"10 ans de droit de la non-discrimination"

05/10/2015

Discours d’ouverture prononcé par M. Jean-Claude marin, Procureur général près la Cour de cassation lors du colloque « 10 ans de droit de la non-discrimination » organisé par le Défenseur des droits, en partenariat avec le Conseil d’État, la Cour de cassation et le Conseil national des barreaux

"Je me réjouis d’accueillir aujourd’hui, avec le Premier Président, au sein de la Cour de cassation, les voix de ceux qui combattent, souvent depuis de nombreuses années, les violations au principe essentiel d’égalité. Cette heureuse initiative a été organisée, en collaboration avec le Conseil d’Etat et la Cour de cassation, par le Défenseur des droits, que je remercie vivement pour cette initiative.

Faut-il rappeler que les discriminations se caractérisent par une différence de traitement injustifiée fondée sur des raisons aussi variées que l’origine, le sexe, la religion, l’état de santé, le handicap, l’opinion politique, l’appartenance vraie ou supposée à une ethnie, une nation ou une race, ou l’orientation sexuelle. 

Clef de voûte de notre démocratie, le principe d’égalité est en effet bien souvent victime d’atteintes quotidiennes, insidieuses ou affirmées, trop souvent minimisées, et pourtant dangereuses pour notre pacte social. Du mouvement initial de lutte contre la discrimination, il est aujourd’hui permis d’envisager une sorte de « droit de la non-discrimination », titre choisi pour ce colloque reflétant cette évolution, même si, stricto sensu, un tel droit n’existe pas.

L’article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales énumère, sans caractère exhaustif, certaines de ces atteintes. Il précise, in fine, que la distinction peut aussi reposer sur « toute autre situation ». L’affirmation de cette dernière catégorie, est volontairement ouverte afin d’intégrer toutes les discriminations possibles : l’imagination humaine est tristement débordante lorsqu’il s’agit d’exclure ou de rejeter celui qui paraît différent. De nouveaux motifs d’exclusion, donc de discrimination, peuvent toujours être créés ou réinventés. Notre vigilance doit dès lors être permanente, voire sur le qui-vive, pour éduquer, instruire et, le cas échéant, condamner. 

Les instruments juridiques, visant à lutter contre les discriminations, se construisent ainsi sous la plume du législateur, en droit interne et également en droit de l’Union. Ce colloque le rappellera.

La lutte contre les discriminations impose également un travail concerté entre magistrats et avocats.

Aujourd’hui, dans le cadre d’une première table-ronde, les magistrats des ordres administratif et judiciaire, mais également rattachés aux juridictions européennes présenteront, sous le regard attentif du professeur Antoine LYON-CAEN, une analyse précieuse de leurs pratiques contentieuses. A l’occasion d’un second échange, Monsieur le premier avocat général François CORDIER recueillera les réflexions d’avocats confrontés dans leur exercice professionnel, aux dossiers de discriminations. 

Parmi ces outils juridiques, la sanction pénale constitue un instrument particulièrement important. L’article 225-1 du code pénal réprime tant les discriminations portées à l’encontre des personnes physiques que celles dont seraient victimes les personnes morales en raison en fait, de traitements discriminatoires visant leurs membres ou leurs dirigeants. Le masque juridique conféré à la personne morale, ne peut donc en aucun cas permettre de dissimuler de nouvelles formes de discriminations.

Toutefois, la sanction n’est pas le seul outil : l’éducation et la prévention, par des politiques publiques ciblées, sont d’autres réponses tout aussi nécessaires.

Au cours de cette journée, le terme de discrimination sera dès lors marqué par la rupture d’égalité qu’il consacre entre les personnes. La quête d’un droit « correcteur » de cette rupture sera ainsi poursuivie et réaffirmée. La discrimination est avant tout un fléau, en ce sens qu’il constitue un acte de division entre des citoyens d’une même nation, entre des salariés d’une même entreprise, tout simplement entre des individus différents.

Je ne doute pas qu’à travers vos échanges, vous saurez faire émerger les lignes saillantes de ce combat mené contre la violation du principe d’égalité affirmé par notre Constitution, ainsi que les avancées particulièrement importantes réalisées depuis une décennie.

Je sais aussi, à travers votre engagement, que vous tracerez de nouvelles pistes pour réduire, sinon annihiler, toute tentative de discrimination dont notre société se fait - hélas ! - régulièrement l’écho.

A cet égard, puisse cette phrase de Saint-Exupéry (1) que je fais mienne, mener vos réflexions de la journée et inspirer, in fine, l’avenir de nos sociétés :

« Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser tu m’enrichis ».

Je vous remercie. "

 


 

1. Pilote de Guerre, 1942.

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Par Jean-Claude Marin

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