4 mars 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-24.405

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2020:SO00264

Titres et sommaires

TRAVAIL REGLEMENTATION, SANTE ET SECURITE - Services de santé au travail - Examens médicaux - Conclusion du médecin du travail - Avis sur l'aptitude - Contestation - Demande de désignation d'un médecin-expert - Convocation du médecin-expert - Frais de déplacement - Remboursement - Fondement juridique - Détermination - Portée

Les frais de déplacement exposés par un salarié à l'occasion de l'expertise ordonnée en application de l'article L. 4624-7 du code du travail ne peuvent être remboursés que sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Le juge ne peut accorder une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile à raison de frais exposés pour les besoins d'une procédure antérieure

FRAIS ET DEPENS - Frais non compris dans les dépens - Condamnation - Article 700 du code de procédure civile - Domaine d'application - Frais de transport exposés par le salarié pour se rendre à la convocation du médecin-expert

FRAIS ET DEPENS - Frais non compris dans les dépens - Condamnation - Conditions - Sommes exposées en raison de l'instance.

FRAIS ET DEPENS - Frais non compris dans les dépens - Condamnation - Article 700 du nouveau code de procédure civile - Domaine d'application - Frais exposés pour une procédure antérieure (non)

Texte de la décision

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 4 mars 2020




Cassation sans renvoi


M. CATHALA, président



Arrêt n° 264 FS-P+B

Pourvoi n° Z 18-24.405






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 MARS 2020

La société JUL, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...], a formé le pourvoi n° Z 18-24.405 contre le jugement rendu le 13 septembre 2018 par le conseil de prud'hommes de la Roche-sur-Yon (section commerce), dans le litige l'opposant à Mme E... O..., domiciliée [...], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Silhol, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société JUL, et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 janvier 2020 où étaient présents M. Cathala, président, M. Silhol, conseiller référendaire rapporteur, Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, MM. Pion, Ricour, Mmes Van Ruymbeke, Capitaine, Gilibert, conseillers, M. Duval, Mme Valéry, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu l'article 700 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 4624-7 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;

Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que Mme O..., salariée de la société JUL, a été déclarée inapte à son poste par le médecin du travail à l'occasion d'un examen du 1er juin 2017 ; que, saisie d'une contestation formée à l'encontre de cet avis, la juridiction prud'homale, après avoir désigné un médecin-expert, a dit que la situation médicale de la salariée la rendait apte à son poste de travail, dit que les frais d'expertise seraient partagés par moitié entre les parties et que chaque partie conserverait la charge de ses dépens ; que la salariée a saisi une nouvelle fois la juridiction prud'homale d'une demande en paiement des frais de déplacement qu'elle a exposés pour se rendre à la convocation du médecin-expert ;

Attendu que pour accueillir cette demande, le jugement retient que l'expertise diligentée à la suite de l'avis d'inaptitude constitue un examen complémentaire et que suivant les dispositions de l'article R. 4624-39 du code du travail, les frais de transport sont à la charge de l'employeur ;

Attendu, cependant, d'une part que les frais de déplacement exposés par un salarié à l'occasion de l'expertise ordonnée en application de l'article L. 4624-7 du code du travail ne peuvent être remboursés que sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, d'autre part que le juge ne peut accorder une somme au titre de ce dernier texte à raison de frais exposés pour les besoins d'une procédure antérieure ;

Qu'en statuant comme il l'a fait, le conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés ;

Et attendu qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif relatif au paiement des frais de déplacement exposés par la salariée pour se rendre à la convocation du médecin-expert entraîne, par voie de conséquence, la cassation des dispositions du jugement condamnant l'employeur au paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

Vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 13 septembre 2018, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de la Roche-sur-Yon ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Rejette les demandes formées par Mme O... ;

Condamne Mme O... aux dépens d'instance et de cassation ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société JUL ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société JUL

Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR dit que l'examen auprès du médecin expert est un examen complémentaire à la demande de la société Jul et d'AVOIR en conséquence condamné cette dernière à verser à Mme O... les sommes de 206,75 euros représentant les frais kilométriques que Mme O... a engagés en se rendant à cet examen complémentaire, d'un euro à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE Mme O... a engagé des frais afin de se rendre à l'examen auprès de l'expert ordonné par le conseil de prud'hommes des Sables d'Olonne et ce à la demande de son employeur ; qu'en l'espèce, Mme O... a effectué un trajet aller-retour entre son domicile ([...] ) et le cabinet de l'expert à Angers ; que les frais engendrés par ce trajet sont calculés par Mme O... en fonction du kilométrage, de la puissance de son véhicule et du barème fiscal en vigueur ainsi que les frais de péage, soit une somme de 206,75 euros ; que Mme O... estime que ces frais sont en lien avec la médecine du travail au titre d'examen complémentaire ; que le code du travail oblige l'employeur à organiser des visites médicales obligatoires pour ses salariés afin de vérifier l'aptitude de ceux-ci à exercer l'emploi pour lequel ils ont été engagés ; que depuis le 1er janvier 2017, les éléments de nature médicale justifiant les décisions du médecin du travail peuvent être contestés par le salarié ou l'employeur en saisissant le conseil de prud'hommes dans les 15 jours de leur notification d'une demande de désignation d'un médecin expert inscrit sur la liste des experts auprès de la cour d'appel ; que cet examen a été demandé par la société Jul qui a saisi le conseil de prud'hommes des Sables d'Olonne, en juin 2017 ; que le bureau de référé a ordonné à Mme O... de se rendre à la consultation de l'expert diligentée suite à la contestation par la société Jul de l'avis d'inaptitude du 1er juin 2017 ; que cet examen fait suite au désaccord entre la société Jul et le médecin du travail sur l'inaptitude de Mme O... ; que le conseil de prud'hommes dit que cet examen est un examen complémentaire et qu'il doit être à la charge de l'employeur suivant les dispositions de l'article R. 4624-39 du code du travail ; qu'en effet, attendu que le temps nécessité par les examens médicaux, y compris les examens complémentaires, est à la charge de l'employeur, soit que l'on prenne sur les heures de travail normalement payées, soit qu'on le rémunère en plus du travail normal lorsqu'ils ne peuvent avoir lieu pendant les horaires de travail ; que les frais de transport sont également à la charge de l'employeur suivant les dispositions de l'article R. 4624-39 du code du travail ; que la société Jul explique que la demande de Mme O... n'est pas recevable car l'ordonnance du bureau de référé des Sables d'Olonne a rappelé dans son dispositif que "chaque partie conservera ses dépens" ; mais que selon l'article 695 du code de procédure civile, les dépens afférents aux instances, actes et procédures d'exécution comprennent :
« 1° Les droits, taxes, redevances ou émoluments perçus par les secrétariats des juridictions ou l'administration-des impôts à l'exception des droits, taxes et pénalités éventuellement dus sur les actes et titres produits à l'appui des prétentions des parties ;
2° Les frais de traduction des actes lorsque celle-ci est rendue nécessaire par la loi ou par un engagement international ;
3° Les indemnités des témoins ;
4° La rémunération des techniciens ;
5° Les débours tarifés ;
6° Les émoluments des officiers publics ou ministériels ;
7° La rémunération des avocats dans la mesure où elle est réglementée y compris les droits de plaidoirie ;
8° Les frais occasionnés par la notification d'un acte à l'étranger ;
9° Les frais d'interprétariat et de traduction rendus nécessaires par les mesures d'instruction effectuées à l'étranger à la demande des juridictions dans le cadre du règlement (CE) n° 1206/2001 du Conseil du 28 mai 2001.relatif à la coopération entre les juridictions des Etats membres dans le domaine de l'obtention des preuves en matière civile et commerciale ;
10° Les enquêtes sociales ordonnées en application des articles 1072,1171 et 1221;
11° La rémunération de la personne désignée par le juge pour entendre le mineur, en application de l'article 388-1 du code civil » ;
qu'au vu de ce qui précède, le conseil décide que l'analyse de la société Jul n'est pas recevable, ni bien fondée ; qu'en conséquence, les juges s'accordent pour dire que la demande de Mme O... est recevable et bien fondée et qu'il s'agit bien d'un examen complémentaire qui doit être pris en charge par la société Jul ;

1°- ALORS QUE l'examen du salarié réalisé par le médecin-expert désigné par le conseil de prud'hommes dans le cadre de la contestation par l'employeur de l'avis médical rendu par le médecin du travail ne constitue pas un examen complémentaire au sens de l'article R. 4624-39 du code du travail ; qu'il en résulte que les frais de transport du salarié pour se rendre au cabinet du médecin-expert ne sont pas à la charge de l'employeur ; qu'en jugeant le contraire et en disant que les frais de déplacement engagés par Mme O... pour se rendre de son domicile situé à [...] au cabinet du médecin-expert situé à Angers doivent être pris en charge par la société Jul qui avait saisi le conseil de prud'hommes aux fins de contester l'avis médical rendu le 1er juin 2017 par le médecin du travail dans le cadre des dispositions de l'article L. 4624-7 du code du travail, le conseil de prud'hommes a violé les articles R. 4624-35 et R. 4624-39 du code du travail ;

2° ALORS QU' en application de l'article L. 4624-7 du code du travail, les frais liés à la mesure d'expertise médicale sont à la charge de la partie perdante, à moins que le conseil de prud'hommes, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie ; qu'en l'espèce, il ressort de l'ordonnance du 18 septembre 2017 qui a dit que la demande de la société Jul était bien fondée et que les éléments de nature médicale ne justifiaient pas l'avis et l'explication du médecin du travail du 1er juin 2017, que Mme O... est la partie perdante ; qu'il s'ensuit que le jugement attaqué ne pouvait faire droit à la demande de Mme O... de remboursement de ses frais de déplacement afférents à la mesure d'expertise médicale , sauf à motiver spécialement sa décision sur ce point, ce qu'il n'a pas fait ; que le conseil de prud'hommes a violé l'article L. 4624-7 du code du travail ;

3° ALORS QUE la société Jul n'a jamais prétendu que les frais de déplacement afférents à l'expertise médicale constituaient des dépens au sens de l'article 695 du code de procédure civile mais a soutenu qu'ils constituaient des frais relevant de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'en énonçant que « la société Jul explique au conseil de céans que la demande de Mme O... n'est pas recevable car l'ordonnance du bureau de référé des Sables d'Olonne a rappelé dans son dispositif que « chaque partie conservera ses dépens » et en ne s'expliquant pas sur l'argumentation de la société Jul sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile, le conseil de prud'hommes a méconnu l'objet du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

4°- ALORS enfin que, à titre subsidiaire, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche, et qu'un autre juge est tenu de respecter ; qu' à titre subsidiaire, la société Jul a soutenu que par ordonnance du 18 septembre 2017 ayant acquis l'autorité de chose jugée, le conseil de prud'hommes des Sables d'Olonne avait dit que les frais d'expertise médicale devaient être partagés par moitié, ce dont il s'évinçait que les frais de déplacement y afférents ne pouvaient être mis exclusivement à la charge de la société Jul ; qu'en décidant le contraire, le conseil de prud'hommes a violé l'article 480 du code de procédure civile.

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