11 mars 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-25.972

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2020:SO00298

Texte de la décision

SOC.

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 mars 2020




Cassation partielle


Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 298 F-D

Pourvoi n° C 18-25.972

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme Q....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 15 novembre 2018.






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 MARS 2020

Mme O... Q..., divorcée B..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° C 18-25.972 contre l'arrêt rendu le 9 novembre 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige l'opposant à la société Clichy distribution, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Lay, conseiller, les observations de la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat de Mme Q..., de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Clichy distribution, après débats en l'audience publique du 4 février 2020 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Lay, conseiller rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 novembre 2017), Mme Q... a été engagée par la société Clichy distribution en qualité d'employée libre-service et a été licenciée pour faute grave le 12 mai 2011.

2. Contestant le bien-fondé de la rupture, la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir les indemnités afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse outre le bénéfice d'une indemnité compensatrice de congés payés.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

3. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes alors :

« 1°/ que nul ne peut se faire de preuve à lui-même ; que la charge de la preuve en matière de licenciement pour faute grave pèse sur l'employeur ; qu'en se fondant, pour dire que le licenciement de Mme Q... reposait sur une faute grave, exclusivement sur des attestations ou courriers émanant du responsable, de la responsable adjointe et de deux préposés de la société employeur, la cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, pour considérer que le licenciement de Mme Q... reposait sur une faute grave, la cour d'appel a énoncé que les attestations produites par la salariée témoignaient essentiellement de la satisfaction de clients à son égard et de la bonne entente avec certains de ses collègues et ne contredisaient donc pas le déroulement des événements des12 et 13 avril 2011, cependant que l'intéressée produisait des attestations qui étaient de nature à anéantir les dires des deux salariées et dont il ressortait que Mlle X... et Mme A... calomniaient certains collègues auprès du directeur qui était souvent absent et qu'elles faisaient régner une mauvaise ambiance au travail mais aussi que Mlle X... était particulièrement agressive, ce dont il se déduisait que les attestations de Mlle X... et Mme A... étaient sujettes à caution ; qu'en refusant de prendre en compte les attestations produites par Mme Q..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Le moyen ne tend qu'à remettre en discussion la valeur et la portée des éléments de fait et de preuve souverainement appréciés par la cour d'appel qui a constaté que les faits d'insubordination reprochés à la salariée étaient établis et qu'ils rendaient impossible son maintien dans l'entreprise.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen unique, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

6. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement d'un rappel de congés payés alors « que l'employeur doit porter à la connaissance des salariés la période de prise des congés payés au moins deux mois avant l'ouverture de cette période, et il ne peut pas imposer à ses salariés la prise de congés payés sans respecter ce délai de prévenance ; qu'en retenant, pour débouter la salariée de sa demande au titre de ses droits à congés payés, que dès décembre 2010, l'entreprise avait affiché la date de fermeture prévue du 29 janvier au 15 février 2011 pour changement d'enseigne et avait averti ses salariés de leur prise de congés durant cette période, et que le délai de prévenance de l'article D. 3141-6 du code du travail avait ainsi bien été respecté, cependant que l'affichage aurait dû intervenir 2 mois avant la date de fermeture prévue, soit le 29 novembre au plus tard, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article D. 3141-5 du code du travail et par fausse application l'article D. 3141-6 du même code. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

7. La société conteste la recevabilité du moyen en ce qu'il serait nouveau et mélangé de fait et de droit.

8. Mais l'arrêt attaqué relève que l'employeur ne peut imposer à ses salariés la prise de congés payés, sans respecter les délais de prévenance des articles D. 3141-5 et D. 3141-6 du code du travail.

9. Le moyen qui était inclus dans le débat devant la cour d'appel, est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article D. 3141-5 du code du travail dans sa version issue du décret n°2008-244 du 7 mars 2008 :

10 . Selon ce texte, la période de prise des congés payés est portée par l'employeur à la connaissance des salariés au moins deux mois avant l'ouverture de cette période.

11. Pour débouter la salariée de sa demande en paiement d'un rappel de congés payés, l'arrêt retient que « dès décembre 2010 », l'entreprise avait affiché la date de fermeture prévue du 29 janvier au 15 février 2011 pour changement d'enseigne et avait averti les salariés de leur prise de congés durant cette période, de sorte que le délai de prévenance de l'article D. 3141-6 du code du travail avait été respecté.

12 . En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le délai de prévenance de l'article D. 3145-5 du code du travail n'avait pas été respecté, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en paiement d'un rappel de congés payés, l'arrêt rendu le 9 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Clichy distribution aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Clichy distribution et la condamne à payer à la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille vingt

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour Mme Q....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme O... Q... de l'intégralité de ses demandes à l'égard de la société Clichy Distribution,

AUX MOTIFS QUE

Sur le licenciement

Il résulte des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement qui circonscrit les limites du litige et qui lie le juge, est ainsi rédigée :

« Nous faisons suite à r entretien qui s'est déroulé en nos locaux le 27 avril dernier auquel vous n'avez pas souhaité être assistée.

Nous avons le regret après réflexion de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave pour les raisons qui suivent.

Nous regrettons la survenue régulière de manquements à vos obligations contractuelles et en particulier l'inexécution de votre obligation essentielle de loyauté malgré nos derniers avertissements et rappels à l'ordre réguliers depuis plusieurs mois.

A titre d'illustrations non exhaustives, nous sommes revenus sur les faits suivants lors de l'entretien.

Le 22 mars dernier, vers 11h00, j'ai été contraint de vous rappeler à l'ordre après la mise en rayon d de produits frais mal exécutée par vos soins.

Des cartons contenant des barquettes de poissons frais ont été disposés par vos collègues devant le rayon concerné pour que vous rangiez ces produits dans les rayons prévus à cet effet.

En premier lieu vous deviez mettre en rayon des barquettes de saumon livrées le jour même en les disposant derrière celles déjà présentes en rayon afin d'éviter que des produits trop anciens et périmés ne soient retirés de la vente, occasionnant une perte pour notre entreprise.

Or, vous vous êtes contentée de disposer lesdites barquettes en rayon en ignorant purement et simplement le principe de rotation de ce produit.

Dans le même temps, les présentoirs destinés à accueillir des filets de cabillaud et de merlan étaient vides. Vous deviez donc remplir ces deux rayons en prenant soin de différencier ces deux produits dans leurs présentoirs respectifs.

De plus, le second présentoir est demeuré vide impliquant pour le responsable de ce rayon un éventuel réassort, là encore avec un risque de perte pour notre entreprise puisque cela revenait à commander un produit frais déjà en stock qui ne peut plus être vendu au-delà d'une semaine.

Vous avez donc effectué cette mise en rayon sans aucun soin: ce que nous ne pouvons tolérer d'autant que ce même type de manquement s'est produit à plusieurs reprises.

Le 5 avril 2011, j'ai annoncé à l'ensemble des salariés la nomination de Mlle G... X... au poste de responsable adjointe du magasin. J'ai convoqué tour à tour chacun de mes employés pour le leur dire personnellement.

Vos collègues n'ont pas émis la moindre remarque.

En revanche, lorsque je vous ai fait part de cette nouvelle, vous m'avez enjoint, sur un ton agressif de vous « montrer son contrat de travail », à défaut de quoi vous n'en tiendriez pas compte.

Je vous rappelle pourtant que je n'ai pas à vous justifier d'une telle promotion.

Vous avez ensuite quitté subitement mon bureau alors même que je vous demandais la poursuite de notre conversation.

Vous n'avez aucunement tenu compte de ma demande et là encore, vous avez contesté mon autorité.

Depuis la promotion de Mlle G... X... vous n'exécutez pas non plus ses directives alors que je vous ai personnellement informée de son nouveau pouvoir hiérarchique.

A titre d'exemples

> Le 12 courant : Mme A... était en caisse et a souhaité s'absenter quelques minutes. Mlle G... X... vous a demandé de prendre votre caisse en raison de l'affluence de la clientèle.

Vous avez purement et simplement refusé, sans aucune raison légitime, obligeant votre responsable à vous suppléer afin de satisfaire nos clients qui s'impatientaient.

Lorsque je vous ai demandé des explications à la fin de votre service, vous avez prétendu que c'est votre collègue qui vous avait demandé de prendre sa caisse.

Ceci est inexact, lorsque votre collègue a émis le souhait de s'absenter quelques minutes seulement, c'est Mlle G... X... qui vous a demandé de prendre votre caisse. En tout état de cause, il est parfaitement inacceptable de constater que vous ne prenez pas seule l'initiative de prendre votre caisse alois que des clients s'impatientent. Vous ne pouvez ignorer compte tenu de votre ancienneté que lorsque des clients sont en nombre devant les caisses, la mise en rayon devient accessoire et la tenue de la caisse prioritaire.

À la fin de notre entretien, soit le 13 avril 2011, lorsque Mlle X... vous a rappelé cette directive en mon absence, vous lui avez répondu en criant et en attirant l'attention du personnel et des clients présents : « je ne te parle pas à toi, mêle toi de tes affaires, c'est entre moi et lui, tu n'as rien à me dire ».

Ces faits sont corroborés par les témoins directs de la scène.

Vos propos et votre attitude agressive envers votre responsable n'est pas acceptable. De surcroît en présence de la clientèle. Vous avez refusé de prendre votre caisse et avait repris la mise en rayon.

J'ai donc été contraint de vous entretenir sur ces nouveaux faits fautifs après mon arrivée vers 14h30.

Vous avez une fois encore exigé la présentation du contrat de Mlle X....

Vous m'avez demandé en outre de vous donner des directives par écrit, ce que là encore, je ne peux accepter.

Je vous rappelle que vous avez été embauchée en qualité d'employée libre-service et que cette fonction implique également la tenue de la caisse.

N'est donc pas fondée à me demander des directives écrites alors que la tenue de la caisse constitue l'objet même de votre emploi Pour refus réitéré de prendre la caisse sont d'autant plus injustifiés et surtout révélateurs de votre mauvaise foi que dans votre courrier du 13 octobre 2010 vous prétendiez que la direction vous donnait des directives visant à vous interdire de prendre la caisse. Vous contredisez sans cesse et semblez avoir pris la décision délibérée de nuire à la bonne marche du magasin pour des motifs fallacieux.

De notre côté nous mettons tout en oeuvre pour exécuter notre contrat loyalement satisfaire au mieux à vos demandes quand cela est possible.

Nous avons accédé à votre souhait de changement d'horaire pour des mo4fk personnels.

Nous veillons par ailleurs à respecter les prescriptions de la médecine du travail en vous affectant pas de manière prolongée à des tâches pouvant nuire à votre état de santé ou en nous vous exposons pas au port de charges lourdes, en évitant notamment de vous faire soulever des cartons lourds lors de la mise en rayon. Nous employé manutentionnaire dépose à cet effet devant chaque rayon concerné, les produits que vous devez ranger Nombre de vos collègues de travail témoigne par ailleurs de la bonne ambiance de travail que nous essayons de mettre en place de la patience dont nous avons fait preuve à votre égard plusieurs mois.

Votre comportement est devenu dans ces conditions parfaitement inacceptable et surtout ingérable dans une petite structure comme la nôtre.

A cet effet, nous vous précisons que suite aux derniers événements rappelés ci-avant, auxquels certains de vos collègues ont assistés, ces derniers ont jugé opportun de nous signifier qu'ils ne supportaient plus l'ambiance de travail que vous faites régner depuis plusieurs mois dans l'entreprise, par vos refus réitérés de suivre les directives qui vous sont données ou par l'agressivité dont vous faîtes preuve au quotidien envers vos responsables ou collègues.

Nous sommes stupéfaits de lire dans leur témoignage que nous leur avons demandé de retranscrire, par écrit, que :

- vous ne me prenez pas au sérieux en qualité de Directeur car je suis le fils du gérant

- vous êtes fermée à tout dialogue

- vous refusez de saluer voire même d'adresser la parole dans l'entreprise à certaines de vos collègues contre qui vous nourrissez des rancoeurs parce qu'elles se sont plaintes de votre lenteur au travail ou de l'inexécution des taches qui vous incombaient, se traduisant pour elles par un surcroit de travail

- vous dénigreriez certaines d'entre elles avec d'autres ainsi que votre hiérarchie

- vous dénigrez la nouvelle enseigne en place depuis février 2011 auprès de clients dans les termes suivants : « c'est devenu un magasin pour touriste et c'est trop cher »; vous n ‘hésiteriez pas à leur indiquer l'adresse d'un magasin concurrent...

-vous menez la révolte en incitant certains de vos collègues à calomnier l'entreprise auprès de l'inspection du travail...

Je considère que l'ensemble de ces faits constitue une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire.

Votre licenciement est donc immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture', et nous tenons à votre disposition votre certificat de travail...

(...) »

Pour infirmation du jugement entrepris, Mme Q... conteste en premier lieu avoir manqué à ses obligations en remplissant le rayon frais.

Elle nie également avoir fait preuve d'une quelconque insubordination tant à l'égard du directeur de magasin que de la nouvelle responsable adjointe de direction.

Elle rappelle qu'elle exerçait ses fonctions sous l'autorité de M. V... S..., puis de son fils K... S..., qui est entré au magasin alors qu'il était âgé de 25 ans et ne connaissait pas spécialement les règles de management ni celles régissant le magasin qu'il reprenait en sa qualité de directeur. Elle indique que Mme X... est arrivée au magasin pour exercer les fonctions d'employé libre-service au mois de mars 2011 avant d'être nommée en qualité de responsable adjointe au mois d'avril 2011 alors qu'elle était âgée de 23 ans.

Elle explique qu'il était certainement difficile pour le directeur et son adjointe, dont c'était vraisemblablement le premier emploi, d'assurer leur autorité auprès de salariés ayant une grande ancienneté et un âge plus important et que dans ce contexte que Mme X... a fait preuve d'agressivité à son égard pour tenter maladroitement d'asseoir son autorité comme cela ressort de témoignages d'anciens collègue et même de clients. Elle verse un ensemble d'attestations montrant qu'elle n'a jamais été agressive ou incorrecte avec sa nouvelle supérieure hiérarchique, qu'elle n'a jamais manqué de respect à ses collègues de travail et qu'elle a été toujours agréable avec clients alors que certains collègues peuvent attester du comportement particulièrement inadapté de la nouvelle adjointe.

Sur l'événement du 12 avril 2011, elle affirme que Mme A... a indiqué à haute voix qu'elle allait quitter les caisses et finir les rayons, en laissant ainsi des clients esseulés à la caisse et qu'à ce moment-là Mme X... s'est adressée à elle de façon agressive en la harcelant verbalement : « Tu ne prends pas ta caisse toi ? ».

Elle ajoute que ses fonctions d'employé libre-service étaient particulièrement vagues et imprécises puisqu'il lui était demandé d'effectuer également la tenue de la caisse et le remplissage des rayons et qu'elle ne saurait être sanctionnée pour une absence de tenue de caisse alors que cela ne rentrait pas dans ses attributions et qu'elle avait rappelé à son employeur que ce poste était déconseillé par la médecine du travail.

Pour confirmation du jugement entrepris, la SARL Clichy distribution réplique que tous les faits articulés dans la lettre de licenciement sont établis par les attestations versées au dossier que les témoignages produits par Mme Q... ne remettent pas en cause. Elle précise que Mme X... n'a pas été engagée en mars 2011 comme prétendu par Mme Q... mais au 1er septembre 2008 et que seule sa désignation en qualité d'adjointe du magasin remonte au 1er mars 2011, comme cela résulte du contrat de travail de la salariée.

Cela étant, le comportement de Mme Q... à l'égard de Mme X... en date des 12 et 13 avril 2011 tel que décrit dans la lettre de licenciement est établi par la lettre circonstanciée et détaillée de Mme X... à M. S... du 13 avril 2013 dont l'intéressée confirme les termes dans un formulaire d'attestation du 29 juin 2011 ainsi que par la lettre précise et comportant un récit concordant à celui de Mme X... adressée par Mme A... à M. S... le 14 avril 2011 dont l'intéressée confirme également les termes dans un formulaire d'attestation du 14 avril 2011.

Le refus de Mme Q... de prendre la caisse le 13 avril 2011 malgré les instructions données la veille par le directeur est prouvé par les mêmes pièces.

Mme Q..., en sa qualité d'employée de libre-service, ne peut sérieusement prétendre qu'il n'entrait pas dans ses fonctions de tenir la caisse à certains moments de la journée.

Les préconisations du médecin du travail (08/06/10 « Apte sous réserve de limiter le port de charges et toute manutention pendant trois mois » ;

16/09/10 « Apte sous réserve de limiter le port de charges, à revoir dans six mois ») n'apparaissent pas incompatibles avec la tenue de caisse que Mme Q... devait ponctuellement assurer durant sa journée de travail.

Par ailleurs, M. D... P... indique qu'après l'information des salariés sur la promotion de Mme X..., Mme Q... lui a dit qu'elle ne prenait pas le directeur au sérieux car c'était le fils du gérant et qu'elle n'écouterait ni ses ordres ni ceux de l'adjointe.

Les attestations produites par Mme Q... témoignent essentiellement de la satisfaction de clients à son égard et de la bonne entente avec certains de ses collègues et ne contredisent donc pas le déroulement des événements des 12 et 13 avril 2011.

Il s'ensuit que Mme Q... a fait ouvertement preuve d'insubordination à l'égard de Mme X... et du responsable du magasin dans des conditions de nature à porter gravement atteinte à leur autorité, rendant ainsi impossible son maintien dans l'entreprise, y compris durant la période de préavis.

Le licenciement pour faute grave de Mme Q... est donc justifié et Mme Q... devra être déboutée de ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné la SARL Clichy distribution au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et d'une indemnité de licenciement au profit de Mme Q... ainsi qu'à la remise de documents sociaux.

Sur la demande de rappel de congés payés

Mme Q... explique qu'elle s'est vue décompter 11 jours de congés payés au mois de janvier 2011 dans le cadre de la fermeture du magasin pour travaux.

La Sarl Clichy distribution réplique que Mme Q... a été informée dans les délais requis de son départ en congés du fait de la fermeture du magasin.

Cela étant, l'employeur ne peut pas imposer à ses salariés la prise de congés payés sans respecter les délais de prévenance des articles D. 3141-5 et D. 3141-6 du code du travail.

En l'espèce, il résulte des nombreuses attestations de salariés et de clients versées par la Sarl Clichy distribution que, dès décembre 2010, l'entreprise avait affiché la date de fermeture prévue du 29 janvier au 15 février 2011 pour changement d'enseigne et avait averti ses salariés de leur prise de congés durant cette période.

En conséquence, le délai de prévenance de l'article D. 3141-6 du code du travail a été respecté.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme Q... de sa demande de rappel de congés payés,,

AUX MOTIFS ADOPTES QUE

La société Clichy distribution a fermé pendant deux semaines son magasin pour y effectuer des travaux et a imposé de ce fait des congés à l'ensemble de ses salariés.

Comme elle l'a exprimé dans son courrier du 28 mars 2011, Mme B... soutient qu'elle n'aurait été informée de cette fermeture que le 28 janvier au soir. Elle estime que dans ces conditions, la société Clichy distribution ne pouvait lui imposer des congés sans son accord. C'est pourquoi elle réclame le paiement des 11 jours de congés qui lui ont été décomptés pour cette période.

Mme B... verse aux débats un courrier de l'inspection du travail daté du 4 avril 2011 qui la soutient dans sa démarche.

La société Clichy distribution soutient pour sa part que tous les salariés avaient été informés dès le mois de décembre de la fermeture pour travaux.

Or, plusieurs attestations de salariés confirment cette affirmation. En outre, il apparaît que le contrôleur du travail a pris la précaution de préciser que son courtier ne s'appuyait que sur les seules informations que Mme B... lui avait communiquées.

Dès lors, il n'apparaît pas vraisemblable que Mme B... ait été la seule salariée à qui l'employeur n'aurait pas communiqué la date de fermeture en temps utile.

Par conséquent la demande de paiement des congés de la salariée sera rejetée,

1° ALORS QUE nul ne peut se faire preuve à lui-même ; que la charge de la preuve en matière de licenciement pour faute grave pèse sur l'employeur ; qu'en se fondant, pour dire que le licenciement de Mme Q... reposait sur une faute grave, exclusivement sur des attestations ou courriers émanant du responsable, de la responsable adjointe et de deux préposés de la société employeur, la cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016,

2° ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, pour considérer que le licenciement de Mme Q... reposait sur une faute grave, la cour d'appel a énoncé que les attestations produites par la salariée témoignaient essentiellement de la satisfaction de clients à son égard et de la bonne entente avec certains de ses collègues et ne contredisaient donc pas le déroulement des événements des 12 et 13 avril 2011, cependant que l'intéressée produisait des attestations qui étaient de nature à anéantir les dires des deux salariées et dont il ressortait que Mlle X... et Mme A... calomniaient certains collègues auprès du directeur qui était souvent absent et qu'elles faisaient régner une mauvaise ambiance au travail mais aussi que Mlle X... était particulièrement agressive, ce dont il se déduisait que les attestations de Mlle X... et Mme A... étaient sujettes à caution ; qu'en refusant de prendre en compte les attestations produites par Mme Q..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile,

3° ALORS QUE l'employeur doit porter à la connaissance des salariés la période de prise des congés payés au moins deux mois avant l'ouverture de cette période, et il ne peut pas imposer à ses salariés la prise de congés payés sans respecter ce délai de prévenance ; qu'en retenant, pour débouter la salariée de sa demande au titre de ses droits à congés payés, que dès décembre 2010, l'entreprise avait affiché la date de fermeture prévue du 29 janvier au 15 février 2011 pour changement d'enseigne et avait averti ses salariés de leur prise de congés durant cette période, et que le délai de prévenance de l'article D. 3141-6 du code du travail avait ainsi bien été respecté, cependant que l'affichage aurait dû intervenir 2 mois avant la date de fermeture prévue, soit le 29 novembre au plus tard, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article D. 3141-5 du code du travail et par fausse application l'article D. 3141-6 du même code.

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