11 mars 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-23.347

Chambre sociale - Formation restreinte RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2020:SO10258

Texte de la décision

SOC.

IK



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 mars 2020




Rejet non spécialement motivé


Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10258 F

Pourvoi n° Z 18-23.347




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 MARS 2020

M. J... C..., domicilié [...] ), a formé le pourvoi n° Z 18-23.347 contre l'arrêt rendu le 31 mai 2018 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à l'Association départementale de parents de personnes handicapées mentales et leurs amis (ADAPEI) du Bas-Rhin, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Duvallet, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. C..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de l'ADAPEI du Bas-Rhin, après débats en l'audience publique du 4 février 2020 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Duvallet, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.


1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. C... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. C...

Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté le salarié de ses demandes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

AUX MOTIFS propres QUE au jour où le licenciement a été décidé, l'employeur disposait de la lettre du 18 mars 2013 par laquelle Madame B... L..., chef de service, s'est plainte de Monsieur C..., faisant état de la dégradation de sa santé et de troubles psychiques l'ayant conduite à deux arrêts de travail, l'un du 28 janvier au 1er février 2013 et l'autre à compter du 11 mars précédent ; qu'elle dénonçait des faits de harcèlement moral qu'elle imputait à son supérieur, évoquant un changement de comportement de Monsieur C... depuis l'automne 2012, à savoir des critiques, des humiliations et des menaces répétées, des réflexions désobligeantes, dévalorisantes, un ton sec et cassant, des quolibets pour faire rire les autres salariés, une marginalisation et un isolement, son supérieur ne la saluant plus et ne répondant pas à son salut, des refus systématiques à toutes ses demandes, tous agissements suscitant un sentiment de peur, puis des troubles du sommeil ; Madame L... a mentionné une réunion du 6 mars 2013 lors de laquelle Monsieur C... avait été « exécrable, méprisant, humiliant » et à l'issue de laquelle il l'avait convoquée et, « dans un climat de terreur », s'est montré menaçant ; qu'un certificat médical du Docteur W... du 18 mars 2013 était joint à cette lettre, faisant état d'un état dépressif réactionnel « consécutif à une situation de harcèlement moral » ; que contrairement à ce que soutient Monsieur C..., l'ADAPEI n'a pas pris pour acquis l'ensemble des allégations de Madame L..., ni même les énonciations du certificat médical ; que sur ce dernier point, les énonciations du médecin relatives à un harcèlement moral sont, comme l'observe l'appelant, dénuées de valeur probante en ce qui concerne la réalité du harcèlement moral, ses constatations n'ayant de portée qu'en ce qui concerne strictement l'état de santé de l'intéressée, le harcèlement moral n'étant qu'une allégation ou une doléance ; que l'ADAPEI a procédé à une enquête ; que c'est ainsi qu'elle a réuni les attestations de Messieurs S..., psychologue clinicien, V..., médecin, et de Mesdames X... K..., Q... et R... psychologue au SESSAD, tous écrits antérieurs au licenciement ; que Monsieur S... a rapporté au directeur général, avant le licenciement de Monsieur C..., comme il l'explique dans son attestation du 24 mars 2013, les faits dont il a été témoin : effondrement en larmes de Madame L..., sentiment de dépréciation, plaisanteries du directeur à son préjudice, réflexions dévalorisantes, propos méprisants ou rudes interpellations en réunion de cadres, notamment le 6 mars 2013 ; que le Docteur V..., dans une attestation du 21 mars 2013 a confirmé l'effondrement de Madame L..., contre-coup de la manière dont elle a été traitée le 6 mars précédent ; que Madame X... K... a remis au directeur général une attestation rédigée le 15 mars 2013 qui corrobore en tous points ces faits, de même que Madame R... , dont l'attestation date du 25 mars 2013 ; qu'au vu de cette enquête, de l'échec de la procédure de médiation à laquelle Madame L... a refusé de participer, comme elle en avait le droit, produisant en outre un certificat médical spécifique contre-indiquant cette mesure, l'employeur disposait de tous les éléments caractéristiques du harcèlement moral, à savoir des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail d'une salariée, susceptibles de porter atteinte à ses droits ou à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'il lui appartenait, dans le cadre de son obligation de sécurité concernant la santé de l'intéressée, de prendre la mesure qui s'imposait ; qu'au demeurant, les pièces produites ultérieurement par l'ADAPEI confirment le bien-fondé de son appréciation ; qu'il en va ainsi de l'attestation établie le 28 août 2013 par l'époux de Madame L... faisant état de la dégradation de son état de santé et des humiliations dont elle se plaignait de la part de son supérieur ; que de même, le Docteur V... a établi une attestation le 31 juillet 2013 confirmant l'attitude de Monsieur C... à l'égard de la salariée, prise comme « bouc émissaire » et subissant les « piques » de son directeur ; que Madame L... a précisé, par une lettre du 24 janvier 2014, les faits dont elle se plaignait : refus discrétionnaire de congés ou retard de décision de les accorder, moqueries, refus d'accorder des jours de RTT, propos dévalorisants à tonalité méprisante ; qu'enfin, le certificat médical du Docteur I... du 15 octobre 2013 permet de constater que le mal-être de Madame L... a disparu depuis le départ de Monsieur C... ; que compte-tenu de l'ensemble de ces éléments, l'employeur a fait de son pouvoir disciplinaire un usage proportionné en retenant une faute grave à la charge de Monsieur C..., le maintien du contrat de travail n'étant plus possible ; que les 95 attestations produites par l'appelant ne sont pas de nature à infirmer cette analyse : les qualités professionnelles de Monsieur C... ne sont pas en cause, ses relations avec d'autres membres du personnel, en particulier le personnel technique et soignant, ne sont pas contestées, de même que celles qu'il entretenait avec les résidents ; qu'aucune de ces attestations n'est de nature à établir que les doléances de Madame L... sont sans fondement, que les faits dont elle se plaint sont imaginaires et que la manière dont elle affirme avoir été traitée ne constitue pas un harcèlement moral.

AUX MOTIFS adoptés QUE dans le courrier du 18 mars 2013 et dans une note complémentaire, Madame L... fait états de fait extrêmement précis ; que Madame L... dénonce des humiliations et critiques de la part de Monsieur C... : celui-ci dévaloriserait non seulement son travail, mais également sa personne, la qualifiant ouvertement comme incompétente ; qu'elle évoque notamment des réflexions désobligeantes et dévalorisantes : « vous ne comprenez rien » ; « vous vous exprimez mal », critiquant son travail « ça ne sert à rien » ; qu'elle relate également une phrase lâchée par son supérieur lors d'une réunion avec des membres de l'équipe : « je balaye ce que vous venez de dire » ; qu'en février 2013, il lui assènera : « vous me saoulez », la qualifiant également d'« horripilante » et lui demandant si « ses grands-parents étaient des chiffonniers » ; que Madame L... indique aussi que Monsieur C... l'ignorerait en refusant de la saluer ou de répondre à ses questions : « à partir de janvier 2013, il a cessé de venir me dire bonjour le matin si j'étais là avant lui et il ne levait plus la tête quand je venais le saluer (...) il a entrepris de rejeter systématiquement toute sollicitation de ma part, qu'il s'agisse de question de fond, de demande d'entretien, de congé » ; que lors d'une réunion du 6 mars 2013, à l'issue de laquelle Monsieur C... menacera Madame L... : « je vous préviens que ça ne pourra pas continuer comme ça » ; que Monsieur H... S... atteste avoir alerté Monsieur C... sur le caractère inapproprié de son comportement et avoir, de son propre chef, rencontré la Direction pour dénoncer les faits dont il avait été témoin entre autres le 6 mars 2013 au cours d'une réunion ; qu'il confirme le climat de tension perpétuelle instauré par Monsieur C... au sein de son équipe : « C'est une personnalité autoritaire, imposante à mes yeux, instaurant un climat de tension auprès de ses collaborateurs directs. Il a des humeurs changeantes, imprévisibles avec lesquelles il faut apprendre à composer » ; qu'il rapporte les événements suivants : « elle (Madame L...) ne parvenait pas à masquer les tensions de sa relation avec on directeur et cela s'est parfois traduit par des larmes qu'elle cherchait à réprimer, mais n'y parvenait pas (...) j'ai été témoin à plusieurs reprises d'effondrement en larmes (...) elle m'a rapporté s'être fait engueuler dans des mesures disproportionnées » ; qu'il a même été témoin direct de remarques volontairement blessantes émises par Monsieur C... : "au retour de la remise du chèque pour le projet de vélos adaptés (...) le directeur a fait des plaisanteries qui la visaient personnellement et qui (je ne me souviens plus des propos précis) étaient très vexants car très dépréciatifs pour sa personne au regard de tout l'investissement fourni et de l'importance qu'elle donnait à ce projet. Je m'en souviens car, outre de n'avoir pas trouvé cela drôle, j'ai été choqué d'une telle dévalorisation et du manque de reconnaissance à un moment où elle s'était personnellement beaucoup investie dans cette action et avait réussi (...) en réunion de cadres 'préparatoire à l'évaluation' à une question du directeur, celle-ci a fait part de sa difficulté à connaître la réponse et se voit répondre sèchement : 'Mais si vous ne le savez pas, c'est grave ! Qui va le savoir pour vous , ! (...) le mercredi 6 mars 2013 (...) les propos étaient sentencieux, dévalorisants et méprisants. Ces mots ont été dits de façon virulente, avec un volume sonore important, mettant très mal à l'aise (...) les nombreuses fois où il a répété qu'il n'était pas possible de la laisser seule maître à bord si lui-même et Mme P... venaient à s'absenter en même temps plusieurs jours (...) (...) le ton employé par le directeur envers Mme L... pouvait être sec voire agressif ou ironique » ; que l'ADAPEI a été destinataire le 25 mars 2013 d'un courrier de Madame A... R... qui apporte un éclairage particulier sur le style de management de Monsieur C... : « j'ai toujours observé une proximité immense avec les équipes éducatives sur le terrain (générant jusqu'à une forme d'idolâtrie dans certains cas) et un mépris patent pour les cadres quels qu'ils soient. Certains professionnels passés d'éducateur à cadre ont ainsi fait l'amère expérience de découvrir une autre face de la personnalité du directeur. On pourrait dire que son pouvoir opère par la séduction avec les professionnels de terrain et qu'il opère par un recours à la dévalorisation d'autrui et la culpabilisation avec les cadres. Ses proches collaborateurs sont ainsi malmenés devant des tiers et contraints à la soumission » ; que selon le témoignage de Monsieur S... la situation de Madame L... n'était pas un cas isolé ; que Madame X... K... a constaté que Monsieur C... rabaissait Madame L... en ignorant sa présence et en contestant son travail : « Mr C... n'allait plus s'asseoir dans son bureau et semblait de plus en plus agacé en sa présence. (...) elle a commencé à se heurter à de nombreux refus, remises en question lors de suggestions, tentatives d'amélioration de l'existant, etc... (...) la position de Mme L... n'était pas positionnée par le directeur comme cadre pour les équipes, la réduisant fréquemment à la gestion de planning (...) » ; que Monsieur S... témoigne : « j'ai vu Mme G... P... pleurer à plusieurs reprises suite à certains échanges avec lui, ou encore me relatant des échanges houleux et durs à son encontre (...) Une autre femme (dont j'ai oublié le nom) a également occupé le poste de chef de service pendant quelques mois, le temps d'une période d'essai, mais cela ne s'est pas bien passé » ; que Mme K... N... relate : « Lors d'une autre conversation, lorsque Mme L... soulignait que le soir elle souhaitait partir à l'heure (càd pour elle vers 18h00) se justifiant par le fait que c'était le jour de l'anniversaire de sa fille et qu'elle souhaitait par conséquent passer sa soirée au restaurant en famille, Mr C... lui a fait remarquer que sa fille aurait d'autres anniversaires, que sa famille saurait déjà se passer d'elle et que de toutes façons ces fêtes étaient ridicules. Il a alors cherché mon approbation, suite à quoi j'ai souligné que pour ma fille (et moi-même) la fête d'anniversaire faisait partie de rituels familiaux incontournables » ; que compte tenu de ces différents témoignages concordants, le Conseil considère que le management de M. C... relève du harcèlement moral, de la faute grave.

ALORS QUE la faute disciplinaire doit être imputable au salarié ; que l'exposant, à qui il était reproché de s'être livré à un harcèlement moral, produisait 95 attestations de salariés ou familles de résidents faisant état de son extrême bienveillance à l'égard de tous et de l'absence de tout signe de mal-être de la salariée qui l'accusait de harcèlement moral ; que contestant le bien-fondé de son licenciement, l'exposant faisait état, en se fondant sur les nombreuses attestations produites, d'une part d'une part de la difficulté dans laquelle la salariée plaignante, qui n'acceptait pas l'autorité hiérarchique, mettait ses directeurs successifs en difficulté, d'autre part du refus de l'employeur de mettre en oeuvre des mesures destinées à solutionner les difficultés rencontrées par la salariée et dont l'exposant ignorait tout jusqu'à son licenciement ; qu'en jugeant fondé le licenciement pour faute grave sans s'assurer que le comportement qui était reproché à l'exposant ne trouvait pas sa cause dans le refus de toute autorité hiérarchique par la salariée qui se plaignait de son comportement et dans le refus de l'employeur de toute tentative de résolution des difficultés dénoncées par celle-ci, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L.1232-1, L.1235-3, L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail.

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