13 mai 2024
Cour d'appel de Bordeaux
RG n° 23/05320

4ème CHAMBRE COMMERCIALE

Texte de la décision

COUR D'APPEL DE BORDEAUX



QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 13 MAI 2024









N° RG 23/05320 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NQWN







S.A.S. RUEDA MONNET





c/



S.A.R.L. ADDICT [Localité 3]























Nature de la décision : APPEL D'UNE ORDONNANCE DE REFERE

























Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 13 novembre 2023 (R.G. ) par le juge des référés duTribunal judiciaire de Bordeaux suivant déclaration d'appel du 24 novembre 2023





APPELANTE :



S.A.S. RUEDA MONNET prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 2]



Représentée par Maître Baptiste MAIXANT, avocat au barreau de BORDEAUX





INTIMÉE :



S.A.R.L. ADDICT [Localité 3] agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 1]



Représentée par Maître Caroline FABBRI, avocat au barreau de BORDEAUX





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 mars 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller chargé du rapport,



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Madame Sophie MASSON, Conseiller,





Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT







ARRÊT :



- contradictoire



- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.




















EXPOSE DU LITIGE



Par acte du 19 décembre 2016 et avenant du 18 avril 2017, la société Rueda Monnet (ci-après le bailleur) a donné à bail commercial à la société KBPG aux droits de laquelle vient la société Addict [Localité 3] (ci-après le preneur) un local situé à [Localité 3] pour y exercer une activité de salon de coiffure. Le bail prévoyait le versement d'un loyer annuel hors taxes et hors charges de 20 400 euros, TVA en sus payable par trimestre civil et d'avance le 1er de chaque terme par virement sur le compte du bailleur.



Par courrier du 19 janvier 2023, le bailleur a mis sa locataire en demeure de lui régler la somme de 14 295,76 euros au titre des loyers impayés.



Par acte du 22 février 2023, le bailleur a fait pratiquer une saisie conservatoire à hauteur de 13 807,09 euros sur le compte du preneur. Le preneur en a sollicité la mainlevée par acte du 21 mars 2023. Par décision du 7 novembre 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux l'a déboutée de cette demande.



Par acte du 21 mars 2023, le bailleur a fait assigner le preneur devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins de voir condamner ce dernier à lui payer une provision à valoir sur les loyers impayés, outre une provision à valoir sur la majoration forfaitaire contractuelle et l'indemnité de recouvrement.



Par ordonnance réputée contradictoire du 13 novembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux a:

- dit n'y avoir lieu à référé et, en conséquence, a rejeté les demandes de la société Rueda Monnet,

- condamné la société Rueda Monnet à payer à la société Addict [Localité 3] la somme de 1.200,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté le surplus des demandes de la société Addict [Localité 3],

- condamné la société Rueda Monnet aux dépens.



Pour statuer comme il l'a fait, le juge des référés a notamment retenu que les éléments fournis ne permettaient pas de vérifier l'existence d'une créance actuelle incontestable, tant dans son principe que dans son quantum.



La société Rueda Monnet a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 24 novembre 2023.



PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES



Par dernières écritures notifiées par message électronique le 2 mars 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Rueda Monnet demande à la cour de :

Vu les articles 700, 835 du code de procédure civile,

Vu les articles 1101 et suivants, 1728 du code civil,

Vu les articles L. 441-10 et D. 441-5 du code de commerce,

Vu les pièces versées au débat,

Vu l'ordonnance querellée en date du 13 novembre 2023,



- ordonner le rabat de la clôture au jour des plaidoiries,













- déclarer à défaut recevables les conclusions responsives et récapitulatives et les pièces n°8, 9, 9.1 et 9.2 notifiées après l'ordonnance de clôture par la société Rueda Monnet en ce qu'elles ont pour objet conformément aux dispositions de l'article 802 al 2 du code de procédure civile de permettre à la cour d'avoir entre les mains un décompte locatif arrêté au plus près de l'audience de plaidoirie,

- déclarer les conclusions de la société Addict [Localité 3] irrecevables comme nouvelles en appel,

au fond,

- déclarer les demandes de la société Rueda Monnet recevables et fondées ;

- rejeter en tout état de cause toutes les demandes fins et prétentions de la société Addict [Localité 3],

- réformer la décision du 13 novembre 2023 de la juridiction des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu'elle a :

* dit n'y avoir lieu à référé et, en conséquence, rejette les demandes de la société Rueda Monnet,

* condamné la société Rueda Monnet à payer à la société Addict [Localité 3] la somme de 1.200,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné la société Rueda Monnet aux dépens.

En conséquence,

- condamner la société Addict [Localité 3] venant aux droits de la société KBPG à verser à titre provisionnel à la société Rueda Monnet la somme, sauf à parfaire, de 5 330,62 euros au titre des loyers et charges dus par l'exécution du bail commercial ;

- dire que cette somme portera intérêts au taux légal ;

- condamner la société Addict [Localité 3] venant aux droits de la société KBPG à verser à titre provisionnel à la société Rueda Monnet la somme de 1.510,71 euros au titre de la majoration forfaitaire convenue contractuellement ;

- condamner la société Addict [Localité 3] venant aux droits de la société KBPG à régler la somme de 240,00 euros à la société Rueda Monnet au titre de l'indemnité de recouvrement des articles L. 441-10 et D. 441-5 du code de commerce pour les six factures non réglées et dont il est demandé le paiement ;

- condamner la société Addict [Localité 3] venant aux droits de la société KBPG la somme de 3.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.



Par dernières écritures notifiées par message électronique le 1er février 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Addict [Localité 3] demande à la cour de :



Vu l'article 835, alinéa 2 du code de procédure civile,

- confirmer l'ordonnance de référé rendue le 13 novembre 2023 par le tribunal judiciaire de Bordeaux ;

En conséquence,

- juger qu'il existe une contestation sérieuse sur les demandes de provision formulées par la société Rueda Monnet ;

En conséquence,

- débouter la société Rueda Monnet de l'intégralité de ses demandes ;

Y ajouter,

- ordonner la caducité de la saisie conservatoire pratiquée le 22 février 2023 sur les comptes de la société Addict [Localité 3] ;

Dans l'hypothèse où la cour s'estimerait compétente pour statuer sur une demande de provision au titre de l'indemnité forfaitaire contractuelle de 10%,

- réduire à néant l'indemnité sollicitée, comme étant une clause pénale ;









En tout état de cause,

- condamner la société Rueda Monnet à payer à la société Addict [Localité 3] la somme de 5.000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de l'indemnité accordée en première instance, outre les entiers dépens, en ce compris ceux de la procédure de saisie conservatoire ;

- condamner la société Rueda Monnet à rembourser à la société Addict [Localité 3] des frais d'huissier qu'elle lui a refacturés pour un montant de 54,92 euros TTC.



L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 février 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 11 mars 2024. A cette date, l'ordonnance de clôture a été rabattue puis l'affaire a été à nouveau clôturée et plaidée à la demande des deux parties. Le conseil du preneur a été autorisé à produire une note en délibéré portant sur l'irrecevabilité de sa demande reconventionnelle, prétention soulevée dans le dernier jeu de conclusions de son contradicteur. Maître Fabbri a ainsi produit régulièrement une note en délibéré adressée par RPVA à la cour et à l'intimée le 18 mars 2024.



Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.




MOTIFS DE LA DECISION



Sur la demande de versement de provisions :



1- Aux termes de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.



2- La société appelante fait valoir que la locataire a réglé le loyer du 1er trimestre 2024 mais qu'il reste dû la somme de 5330,62 euros correspondant au solde de la facture F2212/000088. Elle ajoute que le premier juge a omis de statuer sur sa demande de provision à valoir sur la majoration forfaitaire contractuelle et sur l'indemnité de recouvrement.



3- La société intimée soutient avoir réglé l'intégralité des factures et n'être débitrice d'aucune somme.



Sur ce :



4- La bailleresse produit aux débats en pièce 6 et 9 une balance du compte client de sa locataire qui fait état de sommes au crédit et au débit de ce compte mais qui ne mentionne pas le solde de ce compte à la date du départ du décompte, ni d'ailleurs aux différentes dates figurant dans ce décompte, à l'exception de sa date d'arrêté. Ces pièces ne permettent ainsi pas à la cour de déterminer si le compte client de la locataire était débiteur, créditeur ou nul au 31 décembre 2020, point de départ du décompte et d'imputer correctement les différents sommes figurant au crédit.



5- Il existe dès lors une contestation sérieuse quant au reliquat qui serait dû sur la facture F2212/000088 d'un montant de 8695,16 euros, dans la mesure où le décompte produit par le bailleur lui-même fait état de différents paiements apurant cette facture (paiement de 2700 euros le 2 janvier 2023, paiement de 2700 euros le 1er février 2023, paiement de 2800 euros le 1er mars 2023 et de 765,14 euros le 16 mars 2023).



6- Compte tenu de ces éléments, il sera jugé que la demande en paiement d'une provision à valoir sur les loyers impayés se heurte à une contestation sérieuse. La décision de première instance qui a rejeté la demande sera confirmée.



7- Compte tenu du rejet de cette demande, les demandes en paiement d'une provision à valoir sur la majoration forfaitaire contractuelle et sur l'indemnité de recouvrement seront également rejetées.





Sur la demande visant à voir ordonner la caducité de la saisie conservatoire pratiquée le 22 février 2023 :



8- La preneuse demande à la cour 'd'ordonner la caducité de la saisie conservatoire pratiquée le 22 février 2023" sur ses comptes bancaires. Elle soutient que sa demande est recevable, même si elle n'a pas été formulée en première instance, car le juge de l'exécution a rendu sa décision postérieurement à celle du juge des référés.



9- La bailleresse demande à la cour d'ordonner l'irrecevabilité, au visa de l'article 564 du code de procédure civile, de cette demande qui est nouvelle en appel et sans lien avec l'objet du litige.



Sur ce :



10- Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, sous peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.



11- En l'espèce, l'audience devant le juge des référés s'est tenue le 9 octobre 2023, soit avant que le juge de l'exécution devant lequel la demande de mainlevée de la demande de saisie conservatoire avait été plaidée préalablement le 26 septembre 2023 ne rende sa décision le 7 novembre 2023 dans laquelle celui a jugé qu'il appartiendrait aux parties d'apurer leurs comptes devant le juge des référés.



12- La demande visant à voir prononcer la caducité de la mesure conservatoire devant cette cour est donc bien à rattacher à un fait nouveau intervenu depuis l'audience devant le 1er juge. La demande est recevable.



13- En revanche, l'intimée ne vise aucun texte au soutien de sa demande visant à voir constater la caducité de la mesure, et non à en solliciter la mainlevée, et n'articule aucun moyen sauf à dire qu'à défaut de titre exécutoire, le bailleur ne pourra obtenir une conversion de sa saisie conservatoire.



14- En tout état de cause, la caducité de la mesure ne peut être prononcée que dans l'hypothèse où le créancier n'aurait pas introduit une procédure aux fins d'obtenir un titre exécutoire dans le mois qui suit l'exécution de la mesure conservatoire, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. La demande de ce chef sera dès lors rejetée.



15- La société Rueda Monnet qui succombe sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel.





16- Elle sera condamnée à verser la somme de 2000 euros à la société Addict [Localité 3] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS



La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort,



Déclare recevable la demande de la société Addict [Localité 3] visant à voir 'ordonner la caducité' de la saisie conservatoire de créance pratiquée sur son compte bancaire le 22 février 2023,



Confirme la décision du juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux du 13 novembre 2023,

y ajoutant,



Déboute la société Rueda Monnet de sa demande de provision à valoir sur la majoration forfaitaire contractuelle et sur l'indemnité de recouvrement,



Déboute la société Addict [Localité 3] de sa demande visant à voir 'ordonner la caducité' de de la saisie conservatoire de créance pratiquée sur son compte bancaire le 22 février 2023,



Condamne la société Rueda Monnet aux dépens de l'instance d'appel,



Condamne la société Rueda Monnet à verser la somme de 2000 euros à la société Addict [Localité 3] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



Le Greffier Le Président

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