22 octobre 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-17.130

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2020:C201089

Texte de la décision

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 22 octobre 2020




Rejet


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 1089 F-D

Pourvoi n° N 19-17.130




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020

La caisse primaire d'assurance maladie du Finistère, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° N 19-17.130 contre l'arrêt rendu le 26 mars 2019 par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance et des accidents du travail (section accidents du travail), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Doux FPP, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

2°/ à la société X... K..., société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Doux SA,

3°/ à la société EP & associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , prise qualité de liquidateur judiciaire de la société Doux SA,

4°/ à la société [...], société civile professionnelle, dont le siège est [...] , prise qualité d'administrateur judiciaire de la société Doux SA,

5°/ à la société Ajire, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , prise en qualité d'administrateur judiciaire de la société Doux, SA,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance et des accidents du travail, 26 mars 2019) et les productions, la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère (la caisse) a pris en charge au titre de la législation professionnelle une maladie déclarée par M. C... (la victime), salarié de la société Doux (l'employeur). Le 2 décembre 2008, la caisse a notifié à la victime un taux d'incapacité permanente partielle de 15%, copie de cette notification ayant été transmise à l'employeur pour information.

2. Le 13 mai 2015, l'employeur a saisi d'un recours une juridiction du contentieux technique.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt de déclarer le recours recevable et de réduire le taux d'incapacité permanente partielle, alors :

« 1°/ que la prescription extinctive est un mode d'extinction de l'action en justice résultant du non-exercice de celle-ci avant l'expiration du délai fixé par la loi ; que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer sauf application de règles spéciales prévues par d'autres lois ; que le délai de forclusion dont l'objet, distinct de celui de la prescription extinctive, est de conditionner l'existence d'un droit à l'exercice d'une initiative de son titulaire ne constitue pas une règle spéciale permettant d'écarter l'application du délai de prescription ; qu'en écartant en l'espèce la prescription quinquennale de droit commun au profit de l'application du délai de forclusion de deux mois applicable pour déposer un recours devant le tribunal du contentieux de l'incapacité, la CNITAAT a violé les articles 2223, 2224 du code civil, ensemble l'article R. 143-7 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige ;

2°/ que, sous peine de forclusion, le recours contre la décision de la caisse portant sur le taux d'incapacité du salarié doit être présenté dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de cette décision ; qu'à défaut d'indication des voies et délai de recours, le délai de forclusion de deux mois n'est pas opposable ; qu'en l'état du droit applicable au litige, aucune obligation d'information de l'employeur quant aux voies de recours ouvertes à l'encontre de la décision sur le taux d'incapacité ne pesait sur la caisse, si bien que le délai de forclusion de deux mois prévu à l'article R. 143-7 du code de la sécurité sociale n'était pas opposable ; qu'en écartant l'application du délai de prescription quinquennale au profit de l'application du délai de forclusion de deux mois qui n'était pas opposable à l'employeur en l'état du droit en vigueur au moment du litige, la CNITAAT a violé les articles 2223, 2224 du code civil, ensemble les articles R 143-7 et R. 143-31 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

4. Le recours de l'employeur aux fins de contestation du taux d'incapacité permanente partielle attribué à son salarié, dans le cadre de la législation professionnelle, ne revêt pas le caractère d'une action au sens de l'article 2224 du code civil, de sorte qu'il n'est pas soumis au délai de prescription énoncé par celui-ci.

5. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt, qui retient que l'action exercée en 2015 par l'employeur en contestation du taux d'incapacité permanente partielle notifié en 2008 au seul salarié est recevable, se trouve légalement justifié.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement du Tribunal du contentieux de l'incapacité de Rennes en date du 22 mars 2016 et, statuant à nouveau, d'AVOIR déclaré recevable le recours formé par la société Doux et d'AVOIR dit que les séquelles de la maladie professionnelle dont avait été reconnu atteint M. C... le 6 février 2007 justifiaient à l'égard de la société Doux l'attribution d'un taux d'incapacité permanente partielle de 5% à la date de consolidation du 16 novembre 2008,

AUX MOTIFS QUE : « Sur la recevabilité du recours devant le tribunal du contentieux de l'incapacité : Considérant que c'est à tort que le premier juge a fait application de la prescription quinquennale définie par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, pour déclarer forclose l'action de l'employeur contre la caisse primaire d'assurance maladie ; Considérant que par application de l'article 2223 du code civil, cette prescription de droit commun prévue par le code civil ne s'applique qu'à défaut de dispositions spécifiques applicables à l'objet du litige ; Considérant en l'espèce, que l'article R. 143-7 du code de la sécurité sociale, au demeurant d'ordre public, définit un délai spécifique pour déposer un recours devant le tribunal du contentieux de l'incapacité ; Considérant que cet article prévoit que ce tribunal doit être saisi dans le délai de deux mois à compter de la date de notification de la décision de la caisse et que ce délai est interrompu en cas de recours amiable, courant à compter soit du jour de la notification au requérant de la décision de la commission de recours amiable, soit à l'expiration du délai d'un mois prévu à l'article R. 143-1 du code de la sécurité sociale ; Considérant que par ailleurs, il ressort de l'article R. 143-31 du même code que la forclusion ne peut être opposée que si la notification de la décision contestée porte mention du délai de forclusion avec indication de l'organisme compétent pour recevoir la requête ; Considérant dès lors qu'il n'est nullement établi ni même allégué en l'espèce que l'employeur ait reçu notification par la caisse primaire d'assurance maladie de la décision contestée, la caisse ne peut lui opposer la forclusion de son action devant le tribunal du contentieux de l'incapacité, peu important à cet égard que l'employeur ait eu connaissance du taux d'incapacité par le biais de son compte employeur annuel adressé par la caisse régionale d'assurance maladie plus de 5 ans avant ».

1/ ALORS QUE la prescription extinctive est un mode d'extinction de l'action en justice résultant du non-exercice de celle-ci avant l'expiration du délai fixé par la loi ; que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer sauf application de règles spéciales prévues par d'autres lois ; que le délai de forclusion dont l'objet, distinct de celui de la prescription extinctive, est de conditionner l'existence d'un droit à l'exercice d'une initiative de son titulaire ne constitue pas une règle spéciale permettant d'écarter l'application du délai de prescription ; qu'en écartant en l'espèce la prescription quinquennale de droit commun au profit de l'application du délai de forclusion de deux mois applicable pour déposer un recours devant le Tribunal du contentieux de l'incapacité, la CNITAAT a violé les articles 2223, 2224 du code civil, ensemble l'article R 143-7 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige,

2/ ALORS QUE, sous peine de forclusion, le recours contre la décision de la Caisse portant sur le taux d'incapacité du salarié doit être présenté dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de cette décision ; qu'à défaut d'indication des voies et délai de recours, le délai de forclusion de deux mois n'est pas opposable ; qu'en l'état du droit applicable au litige, aucune obligation d'information de l'employeur quant aux voies de recours ouvertes à l'encontre de la décision sur le taux d'incapacité ne pesait sur la Caisse, si bien que le délai de forclusion de deux mois prévu à l'article R. 143-7 du code de la sécurité sociale n'était pas opposable ; qu'en écartant l'application du délai de prescription quinquennale au profit de l'application du délai de forclusion de deux mois qui n'était pas opposable à l'employeur en l'état du droit en vigueur au moment du litige, la CNITAAT a violé les articles 2223, 2224 du code civil, ensemble les articles R 143-7 et R. 143-31 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable au litige.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.