2 mai 2024
Cour d'appel de Paris
RG n° 22/02251

Pôle 4 - Chambre 3

Texte de la décision

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 3



ARRET DU 02 MAI 2024



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02251 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFEMW



Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Décembre 2021 -Juge des contentieux de la protection de PARIS RG n° 1121008149





APPELANTE



Madame [B] [T] née Monsieur [L], [F] [T].

Modifié à l'état civil par jugement en date du 19 novembre 2021

[Adresse 1]

[Localité 5]



Représentée et assistée par Me Shirly COHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0486







INTIMEE



Madame [C] [D]

[Adresse 2]

[Localité 5]

née le [Date naissance 3] 1949 à [Localité 6]



Représentée par Me Marie-catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010













COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 14 Mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Anne-Laure MEANO, Présidente de chambre

Madame Muriel PAGE, Conseiller

Mme Aurore DOCQUINCOURT, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame [I] dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.





Greffier, lors des débats : Mme Joëlle COULMANCE





ARRET :



- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Anne-Laure MEANO, Présidente de chambre et par Joëlle COULMANCE, Greffière, présente lors de la mise à disposition.




*****

EXPOSÉ DU LITIGE



Mme [C] [D] a acquis le 27 novembre 2020 un studio situé [Adresse 4], situé au troisième étage d'un immeuble en copropriété, consistant en un studio avec kitchenette et salle d'eau d'une superficie d'environ 14,40 m².



Par acte d'huissier du 27 juillet 2021, elle a fait assigner son fils M. [L] [F] [T], devenu Mme [B] [T], l'intéressé étant ci-après ainsi dénommée, devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, afin de juger qu'elle est occupante sans droit ni titre des lieux, ordonner son expulsion et la condamner à lui verser une indemnité d'occupation mensuelle de 1.000 euros jusque son complet départ des lieux outre la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.



Le bien litigieux a été revendu par Mme [C] [D] par acte notarié du 23 novembre 2021.



Par jugement contradictoire entrepris du 30 décembre 2021 le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris a ainsi statué :



REJETTE l'exception de procédure tirée de la nullité de l'assignation,

CONSTATE l'existence d'un bail écrit daté à effet du 1er janvier 2021,

PRONONCE la résiliation du bail à effet au 31 janvier 2021 entre Mme [C] [D] et Mme [B] [T] et portant sur le studio situe [Adresse 4],

PRECISE que cette résiliation judiciaire du bail est faite aux torts de Mme [B] [T] et en raison de la dette locative constituée,

ORDONNE à Mme [B] [T] de libérer les lieux,

DIT qu'à défaut, il pourra être procédé à son expulsion et a celle de tous occupants de son chef, avec le contours de la force publique et d'un serrurier, passe le délai de deux mois suivant la signification d'un commandement d'avoir a libérer les lieux, conformément à l'article L412-1 et suivants, R 41 1-1 et suivants, R 412-1 et suivants du Code des procédures civiles d'exécution.

DIT que le sort des meubles laissés dans les lieux sera régi conformément aux dispositions des articles L 433-1 et L 433-2 du Code des procédures civiles d'exécution,

CONDAMNE Mme [B] [T] à payer à Mme [C] [D] une somme de 5.850 euros au titre des loyers et charges dûs au 30 novembre 2021,

CONDAMNE Mme [B] [T] à payer à Mme [C] [D] une indemnité d'occupation égale au montant du loyer augmentée des charges contractuelles à compter de la signification du présent jugement et ce jusqu'à la libération effective des lieux,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE Mme [B] [T] à payer à Mme [C] [D] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [B] [T] aux dépens,

RAPPELLE que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit.



PRÉTENTIONS DES PARTIES



Vu l'appel interjeté le 26 janvier 2022 par Mme [B] [T]



Vu les dernières conclusions remises au greffe le 24 avril 2022 par lesquelles Mme [B] [T] demande à la cour de :



JUGER recevable et bien fondé l'appel interjeté par Madame [B] [T] à l'encontre du jugement rendu par le JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE PARIS en date du 30 Décembre 2021,



INFIRMER le jugement déféré en ce qu'il :



- PRONONCE la résiliation du bail a effet au 31 janvier 2021 entre Mme [C] [D] et Mme [B] [T] et portant sur le studio situe [Adresse 4],

- PRECISE que cette résiliation judiciaire du bail est faite aux torts de Mme [B] [T] et en raison de la dette locative constituée,

- ORDONNE à Mme [B] [T] de libérer les lieux,

- DIT qu'à défaut, il pourra être procédé à son expulsion et a celle de tous occupants de son chef, avec le concours de la force publique et d'un serrurier, passe le délai de deux mois suivant la signification d'un commandement d'avoir à libérer les lieux, conformément à l'article L412-1 et suivants, R 41 1-1 et suivants, R 412-1 et suivants du Code des procédures civiles d'exécution.

- DIT que le sort des meubles laissés dans les lieux sera régi conformément aux dispositions des articles L 433-1 et L 433-2 du Code des procédures civiles d'exécution,-

- CONDAMNE Mme [B] [T] à payer à Mme [C] [D] une somme de 5.850 euros au titre des loyers et charges dûs au 30 novembre 2021,

- CONDAMNE Mme [B] [T] à payer à Mme [C] [D] une indemnité d'occupation égale au montant du loyer augmentée des charges contractuelles à compter de la signification du présent jugement et ce jusqu'à la libération effective des lieux,

- DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- CONDAMNE Mme [B] [T] à payer à Mme [C] [D] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE Mme [B] [T] aux dépens.



CONFIRMER pour le surplus les autres dispositions du jugement,



ET STATUANT A NOUVEAU :



JUGER irrecevable Madame [C] [D] en ses demandes en résiliation de bail et expulsion,

DEBOUTER Madame [C] [D] de toutes ses demandes, fins et conclusions

contraires aux dispositions confirmées du jugement déféré,

JUGER ET FIXER le montant principal du loyer du bail d'habitation à la somme de 537,12 € mensuels,

DISPENSER Madame [B] [T] du paiement des loyers pour toute la période postérieure au 1 er juin 2021,

CONDAMNER Madame [C] [D] à verser à Madame [B] [T] la somme de 15.000 euros en réparation des préjudices subis,

CONDAMNER Madame [C] [D] à verser à Madame [B] [T] la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers de première instance et d'appel.



Vu les dernières conclusions remises au greffe le 25 mai 2022 au terme desquelles Mme [C] [D] demande à la cour de :



Le CONFIRMER en toutes ses dispositions,



VU la revente du bien immobilier par Madame [C] [D],



DECLARER irrecevables toutes demandes relatives à sa qualité de propriétaire du bien et postérieure à la date de la revente, soit le 23 novembre 2021

REJETER toutes demandes, fins et conclusions en cause d'appel comme étant nouvelles pour ne pas avoir été soulevées en première instance.

CONDAMNER en cause d'appel Monsieur [L] [T] devenu Madame [B] [T] au paiement de la somme de 5.000€ au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNER Monsieur [L] [T] devenu Madame [B] [T] aux entiers dépens tant de première instance que d'appel qui comprendront la contribution à hauteur de 225 € et dire que la SELAS CABINET POTHET, Avocat, pourra recouvrer directement ceux dont elle aura fait l'avance sans avoir reçu provision conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile.





Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions remises au greffe et au jugement déféré.






MOTIFS DE LA DÉCISION



Sur la nullité de l'assignation



L'appelante expose qu'elle renonce désormais à l'exception de nullité de l'assignation qu'elle avait soulevée devant le premier juge sur le fondement de l'article 54 du code de procédure civile, et qui a été rejetée par le jugement entrepris, par un chef de dispositif désormais définitif.



Sur l'irrecevabilité des demandes de Mme [C] [D] en résiliation de bail et expulsion



L'existence d'un bail écrit n'est plus discutée par les parties devant la cour, chacune demandant à la cour de confirmer le jugement sur ce point, en particulier Mme [C] [D] , dans le dispositif de ses conclusions qui seules saisit la cour en application de l'article 954 du code de procédure civile.



Mme [B] [T] invoque l'irrecevabilité des demandes sur le fondement de l'article 24 III de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, dans sa rédaction applicable au litige, aux termes duquel :



'III.-A peine d'irrecevabilité de la demande, l'assignation aux fins de constat de la résiliation est notifiée à la diligence de l'huissier de justice au représentant de l'Etat dans le département au moins deux mois avant l'audience, afin qu'il saisisse l'organisme compétent désigné par le plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées, suivant la répartition de l'offre globale de services d'accompagnement vers et dans le logement prévue à l'article 4 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 précitée. Cette notification s'effectue par voie électronique par l'intermédiaire du système d'information prévu au dernier alinéa de l'article 7-2 de la même loi. (...)







IV.-Les II et III sont applicables aux assignations tendant au prononcé de la résiliation du bail lorsqu'elle est motivée par l'existence d'une dette locative du preneur. Ils sont également applicables aux demandes additionnelles et reconventionnelles aux fins de constat ou de prononcé de la résiliation motivées par l'existence d'une dette locative, la notification au représentant de l'Etat dans le département incombant au bailleur.'

fait valoir que '



Cette fin de non-recevoir peut être soulevée en tout état de cause.



Par ailleurs, le bail stipule qu'il est conclu en application de la loi du 6 juillet 1989 et il n'est pas établi qu'il ait prévu une occupation à titre de résidence secondaire par le locataire, de nature à exclure l'application de cette loi ; il n'est pas davantage établi que la résidence principale de Mme [B] [T] ne se trouvait pas dans ce logement.



L'appelante est mal fondée à invoquer l'irrecevabilité des demandes adverses alors qu'elle ne produit pas devant la cour l'assignation litigieuse.

Au demeurant , la formalité prévue par l'article précité n'est pas applicable à l'action, qui comme en l'espèce, tend à faire constater la qualité d'occupant sans droit ni titre, étant rappelé que l'existence même d'un bail entre les parties était contestée par Mme [C] [D] devant le premier juge.



Par conséquent, les demandes de Mme [C] [D] doivent être déclarées recevables.



Pour sa part Mme [C] [D] demande à la cour de déclarer irrecevables 'toutes demandes relatives à sa qualité de propriétaire du bien et postérieure à la date de la revente, soit le 23 novembre 2021"; cette demande peu intelligible au regard de l'objet du litige soumis à la cour et au demeurant non étayée sera écartée.

Il sera relevé enfin que toutes les demandes de Mme [B] [T] ont déjà été formées en première instance ou sont recevables comme tendant aux mêmes fins en application des articles 564 et suivants du code civil.



Sur la demande de Mme [B] [T] en diminution du loyer



Mme [B] [T] demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de diminution du loyer contractuellement prévu à hauteur de 650 euros par mois (outre 50 euros de provision pour charges) pour le fixer à la somme de 537,12 euros mensuels, somme correspondant au loyer de référence majoré applicable et réitère sa demande devant la cour.

Mme [C] [D] ne réplique pas sur ce point.



La loi dite Elan n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 a modifié l' article 17 de la loi du 6 juillet 1989 ; en son paragraphe II cet article dispose que " la fixation du loyer des logements mis en location est libre ", ce principe s'appliquant sans qu'il y ait à distinguer selon que le logement se trouve en zone tendue ou non tendue.



Toutefois, il résulte de l'article 140 de la loi Elan, non intégré dans la loi de 1989, en son paragraphe III A que dans les territoires de zones dites tendues comme en l'espèce, le loyer de base des logements mis en location est fixé librement entre les parties lors de la conclusion du contrat de bail, dans la limite du loyer de référence majoré et qu'une action en diminution de loyer peut être engagée si le loyer de base prévu dans le contrat de bail est supérieur au loyer de référence majoré en vigueur à la date de signature de ce contrat.



Le décret n° 2019-315 du 12 avril 2019 fixe ainsi le périmètre du territoire de la ville de Paris sur lequel est mis en place le dispositif d'encadrement des loyers prévu à l'article 140 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 et des arrêtés préfectoraux ont été pris ensuite chaque année en application de ces dispositions.



Comme le fait valoir à juste titre Mme [B] [T], sans être d'ailleurs utilement contredite sur ce point par la partie adverse, il résulte de l'arrêté préfectoral fixant les loyers de référence, de référence majoré, et de référence minoré sur le territoire de la Ville de Paris applicable à la date de signature du bail, qu'en l'espèce le loyer de référence majoré applicable à la situation de l'immeuble litigieux, construit avant 1946, comportant une pièce et situé à l'adresse précitée, est de 37,30 euros par m2, de sorte que, l'appartement ayant une surface de 14,40 m2, le loyer doit être diminué à la somme de 537,12 euros mensuels (14,40 x 37,30).



Le jugement sera donc infirmé sur ce point.



Sur la demande de dispense de paiement des loyers



Mme [B] [T] soutient qu'à partir du 1er juin 2021 elle n'a pas été mise en mesure de jouir paisiblement du logement loué et en déduit qu'elle doit être dispensée du paiement des loyers à compter de cette date.

Toutefois elle n'établit pas avoir été dans l'impossibilité d'occuper les lieux jusqu'à la vente de l'immeuble.



Cette demande sera donc rejetée.



Sur la dette locative



Mme [C] [D] ne produisant aucun élément actualisé justifiant de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Mme [B] [T] au paiement de la somme de 5.850 euros au titre des loyers et charges, et cette somme étant contestée par Mme [B] [T] qui a en outre obtenu de la présente cour une diminution des loyers mensuels, le jugement sera infirmé sur ce point.



Sur la résiliation judiciaire du bail



C'est par des motifs exacts et pertinents, qui ne sont pas utilement contredits par l'appelante, laquelle ne produit en cause d'appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation faite par le tribunal, et que la cour adopte, que le premier juge a retenu, en substance, que Mme [B] [T] ne conteste pas l'absence de paiement régulier des loyers, ce qui constitue un manquement grave à cette obligation essentielle du locataire résultant de l'article 7de la loi du 6 juillet 1989 ; la cour ajoute que Mme [B] [T] n'apporte pas devant elle la preuve des paiements des loyers litigieux.



Le jugement sera donc confirmé sur ce point ainsi qu'en ses chefs de dispositifs subséquents relatifs à l'expulsion.



Sur la demande de dommages-intérêts



C'est par des motifs exacts et pertinents, qui ne sont pas utilement contredits par l'appelante, laquelle ne produit en cause d'appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation faite par le tribunal, et que la cour adopte, que le premier juge a rejeté sa demande de dommages-intérêts, étant constaté qu'au vu des éléments produits, les relations entre les parties sont très conflictuelles sans qu'il soit établi que Mme [C] [D] a commis une faute ayant causé à Mme [B] [T] un préjudice de nature à justifier l'octroi de dommages-intérêts.



Sur l'article 700 du code de procédure civile



Les termes de la présente décision ne justifient pas d'infirmer le jugement en ce qui concerne les dépens et les frais de l'article 700 de première instance.



S'agissant de l'instance d'appel, il est équitable de partager les dépens d'appel et de dire n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS



La cour, statuant par arrêt contradictoire,



Déclare recevables les demandes de Mme [C] [D] ;



Déclare recevables les demandes de Mme [B] [T] ;



Infirme le jugement entrepris, en ce qu'il a rejeté la demande de diminution du loyer de Mme [B] [T] et en ce qu'il l'a condamnée à payer à Mme [C] [D] la somme de 5.850 euros au titre des loyers et charges ,



Et statuant à nouveau,



Fixe le loyer de l'appartement situé [Adresse 4], situé au troisième étage donné à bail par Mme [C] [D] à Mme [B] [T] le 1er janvier 2021 à la somme mensuelle de 537,12 euros et ce à compter de la date du bail;



Rejette la demande de condamnation de Mme [B] [T] à payer à Mme [C] [D] la somme de la somme de 5.850 euros au titre de la dette locative,



Et y ajoutant,



Dit que les dépens d'appel seront partagés par moitié entre les parties



Rejette toutes autres demandes.



La greffière, Le Président,

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