11 mars 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-14.401

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2020:SO00322

Texte de la décision

SOC. / ELECT

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 mars 2020




Cassation partielle


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 322 F-D

Pourvoi n° W 19-14.401




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 MARS 2020

La société d'HLM Mon logis, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° W 19-14.401 contre le jugement rendu le 18 mars 2019 par le tribunal d'instance de Troyes (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. A... V..., domicilié [...] ,

2°/ au syndicat CFDT construction et bois de l'Aube, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société d'HLM Mon logis, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. V... et du syndicat CFDT construction et bois de l'Aube, après débats en l'audience publique du 5 février 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Troyes, 18 mars 2019),
en vue de l'élection des membres du comité social et économique (CSE) au sein de la société d'HLM Mon logis (la société), a été signé le 7 février 2019 un protocole d'accord préélectoral entre la direction et les syndicats CFDT construction et bois de l'Aube et CFTC, mentionnant notamment que la proportion de femmes et d'hommes dans le deuxième collège « techniciens et agents de maîtrise » s'établissait à 67 % de femmes et 33 % d'hommes, quatre postes étant à pourvoir, tant pour les titulaires que pour les suppléants. Le premier tour de scrutin a été fixé au 15 mars 2019, le second tour au 29 mars 2019, les listes pour le premier tour devant être déposées le 5 mars 2019. Le syndicat CFDT construction et bois de l'Aube (le syndicat) a déposé une liste de candidats titulaires comportant trois femmes et un homme et une liste de candidats suppléants comportant quatre femmes. Une liste rectifiée comportant le même candidat homme tant sur la liste des titulaires que des suppléants a été déposée après la date limite de dépôt des candidatures.

2. La société a saisi le tribunal d'instance le 8 mars 2019, soit avant le premier tour qui s'est déroulé le 15 mars. A l'audience du 18 mars 2019, elle a notamment sollicité l'annulation de l'élection des candidats surreprésentés au regard des règles de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes sur la liste présentée par le syndicat dans le deuxième collège s'agissant des suppléants.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société fait grief au jugement de la débouter de l'ensemble de ses demandes alors « que la constatation par le juge, après l'élection, du non respect par une liste de candidats de la règle de l'alternance prévue par la deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 2314-30 du code du travail entraîne l'annulation de l'élection de tout élu dont le positionnement sur la liste de candidats ne respecte pas ces prescriptions, à moins que la liste corresponde à la proportion de femmes et d'hommes au sein du collège concerné et que tous les candidats de la liste aient été élus ; qu'en l'espèce, il est constant que, compte tenu de la proportion d'hommes et de femmes dans le deuxième collège de l'entreprise, chacune des listes présentées dans ce collège devait comporter trois femmes et un homme, ce dernier devant figurer en deuxième poste en application de la règle de l'alternance ; qu'il est également constant que la liste déposée par le syndicat CFDT, dans le deuxième collège, pour les sièges de suppléants, comportait quatre femmes et que trois d'entre elles ont été élues ; qu'en conséquence, il appartenait au tribunal d'instance d'annuler l'élection des deux dernières candidates élues sur cette liste ; qu'en refusant cependant d'annuler ces deux élections, aux motifs tout aussi inopérants qu'erronés que le syndicat CFDT, qui n'avait pu trouver qu'un candidat homme dans le deuxième collège, avait proposé de rectifier la liste des suppléants en faisant figurer ce même candidat en deuxième place et qu'au regard des résultats accordant trois sièges à la CFDT dans le deuxième collège, pour les postes de suppléants, ce salarié aurait été élu et, étant déjà élu titulaire, aurait dû se déporter, de sorte que les trois candidates élues l'auraient été, le tribunal d'instance a violé l'article L. 2314-32 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 2314-30 et L. 2314-32 du code du travail :

4. Il résulte du premier de ces textes que pour chaque collège électoral, les listes mentionnées à l'article L. 2314-29 qui comportent plusieurs candidats sont composées d'un nombre de femmes et d'hommes correspondant à la part de femmes et d'hommes inscrits sur la liste électorale. Les listes sont composées alternativement d'un candidat de chaque sexe jusqu'à épuisement des candidats d'un des sexes. Lorsque l'application du premier alinéa n'aboutit pas à un nombre entier de candidats à désigner pour chacun des deux sexes, il est procédé à l'arrondi arithmétique suivant : 1° Arrondi à l'entier supérieur en cas de décimale supérieure ou égale à 5 ; 2° Arrondi à l'entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5. En cas de nombre impair de sièges à pourvoir et de stricte égalité entre les femmes et les hommes inscrits sur les listes électorales, la liste comprend indifféremment un homme ou une femme supplémentaire. Lorsque l'application de ces règles conduit à exclure totalement la représentation de l'un ou l'autre sexe, les listes de candidats pourront comporter un candidat du sexe qui, à défaut ne serait pas représenté. Ce candidat ne peut être en première position sur la liste. Le présent article s'applique à la liste des membres titulaires du comité social et économique et à la liste de ses membres suppléants.

5. Il résulte du second de ces textes, d'une part, que la constatation par le juge, après l'élection, du non-respect par une liste de candidats des prescriptions prévues à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 2314-30 entraîne l'annulation de l'élection d'un nombre d'élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d'hommes que celle-ci devait respecter et que le juge annule l'élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l'ordre inverse de la liste des candidats, d'autre part, que la constatation par le juge, après l'élection, du non-respect par une liste de candidats des prescriptions prévues à la seconde phrase du premier alinéa du même article L. 2314-30 entraîne l'annulation de l'élection du ou des élus dont le positionnement sur la liste de candidats ne respecte pas ces prescriptions. Le cas échéant, il est fait application des dispositions de l'article L. 2314-10 du code du travail.

6. Pour rejeter les demandes de la société, le tribunal d'instance, après avoir relevé que la liste déposée par le syndicat ne respectait pas les règles de représentation équilibrée entre les hommes et les femmes, a jugé que le syndicat, sans être contesté sur ce point par la société, affirmait ne pas avoir eu d'autre candidat de sexe masculin que M. B..., qui était déjà en deuxième place sur la liste des candidats titulaires du collège en cause, que cette seule candidature masculine était en outre corroborée par la proposition de rectification de liste présentée par l'organisme syndical où le salarié apparaît tant sur la liste des candidats titulaires que celle des suppléants, que cette liste rectifiée aurait respecté les règles de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes, que néanmoins, au regard des résultats accordant trois sièges au syndicat dans le collège des suppléants et de la seconde place qu'aurait occupée M. B... sur les deux listes si la liste avait été rectifiée en temps et en heure, il n'est pas rapporté que le résultat des élections aurait été différent en raison du déport nécessaire de ce dernier, que par conséquent, il n'y a pas lieu de prononcer l'annulation de l'élection des élues surreprésentées au regard de la répartition entre les hommes et les femmes.

7. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la liste présentée pour les suppléants par le syndicat ne respectait pas la règle de l'alternance édictée à la seconde phrase de l'alinéa 1er de l'article L. 2314-30 du code du travail et, qu'en application de l'article L. 2314-32 du même code, l'élection de la candidate femme figurant en deuxième position sur la liste devait être annulée, le tribunal d'instance a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'annulation de l'élection de l'élue figurant en deuxième position sur la liste présentée pour les suppléants par le syndicat CFDT construction et bois de l'Aube dans le deuxième collège, le jugement rendu le 18 mars 2019, entre les parties, par le tribunal d'instance de Troyes ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Sens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société d'HLM Mon logis.

Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR débouté la société Mon Logis de l'ensemble de ses demandes et d'AVOIR condamné la société Mon Logis à payer au syndicat CFDT Construction et Bois Aube la somme de 500 euros ;

AUX MOTIFS QU' :
« Aux termes de l'article L.2314-30 du Code du travail :
«Pour chaque collège électoral, les listes mentionnées à l'article L. 2314-29 qui comportent plusieurs candidats sont composées d'un nombre de femmes et d'hommes correspondant à la part de femmes et d'hommes inscrits sur la liste électorale. Les listes sont composées alternativement d'un candidat de chaque sexe jusqu'à épuisement des candidats d'un des sexes.
Lorsque l'application du premier alinéa n'aboutit pas à un nombre entier de candidats à désigner pour chacun des deux sexes, il est procédé à l'arrondi arithmétique suivant :
I° Arrondi à l'entier supérieur en cas de décimale supérieure ou égale à 5 ;
2° Arrondi à l'entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5. En cas de nombre impair de sièges à pourvoir et de stricte égalité entre les femmes et les hommes inscrits sur les listes électorales, la liste comprend indifféremment un homme ou une femme supplémentaire. »
À défaut de respect de cette règle de l'alternance, l'annulation de l'élection est encourue. Il est néanmoins de jurisprudence constante que les irrégularités commises dans le cadre du scrutin ne peuvent constituer une cause d'annulation que si elles ont exercé une influence sur les résultats de l'élection ou si elles ont été déterminantes sur la qualité représentative des organisations syndicales.
En l'espèce, cet article est repris à l'article 7 du protocole préélectoral signé le 7 février 2019 (Pièce demandeur n° 2).
Il est prévu que dans chaque collègue il y ait un vote pour les titulaires et un vote pour les suppléants.
La proportion de femmes et d'hommes inscrite sur les listes électorales composant le collège électoral des « agents de maîtrise » est de 67 % de femmes et de 33 % d'hommes. En application du PPE, 4 sièges étaient mis au vote s'agissant des suppléants du collège électoral des « agents de maîtrise ».
En application des règles précitées, les listes déposées devaient comporter 3 femmes et 1 homme en tant que candidat. En outre, commençant par un candidat de sexe féminin, il était nécessaire que le second candidat soit un candidat masculin afin de respecter la règle de l'alternance sus-précisée.

Or, la liste déposée par le Syndicat CFDT CONSTRUCTION ET BOIS AUBE est composée exclusivement de femmes.
Dès lors, la liste déposée par le Syndicat CFDT CONSTRUCTION ET BOIS AUBE ne respecte pas les règles de répartition équilibrée entre les hommes et les femmes. Toutefois, sans être contestée sur ce point par la société demanderesse, le Syndicat CFDT CONSTRUCTION ET BOIS AUBE affirme ne pas avoir eu d'autre candidat de sexe masculin que M. B... qui était déjà en deuxième place sur la liste des candidats titulaires du collège des « agents de maîtrise » (pièce demandeur n°8). Cette seule candidature masculine est en outre corroborée par la proposition de rectification de liste présentée par l'organisme syndical où M. B... apparaît tant dans la liste des candidats titulaires que celle des suppléants (Pièce demandeur n° 12).
Cette liste rectifiée aurait respecté les règles de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes.
Néanmoins, au regard des résultats accordant trois sièges à la CFDT CONSTRUCTION ET BOIS AUBE dans le collège des suppléants et de la seconde place qu'aurait occupée M. B... sur les deux listes si la liste avait été rectifiée en temps et en heure, il n'est pas rapporté que le résultat des élections aurait été différent en raison du déport nécessaire de ce dernier.
Par conséquent, il n'y a pas lieu de prononcer l'annulation de l'élection des élues surreprésentées au regard de la répartition entre les hommes et les femmes ».

ALORS QUE la constatation par le juge, après l'élection, du non respect par une liste de candidats de la règle de l'alternance prévue par la deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 2314-30 du code du travail entraîne l'annulation de l'élection de tout élu dont le positionnement sur la liste de candidats ne respecte pas ces prescriptions, à moins que la liste corresponde à la proportion de femmes et d'hommes au sein du collège concerné et que tous les candidats de la liste aient été élus ; qu'en l'espèce, il est constant que, compte tenu de la proportion d'hommes et de femmes dans le deuxième collège de l'entreprise, chacune des listes présentées dans ce collège devait comporter trois femmes et un homme, ce dernier devant figurer en deuxième poste en application de la règle de l'alternance ; qu'il est également constant que la liste déposée par le syndicat CFDT, dans le deuxième collège, pour les sièges de suppléants, comportait quatre femmes et que trois d'entre elles ont été élues ; qu'en conséquence, il appartenait au tribunal d'instance d'annuler l'élection des deux dernières candidates élues sur cette liste ; qu'en refusant cependant d'annuler ces deux élections, aux motifs tout aussi inopérants qu'erronés que le syndicat CFDT, qui n'avait pu trouver qu'un candidat homme dans le deuxième collège, avait proposé de rectifier la liste des suppléants en faisant figurer ce même candidat en deuxième place et qu'au regard des résultats accordant trois sièges à la CFDT dans le deuxième collège, pour les postes de suppléants, ce salarié aurait été élu et, étant déjà élu titulaire, aurait dû se déporter, de sorte que les trois candidates élues l'auraient été, le tribunal d'instance a violé l'article L. 2314-32 du code du travail.

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