30 avril 2024
Cour d'appel de Chambéry
RG n° 23/00880

1ère Chambre

Texte de la décision

MR/SL





COUR D'APPEL de CHAMBÉRY





Chambre civile - Première section



Arrêt du Mardi 30 Avril 2024





N° RG 23/00880 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HIHC



Décision attaquée : Ordonnance du Président du TJ d'ANNECY en date du 05 Juin 2023





Appelantes



S.E.L.A.R.L. [P] & [Z], es qualité de liquidateur judiciaire de la société LA CIBOULETTE, dont le siège social est situé [Adresse 4]



S.A.S.U. LA CIBOULETTE, dont le siège social est situé [Adresse 1]



Représentées par Me Michel FILLARD, avocat postulant au barreau de CHAMBERY

Représentées par Me Christian BROCAS, avocat plaidant au barreau d'ANNECY









Intimée



SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE LES ROMARINS, dont le siège social est situé [Adresse 2]



Représentée par la SELARL BOLLONJEON, avocats postulants au barreau de CHAMBERY

Représentée par la SELARL C2M, avocats plaidants au barreau d'ANNECY







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Date de l'ordonnance de clôture : 15 Janvier 2024



Date des plaidoiries tenues en audience publique : 23 janvier 2024



Date de mise à disposition : 30 avril 2024





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Composition de la cour :



Audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, par Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Mme Myriam REAIDY, Conseillère, avec l'assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,



Et lors du délibéré, par :



- Mme Hélène PIRAT, Présidente,



- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,



- M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller,





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Faits et procédure





Par acte sous seing privé du 30 décembre 2006, la SCI Les Romarins a donné à bail commercial, pour une durée de 9 années, à compter du 1er janvier 2007 à titre de renouvellement d'un bail précédemment consenti à M. [O] [T], aux droits duquel se trouve la société La Ciboulette (Sasu), les locaux à usage commercial dans un ensemble immobilier en copropriété [Adresse 5], sis [Adresse 3]) moyennant la somme annuelle de 36 000 euros HT avec indexation à compter du 1er janvier 2008 sur l'indice national du coût de la construction.



Faisant valoir que la société La Ciboulette a cessé de procéder à tout règlement depuis septembre 2022, la SCI Les Romarins a, par acte d'huissier du 8 février 2023, assigné la société La Ciboulette devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Annecy, notamment aux fins de faire constater l'acquisition des effets de la clause résolutoire et la résiliation du bail commercial.





Par ordonnance du 5 juin 2023, la présidente du tribunal judiciaire d'Annecy a :



- Renvoyé les parties à se pourvoir au fond comme elles en aviseront mais dès à présent par provision ;



- Condamné la société La Ciboulette à payer à la SCI Les Romarins à titre provisionnel les sommes de :

- 9 239,80 euros au titre des loyers de septembre 2022 et octobre 2022,

- 4 273 euros au titre de la taxe foncière 2022,

- 1 296,08 euros au titre des charges locatives de l'année 2021 ;



- Constaté que le bail du 30 décembre 2006 se trouve résilié par l'effet de la clause résolutoire depuis le 31 octobre 2022 ;



- Fixé le montant de l'indemnité d'occupation égale au montant des loyers et des charges prévus au contrat résilié, soit 4 619,90 euros par mois et condamné la société La Ciboulette à payer à la SCI Les Romarins à titre provisionnel cette indemnité d'occupation à compter du 31 octobre 2022 et jusqu'à la libération effective des lieux ;



- Rejeté la demande de délai de paiement de la société La Ciboulette ;



- Condamné la société La Ciboulette à libérer les locaux situés [Adresse 3]), de sa personne, de ses biens et de tout occupant de son chef, dans le mois de la notification de la présente décision ;



- Dit qu'à défaut pour la société La Ciboulette d'avoir libéré les locaux situés [Adresse 3]), de sa personne, de ses biens et de tout occupant de son chef, il sera procédé à leur expulsion avec l'assistance de la force publique, si besoin est ;



- Condamné la SCI Les Romarins à payer à la société La Ciboulette la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;



- Condamné la société La Ciboulette aux dépens ;



- Rejeté toute autre demande.





Au visa principalement des motifs suivants :




La société La Ciboulette n'a pas réglé les causes du commandement du 30 septembre 2022, ni sollicité de délais pour le règlement de cette dette dans le délai imparti.






Par déclaration au greffe du 6 juin 2023, la société La Ciboulette a interjeté appel de la décision en toutes ses dispositions.



Par jugement du 13 juin 2023, le tribunal de commerce d'Annecy a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'endroit de la société La Ciboulette et a désigné la Selarl [P] & [Z] en qualité de mandataire judiciaire.









Prétentions et moyens des parties





Par dernières écritures du 4 octobre 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société La Ciboulette et la Selarl [P] & [Z], ès qualités de mandataire judiciaire intervenante volontaire, sollicitent l'infirmation de la décision et demandent à la cour de :



Statuant à nouveau,



- Déclarer la SCI Les Romarins irrecevable à poursuivre la résolution du bail en date du 30 décembre 2006 passé avec elle, pour défaut de paiement des loyers antérieurs à la date d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ;



- Constater qu'elle est au bénéfice d'un contrat d'assurance multirisque professionnelle auprès de la société Mvra Assurances ;



- Dire n'y avoir lieu à lui octroyer quelque délai que ce soit au titre de l'arriéré des loyers dus antérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ;



- Constater qu'elle s'est acquittée, depuis l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, des sommes dues au titre des loyers échus postérieurement au jugement de redressement judiciaire ;



- Statuer ce que de droit sur l'appel incident de la SCI Les Romarins ;



- Débouter la SCI Les Romarins de l'intégralité de ses plus amples demandes contraires.





Au soutien de leurs prétentions, la société La Ciboulette et la Selarl [P] & [Z] font valoir notamment que :




L'ordonnance du 5 juin 2023 constatant l'acquisition de la clause résolutoire n'a pas acquis force de chose jugée avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, dès lors la résolution du bail ne peut plus être poursuivie pour des loyers antérieurs.










Par dernières écritures du 28 novembre 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la SCI Les Romarins sollicite de la cour de :



- La déclarer recevable et bien fondée en son appel incident ;



- Infirmer la décision déférée en ce qu'elle l'a condamné à payer à la société La Ciboulette la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;



- Condamner la société La Ciboulette à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la procédure de première instance ;



En tout état de cause,



- Condamner la société La Ciboulette à payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la procédure d'appel ;



- Condamner la société La Ciboulette et la Selurl [P] et [Z], ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société La Ciboulette, aux entiers dépens avec distraction pour ceux d'appel au profit de Me Audrey Bollonjeon, avocat, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.





Au soutien de ses prétentions, la SCI Les Romarins fait valoir notamment que :




Elle a déclaré sa créance dans le cadre du redressement judiciaire de la société La Ciboulette tant au titre des dettes échues que des dettes provisionnelles ;





La société La Ciboulette n'a jamais transmis les justificatifs d'assurance dans le délai du commandement, dès lors elle n'a pas respecté les clauses du bail entrainant ainsi la résolution du contrat.






Par assignation du 8 décembre 2023, la SCI les Romarins a appelé en reprise d'instance, signification d'acte d'appel et de conclusions la selarl [P] et [Z], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Ciboulette, placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce du 30 octobre 2023 du tribunal de commerce d'Annecy.



Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.




Une ordonnance en date du 15 janvier 2024 a clôturé l'instruction de la procédure. L'affaire a été plaidée à l'audience du 23 janvier 2024.










MOTIFS ET DECISION





I- Sur la situation procédurale





L'article 369 du code de procédure civile dispose 'l'instance est interrompue par :

- la majorité d'une partie ;

- la cessation des fonctions de l'avocat lorsque la représentation est obligatoire ;

- l'effet du jugement qui prononce la sauvegarde, le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur ; (...)'



La liquidation judiciaire ayant interrompu l'instance est survenue le 20 octobre 2023, et par assignation du 8 décembre 2023, la société [P] et [Z], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société la Ciboulette, a été mise en cause, étant précisé qu'une déclaration de créance avait été préalablement réalisée au passif du redressement judiciaire de ladite société par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 juillet 2022. La procédure peut donc être valablement poursuivie, étant précisé toutefois que les conclusions déposées par l'appelante représentée par son mandataire judiciaire n'ayant pas été réitérées par l'intermédiaire de son nouveau représentant légal, devenu liquidateur judiciaire, ne sont pas soutenues.







II- Sur la clause résolutoire





L'article L622-21 du code de commerce prévoit que 'le jugement d'ouverture

interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L622-17 et tendant :

1° à la condamnation au débiteur au paiement d'une somme d'argent ;

2° à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.'



Restent néanmoins possibles les actions en constatation de la clause résolutoire pour le non respect d'autres obligations comme le défaut d'assurance.



Par l'intermédiaire d'un commandement de payer du 30 septembre 2022, la société la Ciboulette a été mise en demeure par son bailleur, la société les Romarins de payer la somme de 5 915,98 euros de loyers impayés à la date du 13 septembre 2022 et de justifier de la souscription d'une assurance contre les risques locatifs. Le bail commercial conclu entre les parties comportait bien en son article 9- sanction des obligations 2- résiliation une clause résolutoire permettant au bailleur de mettre fin au bail en cas de manquement du locataire à ses obligations, manquement non régularisé dans le délai d'un mois.



L'action en constat de la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers n'est plus recevable, la présente juridiction devant se limiter à fixer l'arriéré de loyer au passif de la liquidation judiciaire. Il résulte toutefois du dossier que la société la Ciboulette n'a pas justifié dans le délai d'un mois du respect de son obligation d'assurance contre les risques locatifs, de sorte qu'il conviendra de prononcer la résiliation du bail suite au défaut de justification de l'existence d'une assurance locative dans le délai d'un mois après mise en oeuvre de la clause résolutoire. Les condamnations au paiement de l'arriéré locatif et au paiement d'indemnités d'occupation seront transformées en fixation desdites sommes au passif de la société la Ciboulette.







III- Sur les demandes accessoires





Il y a lieu de faire droit à l'appel incident de la société les Romarins, dans la mesure où le jugement de première instance est entaché d'une erreur manifeste portant sur les condamnations aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile, une inversion ayant eu lieu entre les noms des deux sociétés en litige.



La société la Ciboulette supportera les dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'une indemnité procédurale au bénéfice de l'intimée qu'il convient de fixer de façon globale à la somme de 2000 euros, en cause d'appel et en première instance, la créance de dépens et de frais irrépétibles concernant une action utile à la procédure collective.







PAR CES MOTIFS,





La cour, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,



Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions sauf :

- en ce qu'elle a condamné la société la Ciboulette à payer des sommes,

- en ce qu'elle a condamné la société les Romarins à prendre en charge les dépens et à payer des sommes à la société la Ciboulette sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,



Statuant à nouveau et y ajoutant,



Fixe les créances de la société les Romarins à la procédure collective de la société la Ciboulette comme suit :

- 9 239,80 euros au titre des loyers de septembre 2022 et octobre 2022,

- 4 273 euros au titre de la taxe foncière 2022,

- 1 296,08 euros au titre des charges locatives de l'année 2021,



Fixe à titre provisionnel le montant de l'indemnité d'occupation égale au montant des loyers et des charges prévus au contrat résilié, soit 4 619,90 euros par mois dû par la société La Ciboulette à la SCI Les Romarins à compter du 31 octobre 2022 et jusqu'à la libération effective des lieux,



Condamne la société la Ciboulette aux dépens de première instance et d'appel,



Condamne la société la Ciboulette à payer à la société les Romarins la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la première instance et de l'appel.





Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,



et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.





Le Greffier, La Présidente,



















Copie délivrée le 30 avril 2024

à

Me Michel FILLARD

la SELARL BOLLONJEON











Copie exécutoire délivrée le 30 avril 2024

à

la SELARL BOLLONJEON

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