11 mars 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-16.678

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2020:SO00333

Texte de la décision

SOC.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 mars 2020




Rejet


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 333 F-D

Pourvoi n° A 18-16.678




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 MARS 2020

1°/ M. M... T..., domicilié [...] ,

2°/ le syndicat CGT Zodiac Actuation Systems, dont le siège est [...] ,

ont formé le pourvoi n° A 18-16.678 contre l'arrêt rendu le 15 mars 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige les opposant à la société Zodiac Actuation Systems, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. T... et du syndicat CGT Zodiac Actuation Systems, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Zodiac Actuation Systems, après débats en l'audience publique du 5 février 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Joly, conseiller référendaire rapporteur, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 mars 2018), que M. T... a été engagé par la société EK... le 2 octobre 1995 en qualité de technicien d'études construction mécanique ; que son contrat de travail a été transféré à compter de 2006 à la société Zodiac Actuation Systems (la société) ; qu'il a depuis 1998 exercé plusieurs mandats syndicaux et de représentation du personnel et était notamment élu au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, secrétaire du comité central d'entreprise et membre du comité de groupe depuis respectivement 2011 et 2007 ; qu'estimant faire l'objet d'une discrimination syndicale, il a saisi la juridiction prud'homale le 9 mars 2012 pour obtenir des dommages-intérêts et un repositionnement professionnel ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à ordonner son repositionnement professionnel au coefficient 365 depuis le 1er juillet 2010, à fixer sa rémunération brute mensuelle à un certain montant à compter du 1er août 2013, augmenté chaque année de l'augmentation générale et de la moyenne des augmentations individuelles perçues par sa catégorie professionnelle depuis lors et de condamner la société aux rappels de salaire correspondants, à condamner cette société à lui verser une somme au titre du préjudice financier subi du 1er janvier 2005 au 31 juillet 2013 et une somme à titre de rappel de salaire sur la prime d'ancienneté du 1er juillet 2010 au 31 juillet 2013 ainsi qu'une somme au titre des congés payés afférents et de limiter à une certaine somme la condamnation prononcée à l'encontre de la société à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral résultant de la discrimination, alors, selon le moyen :

1°/ que l'existence d'une discrimination n'implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d'autres salariés ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, par motifs propres et adoptés, qu'embauché en 1995 au coefficient 305 de la convention collective de la métallurgie de la région parisienne, M. T... était passé au coefficient 335 le 1er juillet 1998 mais que, depuis cette date, qui est également celle du début de son activité syndicale au sein de l'entreprise, il était en revanche demeuré à ce même coefficient, qu'entre 2000 et 2012, M. T... n'avait fait l'objet d'aucun entretien annuel d'évaluation et qu'il était établi que son employeur avait pris en considération ses activités syndicales dans l'appréciation de sa carrière, en particulier pour refuser de lui accorder des augmentations individuelles de salaire ; qu'en considérant néanmoins, après avoir ainsi fait ressortir l'existence d'éléments de nature à laisser supposer l'existence d'une discrimination dans l'évolution de la carrière et de la rémunération de M. T..., que la matérialité d'éléments de faits précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination salariale et de carrière directe et indirecte n'était pas démontrée, au motif que les salariés auquel M. T... se comparait ne se trouvaient pas dans des situations équivalentes à la sienne, et en déboutant, en conséquence, le salarié de ses demandes de repositionnement professionnel, de rattrapage salarial et de dommages-intérêts au titre du préjudice financier résultant de la discrimination, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses constatations, a violé les dispositions des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;

2°/ que le principe de réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu sans perte ni profit pour la victime ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'employeur avait pris en considération les activités syndicales de M. T... dans l'appréciation de sa carrière et, en particulier, qu'il avait refusé au salarié des augmentations individuelles au motif que celui-ci était absent ou très peu présent à son poste de travail en raison de ses mandats syndicaux ; qu'en l'état de ces constatations dont il découlait que M. T... avait subi, à tout le moins, un préjudice financier du fait de la discrimination dont il était victime, la cour d'appel qui a néanmoins débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts à ce titre, a violé le principe susvisé ensemble les articles L. 1132-1, L. 1134-1, L. 1134-5 et L. 2141-5 du code du travail ;

Mais attendu d'abord que la pertinence du panel de comparaison est appréciée souverainement par les juges du fond ;

Attendu ensuite que la cour d'appel a apprécié souverainement l'étendue du préjudice subi par le salarié en raison de la discrimination syndicale dont elle a constaté l'existence ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen ci-après annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. T... et le syndicat CGT Zodiac Actuation Systems aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille vingt._è

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. T... et le syndicat CGT Zodiac Actuation Systems.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur T... de ses demandes tendant à voir ordonner son repositionnement professionnel au coefficient 365 depuis le 1er juillet 2010, à voir fixer sa rémunération brute mensuelle au montant de 3925,01 € à compter du 1er août 2013, augmenté chaque année de l'augmentation générale et de la moyenne des augmentations individuelles perçues par sa catégorie professionnelle depuis lors et de condamner la société ZODIAC ACTUATION SYSTEMS aux rappels de salaire correspondants, à voir condamner cette société à lui verser une somme au titre du préjudice financier subi du 1er janvier 2005 au 31 juillet 2013 et une somme à titre de rappel de salaire sur la prime d'ancienneté du 1er juillet 2010 au 31 juillet 2013 ainsi qu'une somme au titre des congés payés afférents et d'avoir limité à 10 000 euros la condamnation prononcée à l'encontre de la société ZODIAC ACTUATION SYSTEMS à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral résultant de la discrimination ;

AUX MOTIFS QUE « Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse.» de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap. L'article L. 1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée pat des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Pour infirmation partielle du jugement entrepris et au soutien de ses demandes au titre de la discrimination syndicale, M. T... invoque :- Une évolution de carrière ralentie par son maintien au coefficient 335 pendant 19 ans, par des augmentations individuelles dérisoires en terme de fréquence et de montant et par son maintien au même poste et aux mêmes fonctions depuis son embauche, - L'absence d'entretiens individuels entre 2000 et 2012, date de la saisine de la juridiction prud'homale et la prise en compte de sa disponibilité réduite lors de ces entretiens, - La rareté des actions de formations que l'employeur lui a fiait suivre, - Des mises en difficulté à l'occasion de l'exercice de ses mandats» - Une évolution professionnelle obérée par ses absences en raison de l'activité syndicale. La société Zodiac Actuation Systems réplique que M. T... ne peut se prévaloir d'une quelconque prétention sur la période antérieure au 20 décembre 2004 en raison de la transaction signée à cette date entre le salarié et la société [...] et conteste toute forme de discrimination à l'égard de M. T... aux motifs que ce dernier ne démontre pas l'existence de faits laissant présumer une discrimination, notamment» en terme d'évolution de carrière et de rémunération puisqu'il se réfère à des situations hétérogènes de salariés. Cela étant, le 20 décembre 2004, la société [...], M. T... et le syndicat CGT ont signé un accord transactionnel tripartite, dans les termes suivants : « en contrepartie des engagements pris par la société dam le cadre du présent protocole, le mandaté [ M. T...] renonce irrévocablement à toute prétention ou réclamation et à toute action judiciaire ou extra judiciaire, en particulier civile ou pénale, devant tout organisme ou juridiction, que ce soit à l'encontre de la Société ou de toute société du groupe auquel elle appartient ainsi que leurs dirigeants et salariés. Il s'engage à se désister en tant que de besoin de toute action en cours. Ces engagements couvrent toutes questions liées directement ou indirectement à l'exercice de son ou de ses mandats électifs et/ou syndicaux et aux incidences de ce ou ces mandats sur les conditions d'exécution de son contrat de travail depuis son entrée dans le Groupe SNECMA jusqu'au jour de la signature des présentes. » Les effets attachés à la transaction par l'article 2052 du code civil dans sa rédaction applicable au présent litige, privent M. T... non seulement de la possibilité de présenter des revendications pour la période précédant le 20 décembre 2004 mais également de se prévaloir de faits discriminatoires antérieurement à cette date pour lesquels il a été indemnisé et rempli de ses droits. Il appartient donc à la cour d'examiner l'existence éventuelle ou la persistance d'une discrimination au vu de faits postérieurs au 20 décembre 2004. M. T... se réfère à la situation de huit salariés dont il a pu obtenir les éléments de rémunération, à savoir MM. K..., S..., N..., B..., O..., C..., H... et XN.... Il relève qu'en novembre 2004, quatre d'entre eux (MM. N..., B..., O..., C...) bénéficiaient du même coefficient que lui (335), et deux d'entre eux bénéficiaient du coefficient strictement inférieur (K... et S...) et qu'en 2014, trois de ces salariés (S..., N... et O...) sont devenus cadres et trois autres ont accédé au coefficient 365 (K..., B... et C...). Il constate ainsi que MM. K... et S..., au coefficient 305 en 2004, l'ont non seulement rejoint mais l'ont dépassé et que les six autres salariés comparés ont vu leur coefficient augmenter en moyenne tous les 5,5 années alors qu'il est resté au coefficient 335 durant 19 ans. Il note, par ailleurs, que, depuis 2004 (jusqu'en 2013), les six salariés ont vu le montant de leur rémunération de base augmenter en moyenne de 47,28 % contre 21,99 % (soit l'augmentation la plus faible) pour lui-même. Il soutient que les premiers juges ont écarté à tort six salariés et ont dit de façon tout aussi erronée qu'un panel de deux salariés (O... et XN...) n'était pas suffisant, alors qu'aucune disposition légale ne détermine un nombre minimum de salariés comparables, la des critères de sélection devant être préférée au nombre. Il fait, enfin, valoir que les premiers juges lui ont fait également grief de ne pas avoir intégré les salariés de province, alors que ceux-ci ont une rémunération inférieure de 10 % à ceux de la région parisienne. Mais, pour être pertinente, la comparaison des évolutions de carrières et de rémunérations doit porter sur des salariés placés dans des situations équivalentes» à défaut d'être nécessairement identiques, en termes d'ancienneté dans l'entreprise, de diplôme, de qualification, et de coefficient à l'embauche. Or, M. B... a été engagé en 1972, soit 23 ans avant M. T..., et MM. H... en 1980, C... en 1981, K... en 1982 et N... en 1986, soit entre 15 et 11 ans avant M. T.... Ils ne peuvent donc être comparés à M. T.... M. S... est entré dans la société en 2002, soit 7 ans après M. T.... Justifiant à son embauche d'un Brevet de Technicien Supérieur, il a obtenu un diplôme d'ingénieur spécialité mécanique le 28 mai 2009 qui lui a permis d'accéder au statut cadre en 2010. Son niveau de diplôme et de responsabilités ainsi que son évolution de carrière ne sont donc pas identiques à ceux de M. T.... M XN... est entré dans l'entreprise en 1995, soit la même année que M. T..., en qualité d'agent de fabrication affecté au SAV et au niveau 3, coefficient 215. Il a atteint le niveau 5 coefficient 305, coefficient d'embauche de M. T... en 2007, soit 12 ans après son entrée dans les effectifs, puis le coefficient 335 en 2008, et est devenu responsable de la station de réparation avec une vingtaine de personnes sous sa responsabilité. En 2011, le coefficient 365 lui a été accordé à l'occasion du transfert de l'activité au sein de Zodiac Services Europe. Ainsi, si son ancienneté est équivalente à celle de M. T..., son niveau, ses postes et ses qualifications à l'embauche sont différents ainsi que ses postes et responsabilités occupés par la suite. M. O... est entré dans l'entreprise en octobre 1997, soit deux ans après M. T..., en qualité de projeteur mécanique au niveau 5 coefficient 335 avec une expérience professionnelle de dessinateur remontant à 1971 alors que M. T... justifiait d'une expérience professionnelle remontant à 1989. Il a accédé au coefficient 365 en 2001 et est devenu cadre en 2008 à l'occasion de sa nomination en tant que responsable du service Veille technologique et gestion configuration. Ainsi, dans le cas de M. O..., seule l'ancienneté dans l'entreprise est comparable avec celle de M. T..., ce qui ne peut constituer un critère suffisant. Ces situations disparates ne peuvent faire présumer une discrimination au détriment de M. T... en terme d'évolution de carrière. Elles ne peuvent davantage faire présumer une discrimination au détriment de M. T... en terme d'augmentation salariale puisque l'augmentation moyenne de 47,28 % pour ces six salariés contre 21,99 % pour lui-même invoquée par M. T... intègre des salariés ayant accédé au statut cadre au cours de la période considérée, notamment M. S... qui a accédé à ce statut à la suite de l'obtention d'un diplôme d'ingénieur et qui est devenu le supérieur hiérarchique de M. T.... En l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination salariale et de carrière directe ou indirecte au sens des textes ci-dessus n'est pas démontrée. Néanmoins, il résulte des pièces du dossier et il n'est pas contesté par la société Zodiac Actuation Systems que M. T... n'a fait l'objet d'aucun entretien individuel d'évaluation entre 2000 et 2012. À ce sujet, la société Zodiac Actuation Systems fait valoir que, malgré le souhait de l'entreprise, les entretiens annuels d'évaluation, n'étaient pas régulièrement réalisés par les responsables de service pour des raisons tenant souvent à un manque de disponibilité des uns ou des autres ;que parmi les salariés du panel de comparaison de M. T..., deux au moins n'ont jamais eu d'entretiens annuels, MM. K... et XN... ;que les autres salariés ont été reçus de façon irrégulière et non chaque année sans que cela n'affecte leur évolution fonctionnelle et salariale et qu'ainsi M. T... n'est pas une exception et ne peut tirer d'une absence d'entretien d'évaluation entre 2000 et 2012, un fait discriminatoire. Mais, la majorité des membres du panel de comparaison communiqué par M. T... a bien eu droit à des entretiens individuels d'évaluation entre 2000 et 2012 et l'irrégularité de la fréquence des entretiens dont ont bénéficié ces salariés n'a pas de portée sur la situation de M. T... qui invoque, non la rareté de ses entretiens d'évaluation, mais leur absence totale durant 12 ans. En outre, il ne peut être tiré davantage de conséquence à l'égard de M. T... de la situation exceptionnelle de deux salariés sur l'ensemble de l'effectif de l'entreprise. Au surplus, M. T... établit la prise en considération de ses activités syndicales dans l'appréciation de sa carrière par : - les attestations de MM. V... H..., Y... et Mme A... qui indiquent que des augmentations individuelles étaient refusées à M. T... au motif que l'employeur ne pouvait juger des qualités de ce salarié absent ou très peu présent de son poste de travail en raison de ses mandats syndicaux, - le procès-verbal de la réunion des délégués du personnel du 14 mars 2010 dans lequel figure la réponse de l'employeur sur la rémunération des élus ; « Pour prétendre à une AI [augmentation individuelle], il faut être jugé sur son travail par son chef de service car celle-ci a lieu sur sa proposition, or, M. T... étant peu présent à son poste, cela ne peut se faire. »,- Le compte-rendu d'entretien annuel d'évaluation du 7 décembre 2012 dans lequel le supérieur hiérarchique de M. T... indique « il faut vraiment réussir à se caler des disponibilités régulières qui me permettront de planifier une charge de travail adaptée à sa double fonction (syndicale et professionnelle), ta réussite de son retour au BE en dépend » et comme « axe de progrès » : « revenir au niveau qui était le sien avant d'être débordé par sa fonction d'élu syndical » - L'entretien individuel de l'année 2016 dans lequel M. T... n'a été évalué sur aucune compétence professionnelle, sauf sur le fait « d'occuper son poste de façon régulière » où son N+1 l'a jugé insatisfaisant. Par ailleurs, la différence de traitement effectuée par l'employeur au détriment de M. T... au cours de l'exercice de ses mandats est attestée par :- une lettre adressée le 30 octobre 2007 par Mme F... à Mme Q..., DRH, dans laquelle la salariée écrit : « Vous [Mme Q...] avez enchaîné en me disant que vous trouviez inacceptable de recevoir des informations sur ce gui se passait dans votre société en réunion de négociation de protocole préélectoral, par un représentant syndical (M. T..., délégué syndical central CGT) qui n'a rien à voir avec notre site (rappel des faits ; pressions exercées à l'encontre de salariés se présentant sur une liste CGT). Je me suis interrogée. [...] Pour vous, il est inacceptable que je sois passée par M, T... qui a un état d'esprit fermé, cela bloquait ensuite toute négociation », - L'attestation de Mme R... J... sur des consignes de vote qu'elle avait reçues du responsable du site de Courtenay» M. I... et de Mme Q..., DRH, afin d'empêcher M. T... d'accéder au poste de secrétaire du Comité Central d'Entreprise CCCI) en octobre 2008 rédigée en ces termes : « Mi-septembre 2008, Monsieur I... [,..] est venu me chercher à mon poste de travail pour me conduire auprès de Mme L... Q... [...] qui souhaitait s'entretenir sur l'élection prochaine du secrétaire du CEE, le 1er octobre 2008, Elle m'expliqua que M. U... délégué syndical central CGC, et titulaire 3ème collège du CE d'Auxerre, serait plus compétent pour gérer le projet de restructuration concernant Courtenay, qu'il comprendrait mieux les problèmes des salariés de ce site puisque l'histoire de Courtenay et d'Auxerre est étroitement liée à la création et à la culture PRECILEC. Les salariés connaissent donc Mr U... depuis longtemps. Quant à M. T..., délégué central syndical CGT basé à Aubervilliers, Mme Q... insista que ses nombreuses fonctions de secrétaire du CE d'Aubervilliers, de délégué syndical très actif, d'élu au Conseil de prud'hommes, et de plus jeune papa, ne lui laisseraient pas le temps d'exercer cette nouvelle fonction dans les meilleures conditions, Les salariés de Courtenay, n'étant pas habitués à certaines pratiques syndicales, seraient déstabilisés ; ils risqueraient de m pas prendre les meilleures décisions pouvant porter préjudice à leur avenir professionnel Mme Q... souhaitait que les informations puissent circuler librement entre les salariés et la Direction ; Elle me demanda de réfléchir aux conséquences de mon vote pour le bien des salariés et de l'avenir de la société face aux difficultés de la restructuration. Mme Q... et M I... me remercièrent de rester discrète à ce sujet Régulièrement M. I... me rappela l'entretien les jours suivants. J'ai été très perturbée par ce fait [
].", -Le PV du CE de mars 2012 qui retranscrit les propos de M. X..., Président du CE en sa qualité d'employeur, comme suit : « Monsieur X... fait part aux membres du comité d'entreprise de la saisine de Monsieur T... auprès des prud'hommes Concernant une soit disant « discrimination » et fait part de son effarement dans la mesure où il n'a jamais vu Mr T... travailler depuis qu'il est Directeur sur le site d'Aubervilliers » - Le procès-verbal de la réunion du CE du 27 août 2015 qui mentionne que M. X... indique que "M... T... a préparé cette délibération en dehors de ses heures de délégation, sur son poste à La Courneuve. Des photos témoignent de ce fait" Sur ces derniers faits, la société Zodiac Actuation Systems explique que Mme F... et Mme J... rapportent un simple avis émis par la DRH sur l'opportunité pour les salariés de Courtenay et d'Auxerre d'être représentés par un élu de leur site plutôt qu'un élu présent dans les locaux de la région parisienne et que, lors de la réunion du 27 août 2015, M. X... s'est exprimé sous la forme d'une boutade révélant un agacement face à une énième délibération du CE mettant en cause la Direction. Mais, les raisons exposés par la société Zodiac Actuation Systems sur l'avis exprimé par la DRH, Mme Q..., ne justifient pas une violation par l'employeur de son obligation de neutralité en matière de représentation du personnel. À les considérer comme une simple boutade, les propos de l'employeur sur la prise de photo de M. T... sur son lieu de travail pour apporter la preuve de ses prétendus manquements étaient de nature à jeter le discrédit sur ce salarié auprès des autres membres du CE. Il s'ensuit que M. T... établit ainsi l'existence matérielle de faits pouvant laisser présumer l'existence d'une discrimination à son encontre et que l'employeur échoue à démontrer que ces faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La discrimination est donc établie, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le moyen relatif à la rareté des formations contredite par les pièces du dossier qui démontrent que depuis 2004, M. T... a bénéficié, en 2008, des formations CATIA V5 (logiciel de Dessin assisté par Ordinateur), en 2013, des formations CATIA V5, QAD (formation générale), Smarteam, en 2016, d'une formation à l'habilitation électrique et, en 2017, aux formations CATIA V5, AGILE. Compte tenu des circonstances de la discrimination subie, de sa durée, et des conséquences dommageables qu'elle a eues pour M. T... telles qu'elles ressortent des pièces et des explications fournies, le préjudice en résultant sera réparé par l'allocation de la somme de 100006 à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral. Le jugement entrepris sera infirmé sur le montant des dommages-intérêts alloués, mais sera confirmé en ce qu'il a débouté M. T... de ses demandes de repositionnement professionnel et de rattrapage salarial. » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « 1. SUR LA DISCRIMINATION SYNDICALE Attendu qu'il résulte de l'article L 1132-1 du code du travail qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ses activités syndicales ; Attendu que l'article L 2141-5 du même code dispose qu'« Il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail » ; Attendu que selon l'article L 1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions prévues aux articles L 1132-1 à L 1132-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'il en ressort qu'il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de traitement et qu'il incombe à l'employeur d'établir que la disparité de situation constatée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; Attendu à titre liminaire qu'il convient de rappeler qu'une transaction a été conclue entre M. M... T... et son employeur le 20 décembre 2004 ayant pour objet de mettre fin au litige qui les opposait relativement à l'exercice par le salarié de ses mandats électifs et syndicaux et à ses conséquences sur la carrière du demandeur ; que si cet accord transactionnel ne permet plus à M. M... T... de former la moindre demande d'indemnisation d'une éventuelle discrimination syndicale portant sur la période antérieure à sa signature, il n'empêche nullement au salarié de se fonder sur des faits intervenus avant le 20 décembre 2004 afin, le cas échéant, de caractériser une discrimination syndicale durant la période postérieure à cette date ; Attendu que parmi les éléments lui paraissant constituer une. discrimination syndicale, M. M... T... se réfère à 1'absence d'entretien: annuel d'évaluation de l'année 2000 à l'année 2012 ; que c'est seulement après la saisine par le salarié de la juridiction de céans que celui-ci a bénéficié de nouveau d'un tel entretien le 26 avril 2012 ; que la défenderesse ne conteste pas cette absence totale d'entretien durant la période litigieuse ; qu'elle explique que cette situation est cependant étrangère à toute discrimination dans la mesure où deux autres salariés du panel de comparaison produit par M. M... T... n'ont jamais eu non plus d'entretien, annuels et que, de façon générale, l'organisation des entretiens annuels est faite de façon irrégulière au sein de l'entreprise sans que cela n'affecte l'évolution fonctionnelle et salariale desdits salariés ; Attendu toutefois que la majorité des membres du panel de comparaison communiqué par M. M... T... ont bien eu droit à des entretiens individuels d'évaluation entre 2000 et 2012; que ce n'est pas une absence d'entretien régulièrement dont se prévaut M. M... T... mais bien d'une absence totale d'entretien pendant 12 ans alors même que la SAS ZODIAC ACTUATION SYSTEMS ne démontre par aucune pièce que cette absence totale d'entretien aurait été partagée par une majorité des autres salariés, non pas seulement du panel mais de l'entreprise, durant une aussi longue période ; qu'une discrimination syndicale de ce chef est donc établie à l'égard de M. M... T... ; Attendu que M. M... T... se plaint également de n'avoir bénéficié que de rares formations durant sa carrière ; qu'en l'occurrence il en a suivi en 1997,1999, 2002, 2008 puis 2013, soit un total de seulement 5 formations en l'espace de 18 ans ; Attendu toutefois que M. M... T... ne démontre pas avoir demandé, entre 1995 et 2012, des formations qui lui auraient été refusées, étant précisé que suite à sa demande formulée en 2013 il a bien bénéficié la même année d'une formation ; Attendu en outre que s'il appartient à l'employeur de proposer aussi à ses salariés des formations sans même qu'il y ait eu de demande préalable de ceux-ci en ce sens, force est de constater que M. M... T... n'établit pas qu'une majorité d'autres salariés se seraient vu proposer contrairement à lui, des formations par la SAS ZODIAC ACTUATION SYSTEMS durant la période en cause ; Attendu qu'en ce qui concerne les formations, M. M... T... ne présente donc pas d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination ; Attendu ensuite que M. M... T... invoque des manifestations d'entrave récurrentes par son employeur à l'exercice de ses mandats ; Attendu néanmoins que les faits d'entrave ont un fondement juridique distinct de celui de la discrimination et ne sont dès lors pas susceptibles de caractériser une discrimination syndicale ; Attendu que s'agissant de l'évolution de carrière de M. M... T..., il y a lieu de relever que celui-ci a été embauché avec le coefficient 305; qu'il est passé assez rapidement, le 1er juillet 1998, au coefficient supérieur 335; qu'en revanche depuis cette date il est demeuré à ce coefficient ; Attendu que M. M... T... verse aux débats un panel comprenant 8 autres salariés ; qu'à sa lecture, il apparaît qu'en 2012 que 7 d'entre eux avaient un coefficient plus élevé que lui alors qu'en 1995 ou à leur embauche seul un bénéficiait d'un coefficient plus élevé que M. M... T... ; Attendu que la SAS ZODIAC ACTUATION SYSTEMS déclare que l'évolution de carrière de M. M... T... ne pouvait qu'être plus lente que celle des autres salariés dans la mesure où il avait bénéficié, à son embauche, d'un coefficient inhabituellement élevé; que si cet argument pourrait se comprendre de façon théorique, il perd de sa pertinence quand on observe que M. M... T... a eu droit au contraire à un avancement de coefficient dès 1998, ce qui montrait une évolution de carrière plutôt rapide au début ; que dès lors le coefficient affecté à M. M... T... en 1995 lors de son embauche ne peut expliquer son évolution de carrière sur la durée ; Attendu que le même raisonnement s'applique aux augmentations individuelles de salaire telles qu'elles ressortent du panel de comparaison de M. M... T..., le point de départ y figurant étant cette fois novembre 1998 et le demandeur y apparaissant comme ayant eu depuis cette date une augmentation totale de salaire inférieure aux 8 autres salariés ; Attendu toutefois que la SAS ZODIAC ACTUATION SYSTEMS estime que la composition du panel de M. M... T... n'est pas pertinente; qu'elle fait valoir à juste titre que tous les salariés qui y figurent n'ont pas été embauchés à une période contemporaine de son engagement, avec donc une marge de seulement quelques années; qu'ainsi M. M... T..., engagé en 1995, se compare avec des salariés embauchés en 1972 (M. B...), en 1980 (M. H...), en 1981 (M. C...), en 1982 (M. K...), et en 1986 (M. N...) ; Attendu qu'il est de jurisprudence constante que la technique du panel a pour objet de permettre la comparaison du salarie se disant victime de discrimination dans le déroulement de sa carrière avec d'autres salariés qui ont été embauchés à la même période et avaient des qualifications, notamment en matière de diplôme, équivalentes ; Attendu que les 5 salariés précités doivent donc être retirés du panel de comparaison; que subsistent par conséquent 3 autres salariés dans le panel ; Attendu que la SAS ZODIAC ACTUATION SYSTEMS justifie que M. S..., embauché au coefficient 335 en 1997, a obtenu un diplôme d'ingénieur de l'université PARIS 10 le 28 mai 2009; que M. M... T..., qui ne dispose que d'un BTS, ne peut donc se comparer utilement avec lui; Attendu que sans qu'il soit besoin d'examiner les situations individuelles des deux salariés restants, il ne peut qu'être constaté qu'un panel de comparaison ne peut être constitué valablement de seulement trois salariés en y incluant le demandeur, et ce eu égard à la taille de la société ; Attendu qu'il semble nécessaire d'attirer l'attention de M. M... T... sur le caractère peu compréhensible de son refus d'intégrer dans un panel les salariés issus d'autres établissements que ceux de la région parisienne; que cet élargissement permettrait en effet la constitution d'un panel de salariés étant dans une situation comparable à la sienne lors de son embauche et notamment en ce qui concerne l'époque d'embauche ; Attendu qu'en conséquence aucune discrimination quant à l'évolution de carrière et les augmentations individuelles de salaire n'est établie; que les demandes portant sur le repositionnement professionnel de M. M... T... au coefficient 365, sur la fixation de son salaire, sur les rappels de salaire et de prime d'ancienneté et sur le préjudice financier sont donc rejetées ; 2. SUR LE PREJUDICE MORAL Attendu qu'il a été retenu une discrimination syndicale concernant l'absence d'entretien annuel d'évaluation ; qu'il n'est pas contestable que l'absence d'évaluation ne contribue pas au dialogue nécessaire entre un salarié et son employeur quant à ses conditions de travail, ses résultats et ses aspirations professionnelles en matière salariale et fonctionnelle, et ne facilite donc pas le déroulement de carrière du salarié ».

ALORS QUE l'existence d'une discrimination n'implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d'autres salariés ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté, par motifs propres et adoptés, qu'embauché en 1995 au coefficient 305 de la convention collective de la métallurgie de la région parisienne, Monsieur T... était passé au coefficient 335 le 1er juillet 1998 mais que, depuis cette date, qui est également celle du début de son activité syndicale au sein de l'entreprise, il était en revanche demeuré à ce même coefficient, qu'entre 2000 et 2012, Monsieur T... n'avait fait l'objet d'aucun entretien annuel d'évaluation et qu'il était établi que son employeur avait pris en considération ses activités syndicales dans l'appréciation de sa carrière, en particulier pour refuser de lui accorder des augmentations individuelles de salaire ; qu'en considérant néanmoins, après avoir ainsi fait ressortir l'existence d'éléments de nature à laisser supposer l'existence d'une discrimination dans l'évolution de la carrière et de la rémunération de Monsieur T..., que la matérialité d'éléments de faits précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination salariale et de carrière directe et indirecte n'était pas démontrée, au motif que les salariés auquel Monsieur T... se comparait ne se trouvaient pas dans des situations équivalentes à la sienne, et en déboutant, en conséquence, le salarié de ses demandes de repositionnement professionnel, de rattrapage salarial et de dommages et intérêts au titre du préjudice financier résultant de la discrimination, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses constatations, a violé les dispositions des articles L. 1132-1, L.1134-1 et L. 2141-5 du Code du travail ;

ET ALORS à tout le moins QUE le principe de réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu sans perte ni profit pour la victime ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que l'employeur avait pris en considération les activités syndicales de Monsieur T... dans l'appréciation de sa carrière et, en particulier, qu'il avait refusé au salarié des augmentations individuelles au motif que celui-ci était absent ou très peu présent à son poste de travail en raison de ses mandats syndicaux ; qu'en l'état de ces constatations dont il découlait que Monsieur T... avait subi, à tout le moins, un préjudice financier du fait de la discrimination dont il était victime, la Cour d'appel qui a néanmoins débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts à ce titre, a violé le principe susvisé ensemble les articles L. 1132-1, L.1134-1, L. 1134-5 et L. 2141-5 du Code du travail.



SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir Monsieur T... de sa demande de dommages et intérêts en raison du harcèlement moral discriminatoire ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la discrimination et le harcèlement discriminatoire Aux termes de l'article 12 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. H doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrête à la dénomination que les parties en auraient proposée. Dans ses écritures auxquels il se réfère oralement, M. T... invoque un traitement discriminatoire à son encontre de la part de la société Zodiac Actuation Systems dans lequel il inclut « des mises en difficulté récurrentes à l'occasion de l'exercice des mandats constitutives de harcèlement moral discriminatoire ». Or, le harcèlement et la discrimination sont deux notions distinctes résultant de textes différents, s'appuyant sur des faits qui ont leur caractère propre tant en leur nature qu'en leurs effets. Ainsi, le harcèlement discriminatoire invoqué par M. T... sera examiné de façon distincte au titre du harcèlement, la discrimination ne constituant alors que le contexte de celui-ci. Cette distinction est conforme aux demandes de M. T... qui, dans le dispositif de ses écritures, réclame des dommages-intérêts pour réparation du préjudice moral résultant de la discrimination, et des dommages-intérêts en raison du harcèlement moral discriminatoire, ainsi qu'aux moyens de défense de la société Zodiac Actuation Systems qui consacre un développement propre dans ses écritures aux faite allégués par M. T... à l'appui de sa demande au titre du harcèlement discriminatoire. [
] Sur le harcèlement Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Selon l'article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. En l'espèce, M. T... invoque les faits suivants : - Son inscription au sein d'une section prud'homale erronée par le service RH en 2008, - La pression envers une élue pour empêcher son élection en tant que Secrétaire du CCE en 2008, - Le dénigrement réitéré de son action syndicale auprès de salariés et des élus, - Un climat d'agressivité et d'animosité qui s'aggrave à partir de 2015, par le ton agressif employé à son égard par M. X..., directeur général de la Société Zodiac Actuation Systems et président du CCE ainsi que par le DRH M. P..., - Des recherches (vaines) par l'employeur de sa responsabilité en sa qualité de secrétaire du CE quant à la gestion des comptes en2015, en ce que, malgré le vote par le CE, dès mai 2014, du recours à un expert-comptable pour la tenue des comptes du CE à partir de l'année 2013 le nouveau CE a voté, avant toute prise de contact avec l'expert comptable, un audit des comptes 2012-2015 que M. X... a proposé de faire prendre en charge par la société, contrairement à un précédent audit sur les comptes du CCE d'Auxerre, - Des manoeuvres de l'employeur dans le but de l'évincer du secrétariat du CCE sanctionnées par la justice en 2016 et 2017, - Un manquement au principe de neutralité révélateur en 2013 et 2014, par la participation inhabituelle de l'employeur au vote pour la désignation du secrétaire-adjoint du CE, - Une surveillance par photographie, - Des tracasseries administratives liées à l'exercice de l'activité d'élu du personnel ou de Conseiller prud'homal. Pour étayer ses affirmations, M. T... produit, notamment, des attestations, des procès-verbaux de réunions du CE, et des échanges de mails. Cela étant, les échanges de mails en date de septembre 2008 entre M. T... et Mme Q..., DRH, établissent que l'inscription de l'intéressé sur la liste électorale de la section encadrement au lieu de la section industrie procède d'une erreur de la direction sur la portée du statut "d'assimilés cadres" dans le choix du collège électoral dont dépend le salarié,, erreur qui n'avait pas jusque là attiré l'attention des autres salariés concernés et qui a, par la suite, été rectifiée au vu des arguments de M. T.... Cette inscription erronée ne résulte donc pas d'une volonté quelconque de la société Zodiac Actuation Systems de porter atteinte aux droits de M. T.... La participation de l'employeur au vote pour la désignation du secrétaire-adjoint du CE en 2013 et 2014 s'inscrit dans l'exercice normal du droit de vote que l'employeur tient des textes relatifs à l'expression démocratique au sein de l'entreprise, et qu'aucun usage, à le considérer comme établi, ne peut restreindre. De même, l'organisation d'un audit des comptes de 2012 à 2015 est une décision souveraine du CE régulièrement adoptée à la majorité des voix de ses membres. Les attestations de Mme G... et de M. D... ne font que confirmer l'opposition de ces élus face à cette décision, en ce qu'ils imputent celle-ci à la seule volonté de nuire de l'employeur à l'encontre de la CGT et en particulier de M. T... sans autre élément factuel qui pourrait caractériser une manipulation de la majorité du CE par son président. Au surplus, comme relevé par la société Zodiac Actuation Systems, une telle décision s'inscrit dans le cadre du changement de majorité du CE et est relativement habituelle en pareil cas. Le fait que l'employeur ait accepté de prendre en charge le coût de l'audit de 16 000 € au contraire d'autres audits sollicités dans d'autres CE caractérise une discrimination non à l'égard de M. T... mais du syndicat qu'il représente, à savoir la CGT. Au vu des décisions de justice successivement rendues, l'existence de manoeuvres de la part de l'employeur dans le but d'évincer M. T... du secrétariat du CCE ne peut être retenue. Certes, le jugement du tribunal d'instance d'Auxerre du 2 mai 2016 a débouté la société Zodiac Actuation Systems de sa demande d'annulation de la décision de la DIRECCTE du 24 février 2016 qui considérait que la double condition de la validité de la version 1 du protocole d'accord était remplie par les deux syndicats signataires et qu'en conséquence, l'accord pouvait être obtenu et être valablement conclu, ce que refusait de reconnaître la direction. Cependant, dans un arrêt du 4 mai 2017, la cour de cassation casse et annule ce jugement, au motif qu'en statuant ainsi alors qu'il constatait que le premier projet de protocole d'accord préélectoral constituait un simple document de travail et que l'employeur l'avait modifié pendant la négociation préélectorale, ce dont il résultait l'absence d'un accord conclu selon les conditions de l'article L.2324-1 du code du travail, le tribunal, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations a violé les textes susvisés (L.2327-7, L.2324-4-1 du code du travail et 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige). La vive réaction de M. P... dans ses mails des 27 février 2017 suit deux messages particulièrement sibyllins de M. T..., qui, contrairement aux affirmations de ce dernier dans ses mails suivants et dans ses écritures devant la cour, mettent objectivement en cause la probité de M. P.... En effet, alors que M. P... venait de lui transmettre les procès-verbaux rédigés par la société Ubiqus des CCE qui se sont tenus du 19 octobre 2016 au 13 février 2017, M. T... a écrit : « Pouvez-vous m'envoyer les originaux envoyés par UBIQUS ? », doutant ainsi de la provenance et l'authenticité des documents qui venaient de lui être envoyés. M. P... a alors immédiatement envoyé un nouveau message à M. T... contenant la seule précision suivante : « Ce sont les PV d'Ubiqus » auquel M. T... a répondu : « Sans aucune modification de votre part ? », ce qui renvoie à la possibilité d'une manipulation par la direction. Ainsi, le ton sec mais non agressif de M. P... est justifié par la défiance insistante et blessante de M. T... à son égard. En outre, dans un tel contexte, il était logique pour M. P... de proposer à M. T..., en sa qualité de secrétaire du CE de se charger à l'avenir de la rédaction des procès-verbaux des réunions, conformément aux prérogatives de l'élu en la matière, pour éviter toute polémique ultérieure à ce sujet. Il ne peut donc être vu dans une telle proposition une volonté de l'employeur de nuire à M. T... par la surcharge de ses tâches. L'attestation de Mme G... dénonçant une chasse aux sorcières et une liste noire dont M. T... serait victime de la part de la direction manque en fait. Le témoignage de M. RO... porte sur un fait ancien non imputable à la direction de la société Zodiac Actuation Systems, à savoir une altercation entre M. T... et un élu CFE-CGC survenue lors d'une réunion sur le protocole préélectoral en octobre 2007. Sur les tracasseries administratives qu'aurait mises en oeuvre la société Zodiac Actuation Systems dans le cadre de l'activité de conseiller prud'homal de M. T..., il doit être rappelé que, si l'article L. 1442-5 du code du travail interdit aux employeurs de refuser une autorisation d'absence sollicitée par un salarié pour se rendre et participer à des activités prud'homales, il ne dispense pas pour autant ce même salarié de solliciter une telle autorisation, tout au moins de prévenir son employeur de son absence motivée par de telles activités. Ainsi, il ne peut être vu de tracasseries administratives de la part d'un employeur qui, par lettre du 18 janvier 2016, relève des absences non autorisées sur la période de décembre 2015 à janvier 2016 et rappelle au salarié ses obligations au moins de prévenance, et qui, par lettre du 15 mars 2016, lui rappelle de nouveau ses mêmes obligations de prévenance (« H serait souhaitable que nous puissions être, en amont, informés des durées prévisionnelles de présence au sein du conseil de prud'hommes... ») alors qu'aucun texte n'interdit au salarié de produire ses plannings d'audience et ses convocations aux autres activités prud'homales. En outre, M. T... n'est pas légitime à prétendre que la société Zodiac Actuation Systems confond ses heures de délégation avec ses heures consacrées à son activité de conseiller prud'homal dès lors qu'il ressort des documents produits par la société que M. T... a compensé l'écart entre les heures d'absences pour activités prud'homales qu'il avait déclarées à l'entreprise sur le mois d'avril 2016 et le nombre des heures remboursées à l'employeur selon le décompte du greffe du conseil de prud'hommes sur la même période, en remettant à la société Zodiac Actuation Systems de nouveaux bons de délégation. La pression envers une élue pour empêcher l'élection de M. T... en tant que Secrétaire du CCE en 2008, telle qu'attestée par Mme J..., et le dénigrement de M. T... en 2007 par Mme Q..., DRH à l'époque dans le même but, tel qu'attesté par Mme F..., ne pouvaient avoir pour effet ou objet de dégrader les conditions de travail du salarié et ont été examinés au titre de la discrimination. L'étonnement manifesté par le président du CE lors de la réunion du 22 mars 2012 devant la saisine du conseil de prud'hommes pour discrimination par M. T... au regard de l'absence de ce salarié à son poste de travail et l'allusion du président du CCE à une surveillance photographique de M. T... sur son poste de travail, lors d'une réunion du 27 août 2015, sont distants de trois ans et ne caractérisent pas la répétition exigée par l'article L.1152-2 du code du travail. Ainsi, il résulte des les éléments ci-dessus que, soit, M. T... n'établit pas l'existence de fait précis et concordants qui pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral, soit, dans le cas contraire, la société Zodiac Actuation Systems démontre que les faits matériellement établis par M. T... sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. M. T... sera débouté de sa demande au titre du harcèlement, nouvelle en cause d'appel. »

ALORS QUE caractérise un harcèlement moral discriminatoire tout agissement, même unique, lié à un motif discriminatoire et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité du salarié ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant humiliant ou offensant ; que la Cour d'appel, ayant constaté la pression exercée par la direction envers une élue pour empêcher l'élection de Monsieur T..., le dénigrement dont le salarié a, dans le même but, fait l'objet de la part de la directrice des ressources humaines, l'étonnement manifesté par le président du comité d'entreprise devant la saisine du Conseil de prud'hommes pour discrimination par Monsieur T... compte tenu de l'absence du salarié à son poste de travail et l'allusion également faite par le président du comité d'entreprise à une surveillance photographique du salarié sur son poste de travail, a considéré que Monsieur T... n'établissait pas l'existence de fait précis et concordants qui, pris dans leur ensemble laissaient supposer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si un ou plusieurs des faits susvisés n'avaient pas eu pour effet de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1er alinéa 3 de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 par refus d'application ensemble celles de l'article L. 1152-1 du Code du travail par fausse application ;

ALORS encore et en toute hypothèse QUE les obligations découlant des articles L. 1132-1 et L. 2141-5 du Code du travail et celle découlant des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du même Code sont distinctes en sorte que la méconnaissance de chacune d'elles, lorsqu'elle entraîne des préjudices différents, peut ouvrir droit à des réparations spécifiques ; qu'en l'espèce, en écartant certains des agissements dont se prévalait Monsieur T... au titre du harcèlement moral discriminatoire au motif qu'ils avaient déjà été examinés au titre de la discrimination, sans rechercher si ces agissements n'avaient pas occasionné au salarié un préjudice distinct de celui retenu au titre de la discrimination, ainsi que ce dernier le faisait valoir, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées ;

ET ALORS enfin et en toute hypothèse QU'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que l'espacement dans le temps des agissements invoqués au titre du harcèlement moral n'exclut pas leur caractère répétitif ; qu'en l'espèce, pour écarter certains des éléments invoqués par Monsieur T... comme laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral discriminatoire, la Cour d'appel a retenu que ces faits étaient distants de trois ans et ne caractérisaient pas la répétition exigée par l'article L. 1152-2 du Code du travail ; qu'en ajoutant ainsi à la loi une condition temporelle qu'elle ne prévoit pas, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du Code du travail.

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