11 mars 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-12.223

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2020:SO00313

Texte de la décision

SOC.

FB


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 mars 2020




Rejet


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 313 F-D

Pourvoi n° D 19-12.223

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. G....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 20 septembre 2018.



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 MARS 2020

M. N... G..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° D 19-12.223 contre l'arrêt rendu le 14 novembre 2017 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Torann-France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

2°/ au syndicat SNEPS-CFTC, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de M. G..., de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Torann-France, après débats en l'audience publique du 5 février 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 novembre 2017), M. G... a été engagé, le 2 janvier 2011, par la société Torann France (la société), en qualité d'agent de sécurité incendie, affecté au site du siège social de la société R... P... en horaires de jour. Après une mise en garde et plusieurs avertissements notifiés par l'employeur, celui-ci l'a averti, le 24 janvier 2014, d'un changement de planning et de son affectation, à compter du 5 février 2014, au site du centre commercial de Bois Senart. Il l'a convoqué pour un entretien le 4 février afin de discuter de sa nouvelle affectation et lui a proposé une autre affectation comme agent de sécurité incendie sur le site de la société I... H... à Paris, plus proche de son domicile, que le salarié a refusée, de sorte qu'il l'a maintenu sur le site du centre commercial de Bois Senart, sur lequel le salarié ne s'est pas présenté le 5 février. Par lettre du 6 février 2014, la société lui a confirmé son affectation sur ce site, tout en lui envoyant le planning de février. Par lettre du 5 février 2014, le salarié a refusé cette affectation, invoquant le temps de trajet et les horaires de travail, mais aussi la fonction d'agent de sécurité alors qu'il était agent de sécurité incendie comme le précisait le planning.

2. Après l'avoir mis en demeure, par lettre du 11 février, de se présenter sur le site et de justifier de son absence depuis le 5 février puis convoqué, le 17 février, à un entretien préalable devant se tenir le 27 février, tout en lui notifiant sa mise à pied à titre conservatoire, la société a, par lettre du 4 mars 2014, notifié au salarié son licenciement pour faute grave pour absences injustifiées du 5 au 15 février, malgré mise en demeure.

3. Le salarié a, le 18 mars 2014, saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen, ci-après annexé


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à faire juger que son licenciement était entaché de nullité et, par conséquent, de le débouter de sa demande de réintégration et en paiement de rappels de salaires alors :

« 1°/ que, d'une part, le licenciement d'un salarié prononcé en raison de l'action en justice qu'il décide d'engager à l'encontre de son employeur est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale ; qu'il appartient au juge de vérifier que l'employeur n'a pas utilisé son pouvoir de licencier en rétorsion à l'action en justice du salarié ; qu'en se contentant, pour débouter M. G... de ses demandes, (de dire) que la société Torann France n'avait pas encore reçu la lettre du défenseur syndical quand elle avait envoyé à M. G... sa convocation à l'entretien préalable, alors qu'il résulte de la lettre de mise en demeure du salarié en date du 17 février 2014 que l'employeur avait clairement été informé dès le 4 février 2014 de l'intention de M. G... de contester sa mutation ; qu'il importait donc peu que le courrier du 17 février ait été reçu par l'employeur après l'envoi de sa convocation à l'entretien préalable ; qu'en refusant de prononcer la nullité du licenciement, la cour a violé l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que, d'autre part, si l'employeur peut, dans l'exercice de son pouvoir d'individualisation des sanctions disciplinaires et dans l'intérêt de l'entreprise, sanctionner différemment des salariés ayant commis des fautes de même nature ou ne pas sanctionner l'un d'eux, ce n'est qu'à condition qu'il le fasse sans discrimination au sens de l'article L. 1132-1 du code du travail ni détournement de pouvoir ; qu'en énonçant qu'au vu des explications données par la société pour chacun des salariés avec lesquels M. G... se comparait, il apparaissait que l'employeur avait individualisé les sanctions disciplinaires vis-à-vis de chacun, ces derniers n'ayant pas la même ancienneté, n'ayant pas le même passé disciplinaire, ni le même comportement général quand il ressortait de la lecture des écritures d'appel de l'employeur qu'il ne s'expliquait pas réellement sur les différences de traitement soulignées par M. G... concernant MM. M..., B... et X... et avec lesquels le salarié se comparait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1132-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

6. D'une part, il résulte des conclusions du salarié devant la cour d'appel que celui-ci invoquait avoir contesté, par lettre du 17 février 2014, sa mutation et avoir alors mis en demeure la société de revenir sur sa mutation sous peine de poursuite judiciaire devant le conseil de prud'hommes. La cour d'appel a par ailleurs constaté que cette lettre du 17 février avait été reçue par l'employeur postérieurement à la convocation du salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

7. D'autre part, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ayant constaté que les autres salariés auxquels M. G... se comparait n'avaient ni la même ancienneté, ni le même passé disciplinaire, a estimé, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que l'individualisation des sanctions disciplinaires était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination syndicale.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

9. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de toutes ses autres demandes notamment de sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre de l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail par la mutation abusive sur le site de l'établissement Sciences Politiques de Paris alors :

« 1°/ que, d'une part, une mutation décidée par l'employeur en raison de faits du salarié considérés comme fautifs constitue une sanction disciplinaire ; qu'ayant constaté que la mutation résultait d'un mécontentement du client suite au refus de M. G... d'effectuer à 18h, soit tardivement par rapport à son heure de fin de service, une tâche de son domaine (recensement des locaux techniques) avec un ton inapproprié, la cour d'appel qui a décidé que cette mutation ne constituait pas une mutation sanction, a violé l'article L. 1331-1 du code du travail ;

2°/ que, d'autre part, une mutation décidée par l'employeur en raison de faits du salarié considérés comme fautifs constitue une sanction disciplinaire et qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à une double sanction ; qu'après avoir relevé que le changement d'affectation de M. G... faisait suite au mécontentement du client après le refus de M. G... d'effectuer à 18h, soit tardivement par rapport à son heure de fin de service, une tâche de son domaine (recensement des locaux techniques) avec un ton inapproprié, la cour d'appel a considéré que l'employeur avait légitimement exercé son pouvoir de direction en procédant au changement d'affectation du salarié, tout en lui notifiant un rappel à l'ordre ; qu'en décidant qu'il n'y avait pas lieu à annulation de la mutation cependant que le rappel à l'ordre faisait suite à un agissement du salarié considéré comme fautif par l'employeur, puisqu'il était également à l'origine du changement d'affectation du salarié, et avait donc le caractère d'une sanction disciplinaire, la cour d'appel, qui aurait dû prononcer l'annulation de la mutation - première des deux sanctions - par laquelle l'employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L. 1332-4 du code du travail ensemble le principe selon lequel qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à une double sanction ;

3°/ qu'enfin, une mutation décidé par l'employeur en raison de faits du salarié considérés comme fautifs constitue une sanction disciplinaire ; qu'il appartient par conséquent au juge de vérifier si la sanction disciplinaire entre dans le cadre les mesures disciplinaires visées par le règlement intérieur ; qu'en refusant d'annuler la mutation litigieuse sans vérifier, comme elle y était invitée, si la mutation-sanction était prévue dans l'échelle des sanctions figurant dans le règlement intérieur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1331-3 et L. 1333-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

10. La cour d'appel ayant constaté que les échanges de courriels produits par la société faisaient état du mécontentement du client suite au refus du salarié d'effectuer à 18 heures, soit tardivement par rapport à son heure de fin de service, une tâche relevant de sa mission, refus exprimé sur un ton inapproprié, que d'autres difficultés étaient évoquées, tels que des retards réguliers et un problème de respect de la hiérarchie, a pu en déduire que la société avait exercé son pouvoir de direction en changeant le salarié d'affectation pour éviter des tensions supplémentaires avec le client et ce dans l'intérêt de la société et du salarié, sans qu'elle se soit placée ainsi sur le terrain disciplinaire.

11. En conséquence, le moyen n'est fondé en aucune de ses branches.

Sur la demande de la société de rectification d'erreur matérielle

12. Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 462 du code de procédure civile, alinéa 1, aux termes desquelles les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande.

13. Il ressort, en effet, de la motivation de l'arrêt attaqué, considérée dans son ensemble, que sont affectés d'une erreur matérielle les termes « licenciement sans cause réelle et sérieuse » figurant tant au dispositif de l'arrêt, dans l'alinéa « Requalifie le licenciement pour faute grave de M. G... en licenciement sans cause réelle et sérieuse », que dans le sixième alinéa de la page 17 de l'arrêt, ainsi libellé « Au vu de ces éléments, le licenciement pour faute grave sera requalifié par la cour en licenciement sans cause réelle et sérieuse (...) ».

14. Il convient ainsi de lire « licenciement pour cause réelle et sérieuse ».

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Rectifie l'arrêt rendu le 14 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles (arrêt n° 714, RG n° 16/04042),

DIT qu'il convient de lire, dans le dispositif page 19, au troisième chef, et dans le sixième alinéa de la page 17 de l'arrêt, les mots « licenciement pour cause réelle et sérieuse » au lieu des mots « licenciement sans cause réelle et sérieuse » ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. G... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit qu'à la diligence du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt attaqué du 14 novembre 2017 (n° RG 16/04042).

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille vingt.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour M. G....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. N... G... de ses demandes tendant à faire juger que son licenciement était entaché de nullité et de l'avoir, par conséquent, débouté de sa demande de réintégration et en paiement de rappels de salaires ;

AUX MOTIFS QUE selon l'article L. 1134-4 du code du travail est nul le licenciement d'un salarié faisant suite à une action de justice qu'il a engagée sur le fondement d'une discrimination, lorsqu'il est établi que le licenciement n'a pas de cause réelle et sérieuse et constitue en réalité une mesure prise par l'employeur en raison de cette action en justice ; qu'en l'espèce, M. G... n'invoque pas ce texte, puisqu'à la date du 17 février 2014 il n'avait pas encore saisi le juge prud'homal, mais l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'Homme, consacrant la liberté fondamentale du salarié d'ester en justice, ainsi que l'article L. 1132-1 du code du travail sur les discriminations ; qu'aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou en raison de son état de santé ou de son handicap ; que l'article L. 1134-1 du même code dispose qu'en cas de litige relatif à l'application du texte précédent, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que devant le conseil, M. G... avait sollicité la requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour modification injustifiée de son contrat de travail par sa mutation sur le site de Bois Sénart, ce qui rendait ses absences sur ce site non fautives ; qu'en appel, il sollicite la nullité de son licenciement, soutenant que son licenciement avait pour but de l'empêcher d'agir en justice au sujet de sa mutation sur le site du centre commercial de Bois Sénart qu'il estimait injustifiée ; qu'il objective ce fait par la concomitance entre d'une part la date d'envoi à la société de sa lettre du 17 février 2014 dans laquelle il contestait sa mutation et évoquait la saisine du conseil de prud'hommes de Nanterre, et d'autre part la date d'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable ; que la société objecte qu'elle a envoyé la lettre de convocation à l'entretien préalable le 17 février, alors qu'elle a reçu la lettre de M. T..., défenseur syndical assistant M. G..., seulement le 19 février, date à laquelle elle lui a répondu par lettre recommandée du 19 février envoyée le même jour ; qu'il apparaît que la société n'avait pas encore reçu la lettre du défenseur syndical quand elle a envoyé à M. G... la lettre de convocation à l'entretien préalable, de sorte que cet argument n'est pas valable ; que par ailleurs, M. G... soutient que cinq salariés agents de sécurité de la société n'ont pas fait l'objet de licenciement comme lui, alors qu'ils ont comme lui refusé une mutation respectivement en octobre 2013, juillet 2014, juin 2015, septembre 2015 et octobre 2016, et que deux d'entre eux avaient déjà eu un avertissement pour d'autres faits ; qu'il allègue que cette différence de traitement serait liée à son appartenance syndicale ; que la société réplique qu'elle a exercé son pouvoir d'individualisation des sanctions disciplinaires, la situation des autres salariés ayant refusé une mutation étant différente de celle de M. G... ; qu'elle ajoute qu'à chaque fois qu'une mutation était refusée elle a reçu les salariés et entendu leurs explications et leur a proposé une autre affectation, ce qu'elle a fait aussi pour M. G..., en lui proposant une affectation au site de I... H... à Paris, que ce dernier a refusé ; qu'au vu des explications données par la société pour chacun des salariés avec lesquels M. G... se compare, il apparaît qu'elle a individualisé les sanctions disciplinaires vis-à-vis de chacun, ces derniers n'ayant pas la même ancienneté, n'ayant pas le même passé disciplinaire, ni le même comportement général; en outre, la société s'est efforcée de proposer une autre affectation à M. G.... sur le site I... H... à Paris, plus proche de son domicile que le site de Bois Sénart ; que ce dernier ne pouvant valablement invoquer la discrimination syndicale comme origine de la procédure de licenciement, il sera donc débouté de sa demande de nullité du licenciement de ce chef ;

ALORS QUE, d'une part, le licenciement d'un salarié prononcé en raison de l'action en justice qu'il décide d'engager à l'encontre de son employeur est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale ; qu'il appartient au juge de vérifier que l'employeur n'a pas utilisé son pouvoir de licencier en rétorsion à l'action en justice du salarié ; qu'en se contentant, pour débouter M. G... de ses demandes, que la société Torann France n'avait pas encore reçu la lettre du défenseur syndical quand elle avait envoyé à M. G... sa convocation à l'entretien préalable, alors qu'il résulte de la lettre de mise en demeure du salarié en date du 17 février 2014 (Prod.3) que l'employeur avait clairement été informé dès le 4 février 2014 de l'intention de M. G... de contester sa mutation ; qu'il importait donc peu que le courrier du 17 février ait été reçu par l'employeur après l'envoi de sa convocation à l'entretien préalable ; qu'en refusant de prononcer la nullité du licenciement, la Cour a violé l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

ALORS QUE, d'autre part, si l'employeur peut, dans l'exercice de son pouvoir d'individualisation des sanctions disciplinaires et dans l'intérêt de l'entreprise, sanctionner différemment des salariés ayant commis des fautes de même nature ou ne pas sanctionner l'un d'eux, ce n'est qu'à condition qu'il le fasse sans discrimination au sens de l'article L. 1132-1 du code du travail ni détournement de pouvoir ; qu'en énonçant qu'au vu des explications données par la société pour chacun des salariés avec lesquels M. G... se comparait, il apparaissait que l'employeur avait individualisé les sanctions disciplinaires vis-à-vis de chacun, ces derniers n'ayant pas la même ancienneté, n'ayant pas le même passé disciplinaire, ni le même comportement général quand il ressortait de la lecture des écritures d'appel de l'employeur qu'il ne s'expliquait pas réellement sur les différences de traitement soulignées par M. G... concernant MM. M..., B... et X... et avec lesquels le salarié se comparait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1132-1 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. N... G... de toutes ses autres demandes notamment de sa demande en paiement de dommages et intérêt au titre de l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail par la mutation abusive sur le site de l'établissement Sciences Politiques de Paris ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE M. G... soutient que la société l'a muté de manière abusive à titre de sanction disciplinaire, en le retirant du site P... pour l'affecter au site de Sciences Po, prétextant une demande expresse du client dont il ne rapporte pas la preuve ; que les échanges de courriels produits par la société font bien état du mécontentement du client P... suite au refus de M. G... d'effectuer à 18h, soit tardivement par rapport à son heure de fin de service, une tâche de son domaine (recensement des locaux techniques) avec un ton inapproprié ; que par ailleurs, d'autres manquements étaient évoqués, tels que des retards réguliers et un problème de respect de la hiérarchie ; que la société a légitimement exercé son pouvoir de direction, en changeant M. G... d'affectation pour éviter des tensions supplémentaires avec le client, et ce dans l'intérêt de la société et du salarié, tout en lui notifiant un rappel à l'ordre ; que les demandes de dommages et intérêts et de rappel de salaire à ce titre seront donc rejetées, la cour confirmant le jugement ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en application des dispositions de l'article L. 1331-1 du code du travail « constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif; que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération » ; qu'en l'espèce, M. N... G... a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle sanction fixé au 11 février 2013 au cours duquel il lui a été reproché d'avoir refusé l'exécution d'un ordre direct du chef de site adjoint pour le recensement des locaux techniques ; qu'au vu des explications du salarié sur les raisons de son refus et son contexte, la société Torann France a finalement décidé de lui notifier un rappel à l'ordre ; qu'il apparaît ainsi que la réponse disciplinaire a déjà été donnée au salarié et qu'un rappel a l'ordre a semblé suffisant à l'employeur ; qu'il n'y a pas lieu dès lors de considérer que cette mutation est disciplinaire et M. N... G... doit être débouté de sa demande d'annulation ; Sur la demande subsidiaire relative à la mutation abusive : que la société Torann France produit un mail que lui a adressé un responsable sécurité de la société R... P... le 30 janvier 2013 aux termes duquel son client lui indique que M. N... G... « ne doit plus revenir sur le site, au péril de discréditer les équipes et nous-mêmes » ; qu'il apparaît dès lors que le retrait de M. N... G... du site de la société R... P... et sa mutation sur le site de l'institut de Sciences Politiques de Paris est justifié ; que M. N... G... sera donc débouté de sa demande relative à la mutation abusive et de ses demandes subséquentes ;

ALORS QUE, d'une part, une mutation décidée par l'employeur en raison de faits du salarié considérés comme fautifs constitue une sanction disciplinaire ; qu'ayant constaté que la mutation résultait d'un mécontentement du client suite au refus de M. G... d'effectuer à 18h, soit tardivement par rapport à son heure de fin de service, une tâche de son domaine (recensement des locaux techniques) avec un ton inapproprié, la cour d'appel qui a décidé que cette mutation ne constituait pas une mutation sanction, a violé l'article L. 1331-1 du code du travail ;

ALORS QUE, d'autre part, une mutation décidée par l'employeur en raison de faits du salarié considérés comme fautifs constitue une sanction disciplinaire et qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à une double sanction ; qu'après avoir relevé que le changement d'affectation de M. G... faisait suite au mécontentement du client après le refus de M. G... d'effectuer à 18h, soit tardivement par rapport à son heure de fin de service, une tâche de son domaine (recensement des locaux techniques) avec un ton inapproprié, la cour d'appel a considéré que l'employeur avait légitimement exercé son pouvoir de direction en procédant au changement d'affectation du salarié, tout en lui notifiant un rappel à l'ordre ; qu'en décidant qu'il n'y avait pas lieu à annulation de la mutation cependant que le rappel à l'ordre faisait suite à un agissement du salarié considéré comme fautif par l'employeur, puisqu'il était également à l'origine du changement d'affectation du salarié, et avait donc le caractère d'une sanction disciplinaire, la cour d'appel, qui aurait dû prononcer l'annulation de la mutation - première des deux sanctions - par laquelle l'employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L. 1332-4 du code du travail ensemble le principe selon lequel qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à une double sanction ;

ALORS QU'enfin, une mutation décidé par l'employeur en raison de faits du salarié considérés comme fautifs constitue une sanction disciplinaire ; qu'il appartient par conséquent au juge de vérifier si la sanction disciplinaire entre dans le cadre les mesures disciplinaires visées par le règlement intérieur ; qu'en refusant d'annuler la mutation litigieuse sans vérifier, comme elle y était invitée, si la mutation-sanction était prévue dans l'échelle des sanctions figurant dans le règlement intérieur (cf. prod n° 7, p. 35 § antépénultième), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1331-3 et L. 1333-2 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. N... G... de toutes ses autres demandes notamment de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QU'au vu de ces éléments, le licenciement pour faute grave sera requalifié par la cour en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et il s'ensuit que la demande de rappel de salaire au titre de la mise à pied sera accueillie ; qu'en revanche, au vu de la solution apportée par la cour concernant le licenciement, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande nouvelle de rappel de salaire au titre des absences injustifiées (501,47 euros et les congés payés afférents) avant la mise à pied ; que la société estime que le salaire de référence pour le calcul de l'indemnité légale de licenciement doit être fixé à la moyenne des 12 derniers mois, soit la somme de 1 420,34 euros brut/mois, alors que M. G... retient la moyenne des 3 derniers mois (novembre, décembre et janvier) soit la somme de 1602,40 euros brut ; qu'il s'avère que la moyenne des 12 derniers mois de travail à temps complet précédant le licenciement est moins favorable que celle des 3 derniers mois, cette dernière moyenne étant de1 609,60 euros M. G... demandant la fixation de ce salaire de référence à la somme de 1 602,40 euros brut ; que la cour retient cette somme, ne pouvant statuer au-delà de la demande ; qu'au vu des bulletins de salaire des mois de novembre, décembre et janvier, il faut retenir un salaire de référence de 1609,60 euros brut pour le calcul de l'indemnité de préavis ; que la cour infirmera donc le juge départiteur qui a estimé que le licenciement pour faute grave était justifié et allouera à M. G... les sommes suivantes : - 173,58 euros brut de rappel de salaire au titre de la mise à pied, outre celle de 17,35 euros brut au titre des congés payés afférents, -3 219,20 euros brut à titre d'indemnité de préavis, outre celle de 321,20 euros brut au titre des congés payés afférents, - 1 019,41 euros à titre d'indemnité légale de licenciement, calcul non contesté par la société ; que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2014, date de réception par la société de sa convocation en bureau de conciliation ;

ALORS QUE, d'une part, la seule constatation de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement entraîne la condamnation de l'employeur à réparer le préjudice subi par le salarié résultant de la perte d'emploi ; qu'après avoir retenu que le licenciement prononcé pour faute grave devait être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et avoir alloué au salarié diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité de licenciement, la cour d'appel a débouté M. G... de toute ses autres demandes et notamment de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige ;

ALORS QUE, d'autre part, tout jugement doit être motivé ; que M. G... sollicitait le paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de la somme de 30 000 euros (cf. prod n° 7, p. 32 § 5 à 10) ; qu'après avoir retenu que le licenciement prononcé pour faute grave devait être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et avoir alloué au salarié diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité de licenciement, la cour d'appel ne s'est pas expliquée sur la demande du salarié ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile.

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