2 mai 2024
Tribunal judiciaire de Bobigny
RG n° 23/01438

Chambre 1/Section 5

Texte de la décision

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY
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Chambre 1/Section 5
N° du dossier : N° RG 23/01438 - N° Portalis DB3S-W-B7H-XZOE

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 02 MAI 2024
MINUTE N° 24/00993
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Nous, Madame Mallorie PICHON, Vice-présidente, au Tribunal judiciaire de BOBIGNY, statuant en référés, assistée de Monsieur Tuatahi LEMAIRE, Greffier,


Après avoir entendu les parties à notre audience du 07 Mars 2024 avons mis l'affaire en délibéré et avons rendu ce jour, par mise à disposition au greffe du tribunal en application des dispositions de l'article 450 du Code de procédure civile, la décision dont la teneur suit :


ENTRE :

La société ROMAINVILLE 1
dont le siège social est sis [Adresse 2] - [Localité 3]

représentée par Me Chantal TEBOUL ASTRUC, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0235

ET :

La société ROYAL CHICKEN
dont le siège social est sis [Adresse 1] - [Localité 4]

représentée par Me Damien CHEVRIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0920, substitué par Maître Mounir ELDJOUDI, avocat au barreau de Paris.


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EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 12 avril 2022, la société Romainville 1 a consenti à la société Royal Chicken un bail commercial sur un local au sein de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 4], moyennant un loyer annuel de 48.000 euros, TVA, provisions sur charge et taxes en sus.

Par acte du 18 juillet 2023, la société Romainville 1 a assigné en référé devant le président de ce tribunal la société Royal Chicken, aux fins de :
Constater la résiliation du bail par l'effet d'une clause résolutoire à la suite du défaut de paiement des loyers ;Ordonner la libération immédiate des lieux loués, sous astreinte, et autoriser le bailleur à faire procéder à l'expulsion et à la séquestration du mobilier ;Condamner la société Royal Chicken à lui payer à titre provisionnel une indemnité d'occupation mensuelle correspondant au loyer en vigueur majoré de 50 %, charges et taxes en sus ;Juger que le dépôt de garantie reste acquis au bailleur ;Condamner la société Royal Chicken à lui payer une provision de 23.080 euros à valoir sur arriérés locatifs et indemnités d'occupation outre les loyers, charges, 2e trimestre 2023 inclus, avec intérêt au taux légal sur la somme de 19.310 euros à compter du 20 décembre 2022 et à compter de l'assignation pour le surplus ;Condamner la société Royal Chicken à lui payer une provision de 2.308 euros au titre de la clause pénale, avec intérêt au taux légal à compter de l'assignation ;Condamner la société Royal Chicken à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, comprenant le coût du commandement de payer du 20 décembre 2022, le coût de la levée de l'état des inscriptions, avec distraction au profit de la société ASTRUC Avocats.
L'affaire a été appelée à l'audience du 15 septembre 2023 puis mise en délibéré.

Par ordonnance du 20 octobre 2023, la juge des référés a ordonné la réouverture des débats et fait injonction aux parties de rencontrer un médiateur pour un rendez-vous d'information à la médiation.

Les parties ayant décidé de ne pas poursuivre la médiation, elles ont été convoquées à l'audience du 7 mars 2024.

A cette audience, par conclusions soutenues oralement, la société Romainville 1 actualise sa créance au titre des arriérés à la somme de 72.994 euros, 1er trimestre 2024 inclus et sa demande au titre de la clause pénale à la somme de 7.299,40 euros. Elle sollicite également que l'arriéré locatif porte intérêt au taux légal sur la somme de 19.310 euros à compter du commandement de payer, sur la somme de 23.080 euros à compter de l'assignation et à compter de l'ordonnance pour le surplus. Elle maintient ses autres demandes dans les termes de l'assignation.

En réplique aux moyens soulevés par la société défenderesse, elle conteste tout manquement à son obligation de délivrance, rappelle que le preneur a bénéficié de plusieurs mois de franchise de loyer, ne démontre aucune impossibilité d'exploiter le local, a déposé sa demande d'autorisation de travaux tardivement et n'a informé le bailleur d'une difficulté qu'un an plus tard, pour échapper à ses obligations. Elle demande en outre que la pièce n° 15 produite en défense soit écartée des débats, pour lui avoir été communiquée tardivement.

En défense, par conclusions écrites soutenues oralement, la société Royal Chicken sollicite du juge des référés :
A titre principal, débouter la société Romainville 1 de ses demandes et fixer le loyer trimestriel à la somme de 7.500 euros ;A titre subsidiaire, suspendre les effets de la clause résolutoire et accorder des délais de paiement sur 24 mois ;En tout état de cause, condamner la société Romainville 1 à lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à assumer les dépens.
En substance, elle invoque, au visa des articles 1719 et 1132 du code civil, un manquement du bailleur à son obligation de délivrance, ainsi qu'un vice du consentement consistant en une erreur sur les qualités essentielles du local, voire un dol commis par le bailleur. Elle explique en effet avoir loué le local brut, afin, après travaux, d'y exploiter un restaurant mais que la configuration des lieux ne correspond pas au plan annexé au contrat de bail. Elle précise que le local devait comporter deux accès, dont l'un a été jugé non conforme aux règles de sécurité par la municipalité, qui a donc rejeté sa demande d'autorisation de travaux d'aménagement d'un établissement recevant du public de 5e catégorie, de sorte qu'elle n'a pas encore été en mesure d'exploiter ledit local, ni, en conséquence, de régler les loyers. Elle indique souhaiter rester dans les lieux, y ayant engagé d'importants travaux, mais sous réserve d'une diminution de loyer, puisqu'elle ne pourra pas y exploiter de restaurant.

L'état des inscriptions sur le fonds de commerce ne porte mention d'aucune inscription en date du 9 juin 2023.

Conformément à l'article 446-1 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l'exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l'assignation introductive d'instance et aux écritures déposées et soutenues à l'audience.

Après clôture des débats, l'affaire a été mise en délibéré au 2 mai 2024.



MOTIFS

Sur demande visant à écarter une pièce

Selon les termes de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

En l'espèce, la société Royal Chicken justifie à l'audience que cette pièce a été envoyée à son contradicteur par courrier électronique la veille de l'audience à 15 h 02.

Etant relevé que la pièce litigieuse ne présente aucune complexité ou technicité particulière, s'agissant d'un courrier émanant de la municipalité de [Localité 4], et que la procédure devant le juge des référés étant orale, la société Romainville 1 a pu faire valoir ses observations à l'audience, le principe du contradictoire n'a pas été méconnu.

En conséquence, il n'y a donc pas lieu d'écarter cette pièce des débats.

Sur les demandes principales

Aux termes de l'article L. 145-41 du code de commerce, " toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge. "

Par ailleurs, les dispositions de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile prévoient que, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier.

Une contestation apparaît comme sérieuse lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

En application de l'article 1353 du code civil, " Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ".

Enfin, il ressort de l'article 1719 du code civil que le bailleur est tenu d'assurer au preneur, tout au long du bail, une jouissance effective des lieux loués et de les délivrer avec tous leurs accessoires.

En l'espèce, le bail stipule qu'à défaut de paiement d'un terme du loyer à son échéance, le contrat est résilié de plein droit un mois après la délivrance d'un commandement de payer demeuré infructueux.

Un commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré le 20 décembre 2022, dans les formes prévues à l'article L. 145-41 du code de commerce, pour le paiement de la somme en principal de 19.310 euros. Le preneur devait donc régler la totalité de la somme dans le délai d'un mois, soit jusqu'au 20 janvier 2023. Or, il résulte du décompte produit à l'audience, arrêté au 6 mars 2024 et qui n'est d'ailleurs pas contesté, que ledit commandement est demeuré partiellement infructueux dans le délai d'un mois.


Néanmoins, l'article 4 du bail relatif à la destination du local prévoit que le preneur ne pourra utiliser les lieux loués qu'à usage exclusif de "restaurant et alimentation générale".

Il est constant que le local a été loué à l'état brut, que des travaux d'aménagement étaient indispensables à son exploitation et que le bailleur a consenti au preneur une franchise de loyers jusqu'au 13 septembre 2022 pour lui permettre de faire procéder aux travaux.

Or, le preneur justifie :
avoir effectué des démarches en décembre 2022 pour faire procéder à une vérification complète des installations électriques et sollicité auprès de GRDF un raccordement au gaz ;avoir reçu le 9 janvier 2023 une proposition de M. [O], architecte, pour une mission de conception de travaux d'aménagement ;avoir déposé au service de l'urbanisme une demande d'autorisation de travaux d'aménagement du local en établissement recevant du public de 5e catégorie de type N en date du 13 février 2023,avoir obtenu un avis favorable de la sous-commission départementale pour l'accessibilité des personnes handicapées à la réalisation du projet le 6 avril 2023,d'un échange de courriels du 1er juin 2023 avec d'une part, la direction de l'urbanisme et d'autre part, son architecte M. [O], dont il ressort que des vitrines en façade ont été posées sans déclaration préalable de travaux, avant la prise à bail du local.avoir adressé à la société Romainville 1 un courrier en recommandé le 30 juin 2023, pour l'informer que le local ne peut être exploité, faute de pouvoir réaliser les travaux d'aménagement intérieur, et qu'il lui appartient en tant que bailleur de déposer une demande d'autorisation de travaux relative aux vitres ;s'être vu opposer par le maire de la commune de [Localité 4], en date du 2 juin 2023, un refus d'aménagement des locaux en établissement recevant du public (ERP) de 5e catégorie de type N, aux motifs que :le plan masse du projet ne précise pas le point de regroupement extérieur ;le point de regroupement est localisé dans un parc public qui n'est pas ouvert en permanence et que par ailleurs, il est localisé dans une jardinière ne permettant pas un accès de plain-pied et une mise à l'abri des personnes en situation de handicap.avoir à nouveau déposé une demande d'aménagement en date du 27 novembre 2023, suite à laquelle des pièces complémentaires lui ont été réclamées par le service de l'urbanisme de la mairie.
Il ressort de ces éléments que le moyen tiré d'un éventuel manquement du bailleur à son obligation de délivrance, dont il résulterait pour le preneur une impossibilité d'exploiter le local conformément à sa destination et qui pourrait ainsi avoir une incidence sur le montant des sommes réclamées au titre des loyers, n'apparaît pas immédiatement vain et voué à l'échec.

Dès lors, l'appréciation des obligations respectives des parties ne relève pas de l'évidence, et l'ensemble des demandes se heurte à des contestations sérieuses qui excèdent les pouvoirs du juge des référés et relèvent du juge du fond.

En conséquence, il n'y a pas lieu à référé.

Sur les demandes reconventionnelles

Il résulte de ce qui précède que ces demandes se heurtent, elles aussi, à des contestations sérieuses qui relèvent de l'appréciation du juge du fond.

Il n'y a donc pas lieu à référé.

Sur les demandes accessoires

Chaque partie conservera la charge de ses dépens et de ses frais irrépétibles.


PAR CES MOTIFS

Statuant en référé, par remise au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique, par décision contradictoire et en premier ressort,

Rejetons la demande visant à écarter des débats la pièce n°15 de la société Royal Chicken ;

Disons n'y avoir lieu à référé ;

Rejetons les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Disons que chaque partie conservera la charge de ses dépens ;

Rappelons que la présente décision est exécutoire par provision.

AINSI JUGÉ AU PALAIS DE JUSTICE DE BOBIGNY, LE 02 MAI 2024.


LE GREFFIER
LE PRÉSIDENT

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