000 euros et fixé la créance de la CPAM du Var à due concurrence de ces deux sommes au passif de la procédure collective de M. H... ;

AUX MOTIFS propres QU'au soutien de sa demande à l'effet de voir la caisse être déclarée forclose dans son action, M. H... expose que la notification du 16 décembre 2013 emportant notification des préjudices financiers d'un montant de 156.184,87 euros a été réalisée à son endroit sans que la caisse ait respecté le délai de trois mois de l'article D. 315-3 du code de la sécurité sociale ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Var lui oppose que l'article D. 315-3 du code de la sécurité sociale n'est pas applicable à la cause ; que la Cour se doit d'observer que ce moyen de forclusion procède d'une confusion que réalise M. H... entre le contrôle de facturation à l'origine de la notification de l'indu, lequel n'est enfermé dans aucun délai, hormis le délai de prescription de droit commun, et le contrôle médical institué par les articles L. 315-1 et suivants du code de la sécurité sociale, qui porte sur une appréciation qualitative des prescriptions effectuées par les professionnels de santé dont les « fautes, abus, fraudes et tous faits intéressant l'exercice de la profession » donnent lieu à poursuites disciplinaires dans les conditions prévues aux articles L. 145-1 et suivants du code de la sécurité sociale, lequel registre disciplinaire n'a toutefois pas été mis en oeuvre par la caisse à l'encontre de celui-là ; qu'en effet, selon l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale en cas d'inobservation des règles de tarification ou de facturation des actes, prestations et produits figurant sur la liste mentionnée à l'article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, l'organisme de prise en charge recouvre l'indu correspondant auprès du professionnel à l'origine du non-respect de ces règles ; que la convention nationale destinée à organiser les rapports entre les infirmiers libéraux et les caisses définit en son article 7.4 « les situations pour lesquelles un professionnel qui, dans son exercice, ne respecte pas ses engagements conventionnels, est susceptible de faire l'objet d'un examen de sa situation par les instances paritaires et d'une éventuelle sanction » ; que c'est ainsi qu'elle prévoit que l'auxiliaire médical qui ne respecte pas les dispositions de la convention est susceptible de faire l'objet de mesures d'interdiction temporaire ou définitive de pratiquer, de suspension de tout ou partie de la participation des caisses au financement des cotisations sociales du professionnel et de suspension de la possibilité d'exercer dans le cadre conventionnel ; qu'en l'espèce, la caisse n'a pas mis en oeuvre l'une des sanctions prévues par la convention, mais la procédure de récupération d'indu prévue à l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, en sorte que la procédure décrite par cette convention n'est pas applicable et aucune irrégularité ne découle en conséquence de son non-respect ; qu'en tout état de cause, les premiers juges ont expressément relevé, au terme d'une motivation qui n'appelle aucune critique et que la cour adopte pour surplus, que la caisse avait également respecté les conditions de l'article D. 315-3 du code de la sécurité sociale, en faisant litière de l'ensemble des moyens de nullité relevés par M. H... à son encontre et du chef desquels il conclut à l'identique devant la cour, et ont également débouté M. H... de ses prétentions sur ce fondement ;

ET AUX MOTIFS adoptés QU'il résulte des éléments soumis à l'appréciation du tribunal que par courrier du 8 octobre 2012, le service médical a informé M. H... du contrôle de son activité professionnelle ; que le 22 avril 2013, le service médical a adressé au professionnel de santé une lettre de conclusion de l'analyse d'activité accompagnée du tableau des anomalies recensées et l'informant de la possibilité de demander un entretien ; que le 26 avril 2013, les services administratifs de la caisse ont envoyé à M. H... la notification des griefs découlant de l'analyse d'activité, courrier également remis par un enquêteur le 3 juin 2013 ; que suite à cette notification, l'infirmier a fait parvenir au service médical une réponse aux griefs ainsi que des documents, le conseil de M. H... faisant savoir qu'il ne souhaitait pas bénéficier de l'entretien contradictoire prévu par l'article R. 315-1-2 du code de la Sécurité sociale ; que suite à la prise en compte des observations du professionnel de santé, le service médical a transmis le tableau des griefs modifiés par courrier du 11 juin 2013 ; que, le 8 juillet 2013, l'infirmier a envoyé de nouvelles pièces qui, après analyse, n'ont pas modifié les griefs ; que l'entretien contradictoire n'ayant pas été sollicité par le professionnel de santé la caisse avait donc trois mois à compter du 26 mai 2013 pour informer M. H... des suites à donner à l'analyse de son activité ; que par courrier du 7 août 2013, la caisse a notifié à M. H... les suites contentieuses, tel que prévu à l'article D. 315-3, à savoir que les griefs ont conduit la caisse à envisager une récupération d'indu et la saisine de la Commission des pénalités financières pour fraude ; que ce courrier envoyé en recommandé a fait l'objet d'une remise en mains propres par un enquêteur de la caisse le 19 août 2013, la CPAM justifiant, par note en délibéré, que le directeur général de la CNAMTS a, par décision du 2 juillet 2013, accordé à Mme P... une autorisation provisoire d'exercer les fonctions d'agent chargé du contrôle de l'application de la législation de la sécurité sociale conformément aux dispositions de l'article L. 114-10 du code de la sécurité sociale et de l'arrêté du 18 décembre 2006 modifiant l'arrêté du 30 juillet 2004 fixant l'agrément des agents chargés du contrôle de l'application de la législation de la sécurité sociale ; que les critiques tenant au fait qu'il ne serait pas établi que la lettre lui ait été remise en mains propres est inopérante en ce que l'accusé de réception du courrier du 7 août 2013 a été signé et conservé par l'enquêteur Catherine P..., régulièrement habilitée comme en fait foi le procès-verbal produit aux débats, qui atteste dans son rapport d'enquête relatif à la remise de pli s'être déplacée, le 14 août 2013, au domicile professionnel de M. H..., qu'elle avait pu rencontrer et qui lui a remis le courrier qui lui était destiné ; que la caisse ayant respecté les conditions de l'article D. 315-3 du code de sécurité sociale, il convient de rejeter le moyen tiré de la forclusion ;

1°) ALORS QUE les dispositions de l'article D. 315-3 du code de la sécurité sociale s'appliquent quelle que soit la procédure que l'organisme de sécurité sociale met en oeuvre, sur le fondement de l'article R. 315-1 du même code, à l'issue de l'analyse de l'activité du professionnel de santé effectuée en application du IV de l'article L. 315-1 dudit code, au nombre desquelles figure notamment, outre la procédure disciplinaire prévue par l'article L. 145-1, la procédure de recouvrement de l'indu prévue par l'article L. 133-4 ; qu'en jugeant, pour dire que l'article D. 315-3 du code de la sécurité sociale n'était pas applicable en l'espèce où la CPAM du Var avait, à l'issue du contrôle de l'activité de M. H..., exercé une action en recouvrement de l'indu, que ce texte ne s'applique qu'en cas de poursuites disciplinaires, la cour d'appel a violé ledit texte, ensemble l'article R. 315-1 du code de la sécurité sociale.

2°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel (p. 7 à p. 8, al. 1 à 4), M. H... faisait valoir que Mme P..., qui lui aurait prétendument remis en mains propres, le 19 août 2013, la lettre du 7 août 2013 par laquelle la caisse l'aurait informé des suites qu'elle entendait donner à l'analyse de son activité, n'avait prêté serment que le 1er octobre 2013 alors, pourtant, que selon la caisse elle-même, il était impératif que l'agent de contrôle chargé de lui remettre cette lettre fut assermenté ; qu'en se bornant à relever, par adoption des motifs des premiers juges, que la caisse justifiait, par note en délibéré, que Mme P... avait obtenu, le 2 juillet 2013, une autorisation provisoire d'exercer les fonctions d'agent chargé du contrôle de l'application de la législation de la sécurité sociale, sans répondre à ce moyen tiré de l'absence d'assermentation de cet agent au moment de la remise de la lettre informant M. H... des suites contentieuses envisagées, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé le montant de la pénalité financière à 120.000 euros et fixé la créance de la CPAM du Var à due concurrence notamment de cette somme au passif de la procédure collective de M. H.... ;

AUX MOTIFS QUE M. H... demande l'infirmation du jugement en considérant que la pénalité financière qui lui a été infligée est dénuée de fondement ; que la caisse a relevé un appel incident pour voir porter cette pénalité à 203.903 euros en exposant que la gravité des faits reprochés à M. H..., sa situation de récidive et le fait que ce dispositif soit une alternative aux poursuites pénales militaient pour un rétablissement de la pénalité originelle ; que la Commission des pénalités financières a notifié à M. H... une pénalité financière de 203.903 euros du chef d'actes facturés non réalisés et de cotations non conformes à la NGAP ; que cette pénalité a pour objet de sanctionner un comportement professionnel déviant ; qu'elle est justifiée en l'espèce par un volume d'activité quotidien atypique ainsi que cela a été rappelé supra ; que comme à l'égard de toute sanction, la juridiction dispose d'un pouvoir de contrôle de proportionnalité de l'adéquation entre son montant et la gravité des faits commis par l'auxiliaire médical ; qu'en fixant à 100.000 euros la pénalité qu'il convenait de prononcer à l'encontre de M. H... et en réduisant ainsi de 50 % le montant de celle-ci, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Var a réalisé une juste appréciation du contrôle de proportionnalité dont il était saisi, au regard de la gravité des faits commis par M. H..., mais en tenant nécessairement compte de ce qu'aucune poursuite pénale et/ou disciplinaire n'avait été mise en oeuvre par la caisse ;

ALORS QUE le montant de la pénalité financière mentionnée à l'article L. 114-17-1 du code de la sécurité sociale doit être fixée en considération de la seule gravité des faits reprochés ; qu'en approuvant les premiers juges d'avoir tenu compte, pour fixer le montant de la pénalité financière à la somme de 120.000 euros, outre de la gravité des faits, de la circonstance qu'aucune poursuite pénale et/ou disciplinaire n'avait été mise en oeuvre à l'encontre de M. H..., la cour d'appel, qui s'est ainsi déterminée en fonction d'une considération non susceptible d'influer sur le montant de la pénalité financière, a violé l'article L. 114-17-1 du code de la sécurité sociale.

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