10 septembre 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-11.470

Troisième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2020:C300526

Texte de la décision

CIV. 3

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 10 septembre 2020




Cassation partielle


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 526 F-D

Pourvoi n° K 19-11.470






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 SEPTEMBRE 2020

La société Art et communication, société civile immobilière, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° K 19-11.470 contre l'arrêt rendu le 30 novembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. L... G...,

2°/ à Mme E... F..., épouse G...,

domiciliés tous deux [...],

3°/ à la société Enedis, société anonyme, anciennement dénommée Electricité réseau distribution France (ERDF), dont le siège est [...] ,

4°/ à la société Ciksa Space, société civile immobilière, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.


M. et Mme G... ont formé un pourvoi incident dirigé contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêts.

Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dagneaux, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Art et communication, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme G..., de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Enedis, après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dagneaux, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 novembre 2018), par acte du 12 décembre 2008, M. et Mme G... ont acquis de la SCI Art et communication (la SCI) deux des cinq lots d'une copropriété issue de la division en deux parcelles d'un fonds. A l'occasion de travaux de rénovation, les acquéreurs ont découvert l'existence d'un câble électrique dissimulé dans un faux-plafond, assurant l'alimentation principale de la parcelle voisine dont la SCI est demeurée propriétaire.

2. M. et Mme G... ont assigné la SCI et la société ERDF, devenue la société Enedis, en indemnisation de leurs préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident, réunis

Enoncé du moyen

3. La SCI, ainsi que M. et Mme G..., font grief à l'arrêt de mettre hors de cause la société Enedis, alors :

« 1°/ que le juge ne peut modifier l'objet du litige tel qu'il est déterminé par les prétentions des parties ; que dans leurs dernières conclusions d'appel les époux G... demandaient que la société Art et communication et la société Enedis soient condamnées in solidum à leur verser la somme de 28 960 euros à titre de dommages-intérêts ; que de son côté, la société Art et communication insistait dans ses conclusions sur le fait qu'elle n'était pas la propriétaire du câble litigieux de sorte que la demande d'indemnisation ne devait pas être dirigée contre elle mais contre le propriétaire, la société Enedis ; qu'en retenant pour mettre hors de cause la société Enedis que les époux G..., dans leurs dernières conclusions, ne formulaient aucune demande à l'encontre de la société Enedis, la cour d'appel, qui a modifié les termes du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que, dans le dispositif de leurs conclusions, les époux G... sollicitaient la condamnation de la société Enedis, in solidum avec la société Art et Communication, à leur verser la somme de 28 960 euros à titre de dommages-intérêts ; qu'en retenant que les époux G... ne formulaient aucune demande à l'encontre de la société Enedis, pour prononcer sa mise hors de cause, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile, ensemble le principe interdisant aux juges de dénaturer les conclusions des parties. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

4. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

5. Pour mettre hors de cause la société Enedis, l'arrêt retient que M. et Mme G... ne formulent aucune demande à l'encontre du fournisseur d'électricité.

6. En statuant ainsi, alors que M. et Mme G... concluaient à la condamnation de la société Enedis au paiement de dommages-intérêts, en imputant à faute de l'opérateur son refus d'intervenir pour la mise en conformité de l'installation électrique, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

7. La SCI fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement du coût des travaux nécessaires au déplacement du câble litigieux, alors « que le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, pour condamner la société Art et communication à supporter le coût des travaux de suppression du passage du câble litigieux dans le lot privatif des époux G... et le déplacement de ce câble, la cour d'appel s'est fondée sur l'atteinte que la présence de ce câble portait au droit de propriété des époux G... ; qu'en statuant ainsi quand ces derniers n'invoquaient à l'appui de leur demande que la garantie des vices cachés, la cour d'appel qui a relevé d'office le moyen tenant à l'atteinte au droit de propriété sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

8. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

9. Pour condamner la SCI au paiement du coût des travaux nécessaires au déplacement du câble litigieux, l'arrêt retient que, dissimulé sous un faux plafond, celui-ci assurait, en l'absence de servitude due, l'alimentation principale de la parcelle voisine en électricité et que cette installation portait atteinte au droit de propriété de M. et Mme G....

10. En statuant ainsi, en relevant d'office le moyen fondé sur la garantie d'éviction sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel, saisie sur le seul fondement de la garantie des vices cachés, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ses dispositions déclarant recevable l'intervention forcée de la société Ciksa Space, l'arrêt rendu le 30 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du dix septembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Art et communication

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR mis hors de cause la société Enedis ;

AUX MOTIFS QUE dans leurs dernières conclusions, M. et Mme G... ne formulent aucune demande à l'encontre de la société Enedis ; qu'il convient en conséquence de la mettre hors de cause ;

ALORS QUE le juge ne peut modifier l'objet du litige tel qu'il est déterminé par les prétentions des parties ; que dans leurs dernières conclusions d'appel les époux G... demandaient que la société Art et Communication et la société Enedis soient condamnées in solidum à leur verser la somme de 28.960 euros à titre de dommages-intérêts ; que de son côté, la société Art et Communication insistait dans ses conclusions sur le fait qu'elle n'était pas la propriétaire du câble litigieux de sorte que la demande d'indemnisation ne devait pas être dirigée contre elle mais contre le propriétaire, la société Enedis ; qu'en retenant pour mettre hors de cause la société Enedis que les époux G..., dans leurs dernières conclusions, ne formulaient aucune demande à l'encontre de la société Enedis, la cour d'appel, qui a modifié les termes du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Art et Communication au paiement du coût des travaux nécessaires au déplacement du câble électrique, destiné à l'alimentation de la parcelle [...] , passant actuellement dans le lot privatif de M. et Mme G... ;

AUX MOTIFS QU'il est constant que la parcelle cadastrée section [...] appartenait à la SCI AEC-Art et communication avant d'être divisée en deux parcelles, la parcelle [...] et la parcelle [...] ; que la parcelle [...] a ensuite été mise en copropriété et divisée en cinq lots, les lots 2 et 4 ayant été acquis par M. et Mme G... ; qu'il est également constant qu'un câble destiné à alimenter en électricité la parcelle [...] restée propriété de la société Art et Communication, traverse dans un faux plafond le lot privatif de M. et Mme G... ; que contrairement à ce que soutient la SCI AEC-Art et Communication, cet aménagement, réalisé avant la division de l'ancienne parcelle [...] par cette dernière ou par son auteur, ne constitue pas une servitude, qu'il conviendrait de qualifier de servitude par destination du père de famille ; que compte tenu de sa nature, excluant son caractère permanent, cet aménagement a été réalisé avec l'intention d'établir une simple commodité personnelle ; que dès lors, la société Art et Communication ne peut se prévaloir de l'existence d'une servitude opposable à M. et Mme G... ; qu'en conséquence, en raison de l'atteinte à leur droit de propriété, ceux-ci sont fondés à exiger la condamnation de la société Art et communication à supporter le coût des travaux permettant de remédier à cette situation par la suppression du passage du câble litigieux dans leur lot privatif et son déplacement ; qu'avant-dire droit, il convient d'ordonner une expertise afin de déterminer la nature et le coût des travaux ;

1) ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, pour juger que la société Art et Communication ne pouvait se prévaloir de l'existence d'une servitude par destination du père de famille opposable aux époux G..., la cour d'appel a retenu que compte tenu de sa nature, excluant son caractère permanent, cet aménagement avait été réalisé avec l'intention d'établir une simple commodité personnelle ; qu'en n'invitant pas les parties à présenter leurs observations sur ce moyen qu'elle avait relevé d'office tiré du caractère de simple commodité personnelle de l'aménagement, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2) ALORS, en toute hypothèse, QU'il y a servitude par destination du père de famille lorsque le propriétaire du fonds a voulu, lors de la division de ce fonds, établir une servitude au profit d'une parcelle à la charge de l'autre ; qu'en l'espèce, pour juger que la société Art et Communication ne pouvait se prévaloir de l'existence d'une servitude par destination du père de famille opposable aux époux G..., la cour d'appel a retenu que compte tenu de sa nature, excluant son caractère permanent, cet aménagement avait été réalisé avec l'intention d'établir une simple commodité personnelle ; qu'en statuant ainsi il ressortait de ses propres constatations que le câble, dissimulé sous un faux plafond depuis des années, portait sur l'alimentation électrique de la parcelle [...] , ce dont il s'évinçait qu'il n'était pas par nature temporaire, la cour d'appel a violé les articles 693 et 694 du code civil ;

3) ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, pour condamner la société Art et Communication à supporter le coût des travaux de suppression du passage du câble litigieux dans le lot privatif des époux G... et le déplacement de ce câble, la cour d'appel s'est fondée sur l'atteinte que la présence de ce câble portait au droit de propriété des époux G... ; qu'en statuant ainsi quand ces derniers n'invoquaient à l'appui de leur demande que la garantie des vices cachés, la cour d'appel qui a relevé d'office le moyen tenant à l'atteinte au droit de propriété sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4) ALORS, en toute hypothèse, QUE si le vendeur peut être tenu d'indemniser l'acquéreur en cas de vice caché, il ne peut être tenu responsable de la présence occulte sur le bien immobilier vendu d'une chose dont il n'est pas le propriétaire ; qu'en l'espèce, la société Art et Communication faisait valoir qu'il ressortait du rapport de l'expertise amiable qu'elle n'était pas propriétaire du câble litigieux, ce qu'avait reconnu les époux G... ; qu'en se bornant à retenir pour condamner la société Art et Communication à supporter le coût des travaux de suppression et de déplacement du câble litigieux que la présence de ce câble dans le lot privatif des époux G... portait atteinte au droit de propriété de ces derniers, sans avoir recherché qui était le propriétaire de ce câble, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 544, 1382 ancien, devenu 1240, et 1384 ancien, devenu 1242, du code civil. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. et Mme G...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR mis hors de cause la société Enedis ;

AUX MOTIFS QUE dans leurs dernières conclusions, M. et Mme G... ne formulent aucune demande à l'encontre de la société Enedis ; qu'il convient en conséquence de la mettre hors de cause ;

ALORS QUE, dans le dispositif de leurs conclusions, les époux G... sollicitaient la condamnation de la société Enedis, in solidum avec la société Art et Communication, à leur verser la somme de 28 960 euros à titre de dommages et intérêts ; qu'en retenant que les époux G... ne formulaient aucune demande à l'encontre de la société Enedis, pour prononcer sa mise hors de cause, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ensemble le principe interdisant aux juges de dénaturer les conclusions des parties.

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