2 mai 2024
Cour d'appel de Nîmes
RG n° 22/03335

1ère chambre

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

























ARRÊT N°



N° RG 22/03335 -

N° Portalis DBVH-V-B7G-IS6W



AG



TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NÎMES

25 avril 2022

RG:16/01770



[H]



C/



[R]

[E]





























Grosse délivrée

le 02/05/2024

à Me Nathalie Mallet

à Me Georges Pomies Richaud





COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

1ère chambre





ARRÊT DU 02 MAI 2024





Décision déférée à la Cour : Jugement du tribunal judiciaire de Nîmes en date du 25 avril 2022, N°16/01770



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre,

Mme Delphine Duprat, conseillère,

Mme Audrey Gentilini, conseillère,



GREFFIER :



Nadège Rodrigues, greffière, lors des débats, et Audrey Bachimont, greffière, lors du prononcé,



DÉBATS :



A l'audience publique du 19 mars 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 02 mai 2024.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.





APPELANT :



M. [M] [H]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 13] (Maroc)

[Adresse 6]

[Localité 9]



Représenté par Me Nathalie Mallet, plaidante/postulante, avocate au barreau de Nîmes





INTIMÉES :



Mme [O] [G] [U] [R]

née le [Date naissance 3] 1947 à [Localité 12]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 7]



Représentée par Me François Régis Vernhet de la Selarl Vernhet, Plaidant, avocat au barreau de Montpellier

Représentée par Me Georges Pomies Richaud de la Selarl cabinet Lamy Pomies-Richaud avocats associes, postulant, avocat au barreau de Nîmes



Mme [X] [A] [E]

née le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 12]

[Adresse 6]

[Localité 9]



Représentée par Me François Régis Vernhet de la Selarl Vernhet, Plaidant, avocat au barreau de Montpellier

Représentée par Me Georges Pomies Richaud de la Selarl cabinet Lamy Pomies-Richaud avocats associes, postulant, avocat au barreau de Nîmes





ARRÊT :



Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Isabelle Defarge, Présidente de chambre, le 02 mai 2024,par mise à disposition au greffe de la Cour






EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE



Le 15 juin 2007, Mme [O] [R] d'une part, Mme [X] [E] et M. [M] [H] d'autre part, ont acquis en indivision, à hauteur de la moitié pour la première et de l'autre moitié pour les seconds, un terrain à bâtir à [Localité 9] (Gard) cadastré section B n°[Cadastre 4], [Adresse 6] et B [Cadastre 5] [Adresse 10], sur lequel ils ont édifié une maison d'habitation séparée en deux parties distinctes.



Par acte du 19 avril 2016, Mme [R] a assigné Mme [E] et M.[H] devant le tribunal de grande instance de Nîmes aux fins de voir ordonner l'ouverture des opérations des compte, liquidation et partage de l'indivision et pour y parvenir, la désignation préalable d'un expert chargé d'évaluer le bien immobilier indivis.



Par jugement du 05 juillet 2018, le tribunal a écarté la fin de non-recevoir tirée du défaut de démarches amiables préalables opposée par les défendeurs et déclaré l'action de Mme [R] recevable, ordonné le partage et la liquidation de l'indivision, désigné le président de la chambre des notaires du Gard pour y procéder et ordonné, avant-dire-droit, une expertise aux fins d'évaluation de l'ensemble immobilier, des travaux effectués par chaque indivisaire et de détermination du caractère divisible ou non du bien.



L'expert a déposé son rapport définitif le 22 mai 2019.



Par jugement contradictoire du 25 avril 2022, le tribunal judiciaire de Nîmes :

- a ordonné la licitation du terrain devant le tribunal judiciaire de Nîmes, sur un cahier des charges dressé et établi par Me [P] [C], en présence des autres parties ou celles-ci dûment appelées,

- a fixé la mise à prix à la somme de 320 000 euros avec possibilité de baisse de mise à prix du quart à défaut d'enchères,

- a dit que les frais de licitation viendront en sus du prix d'adjudication,

- a dit que la publicité sera diligentée comme en matière de saisie immobilière conformément aux articles R.322-1 à R.332-6 du code des procédures civiles d'exécution,

- a dit que Mme [E] et M. [H] sont redevables d'une indemnité d'éviction vis-à-vis de l'indivision,

- a dit que le notaire commis aura pour mission l'évaluation de l'indemnité d'occupation et en cas de besoin pourra s'adjoindre deux agences immobilières lesquelles devront remettre un avis de valeur, dont la valeur médiane sera retenue au titre de l'indemnité d'occupation mensuelle, à déterminer sur une durée de 5 ans, conformément à la demande de Mme [R],

- a dit que les travaux réalisés par les consorts [E] [H] s'élèvent à la somme de120 498 euros,

- a dit que les travaux réalisés par Mme [R] s'élèvent à la somme de 86 782 euros,

- a rappelé qu'il appartient au notaire de faire les comptes entre les indivisaires notamment quant aux frais supportés pour le compte de l'indivision,

- a dit que le notaire commis recevra les fonds issus de la licitation et aura la charge de les répartir après imputation des impenses et travaux réalisés selon la répartition prévue conventionnellement, par acte du 15 juin 2017,

- a débouté les parties de leurs demandes de condamnation à des dommages et intérêts pour résistance abusive,

- a dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage,

- a dit n'y avoir lieu à condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.



Il a jugé que Mme [E] et M. [H] étaient redevables d'une indemnité au titre de l'occupation privative du garage commun, en considérant que le cadenas qu'ils avaient posé sur la porte de ce garage empêchait la requérante d'accéder au chauffage et au compteur électrique de son habitation.



Par déclaration du 13 octobre 2022, M. [H] a interjeté appel de cette décision.



Par ordonnance du 23 février 2023, le conseiller de la mise en état a ordonné une médiation judiciaire.



Par ordonnance du 25 octobre 2023, la procédure a été clôturée le 5 mars 2024 et l'affaire fixée à l'audience du 19 mars 2024.



EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS



Par conclusions notifiées le 27 février 2024, M.[M] [H] demande à la cour :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit qu'il est redevable ainsi que Mme [E] d'une indemnité d'éviction vis-à-vis de l'indivision,

- dit que le notaire commis aura pour mission l'évaluation de l'indemnité d'occupation et en cas de besoin pourra s'adjoindre deux agences immobilières lesquelles devront remettre un avis de valeur, dont la valeur médiane sera retenue au titre de l'indemnité d'occupation mensuelle, à déterminer sur une durée de 5 ans, conformément à la demande de Mme [R],

Statuant à nouveau de ce chef,

- de débouter l'intimée de sa demande d'indemnité d'occupation,

Y ajoutant,

- de surseoir à statuer sur la licitation du bien immobilier indivis pendant une durée de six mois à compter de l'arrêt à intervenir afin de favoriser la vente amiable entre les parties,

- de dire que, passé ce délai, la partie la plus diligente pourra mettre en 'uvre et poursuivre la licitation devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nîmes dans les conditions et selon les modalités déterminées par le jugement du 24 avril 2022,

- de fixer la créance des indivisaires à l'égard de l'indivision au titre des travaux de construction et d'aménagement qu'ils ont financés respectivement de la manière suivante :

- 120 498 euros pour lui-même et Mme [E] à répartir pour moitié entre eux,

- 86 782 euros pour l'intimée,

- de fixer la rémunération qui lui est due par l'indivision au titre des multiples tâches et travaux qu'il a personnellement réalisés à la somme de 30 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir jusqu'au partage,

- de prescrire que le notaire commis devra tenir compte de ces différentes créances dans le cadre des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision,

- de débouter l'intimée de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral,

- de déclarer la demande indemnitaire pour préjudice moral dirigée par Mme [E] à son encontre irrecevable comme nouvelle et à défaut de l'en débouter,

En tout état de cause

- de débouter Mmes [R] et [E] de leur demande conjointe fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et tendant à le voir condamné aux dépens,

- de les condamner in solidum au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.



L'appelant fait valoir :

- qu'une vente amiable sera plus favorable aux indivisaires, qu'il a entrepris des démarches pour la mise en vente du bien et qu'un mandat a d'ailleurs été signé en ce sens par tous les indivisaires,

- qu'il ne conteste pas les sommes retenues par le premier juge au titre des travaux réalisés par les co-indivisaires mais souhaite que la cour fixe les créances qui en découlent au bénéfice de ceux-ci en application de l'article 815-13 du Code civil,

- que le tribunal a commis une erreur de droit en ne fixant pas l'indemnité improprement appelée d'éviction au lieu d'occupation à laquelle il l'a condamné avec Mme [E], qu'il n'y a pour Mme [R] aucune impossibilité d'occupation ou de jouissance privative puisqu'elle disposait d'un accès au garage et ce faisant, au système de chauffage par pompe à chaleur de son logement, qu'elle ne vit plus dans le bien indivis depuis 2016, qu'elle ne précise pas le point de départ de sa demande et qu'en tout état de cause, s'il devait être condamné au paiement d'une telle indemnité, Mme [E] en serait également redevable,

- qu'il a réalisé lui-même d'importants travaux d'amélioration et d'aménagement du bien immobilier indivis, de sorte qu'il est en droit de solliciter une rémunération sur le fondement de l'article 815-9 du Code civil, demande qui n'est pas prescrite puisqu'elle constitue une opération de partage,

- que la demande indemnitaire formulée par Mme [E] n'est pas fondée, et en tout état de cause irrecevable comme nouvelle en cause d'appel.



Par conclusions notifiées le 15 novembre 2023, Mmes [O] [R] et [X] [E] demandent à la cour :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la licitation du terrain à bâtir et fixé la mise à prix à la somme de 230 000 euros avec possibilité de baisse de mise à prix d'un quart à défaut d'enchères et dit que les frais de licitation viendront en sus du prix d'adjudication,

- de l'infirmer pour le surplus,

- de condamner M. [H], seul, à payer à Mme [R] la somme de 600 euros à compter du 11 février 2016 et ce jusqu'au jour de la vente aux enchères du terrain susvisé à titre d'indemnité d'occupation,

- de constater que les travaux réalisés par Mme [R] s'élèvent à la somme de 86 782 euros, ceux réalisés par Mme [E] à la somme de 60 249 euros, et ceux réalisés par M. [H] à la somme de 60 249 euros,

- de condamner M. [H] à leur payer à chacune la somme de 30 000 euros à titre de préjudice moral,

- de le débouter de sa demande d'indemnité de gestion,

- de le condamner au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.



Elles répliquent :

- qu'elles acceptent le rapport d'expertise quant à l'évaluation des travaux réalisés par chacun des indivisaires,

- qu'il n'existe aucune raison de prévoir un délai supplémentaire de 6 mois pour qu'il soit procédé à la vente aux enchères du bien indivis,

- que l'ensemble des constats d'huissiers produits aux débats permet d'établir que M. [H] est seul à l'origine de la privation de jouissance subie par Mme [R], et qu'il est donc seul redevable d'une indemnité d'occupation non pas envers l'indivision mais envers celle-ci, et que Mme [E] n'a joué aucun rôle dans cette situation,

- que la demande d'indemnité de gestion n'est pas justifiée, et est en tout état de cause prescrite depuis le 13 juin 2018 en application de l'article 2224 du Code civil,



Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.




MOTIVATION



Sur la recevabilité de la demande de dommages et intérêts formée par Mme [E]



Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.



Mme [E] formule pour la première fois en cause d'appel une demande de dommages et intérêts pour préjudice moral à l'encontre de son ex-compagnon M. [H], alors qu'en première instance, cette demande était formulée à l'encontre de sa mère Mme [R].





Cette demande, fondée sur le fait qu'elle aurait été manipulée par M. [H] durant leur vie commune, ce qui lui aurait occasionné une dépression, n'a pas pour objet de faire écarter les prétentions formées par celui-ci, et ne relève pas d'un fait révélé ou survenu depuis le jugement. Il sera en outre relevé qu'en première instance, elle attribuait sa dépression au comportement de Mme [R] à son égard.



Cette demande sera en conséquence déclarée irrecevable.



Sur les créances des indivisaires



Le tribunal a constaté que les parties ne contestaient pas la détermination des dépenses de travaux réalisés par Mme [R] pour un montant de 86 782 euros et a approuvé le rapport d'expertise s'agissant de la détermination des dépenses relatives aux travaux réalisés par le couple [E]-[H] pour un montant de 120 498 euros.



L'appelant ne remet pas en cause ces montants, mais demande à ce que les créances soient fixées.



Mmes [R] et [E] ne contestent pas davantage les montants arrêtés par le premier juge, et sollicitent la confirmation du jugement sur ce point.



L'article 815-13 du Code civil dispose que lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation.



L'indemnité due à un indivisaire qui a amélioré l'immeuble constitue une créance sur l'indivision, qui doit être déduite de l'actif net à partager.



Dans ces conditions, la créance de Mme [R] sur l'indivision sera fixée à la somme de 86 782 euros et celle de M. [H] et de Mme [E] à la somme de 120 498 euros.



Le jugement sera infirmé en ce qu'il s'est contenté de dire que les travaux réalisés par Mme [R] s'élèvent à 86 782 euros et que ceux réalisés par M. [H] et Mme [E] s'élèvent à la somme de 120 498 euros.



Sur le sursis à la licitation



Le tribunal a ordonné la vente par adjudication du bien immobilier indivis, au motif qu'il s'agissait d'une maison d'habitation ne pouvant être facilement partagée ou attribuée en nature, et que les indivisaires ne s'entendaient pas sur le principe et sur les modalités d'une vente amiable.



L'appelant ne remet en cause ni cette analyse, ni la licitation et ses modalités, mais sollicite un délai de six mois à compter de l'arrêt à intervenir avant de poursuivre la vente sur licitation, afin de permettre une vente amiable.



Les intimées sollicitent la confirmation du jugement, la vente amiable tentée durant la procédure d'appel n'ayant pas abouti.





Selon l'article 1377 du code de procédure civile le tribunal ordonne, dans les conditions qu'il détermine, la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués.

La vente est faite, pour les immeubles, selon les règles prévues aux articles 1271 à 1281.



Depuis le jugement, les parties se sont entendues pour mettre en vente le bien immobilier, et donné à cet effet le 06 avril 2023 mandat exclusif à l'agence [11] au prix de de 448 500 euros, dont 18 500 euros de frais d'agence. Le 05 décembre 2023, elles ont signé un avenant baissant le prix de vente à 399 000 euros.

Le bien a été visité récemment, mais l'offre verbale à 310 000 euros évoquée par l'agent immobilier dans un courriel du 26 février 2024 n'est pas été concrétisée, aucun écrit n'étant produit à cet effet.



Une année s'est écoulée depuis la mise en vente amiable du bien, et aucune offre n'a en conséquence été émise par un potentiel acquéreur. L'octroi d'un délai supplémentaire pour vendre à l'amiable ne ferait que retarder davantage les opérations de liquidation de l'indivision.



Par conséquent, M. [H] sera débouté de sa demande à ce titre.



Sur l'indemnité d'occupation



Le tribunal a estimé que Mme [R] était fondée à solliciter une indemnité d'occupation à l'encontre de ses coindivisaires sur une période de cinq ans dans la mesure où elle a été empêchée par ceux-ci d'accéder au garage commun par l'installation d'un cadenas, et par voie de conséquence d'accéder au chauffage, au compteur électrique et donc à l'électricité de son habitation. Il a confié au notaire désigné la mission de procéder à l'évaluation de cette indemnité d'occupation.



Sur le principe d'une indemnité d'occupation



En application de l'article 815-9 alinéa 2 du Code civil, l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.



La jouissance privative d'un bien indivis s'entend de l'impossibilité de droit ou de fait pour un indivisaire de jouir du bien indivis. L'indemnité est due dès lors que l'indivisaire a la possibilité d'user privativement, à titre exclusif, de ce bien. Elle a pour objet de réparer le préjudice causé non pas aux coindivisaires, mais à l'indivision.



Dans un courrier versé aux débats daté du 02 février 2016 adressé à M.[H] et Mme [E], Mme [R] se plaint de ne pouvoir accéder au garage, en raison du cadenas qu'ils y ont installé. Dans un courrier daté du 14 mars 2016 également versé aux débats, Mme [E] et M. [H] reconnaissent avoir fait installer un cadenas et précisent qu'ils ouvriront l'accès au garage à elle seule, à sa demande.



Mme [R] a fait appel à un huissier de justice auquel elle a exposé que M.[H] et Mme [E] lui interdisaient l'accès au garage, l'empêchant de mettre le système de chauffage de sa maison en fonctionnement, avaient coupé le chauffage et l'empêchaient de stationner son véhicule dans le garage, le chemin d'accès étant encombré par deux véhicules stationnés appartenant à M. [H].



Le procès-verbal de constat dressé le 11 février 2016 par Me [Y], qui a rencontré les parties, expose que M. [H] a déclaré qu'il avait « retiré les clés à Mme [R] (') parce qu'on lui a volé des affaires personnelles qu'il stockait dans le garage » et que « s'il a coupé le chauffage, c'est parce que Mme [R] et M.[K] ne sont pas souvent à la maison, qu'ils chauffent trop et qu'il paie les factures de Mme [R] en ce qui concerne l'installation de géothermie ».



L'huissier a constaté qu'un verrou fermé par un cadenas était installé sur la porte de garage, que M. [H], qui avait la clé, a ouvert la porte et remis en marche l'appareil de géothermie, et que des voitures stationnaient dans le chemin d'accès au garage.



Le procès-verbal de constat en date 20 janvier 2017 dressé par Me [Z] mentionne que dans l'entrée commune aux deux habitations, la porte métallique du coffret technique abritant le compteur électrique alimentant l'appartement de Mme [R] était fermée à l'aide d'un cadenas et ne pouvait être ouverte, que Mme [R] ne possédait pas de clés permettant de l'ouvrir, que son habitation ne disposait d'aucune alimentation électrique, aucun appareil ni éclairage ne pouvant fonctionner, et n'était pas chauffée. Il a également constaté que les volets électriques équipant la porte-fenêtre du séjour et les fenêtres des chambres ne pouvaient pas être ouverts, étant à commande électrique.



Il est versé les attestations

- de M. [F] selon laquelle en avril 2016, le chauffage dans l'habitation de Mme [R] était coupé, qu'elle n'avait pas la clé du garage et qu'en décembre 2017, le disjoncteur et le porte-fusibles étaient cadenassés.

- de Mme [K] selon laquelle en 2016, l'habitation n'était pas chauffée.

- de Mme [I] ayant constaté la présence d'un cadenas sur le compteur en janvier 2017.



Il ressort en outre du constat d'huissier dressé le 26 janvier 2017 par Me [D] à la demande de M. [H] et Mme [E] que « sur la porte de garage, côté droit (') est installé un verrou avec un cadenas ». M.[H] a déclaré à l'huissier qu'il avait « été obligé d'installer cette serrure supplémentaire ». L'huissier a précisé que le garage renfermait les fusibles pour l'alimentation de la pompe à chaleur et du cumulus.



Enfin, l'expert judiciaire dans son rapport, indique que l'accès au garage est condamné par un cadenas posé par Mme [E] et M.[H] dont Mme [R] n'a pas la clé.



Mme [R] n'a pas été privée de la jouissance totale de la partie privative de l'indivision qui lui était accordée, comme elle le prétend à tort, puisqu'il ressort des pièces susvisées que son logement était aménagé et occupé par elle, même si elle s'absentait fréquemment.

Cependant, comme l'a justement relevé le tribunal, M. [H] et Mme [E], en installant des cadenas sur la porte de garage et sur la porte du coffret électrique, lui ont interdit l'accès au garage et par voie de conséquence l'accès au chauffage de son habitation, ainsi que l'accès au compteur électrique et par voie de conséquence à l'électricité de son habitation.

Il n'est pas établi que le garage disposait d'un autre accès, comme le prétend M. [H].



Les développements de M. [H] concernant le fait que le compteur de Mme [R] était branché « sauvagement » sur son compteur et celui de Mme [E] ne lui donnait pas le droit de prendre des mesures de rétorsion et d'empêcher celle-ci d'accéder à ce compteur au lieu d'user des voies de droit à sa disposition.

De même, le fait qu'il payait la consommation de chauffage de Mme [R] ne lui donnait pas le droit de couper celui-ci et de l'empêcher d'accéder à la pompe à chaleur pour le rétablir.



Il est ainsi établi que M.[H] et Mme [E] ont joui privativement du garage et du compteur électrique, et le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a mis à leur charge une indemnité d'occupation (improprement appelée d'éviction) envers l'indivision.



Sur le montant de l'indemnité d'occupation



En refusant de fixer le montant de l'indemnité d'occupation due par M. [H] et Mme [E] et en délégant au notaire la charge d'évaluer cette indemnité, alors qu'il lui appartenait de trancher lui-même les contestations dont il était saisi, le premier juge a méconnu son office et la décision sera infirmée de ce chef.



La privation de jouissance étant limitée au garage et à l'accès au compteur électrique, l'indemnité d'occupation sera fixée à la somme mensuelle de 50 euros.



Sur le point de départ et la durée de l'indemnité d'occupation



Le tribunal s'est borné à dire, après avoir confié au notaire la mission de procéder à l'évaluation de l'indemnité d'occupation, que le versement de cette indemnité serait limité à une période de cinq ans comme sollicité par Mme [R], sans autre précision.



En cause d'appel, Mme [R] sollicite l'infirmation du jugement, et le paiement de cette indemnité à compter du 1er février 2016 et jusqu'à la réalisation effective de la vente.



M. [H] soutient que l'intimée a formulé cette demande pour la première fois le 24 février 2021 et qu'elle détient désormais les clés de tous les accès puisqu'elle a fait cause commune avec Mme [E].



L'indemnité de jouissance liée à une occupation privative doit être sollicitée dans le délai de cinq ans.



M. [H] verse aux débats les conclusions prises par Mme [R] après expertise, notifiées le 24 février 2021, aux termes desquelles elle sollicite une indemnité d'occupation. Ses précédentes conclusions, notifiées le 27 avril 2018, ne comportaient pas une telle demande. Dans ces conditions, le point de départ de l'indemnité d'occupation sera fixé au 24 février 2016, soit cinq ans avant la première demande.



La pose d'un cadenas sur l'armoire abritant le compteur électrique été constatée le 20 janvier 2017 ainsi que dans un nouveau procès-verbal dressé le 27 mars 2023 par Me [B]. Toutefois, ni les autres constats d'huissier, ni le rapport d'expertise, n'évoquent la présence de ce cadenas. Au surplus, il ne ressort pas de ce constat que la partie privative de Mme [R] était encore privée d'électricité au moment du passage de l'huissier.



La présence d'un cadenas sur la porte de garage est relevée dès le 11 février 2016 par l'huissier.

Il était toujours présent lors des opérations d'expertise le 17 octobre 2018 et le 20 février 2019.

Dans le cadre de l'expertise, les parties avaient convenu que Mme [R] croiserait sur la chaîne fermée par le cadenas de Mme [E] et M. [H] son propre cadenas, pour permettre à chacun des indivisaires d'avoir séparément accès au garage. Il n'est pas contesté que Mme [R] n'a pas installé son cadenas, alors qu'elle avait tout intérêt à le faire.

En tout état de cause, aucune pièce du dossier ne permet d'établir qu'un cadenas serait toujours actuellement apposé sur cette porte.



Au regard de l'ensemble de ces éléments, le jugement sera infirmé et M. [H] et Mme [E] seront condamnés à payer à l'indivision une indemnité d'occupation jusqu'au 28 février 2019, date à laquelle une solution avait été trouvée entre les coindivisaires concernant l'accès au garage, solution non mise en place par Mme [R].



Sur l'indemnité de gestion



Selon l'article 815-12 du Code civil l'indivisaire qui gère un ou plusieurs biens indivis est redevable des produits nets de sa gestion. Il a droit à la rémunération de son activité, dans les conditions fixées à l'amiable, ou, à défaut, par décision de justice.



Contrairement à ce que soutiennent Mme [R] et Mme [E], la prescription quinquennale n'est pas applicable à la rémunération due à un indivisaire pour la gestion des biens indivis, dès lors que cette somme n'est pas payable par année ou par termes successifs.



La prescription n'a donc pas couru à l'encontre de M. [H], qui est recevable à solliciter une telle indemnité.



Si une indemnité de gestion peut être due à l'indivisaire qui a géré le bien indivis, encore faut-il qu'il existe un acte de gestion.



Au soutien de sa demande, l'appelant verse aux débats un courrier rédigé par lui et Mme [E], adressé à Mme [R] en mars 2016, ainsi qu'un document établi par lui-même intitulé « contribution personnelle construction maison » (pièces 6 et 45).

Or, nul ne peut se constituer de preuve à soi-même, et ces documents ne peuvent permettre d'établir les actes de gestion sur le bien immobilier indivis dont il se prévaut.



Il produit des factures émanant de magasins de bricolage pour l'achat de revêtement mural et d'une tonnelle ou la location d'une ponceuse notamment. Il s'agit d'achats courants relevant de l'entretien d'une maison, et non d'actes de gestion du bien indivis.



Il produit également des devis et factures pour des travaux de gros 'uvre (fondations de la maison, plancher chauffant) comprenant la pose de ce plancher, de sorte que ce n'est pas lui qui les a réalisés. Plusieurs personnes attestent que M.[H] a réalisé des travaux, des réparations et des embellissements dans les deux maisons, qu'il a fait office de maître d''uvre durant les travaux de gros 'uvre et qu'il était l'interlocuteur des artisans. Toutefois, le démarchage d'entreprises et le suivi des travaux de construction incombent à toute personne faisant construire une maison et ne sauraient ouvrir droit à indemnité de gestion. Il en va de même des réparations et embellissements du bien.



Il résulte de ce qui précède que M.[H] ne justifie d'aucun acte accompli régulièrement dans l'intérêt de l'indivision et distinct de son intérêt propre en qualité de propriétaire indivis de l'immeuble, ni d'une plus-value apportée au bien résultant de cette prétendue gestion, pouvant motiver une rémunération.



Par conséquent, il sera débouté de sa demande.



Sur la demande de dommages et intérêts



C'est à juste titre que le tribunal a écarté la demande de dommages et intérêts formulée par Mme [R] à l'encontre de M. [H] et Mme [E], après avoir relevé que la mésentente entre les parties était totale depuis la construction de la maison et que chacune d'elles s'étaient livrées à des actes malveillants.



La décision sera confirmée de ce chef.



Sur les demandes accessoires



Les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de partage.



Eu égard à la nature du litige, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et les parties seront déboutées de leurs demandes à ce titre.



PAR CES MOTIFS



La cour,



Déclare irrecevable comme nouvelle la demande de dommages et intérêts formée par Mme [X] [E],



Confirme le jugement rendu le 25 avril 2022 par le tribunal judiciaire de Nîmes en ce qu'il a :

- dit que Mme [X] [E] et M.[M] [H] étaient redevables d'une indemnité d'occupation envers l'indivision,

- débouté Mme [O] [R] de sa demande de dommages et intérêts,



L'infirme pour le surplus



Statuant à nouveau



Fixe la créance de M. [M] [H] et Mme [X] [E] envers l'indivision à la somme de 120 498 euros,



Fixe la créance de Mme [O] [R] envers l'indivision à la somme de 86 782 euros,



Condamne M. [M] [H] et Mme [X] [E] à payer à l'indivision une indemnité d'occupation mensuelle de 50 euros à compter du 24 février 2016 au 28 février 2019,



Y ajoutant



Déboute M. [M] [H] de sa demande de sursis à la licitation du bien immobilier indivis,



Déboute M. [M] [H] de sa demande d'indemnité de gestion,



Dit que les dépens de l'instance d'appel seront employés en frais privilégiés de partage,



Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Arrêt signé par le présidente et par la greffière.





LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

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