2 mai 2024
Tribunal judiciaire de Lyon
RG n° 20/06947

Chambre 3 cab 03 D

Texte de la décision

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 3 cab 03 D

N° RG 20/06947 - N° Portalis DB2H-W-B7E-VIF7

Jugement du 02 Mai 2024
























Notifié le :




Grosse et copie à :
la SELARL JUGE FIALAIRE AVOCATS - 359
la SELARL VERNE BORDET ORSI TETREAU - 680






REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 02 Mai 2024 devant la Chambre 3 cab 03 D le jugement contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 23 Octobre 2023, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 20 Février 2024 devant :

Julien CASTELBOU, Président,
siégeant en formation Juge Unique,

Assisté de Anne BIZOT, Greffier,


Et après qu’il en eut été délibéré par le magistrat ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :


DEMANDERESSE

S.C.I. UNI MUR,
prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Maître Jérôme ORSI de la SELARL VERNE BORDET ORSI TETREAU, avocats au barreau de LYON


DEFENDERESSE

S.A.R.L. ALBR,
prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Maître Sophie JUGE de la SELARL JUGE FIALAIRE AVOCATS, avocats au barreau de LYON








Aux termes d’un acte sous seing, Madame [I], aux droits de laquelle vient aujourd’hui la société UNI MUR devenue propriétaire des locaux le 20 avril 2018, a donné à bail commercial à la société C. SAVOYE SA, un local commercial situé [Adresse 2] à [Localité 3] pour une durée de neuf années à compter du 26 décembre 1997.

Ledit bail a été renouvelé au 26 décembre 2006 pour une durée de neuf années. Par jugement du 04 mars 2008, confirmé par arrêt de la Cour d’appel de LYON du 03 mars 2009, le loyer du bail renouvelé a été plafonné en application des dispositions de l’article L145-34 du Code de commerce s’établissant ainsi à la somme de 7.820,60 € HT et HC.

A compter du 25 décembre 2015, le bail s’est poursuivi par tacite reconduction.

Par acte du 22 juin 2018, la société UNI MUR a signifié congé avec refus de renouvellement et offre d’indemnité d’éviction à effet au 31 décembre 2018.

Le 29 juin 2018, la société ALBR a fait signifier une demande de renouvellement dudit bail aux mêmes clauses et conditions du bail à effet au 1er juillet 2018.

Par exploit d’huissier du 31 juillet 2018, la société UNI MUR a entendu réitérer son refus de renouvellement du bail, saisissant le juge des référés d’une demande d’expertise en fixation de l’indemnité d’éviction.

Par ordonnance du 08 octobre 2018, le juge des référés a ordonné ladite expertise.

L’expert a rendu son rapport le 12 mars 2020 aux termes duquel il a évalué l’indemnité d’éviction à la somme de 338.000 €.

Par acte extra judiciaire du 04 juin 2020, la société UNI MUR a signifié son droit de repentir à la société ALBR et a offert le renouvellement du bail pour une durée de 09 années moyennant un loyer principal de 20.000 €.

Par exploit d’huissier du 30 juillet 2020, la société ALBR a confirmé sa volonté de voir renouveler le bail, refusant toutefois le montant du loyer proposé par la société UNI MUR en considérant que celui-ci devait être fixé au montant plafonné avec variation de l’indice.

Par exploit d’huissier du 08 octobre 2020, la société UNI MUR a assigné la société ALBR devant la présenté juridiction.

*

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 10 octobre 2023, la société UNI MUR sollicite d’entendre le Tribunal, au visa des articles L145-58, L145-28 et R145-6 du Code de commerce :

- Fixer le montant de l’indemnité d’occupation entre le 1er janvier 2019 et le 04 juin 2020 à la somme de 40.500 € hors taxes et hors charges,

A titre accessoire,
Vu l’article R145-23 du Code de commerce et les articles L145-33, L145-34 et R145-6 et suivants du Code de commerce :
- Déclarer recevable la demande en fixation du loyer du bail renouvelé,
- Fixer le loyer du bail renouvelé à compter du 4 juin 2020 à la somme annuelle de 45.000 € hors taxes et hors charges, toutes les autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées.

Subsidiairement et avant dire droit,
- Ordonner une expertise judiciaire aux fins de fournir à la juridiction tous les éléments permettant de justifier l’ajustement du loyer à la valeur locative au 4 juin 2020 et de fixer cette même valeur locative à cette date,
- Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir,
- Condamner la société ALBR à verser à la société UNI MUR la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner la société ALBR aux entiers dépens de l’instance dont distraction au profit de la SELARL VERNE BORDET ORSI TETREAU.

*

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 18 octobre 2023, la société ALBR sollicite d’entendre le Tribunal, au visa des articles L145-9, L145-10 et L145-58 du Code de commerce :

A titre principal,
- Dire et juger que le bail est arrivé à échéance le 30 juin 2018 par l’effet de la demande de renouvellement,
- Fixer l’indemnité d’occupation due par la société ALBR à la somme annuelle de 16.200 €, jusqu’au 4 juin 2020,
- Fixer le montant du bail renouvelé dû à compter du 4 juin 2020 à la somme de 9.482,68 € hors taxes et hors charges par an.

A titre subsidiaire,
- Fixer l’indemnité d’occupation due par la société ALBR à la somme annuelle de 16.200 €, soit 22.950 € du 1er janvier 2019 au 4 juin 2020,
- Fixer le montant du bail renouvelé dû à compter du 4 juin 2020 à la somme de 18.000 € hors taxes et hors charges par an.

En tout état de cause,
- Condamner la société UNI MUR à régler à la société ALBR la somme de 7.295,01 € TTC par application de l’article L145-58 du Code de commerce en remboursement des frais d’avocats engagés,
- Débouter la société UNI MUR de toutes demandes plus amples ou contraires,
- Condamner la société UNI MUR à verser la société ALBR la somme de 7.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner la société UNI MUR aux entiers dépens de l’instance avec distraction au profit de Maître JUGE.

*

En application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux écritures des parties pour l’exposé exhaustif de leurs prétentions et moyens.

La clôture de la procédure a été prononcée au 23 octobre 2023.


*







MOTIFS

I. Sur l’indemnité d’occupation

Au soutien de sa demande de fixation de l’indemnité d’occupation à la somme de 40.500 € HTHC pour la période du 1er janvier 2019 au 4 juin 2020, la société UNIMUR fait valoir que le bail du 26 décembre 1997, renouvelé le 26 décembre 2006 et tacitement reconduit à compter du 25 décembre 2015, a pris fin au 31 décembre 2018 par l’effet du congé avec refus de renouvellement qu’elle a délivré le 22 juin 2018 à la société ALBR. Elle relève à ce titre que, ni la demande de renouvellement que la société ALBR a formée postérieurement au 22 juin 2018 ni l’exercice de son droit de repentir ne sauraient avoir une incidence sur la date de fin du bail.

En réponse, la société ALBR, sollicitant la fixation d’une indemnité d’occupation annuelle d’un montant de 16.200 €, fait valoir que celle-ci est due à compter du 30 juin 2018 et jusqu’au 04 juin 2020 eu égard au fait qu’elle a formé une demande de renouvellement du bail le 30 juin 2018 et que celle-ci prévaut sur la date d’effet du congé avec refus de renouvellement dont l’exercice par la SCI UNIMUR de son droit de repentir a anéanti les effets rétroactivement.

Réponse du Tribunal,

En application de l’article L145-28 du Code de commerce, aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue. Jusqu’au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. Toutefois, l’indemnité d’occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections VI et VII, compte tenu de tous éléments d’appréciation.

Rappelant que les règles relatives au plafonnement du loyer ne s’appliquent pas à la fixation de l’indemnité d’occupation, il convient en l’espèce de fixer la date à laquelle le bail a pris fin pour apprécier le montant total de l’indemnité d’occupation due entre celle-ci et le 04 juin 2020, date du droit de repentir avec offre de renouvellement.

Ainsi, il ressort des éléments du dossier que la société UNIMUR a fait délivrer congé avec refus de renouvellement à la date du 22 juin 2018 avec effet au 31 décembre 2018 ; que postérieurement à celui-ci la société ALBR a fait délivrer une demande de renouvellement le 29 juin 2018 avec effet au 1er juillet 2018 ; qu’enfin, la société ALBR a exercé son droit de repentir le 04 juin 2020.

Au regard de ces éléments et relevant qu’en application des dispositions de l’article L145-10 du Code de commerce, le congé avec refus de renouvellement délivré par un bailleur commercial pour une date postérieure à l’échéance contractuelle du bail, prive d’effet la demande de renouvellement formée par le preneur après ce congé, sans que l’exercice du droit de repentir n’entraine l’anéantissement rétroactif du congé en ce que l’exercice de ce droit vaut à compter de sa date renouvellement du bail et non poursuite pure et simple de celui pour lequel il a été donné congé, il convient de considérer que le bail commercial renouvelé le 26 décembre 2006 et tacitement reconduit à compter du 25 décembre 2015 a pris fin au 31 décembre 2018.

Partant, le montant de l’indemnité d’occupation au paiement de laquelle la société ALBR est tenue en application de l’article L145-28 du Code de commerce doit être fixé à la valeur locative appréciée au 1er janvier 2019.

A ce titre, il ressort du rapport d’expertise déposé par Monsieur [N] [X] en suite de l’ordonnance du 08 octobre 2018 que la valeur locative des locaux a pu être appréciée au 1er janvier 2019 à la somme de 18.000 € annuel, malgré les contestations élevées par la société UNIMUR dont les pièces produites auprès de l’expert et les dires formulés en suite de son pré-rapport n’ont pu emporter la conviction de celui-ci quant à l’évaluation sollicitée.

En l’absence d’éléments nouveaux et pertinents permettant d’avoir une appréciation différente de celle de Monsieur [N] [X] et retenant que l’application d’un abattement de 10 % se justifie eu égard à la période durant laquelle la société ALBR s’est trouvée dans une position de précarité, soit entre la date de congé et celle du repentir, il convient de fixer l’indemnité d’occupation due par cette dernière entre le 1er janvier 2019 et le 04 juin 2020, à la somme annuelle de 16.200 € HTHC.

II. Sur le montant du loyer du bail renouvelé le 04 juin 2020

Au soutien de sa demande de fixation du loyer déplafonné à la somme de 45.000 €, la société UNI MUR fait valoir, d’une part, que la durée du bail après reconduction est supérieure à 12 années et, d’autre part, que les facteurs locaux de commercialité ont connu une évolution notable au regard de l’arrivée de nouveaux commerces, de l’ouverture d’un parking dans le temps du bail et de la disparition de plusieurs concurrents.

En réponse, la société ALBR soutient que le déplafonnement du loyer n’est pas possible en l’absence de démonstration d’une modification notable des facteurs locaux de commercialité depuis la prise d’effet du bail.

Elle souligne ainsi que sa clientèle n’est pas une clientèle de passage et qu’à ce titre l’arrivée de nouvelles enseignes dans le quartier ou l’ouverture d’un parking n’a eu aucune incidence sur son activité. En outre, elle fait valoir que la disparition de trois enseignes, soulevée par la SCI UNI MUR, n’est pas démontrée.

Enfin, la société ALBR, considérant que le bail a pris fin le 30 juin 2018 et non le 31 décembre 2018, soutient que celui-ci n’a pas excédé une période de 12 années et qu’ainsi le montant du loyer du bail renouvelé doit être plafonné.

Réponse du Tribunal,

En application de l’article L145-33 du Code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. A défaut d’accord, cette valeur est déterminée d’après : les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité, les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

Vu l’article L145-34 du Code de commerce ;

En l’espèce, et ainsi qu’il en a été jugé ci-avant, la durée du bail tacitement prolongé apparait être supérieure à douze années à la date d’effet du congé, justifiant que le plafonnement du loyer soit écarté et que le loyer renouvelé soit fixé à la valeur locative telle qu’elle a été appréciée par l’expert judiciaire soit à la somme de 18.000 € HTHC, aucun des documents versées par la SCI UNI MUR ne permettant d’opérer une analyse différente, ces derniers ayant pu être justement pris en compte lors de l’expertise.

En conséquence, le loyer annuel du bail renouvelé à compter 05 juin 2020 sera fixé à la somme de 18.000 € hors taxes et hors charges, toutes les clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées. Au surplus, la demande d’expertise étant sans objet, elle sera rejetée.

III. Sur la demande de remboursement des frais de l’instance en fixation de l’indemnité d’éviction

En application de l’article L145-58 du Code de commerce, le propriétaire peut, jusqu’à l’expiration d’un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle la décision est passée en force de chose jugée, se soustraire au paiement de l’indemnité, à charge par lui de supporter les frais de l’instance et de consentir au renouvellement du bail dont les conditions, en cas de désaccord, sont fixées conformément aux dispositions réglementaires prises à cet effet. Ce droit ne peut être exercé qu’autant que le locataire est encore dans les lieux et n’a pas déjà loué ou acheté un autre immeuble destiné à sa réinstallation.

En l’espèce, il est fait état par la société ALBR de frais d’avocat à raison de 7.295,01 € (pièce 13).

Il apparait au regard de ladite pièce et des autres éléments du dossier sus-évoqués, que l’ensemble des frais dont il est sollicité indemnisation ont fait l’objet de facturation entre le 29 juin 2018 et le 28 février 2020, soit entre la date à laquelle la SCI UNI MUR a fait délivrer congé sans offre de renouvellement et la date d’exercice de son droit de repentir.

Dès lors, en l’absence de toute contestation dans ses conclusions par la SCI UNI MUR, il y a lieu de faire droit à la demande de la société ALBR et de condamner la SCI UNI MUR à lui payer la somme de 7.295,01 € en application des dispositions de l’article L145-58 du Code de commerce.

IV. Sur les demandes de fin de jugement

Aux termes de l’article 696 du Code de procédure civile, les parties perdantes sont condamnées aux dépens, à moins que le Juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, la SCI UNI MUR, supportera les entiers dépens de l’instance.

Le bénéfice des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile est accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.

Aux termes de l’article 700 du Code de procédure civile, le Juge condamne les parties tenues aux dépens ou qui perdent leur procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le Juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à ces condamnations.

En l’espèce, la SCI UNI MUR sera condamnée à payer à la société ALBR la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

En l’espèce, il n’y a lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit la présente décision.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort ;

FIXE l’indemnité d’occupation due par la société ALBR à la SCI UNI MUR entre le 1er janvier 2019 et le 04 juin 2020 à la somme annuelle de 16.200 € hors taxes et hors charges ;



FIXE le montant du loyer annuel du bail renouvelé à compter du 05 juin 2020 à la somme de 18.000 € hors taxes et hors charges, toutes les autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées ;

CONDAMNE la SCI UNI MUR à payer à la société ALBR la somme de 7.295,01 € TTC en application des dispositions de l’article L145-58 du Code de commerce ;

CONDAMNE la SCI UNI MUR à payer à la société ALBR la somme de 3.000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE la SCI UNI MUR aux entiers dépens de l’instance ;

ADMET les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire du présent jugement est de droit en application de l’article 514 du Code de procédure civile.

Remis au greffe en vue de sa mise à la disposition des parties, le présent jugement a été signé par le Président, M. CASTELBOU, et le Greffier, Mme BIZOT.

Le Greffier Le Président,

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