2 mai 2024
Cour d'appel de Paris
RG n° 23/14682

Pôle 1 - Chambre 10

Texte de la décision

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 10



ARRET DU 02 MAI 2024



(n° 221, 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/14682 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIF7J



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Juin 2023 -Juge de l'exécution d'EVRY-COURCOURONNES RG n° 22/00044



APPELANTE

S.A. [4]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Thierry-xavier FLOQUET de la SCP FLOQUET-GARET-NOACHOVITCH, avocat au barreau d'ESSONNE



INTIMES

Monsieur [V] [J] [G] [M] [B]

[Adresse 1]

[Localité 5]



Représenté par Me Martial JEAN de la SELARL NABONNE-BEMMER-JEAN, avocat au barreau d'ESSONNE



SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE LES COTEAUX DE L'YVETTE

n'a pas constitué avocat





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 20 Mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre

Madame Catherine LEFORT, Conseillère

Madame Valérie DISTINGUIN, Conseiller



qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Valérie Distinguin, conseiller dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.



Greffier, lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER



ARRET :

- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre et par Grégoire GROSPELLIER, Greffier, présent lors de la mise à disposition.






En vertu d'un acte notarié du 15 décembre 2009, le [4] a prêté M. [B] les sommes de 159 900 euros et 14 400 euros pour l'acquisition d'un bien immobilier au sein de la [Adresse 6] sise à [Localité 5].



M. [B] ayant cessé de régler les échéances, le [4] a prononcé la déchéance du terme le 6 juin 2014 et délivré un commandement de payer valant saisie immobilière le 15 décembre 2014, avant de l'assigner à l'audience d'orientation par acte du 9 avril 2015.



Par décision du 9 juin 2015, M. [B] a été admis au bénéfice de la procédure de surendettement, le juge de l'exécution constatant ultérieurement, par jugement du 16 décembre 2015, la suspension de la procédure de saisie immobilière.



A l'issue du plan, le [4] a notifié une nouvelle déchéance du terme le 20 novembre 2018.



Par décision du 5 mai 2021, le juge de l'exécution a constaté la péremption du commandement signifié le 15 décembre 2014 et a ordonné sa radiation.



Par acte du 18 octobre 2021, le [4] a fait délivrer à M. [B] un nouveau commandement de payer valant saisie immobilière avant de l'assigner, par acte du 3 février 2022, à comparaître à l'audience d'orientation du tribunal judiciaire d'Evry du 6 avril 2022.



Par jugement rendu le 28 juin 2023, le juge de l'exécution a :



- constaté la prescription de 1'action du [4],

- déclaré irrecevables ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à1'application de l'article 700 du code de procédure civile.

- laissé les dépens à la charge du [4].



Pour statuer ainsi, le juge de l'exécution a constaté que le dernier acte pouvant interrompre la prescription était la déchéance du terme prononcée le 20 novembre 2018. Selon son analyse, le commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 15 décembre 2014, n'ayant pas fait 1'objet d'une demande de prorogation a perdu ses effets le 15 décembre 2016. Il en a déduit que le Crédit Foncier devait introduire sa demande au plus tard le 20 novembre 2020 et a relevé que la présente procédure de saisie immobilière avait été introduite par la délivrance du commandement en date du 18 octobre 2021 à une date où la prescription était acquise.



Par déclaration du 13 septembre 2023, le [4] a interjeté appel du jugement.



Autorisé par ordonnance du premier président en date du 20 septembre 2023, le [4] a fait assigner à jour fixe M. [V] [B] et le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 6].



Par conclusions signifiées le 19 mars 2024, le [4] demande à la cour de :




infirmer en toutes ses dispositions le jugement du 28 juin 2023,

juger que son action en paiement tant du capital que des échéances impayées n'est pas prescrite et est donc recevable,

juger qu'il dispose d'une créance certaine, liquide et exigible,

débouter M. [V] [B] de toutes ses demandes sauf celle subsidiaire tendant à se voir autoriser à vendre le bien à l'amiable,

valider la saisie pratiquée,

voir mentionner sa créance au 15 décembre 2020, au titre du « Prêt Pas Possiblimo » n°00 3100439 99A, à la somme de 229.806,72 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 4,50 % sur 195.722,73 euros à compter du 15 décembre 2020,

voir mentionner sa créance au 15 décembre 2020, au titre du « Nouveau Prêt à 0% » n°00 3100438 99Z, à la somme de 14.400,64 euros,

pour le cas où la cour ordonnerait la vente amiable du bien, voir fixer le prix minimum net vendeur à la somme de 157 500 euros,

voir renvoyer l'affaire devant le juge de l'exécution pour qu'il fixe l'audience de rappel et qu'il taxe les frais de poursuite à la charge de l'acquéreur ou subsidiairement, voir taxer lesdits frais de poursuite à la charge de l'acquéreur à la somme de 14 144,57 euros,


subsidiairement,


ordonner la vente forcée,

condamner M. [V] [B] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel qui seront employés en frais privilégiés de vente puis de distribution.




Le [4] fait valoir que le juge de l'exécution a confondu les effets attachés à la caducité d'un commandement avec ceux attachés à sa péremption. Il soutient que l'effet interruptif de prescription du commandement de payer valant saisie immobilière du 15 décembre 2014 s'est poursuivi jusqu'à l'extinction de l'instance par jugement du 05 mai 2021 qui a constaté la péremption du commandement, de sorte que jusqu'au 5 mai 2021, la prescription a été interrompue. Il relève qu'il s'est alors écoulé moins de deux ans entre le jugement du 5 mai 2021 et la délivrance du second commandement de saisie immobilière le 18 octobre 2021, de sorte que le délai de prescription a été valablement interrompu. Le [4] soutient ensuite qu'il n'y a pas non plus de prescription des échéances impayées puisque le premier commandement de payer valant saisie a été signifié le 15 décembre 2014 soit moins de deux ans après la première échéance impayée de juin 2013 et ajoute que l'exigibilité anticipée du prêt principal a entrainé celle du prêt à taux 0%.



Par conclusions signifiées le 18 mars 2024, M. [V] [B] demande à la cour de :




confirmer purement et simplement le jugement entrepris, au besoin par substitution de motifs,


A titre subsidiaire,


l'autoriser à vendre amiablement le bien immobilier saisi,

fixer le prix en deçà duquel la vente ne pourra pas intervenir à la somme de 150 000 euros.


En tout état de cause,


condamner le [4] à lui payer une somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

le condamner en tous les dépens.




Il soutient que la créance est prescrite tant en capital qu'au titre des échéances impayées. Il rappelle en effet qu'il a bénéficié d'un plan de surendettement et qu'à la suite de cette procédure, le [4] a initié une nouvelle procédure de saisie immobilière et prononcé une déchéance le 20 novembre 2018. Il en conclut que le prêteur doit donc respecter le délai de prescription qui court à compter de cette déchéance sans pouvoir tirer aucun bénéfice d'une procédure antérieure. Au titre des échéances impayées, il fait observer concernant le prêt à taux zéro qu'il n'existe aucune échéance impayée. S'agissant du prêt « Pas Possiblimo », il relève que le [4] fait état d'un arriéré de 10 156,66 euros au 6 juin 2014, en omettant de déduire des règlements intervenus postérieurement. Il considère qu'il est très vraisemblable qu'il n'existait aucune échéance impayée antérieure à décembre 2014, ce qui expliquerait que le prêteur ait prononcé une nouvelle déchéance du terme en 2018, de sorte que l'ensemble des échéances impayées visées par la mise en demeure intervenue le 11 juin 2018 correspondrait à celles exigibles depuis janvier 2015. Selon lui, ces échéances sont donc toutes prescrites, le commandement de payer étant intervenu le 18 octobre 2021.




MOTIFS



Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en paiement :



L'article L. 137-2 devenu L 218-2 du code de la consommation prévoit que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.



L'article 2241 du code civil dispose que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.



Selon l'article 2242 de ce même code, l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.



En matière de saisie immobilière, l'effet interruptif de la prescription attachée à la délivrance de l'assignation à comparaître à l'audience d'orientation, consécutive à la délivrance d'un commandement de payer valant saisie immobilière, produit ses effets en l'absence d'anéantissement de ce commandement ou de cette assignation, jusqu'à l'extinction de l'instance introduite par cette assignation.



En l'espèce, M. [B] ayant cessé de régler les échéances du prêt principal, le [4] a prononcé la déchéance du terme le 6 juin 2014 et délivré un commandement de payer valant saisie immobilière le 15 décembre 2014, avant de l'assigner à l'audience d'orientation par acte du 9 avril 2015.



Par décision du 9 juin 2015, M. [B] a été admis au bénéfice de la procédure de surendettement, le juge de l'exécution constatant en conséquence la suspension de la procédure de saisie immobilière par décision du 16 décembre 2015.



Par jugement du 5 mai 2021, le juge de l'exécution a constaté la péremption du commandement signifié le 15 décembre 2014 et a ordonné sa radiation.



L'effet interruptif de la prescription attaché à la délivrance le 9 avril 2015 de l'assignation à comparaître à l'audience d'orientation, consécutive au commandement valant saisie immobilière du 15 décembre 2014 a donc perduré jusqu'à l'extinction de l'instance par jugement du 5 mai 2021 ayant constaté la péremption dudit commandement.



Un nouveau délai de prescription a commencé à courir à compter du 5 mai 2021 et ce, jusqu'au 5 mai 2023.



Par acte du 18 octobre 2021, le [4] a fait délivrer à M. [B] un commandement de payer valant saisie immobilière avant de l'assigner, par acte du 3 février 2022, à comparaître à l'audience d'orientation du tribunal judiciaire d'Evry du 6 avril 2022.







Ce commandement valant saisie, délivré avant l'expiration du délai de deux ans à compter de l'extinction de l'instance, a donc valablement interrompu le délai de prescription biennale de l'action en recouvrement initiée par le [4].



Si M. [B] fait observer à juste titre qu'une nouvelle déchéance du terme a été prononcée par [4] le 20 novembre 2018, c'est à tort en revanche qu'il en conclut qu'une nouvelle procédure serait née de cette déchéance du terme et que la première n'aurait plus aucun effet interruptif sur la seconde.



En effet, il est constant que l'effet interruptif de prescription attaché à une demande en justice s'étend aux actions ayant la même cause ou le même objet. Or, il s'agit bien au cas présent de la même action en recouvrement de la créance que le [4] détient à l'encontre de M. [B].



Par ailleurs, il sera rappelé que l'intimé a bénéficié par décision du 30 juin 2015 d'une procédure de surendettement et de réaménagement des dettes, de sorte que le [4] a été nécessairement conduit à lui notifier une nouvelle déchéance du terme au mois de novembre 2018 après avoir constaté que les accords prévus au plan n'avaient pas pu être respectés.



Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que l'action initiée par le [4] en recouvrement du capital n'est pas prescrite.



S'agissant de la prescription des échéances impayées, M. [B] soutient que le [4] ne justifie pas des échéances impayées avant le 6 juin 2014, les paiements postérieurs ayant soldé la dette, ni de faits interruptifs de prescription.



Mais ainsi que le prêteur le fait observer, au 6 juin 2014, le solde débiteur est de 10.156,66 euros. Or, sachant que les versements s'imputent sur les échéances les plus anciennes et tenant compte du montant des échéances tel que figurant au plan de remboursement, ce solde débiteur correspond effectivement à 13 échéances impayées, de telle sorte que la première échéance impayée remonte au terme de juin 2013.



Le commandement de payer valant saisie immobilière ayant été signifié le 6 décembre 2014, soit avant l'expiration du délai biennal, l'action en recouvrement n'est donc pas prescrite, peu important qu'il ait été procédé à des paiements postérieurs comme le fait valoir en vain l'intimé.



Il convient par conséquent de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription des échéances impayées.



Le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions.



Sur la créance du [4] :



M. [B] prétend qu'aucune échéance n'étant due au titre du prêt à 0%, le [4] ne pouvait pas appliquer la clause de déchéance du terme et qu'aucune somme ne serait donc exigible au titre de ce prêt. Cependant, l'article 11 de l'offre de prêt intitulé « Cas d'exigibilité anticipée ' déchéance du terme » prévoit que l'exigibilité pour quelque cause que ce soit de l'un quelconque des prêts finançant le bien objet de l'offre rend exigible l'autre ou les autres prêts.



Au cas présent, l'exigibilité des sommes prêtées au titre du prêt « Pas Possiblimo » a entraîné celle du prêt à 0 %.



Le moyen sera donc écarté.



En conséquence, la créance du [4] au 15 décembre 2020 sera retenue pour les montants suivants :



- au titre du prêt pas possiblimo n° 00 3100439 99A, à la somme de 229.806,72 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 4,50 % sur 195.722,73 euros à compter du 15 décembre 2020.

- au titre du nouveau prêt à taux 0 % n° 00 3100438 99Z, à la somme de 14.400,64 euros.



Sur la demande de vente amiable :



Aux termes de l'alinéa 2 de l'article R 322-15 du code des procédures civiles d'exécution, lorsqu'il autorise la vente amiable, le juge s'assure qu'elle peut être conclue dans des conditions satisfaisantes compte tenu de la situation du bien, des conditions économiques du marché et des diligences éventuelles du débiteur.



M. [B] a sollicité l'autorisation de procéder à la vente amiable de son bien ainsi que la possibilité lui en est donnée par l'article susvisé et a proposé un prix minimum net vendeur de 150.000 euros, sans toutefois produire d'estimation de la valeur du bien.



Le [4] n'y est pas opposé et a sollicité un prix minimum net vendeur de 157 500 euros, s'appuyant sur le prix de cessions de trois appartements similaires intervenues en 2021.



Il y a donc lieu d'autoriser la vente amiable du bien saisi pour un prix qui ne saurait descendre en dessous de 150.000 euros afin de prendre en compte les opportunités mais aussi les contraintes du marché.



Les frais de poursuites seront taxés par le juge de l'exécution devant lequel l'affaire sera renvoyée aux fins de poursuite de la procédure de saisie immobilière.



Sur les demandes accessoires :



Partie perdante, M. [B] sera condamné aux dépens d'appel.



L'équité ne justifie pas qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile au profit du [4].



Les parties seront donc déboutées de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS



La cour,



INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 juin 2023 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Evry,



Statuant à nouveau,



REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la créance,







MENTIONNE la créance du [4] :



- au titre du prêt pas possiblimo n° 00 3100439 99A, à la somme de 229.806,72 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 4,50 % sur 195.722,73 euros à compter du 15 décembre 2020,

- au titre du nouveau prêt à taux 0 % n° 00 3100438 99Z, à la somme de 14.400,64 euros,



AUTORISE M. [V] [B] à procéder à la vente amiable des biens saisis visés au commandement de payer valant saisie immobilière du 18 octobre 2021,



DIT que le prix de vente ne pourra être inférieur à la somme de 150.000 euros et devra être consigné à la Caisse des dépôts et consignations,



RENVOIE l'affaire au juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Evry qui fixera la date de l'audience de rappel dans le délai de quatre mois à compter du présent arrêt afin de vérifier la réalisation de la vente, conformément aux dispositions des articles R.322-21 alinéa 3 et R.322-25 du code des procédures civiles d'exécution,



DIT que les frais, qui seront taxés par le juge de l'exécution, sont dus par l'acquéreur, en plus du prix de vente,



DIT que les dépens de première instance sont réservés,



DEBOUTE M. [V] [B] et le [4] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



CONDAMNE M. [V] [B] aux dépens d'appel.



Le greffier, Le président,

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