2 mai 2024
Cour d'appel de Paris
RG n° 23/05081

Pôle 1 - Chambre 10

Texte de la décision

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 10



ARRET DU 02 MAI 2024



(n°217)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/05081 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHJTJ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Février 2003 -Juge de l'exécution de PARIS RG n° 22/80852



APPELANTE



LE COMPTABLE DES FINANCES PUBLIQUES DU PRS DE L'HERAULT

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représentée par Me Julien CHEVAL de l'AARPI VIGO, avocat au barreau de PARIS, toque : G0190

Ayant pour avocat plaidant Me Anne-sophie TURMEL, avocat au barreau de NIMES, toque : A107



INTIMEE



SARL HOLDING [H] FONCIERE (HRFO), RCS PARIS 484 935 986,

ayant son siège, [Adresse 2]

PARIS,



Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753

Ayant pour avocat plaidant Me Myriam BEN SALEM, avocat au barreau de VALENCE, toque : 12



COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 21 Mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre

Madame Catherine LEFORT, Conseillère

Madame Valérie DISTINGUIN, Conseiller



qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Valérie Distinguin, conseiller dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.



Greffier, lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER



ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre et par Grégoire GROSPELLIER, Greffier, présent lors de la mise à disposition.






Par acte du 30 mars 2021, le centre des finances publiques du pôle de recouvrement spécialisé de l'Hérault a fait pratiquer une saisie-attribution de comptes courants d'associés détenus par la société HRFO, au préjudice de M. [K] [H], gérant et associé à 60% de cette société, et ce pour un montant total de 18 918 euros correspondant à une dette personnelle de ce dernier au titre de l'impôt sur le revenu.



Cette saisie a été dénoncée à M. [H] le 1er avril 2021.



Par acte du 2 mai 2022, Mme la comptable des finances publiques du pôle de recouvrement spécialisé de l'Hérault (ci-après Mme la comptable des finances publiques) a assigné la société HRFO devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris pour obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 18 918 euros.



Par jugement du 08 février 2023, le juge de l'exécution l'a déboutée de sa demande, a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens.



Il a considéré que la comptable des finances publiques ne rapportait aucune preuve de l'existence d'une créance de M. [K] [H] sur la société HRFO, notamment au titre d'un compte courant, à la date à laquelle la saisie-attribution a été pratiquée, soit au 30 mars 2021.



Par déclaration du 13 mars 2023, Mme la comptable des finances publiques a interjeté appel du jugement.



Par conclusions n° 4 signifiées le 7 mars 2024, Mme la comptable des finances publiques demande à la cour de :




infirmer la décision,

débouter la société HRFO de toutes ses demandes, fins et prétentions,

écarter des débats l'attestation de Mme [Y] [G], comptable de la société HRFO,

déclarer que la société HRFO refuse de déférer à la saisie-attribution signifiée le 30 mars 2021 par le comptable des finances publiques du pôle de recouvrement spécialisé de l'Hérault,

déclarer la défaillance du tiers liée à un défaut de renseignement,

déclarer le tiers personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite de son obligation,

déclarer que la saisie-attribution devra porter son plein effet,

délivrer un titre exécutoire afin de recouvrer les sommes détenues par la société HRFO pour le compte de M. [H],

condamner la société HRFO à lui payer directement la somme de 18.918 euros,

condamner la société HRFO à lui payer 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.




Au soutien de ses demandes, Mme la comptable des finances publiques fait valoir qu'il suffit de constater que le tiers saisi n'a pas déféré à son obligation de renseignement, pour qu'il soit condamné au paiement des causes de la saisie, peu importe que le tiers saisi conteste l'existence de la créance fiscale de M. [H]. Elle souligne que le tiers saisi a bien été informé des conséquences d'une défaillance. Elle affirme en outre que les comptes courants d'associés s'élevaient à 630.924 euros au 31 décembre 2018, demandant sur ce point d'écarter l'attestation de Mme [G] [Y], qui prétend que la société HRFO ne devrait rien à M. [H], et exigeant la communication du bilan de l'exercice clos le 31 décembre 2021, qui seul pourrait permettre de le vérifier. Elle relève que les comptes ne sont pas déposés depuis 2009 et rappelle qu'en tout état de cause, le simple fait de ne pas répondre suffit à caractériser la défaillance et entraîner la condamnation du tiers saisi au paiement.

Enfin, elle affirme que l'action engagée contre le tiers défaillant n'est pas forclose, l'intimée opérant selon lui une confusion entre le délai de prescription pour le recouvrement des impôts dus et le délai d'action contre le tiers défaillant faisant suite à l'absence de réponse à la saisie- attribution du 30 mars 2021.



Par conclusions signifiées le 6 mars 2024, la société Holding [H] Foncière (HRFO), après une série de demandes tendant à « juger » ou « constater » qui ne sont pas des demandes juridictionnelles au sens de l'article 954 du code de procédure civile, demande à la cour de :




in limine litis, déclarer le pôle de recouvrement spécialisé de l'Hérault forclos quant au recouvrement de l'impôt sur les revenus de 2013, 2014 et 2016,

confirmer le jugement du 8 février 2023,

débouter le pôle de recouvrement spécialisé de l'Hérault de l'ensemble de ses demandes,


En tout état de cause,


condamner solidairement le pôle de recouvrement spécialisé de l'Hérault et l'Etat (sic) au paiement de la somme de 7.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.




Au soutien de ses demandes, la société HRFO soutient que l'action en recouvrement de la créance fiscale est prescrite. Elle prétend ensuite que l'administration fiscale n'apporte pas la preuve que M. [H] soit débiteur envers elle de la somme de 18 918 euros. Elle ajoute qu'elle-même n'est pas débitrice de M. [H], ce dernier ne détenant pas de compte courant d'associés, comme le confirme l'attestation parfaitement régulière de Mme [G], comptable en son sein.



Elle affirme ensuite qu'elle a bien effectué un virement de 90 000 euros au profit de l'administration fiscale non pris en compte et se livre ensuite à une série de contestations des impositions dont elle a fait l'objet, exposant que la DGFP omet de déduire les sommes dont elle est elle-même redevable à son égard.




MOTIFS :



Sur le moyen tiré de la forclusion de l'action :



La société HRFO rappelle, au visa de l'article L 274 du livre des procédures fiscales, que l'administration fiscale qui n'a fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de mise en recouvrement du rôle est déchue de tous droits et de toute action contre ce redevable, pour en déduire que Mme la comptable des finances publiques ne serait plus recevable à poursuivre en recouvrement les sommes dues au titre de l'impôt sur le revenu des années 2013, 2014 et 2016.



Cependant, ainsi qu'elle le relève à juste titre, la société HRFO opère une confusion entre l'action en recouvrement de l'impôt et l'action intentée contre le tiers saisi défaillant, laquelle n'est pas soumise au délai de prescription de l'article L. 274 du LPF.



Dès lors, le moyen sera écarté et l'action de Mme la comptable des finances publiques contre le tiers saisi défaillant déclarée recevable.



Sur la défaillance du tiers saisi :



Selon l'article L. 123-1 du code des procédures civiles d'exécution, les tiers ne peuvent faire obstacle aux procédures engagées en vue de l'exécution ou de la conservation des créances. Ils y apportent leur concours lorsqu'ils en sont légalement requis.



L'article L. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution dispose que le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s'il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures.



En vertu de l'article R.211-5 du code des procédures civiles d'exécution, le tiers saisi qui, sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévus est condamné, à la demande du créancier, à payer les sommes dues à ce dernier sans préjudice de son recours contre le débiteur.



Ces dispositions ne sont néanmoins applicables qu'à la condition que le redevable de l'impôt soit titulaire d'une créance à l'encontre du tiers saisi, étant précisé que la charge de la preuve de l'existence de cette créance incombe au créancier saisissant.



Au cas présent, il ressort du procès-verbal du 30 mars 2021 qu'en vertu de quatre états exécutoires, Mme la comptable des finances publiques a fait procéder à une saisie-attribution entre les mains de la Sarl HRFO sur les sommes déposées en compte courant d'associé, pour avoir paiement de la somme de 18.918 euros due par M. [H] au titre de l'impôt sur le revenu 2013, 2014, 2016 et 2017.



La saisie-attribution a été régulièrement dénoncée le 1er avril 2021 au débiteur.



Pour établir que la société HRFO détient un compte courant créditeur au profit de M. [H], gérant et associé majoritaire à 60% de la société, Mme la comptable des finances publiques, verse aux débats un extrait du bilan de la société HRFO au titre de l'exercice clos au 30 septembre 2018 sur lequel apparaît une dette sociale de 1.078.759 euros en compte courant d'associé ainsi qu'un extrait du bilan au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2020 sur lequel apparaît une somme de 630.924 euros portée au crédit du compte courant d'associé. Elle prouve par conséquent que le compte courant d'associé est créditeur de sommes importantes depuis 2018 et que la société HRFO était débitrice à l'égard des associés d'une somme de 630.924, trois mois avant l'établissement du procès-verbal de saisie le 30 mars 2021, étant précisé qu'à cette date, l'administration fiscale ne pouvait disposer d'aucune autre situation comptable que celle du bilan qu'elle produit.



La société HRFO, qui conteste avec force devoir des sommes à M. [H], n'a pas versé aux débats le bilan de l'exercice clos le 31 décembre 2021 qui aurait permis de vérifier ses dénégations et ce, alors qu'elle ne dépose pas régulièrement ses comptes sociaux. Elle se contente de produire une attestation de Mme [Y] [G], comptable en son sein, qui n'apporte aucun élément utile quant au solde du compte courant au moment de la saisie-attribution puisque la comptable évoque le solde de ce compte au 31 mai 2022, soit plus d'une année après la saisie. Aux termes d'une seconde attestation en date du 16 janvier 2023, elle indique qu'il n'avait été procédé à aucune distribution de dividendes depuis la création de la société, ce qui est là encore sans lien avec le solde du compte courant d'associés au moment de la saisie.



Il se déduit par conséquent des éléments comptables produits que M. [H] était titulaire au moment de la saisie d'une créance en compte courant d'associé à l'encontre de la société HRFO.



Lors de la saisie, la société HRFO a été informée qu'il lui appartenait de payer ou à tout le moins de déclarer à l'administration fiscale l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur.





Il est établi et au demeurant non contesté que la société HRFO, par ailleurs dûment informée des risques encourus en cas d'abstention, n'a pas communiqué les renseignements demandés.



Elle a été relancée par lettre du 10 novembre 2021, mais en vain.



En conséquence, n'ayant pas fourni les renseignements prévus par les textes susvisés, ni justifié d'un motif légitime pour s'en dispenser, la société HRFO encourt la sanction prévue par l'article R 211-5 du code des procédures civiles d'exécution et doit être condamnée au paiement des causes de la saisie.



Il convient donc d'infirmer le jugement et statuant à nouveau de condamner la société HRFO à payer au comptable public du pôle de recouvrement spécialisé de l'Hérault la somme de 18.918 euros correspondant aux sommes dues par M. [H] selon bordereau de situation fiscale.



Sur les demandes accessoires



L'appelant prospérant en son appel, il y a lieu d'infirmer les dispositions du jugement relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner l'intimée aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 3.000 euros en compensation des frais irrépétibles exposés par Mme la comptable des finances publiques en première instance et à hauteur d'appel.



L'intimée sera déboutée de la demande qu'elle forme à ce titre.



PAR CES MOTIFS :



La cour,



DECLARE recevable l'action de Mme la comptable des finances publiques du pôle de recouvrement spécialisé de l'Hérault,



INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 8 février 2023 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris,



Statuant à nouveau,



CONDAMNE la société Holding [H] Foncière à payer à Mme la comptable des finances publiques du pôle de recouvrement spécialisé de l'Hérault la somme de 18.918 euros,



CONDAMNE la société Holding [H] Foncière à payer à Mme la comptable des finances publiques du pôle de recouvrement spécialisé de l'Hérault la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



DEBOUTE la société Holding [H] Foncière de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



CONDAMNE la société Holding [H] Foncière aux dépens de première instance et d'appel.



Le greffier, Le président,

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