7 mai 2024
Cour d'appel de Montpellier
RG n° 22/04277

Chambre commerciale

Texte de la décision

ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



Chambre commerciale



ARRET DU 07 MAI 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/04277 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PQUP





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 14 JUIN 2022

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2021 012529





APPELANT :



Monsieur [X] [D]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 7] (ALGÉRIE)

de nationalité Algérienne

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Bernard BERAL, avocat au barreau de MONTPELLIER

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 22/008039 du 27/07/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)







INTIMES :



MINISTERE PUBLIC

Représenté à l'audience par M. CAVAILLEZ, substitut général



S.E.L.A.R.L. ETUDE BALINCOURT représentée par Maître [C] [B] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL MS AUTO 34

[Adresse 5]

[Localité 2]

Assignée le 23 septembre 2022 à personne habilitée







Ordonnance de clôture du 29 Février 2024



COMPOSITION DE LA COUR :



En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 MARS 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :



Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère

M. Thibault GRAFFIN, conseiller

qui en ont délibéré.



Greffier lors des débats : Mme Audrey VALERO



Ministère public :



La procédure a été communiquée au ministère public qui a conclu le 26 janvier 2023 et a été entendu en ses réquisitions.



ARRET :



- réputé contradictoire



- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;



- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Audrey VALERO, greffière.






FAITS, PROCEDURE - PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:



La SARL MS Auto 34, dont le gérant est M. [X] [D], exerce une activité de mécanique et de réparation automobile à [Localité 6].



Par jugement en date du 16 décembre 2019, le tribunal de commerce de Montpellier a ouvert une procédure de redressement judiciaire à son encontre et désigné la SELARL Etude Balincourt en qualité de mandataire judiciaire, fixant la date de cessation des paiements provisoirement au 1er décembre 2018.



Par jugement en date du 18 décembre 2020, ce tribunal a converti la procédure en liquidation judiciaire et désigné la SELARL Etude Balincourt en qualité de liquidateur.



Saisi par requête déposée le 20 octobre 2021 par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Montpellier sollicitant le prononcé d'une faillite personnelle ou, à défaut d'une interdiction de gérer pour une durée de 15 années, le tribunal de commerce de Montpellier, par un jugement en date du 14 juin 2022, a':

- prononcé la faillite personnelle de M. [D] né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 7] (Algérie) pour une durée de 7 ans';

- rejeté les demandes de M. [D]';

- ordonné l'exécution provisoire';

- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire.



Par déclaration reçue le 5 août 2022, M. [D] a relevé appel de ce jugement.



Par conclusions du 3 novembre 2023, il demande à la cour de :

- dire l'appel régulier en la forme et juste quant au fond';

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté la notion de faute par détournement d'actif et la notion de faute pour absence volontaire de coopération à la procédure';

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a retenu une faute d'accroissement du passif durant la période d'observation';

- dire qu'il ne saurait être placé en mesure de faillite personnelle';

- réduire conséquemment la durée de faillite personnelle prononcée à son encontre';

- dépens comme de droit.



Au soutien de son appel, il fait valoir que':

- l'accroissement du passif est dû au paiement des loyers, qui ne pouvait être évité,

- la somme de 19'470,63 euros correspond à la poursuite de l'activité, sans être exceptionnelle'; aucune faute n'est constituée,

- l'absence de revendication de M. [D] des biens vendus qui lui auraient appartenus ne suffit pas à établir que les documents établissant les ventes ou locations étaient faux'; la sanction est disproportionnée,

- il a tardé à déclarer la cessation de paiement étant dépassé par les évènements et convaincu de pouvoir redresser la situation, il ne s'est pas enrichi personnellement dans les termes envisagés par le ministère public et le liquidateur.



Par conclusions du 26 janvier 2023, formant appel incident, le procureur général près la cour d'appel de Montpellier demande à la cour de'prononcer à l'encontre de M. [D] une faillite personnelle, ou à défaut une interdiction de gérer, pendant 15 ans à l'appui des fautes tenant à l'absence de déclaration de la cessation des paiements dans le délai de 45 jours, l'absence de coopération avec les organes de la procédure, la création d'un nouveau passif pendant la période d'observation, un écart de 5 900 euros entre l'actif inventorié par le commissaire-priseur à l'ouverture de la procédure et l'actif au jour de la vente aux enchères, et compte tenu de ce que M. [D] reconnaît partiellement les faits, notamment la déclaration particulièrement tardive de l'état de cessation de paiements.



La SELARL Etude Balincourt, en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société, destinataire par acte d'huissier en date du 23 septembre 2022 remis à personne habilitée, de la déclaration d'appel et destinataire par acte d'huissier en date du 4 novembre 2022 remis à personne, des conclusions de l'appelant, n'a pas constitué avocat.



Par courrier déposé au greffe le 7 décembre 2022, elle a indiqué que la procédure étant impécunieuse, elle ne pouvait constituer avocat et a transmis les conclusions et pièces versées en première instance. Les parties ont été avisées de la possibilité de consulter ces pièces, par message via le RPVA, en date du 15 mars 2024.



Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.



L'ordonnance de clôture est datée du 29 février 2024.




MOTIFS de la DECISION :



Selon l'article L. 653-1 I 2 ° du code de commerce, lorsqu'une procédure de liquidation judiciaire est ouverte, les dispositions relatives à la faillite personnelle et aux autres mesures d'interdiction sont applicables aux personnes physiques, dirigeant de droit ou de fait de personnes morales.



L'article L.653-4 5° suivant prévoit que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant de droit ou de fait d'une personne morale, contre lequel a été relevé le fait d'avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.



L'article L. 653-5 5° dispose que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne contre laquelle a été relevé le fait d'avoir, en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement.



Enfin, selon l'article L. 653-8 de ce code, dans les cas prévus aux articles L. 653-3 à L. 653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.

L'interdiction mentionnée au premier alinéa peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui, de mauvaise foi, n'aura pas remis au mandataire judiciaire, à l'administrateur ou au liquidateur les renseignements qu'il est tenu de lui communiquer en application de l'article L. 622-6 dans le mois suivant le jugement d'ouverture ou qui aura, sciemment, manqué à l'obligation d'information prévue par le second alinéa de l'article L. 622-22.

Elle peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.



Le jugement en date du 16 décembre 2019, qui a ouvert la procédure de redressement judiciaire à la demande de M. [D], a fixé au 1er décembre 2018, soit plus d'un an auparavant, la date de l'état de cessation des paiements.



Il en résulte que celui-ci n'a pas déclaré cet état dans le délai de quarante-cinq jours requis. Ses affirmations relatives à la possibilité de «'redresser l'entreprise'» apparaissent peu crédibles alors que l'activité de la société a débuté le 27 février 2018, après une acquisition du fonds de commerce auprès de M. [D], qui l'exploitait depuis 2016, pour la somme d'un euro, qu'une procédure devant le juge des référés pour résiliation du bail pour non-paiement des loyers a donné lieu à une ordonnance en ce sens le 12 décembre 2019, le bailleur déclarant une créance de 56'798 euros et que M. [D] expliquait, lui-même, au mandataire judiciaire, dans le cadre de l'établissement de son rapport initial en date du 21 janvier 2020, que son activité avait chuté de «'70% du chiffre d'affaires en raison du mouvement des gilets jaunes'».



M. [D] avait, ainsi, une parfaite connaissance que l'activité, qui débutait sous une forme sociale, ne permettait pas de payer le loyer et n'a pas fait le choix de déclarer immédiatement la cessation des paiements auprès du tribunal de commerce compétent, privilégiant une attitude passive, qui démontre un défaut de gouvernance sans pouvoir constituer une simple négligence eu égard à son expérience dans l'exploitation de l'activité, dont le prix de cession traduisait, déjà, un caractère fortement compromis. Ce grief doit être retenu à son encontre.



Aucun élément ne permet de retenir une absence de collaboration de M. [D] avec les organes de la procédure, le liquidateur n'ayant, lui-même, pas visé cette faute dans son rapport en date du 4 avril 2022 établi dans le cadre de la requête en sanction personnelle du ministère public. Ce grief ne sera pas retenu.



L'inventaire des actifs du redressement judiciaire de la société MS Auto dressé le 31 janvier 2020 par un commissaire-priseur, décrit un actif valorisé à la somme de 40'250 euros en valeur d'exploitation et à celle de 15'780 euros en valeur de réalisation.



L'inventaire des actifs de la liquidation judiciaire de la société MS Auto, dressé par le même commissaire-priseur le 22 février 2021, décrit un actif valorisé à la somme de 24'200 euros en valeur d'exploitation et à celle de 5900 euros en valeur de réalisation. Ce document précise que les factures transmises par M. [D] concernant les actifs de la société ne peuvent être rapprochées d'un point de vue comptable des actifs répertoriés en ce qu'elles comportent soit le nom du gérant de la société, soit celui de la société et qu'une partie du matériel précédemment inventorié, qui est listé, appartiendrait en propre au gérant ou aurait été cédée ou encore louée, n'étant plus présente dans les locaux de la société.



Il est établi que M. [D] n'a effectué aucune revendication du matériel qu'il a décrit comme lui appartenant auprès du commissaire-priseur en dépit d'un rappel exprès du liquidateur. Il n'a pas davantage justifié de cessions et locations régulières.



Il en résulte que la partie de l'actif, qui n'a pu être inventoriée le 22 février 2021, a été détournée par M. [D], la diminution de valorisation étant de 9'880 euros. Ce détournement constitue une faute de gestion au sens de de l'article L. 653-4 5° du code de commerce.



L'augmentation du passif pendant la période d'observation du fait, principalement, du non-paiement des loyers, ne caractérise pas un comportement frauduleux et aucune faute de gestion à ce titre ne peut être retenue.



Le passif déclaré est de 137 487,71 euros au 8 septembre 2021 (dont un passif contesté de 59'317,13 euros) tandis que l'actif réalisé ressort à la somme de 4 124,83 euros.



Au vu de ces éléments, M [D], âgé de 47 ans lors des faits, qui a privilégié ses intérêts personnels en transformant une activité, exercée à titre individuel, manifestement déficitaire, en une activité sociale, sera condamné à une faillite personnelle de sept ans. Le jugement sera donc confirmé, sous réserve de la faute de gestion, prévue par les dispositions de l'article L. 653-4 5° du code de commerce, caractérisée par un détournement d'actif en lieu et place d'un accroissement frauduleux du passif.



Succombant sur son appel, M [D] sera condamné aux dépens.



PAR CES MOTIFS :



La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,



Confirme dans toutes ses dispositions le jugement déféré,



Condamne M. [X] [D] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions applicables en matière d'aide juridictionnelle.



Dit que cet arrêt sera signifié à M. [X] [D] dans le délai de 15 jours de son prononcé par le greffier de la cour d'appel et adressé au greffier du tribunal de commerce de Montpelier afin que celui-ci effectue les publicités et notifications prévues à l'article R.653-3 du code du commerce.



Dit qu'en application des articles L.128-1 et suivants et R.128-1 et suivants du code du commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au Fichier national automatisé des interdits de gérer tenu sous la responsabilité du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce auprès duquel la personne inscrite pourra exercer ses droits d'accès et de rectification prévus par les articles 15 et 16 du règlement (UE) n°2016/679 du parlement européen et du conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.'



le greffier, le président,

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