20 mai 2024
Cour d'appel de Paris
RG n° 24/02269

Pôle 1 - Chambre 11

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

L. 742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile



ORDONNANCE DU 20 MAI 2024

(1 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 24/02269 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJMWY



Décision déférée : ordonnance rendue le 16 mai 2024, à 15h30 , par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris



Nous, Elise Thevenin-Scott, conseillère à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Emilie Pompon, greffière aux débats et au prononcé de l'ordonnance,




APPELANT :

M. [S] [E]

né le 25 août 1986 à [Localité 1], de nationalité Roumaine



RETENU au centre de rétention : [Localité 2]- [Localité 3]

assisté de Me Hamed Al Amoudi, avocat de permanence au barreau de Paris et de Mme [M] [B] (interprète en Roumain) tout au long de la procédure devant la cour et lors de la notification de la présente ordonnance, serment préalablement prêté



INTIMÉ :

LE PREFET DE POLICE

représenté par Me Thibault Faugeras du cabinet Actis Avocats, avocats au barreau du Val-de-Marne



MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l'heure de l'audience



ORDONNANCE :

- contradictoire

- prononcée en audience publique



- Vu l'ordonnance du 16 mai 2024 du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris, ordonnant la jonction des deux procédures, déclarant recevable la requête en contestation de la légalité du placement en rétention, la rejetant, rejetant les exceptions de nullité soulevées et ordonnant la prolongation du maintien de M. [S] [E], dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée maximale de vingt-huit jours, à compter du 15 mai 2024 soit jusqu'au 12 juin 2024 ;



- Vu l'appel motivé interjeté le 17 mai 2024, à14h36 , par M. [S] [E] ;



- Après avoir entendu les observations :

- de M. [S] [E], assisté de son avocat, qui demande l'infirmation de l'ordonnance ;

- du conseil du préfet de police tendant à la confirmation de l'ordonnance ;




















SUR QUOI,



Monsieur [S] [E] a interjeté appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Paris rendue le 16 mai 2024 et autorisant la première prolongation de la mesure de rétention administrative le concernant.

Il demande à la cour de :


Déclarer irrégulière la garde à vue en raison d'un avis tardif au procureur de la République

Déclarer irrégulière la procédure de rétention administrative pour défaut de motivation de l'arrêté de placement en rétention qui ne tiendrait pas compte de sa situation personnelle

Subsidiairement et sur le fond, il sollicite une assignation à résidence au motif qu'il dispose d'une attestation d'hébergement et que sa carte d'identité roumaine en cours de validité a été écartée par l'administration.


Réponse de la cour :

Sur la nullité de la garde à vue

Il appartient au juge judiciaire, en sa qualité de gardien de la liberté individuelle, de se prononcer sur les irrégularités, invoquées par l'étranger, affectant les procédures préalables à la notification de la décision de placement en rétention. (2e Civ., 28 juin 1995, pourvoi n° 94-50.002, Bull. 1995, II, n° 221, 2e Civ., 28 juin 1995, pourvoi n° 94-50.006, Bull. 1995, II, n° 212, 2e Civ., 28 juin 1995, pourvoi n° 94-50.005, Bull., 1995, II, n° 211).

Aux termes de l'article L. 743-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d'une demande d'annulation ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger.

Il résulte de l'article 63 alinéa 2 du code de procédure pénale que :

« Dès le début de la mesure, l'officier de police judiciaire informe le procureur de la République, par tout moyen, du placement de la personne en garde à vue. Il lui donne connaissance des motifs justifiant, en application de l'article 62-2, ce placement et l'avise de la qualification des faits qu'il a notifiée à la personne en application du 2° de l'article 63-1. Le procureur de la République peut modifier cette qualification ; dans ce cas, la nouvelle qualification est notifiée à la personne dans les conditions prévues au même article 63-1. »

En l'espèce, Monsieur [S] [E] a été interpellé le 11 mai 2024 à 17h10, présenté à l'officier de police judiciaire le même jour à 18h01 et placé en garde à vue à ce moment. Un avis au procureur de la République de la mesure prise a été fait le 11 mai 2024 à 18h03. Le délai de 2 minutes écoulé entre la présentation à l'officier de police judiciaire et le placement en garde à vue, et l'avis au procureur de la République est justifié et ne peut être considéré comme excessif.

La décision ayant écarté cette nullité sera donc confirmée.

Sur la motivation de l'arrêté de placement en rétention et la proportionnalité de la mesure

En application de l'article L.741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile « L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente. »

Par ailleurs, l'article L.741-32 du même code prévoit que « Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet. »

Enfin, l'article L. 741-4 énonce que « La décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap de l'étranger.

Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d'accompagnement de l'étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention. »

Le préfet n'est pas tenu de faire état dans sa décision de tous les éléments de la situation personnelle de l'intéressé dès lors que les motifs positifs qu'il retient suffisent à justifier le placement en rétention. Il y a lieu de se placer à la date à laquelle le préfet a statué pour procéder à l'examen de la légalité de l'arrêté de placement en rétention.

En l'espèce, l'arrêté de placement en rétention apparaît suffisamment motivé au regard de la situation personnelle de Monsieur [S] [E] qui a été prise en compte, aucun état de vulnérabilité n'étant par ailleurs établi. C'est ainsi que la décision fait état des garanties de représentation insuffisantes en indiquant que Monsieur [S] [E] ne peut justifier d'une résidence effective et permanente sur le territoire national et qu'il représente une menace à l'ordre public au regard de la garde à vue dont il a fait l'objet.

Il ressort de la procédure que Monsieur [S] [E] s'est montré ambivalent sur les conditions de son séjour en France, indiquant tantôt être venu visiter un cousin, tantôt être venu pour obtenir « des papiers français et travailler » ; que de fait il ne dispose pas d'un logement personnel sur le territoire et ne peut que se prévaloir d'une attestation d'hébergement de personnes se présentant comme étant oncle et tante, dont le logement n'a pas été vérifié et dont il n'est pas établi qu'ils ont la capacité de l'héberger à moyen ou long terme.

Dès lors, c'est à juste titre que le juge des libertés et de la détention a considéré que l'arrêté de placement en rétention était suffisamment motivé et non disproportionné.

La décision sera confirmée sur ce point.

Sur la demande d'assignation à résidence

En vertu de l'article L.743-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Le juge des libertés et de la détention peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.

L'assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu'après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution.

Lorsque l'étranger s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une décision mentionnée à l'article L. 700-1, à l'exception de son 4°, l'assignation à résidence fait l'objet d'une motivation spéciale. »

En l'espèce, Monsieur [S] [E] ne dispose pas d'un passeport en cours de validité.

En conséquence c'est à juste titre que le juge des libertés et de la détention a rejeté sa demande. Cette décision sera confirmée.











PAR CES MOTIFS



CONFIRMONS la décision querellée,



ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance.



Fait à Paris le 20 mai 2024 à



LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,









REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.





Le préfet ou son représentant L'avocat de l'intéressé L'intéressé L'interprète

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