29 avril 2024
Cour d'appel de Versailles
RG n° 21/00458

Chambre sociale 4-3

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



Chambre sociale 4-3



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 29 AVRIL 2024



N° RG 21/00458 -

N° Portalis DBV3-V-B7F-UKAV



AFFAIRE :



[D] [P]



C/



S.A.S. ZTE FRANCE SASU









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Janvier 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

N° Section : E

N° RG : 18/01347



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Aurélien WULVERYCK de la AARPI OMNES AVOCATS



Me Soazig PRÉTESEILLE-TAILLARDAT de la AARPI STEPHENSON HARWOOD







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT NEUF AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



Monsieur [D] [P]

né le 18 Septembre 2018 à VIETNAM

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentant : Me Aurélien WULVERYCK de l'AARPI OMNES AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J091



APPELANT



****************





S.A.S. ZTE FRANCE SASU

N° SIRET : 502 189 269

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentant : Me Soazig PRÉTESEILLE-TAILLARDAT de l'AARPI STEPHENSON HARWOOD, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0161



INTIMEE





****************







Composition de la cour :



En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseiller chargé du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Madame Laurence SINQUIN, Président,

Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseiller,

Madame Michèle LAURET, Conseiller,



Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,








FAITS ET PROCÉDURE



La société ZTE France est spécialisée dans le domaine des télécommunications, notamment des équipements télécoms et de solutions réseaux.



M. [P] a été engagé par la société ZTE France, en qualité de directeur de vente technique par contrat à durée indéterminée en date du 1er juillet 2011 sous le statut de cadre. Il était soumis à une convention de forfait et percevait une rémunération annuelle brute de 75'000 euros. Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective du commerce de gros de matériels électriques et électroniques.



Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 septembre 2018, la société ZTE France a convoqué M. [P] à un entretien préalable à un licenciement, qui s'est tenu le 18 septembre 2018.



Par lettre recommandé avec accusé de réception en date du 25 septembre 2018, la société ZTE France a notifié à M. [P] son licenciement pour faute grave en ces termes':



«'Monsieur,



(') nous sommes contraints, après réflexion, de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave.



Nous vous rappelons ci-après les motifs qui nous conduisent à prononcer votre licenciement.



Vous avez été engagé par ZTE France SASU (la « Société ») en qualité de Directeur de Vente Technique au sein du bureau FT MTO (France Telecom Multinational Telecom Operators) à compter du 1 juillet 2011. A ce titre, vos fonctions consistaient principalement en la gestion des offres et des relations techniques avec le client pour les lignes de produits Wireline, à participer aux évaluations des offres et à la préparation des parties techniques des offres, à fournir un support technique à l'équipe commerciale, réaliser les présentations auprès des clients, manager les réponses techniques, identifier les besoins des clients et communiquer avec les lignes de produits, proposer l'offre de solution la plus adaptée aux clients.



Nous avons constaté des anomalies dans vos notes de frais sur la période allant de janvier à août 2018 qui nous ont amené à faire de plus grandes investigations.



Ainsi, nous avons tout d'abord été surpris du nombre de repas concernés puisque vous avez soumis 119 notes de frais pour des prétendus déjeuner ou dîners clients sur cette période. Mais surtout, sur ces 119 repas de restaurants, 67 ont eu lieu à [Localité 7] près de votre domicile, - alors que vous travaillez à [Localité 5] et que vos clients sont essentiellement basés dans l'Ouest [Localité 6] -, dont 38 durant les week-ends (Samedi et Dimanche). Au total 53 repas ont été pris le samedi ou le dimanche et 12 repas durant les jours fériés, (y compris le 14 juillet et le 15 août) et vos congés.



Vos demandes de remboursement de notes de frais s'élèvent ainsi à un montant total de 7873 euros, ce qui est un montant colossal.

Etant donné le nombre, le caractère inhabituel de ces repas se tenant en partie le week-end et des jours fériés et principalement à proximité de votre lieu d'habitation, nous vous avons demandé des explications, notamment lors de l'entretien préalable. Nous vous avons demandé de nous fournir les noms de clients avec qui vous auriez eu ces repas afin notamment de pouvoir procéder à une vérification par la suite.



Lors de votre entretien, vous nous avez indiqué avoir recensé 23 clients avec qui vous auriez pris ces 119 repas durant cette période. Cependant vous avez refusé de donner leur nom ou la société où ils travaillent prétendant que vous auriez passé un contrat moral avec ces clients ne vous permettant pas de donner leurs noms pour des raisons de confidentialité. Vous avez prétexté que ces derniers ne souhaitaient pas être vus avec ZTE et c'est la raison pour laquelle vous les auriez rencontrés près de chez vous, tard le soir ou le week-end, alors qu'ils habitent et travaillent majoritairement dans l'Ouest de [Localité 6]. Vous nous avez indiqué également que comme vos clients sont vos amis, c'est la raison pour laquelle il y aurait des repas durant vos congés et les jours fériés du 14 juillet et du 15 août.



Nous vous avons répondu que votre explication semblait peu plausible et que nous ne comprenions pas pourquoi puisque vous prétendez avoir agi pour le compte de ZTE, vous ne pouviez pas fournir les noms de ces clients à votre employeur. La confidentialité à l'égard de ses propres clients ne peut pas être opposée à ZTE.



Vous avez maintenu votre refus de répondre à notre demande de nous fournir les noms de vos clients invités à ces repas.



Toutefois, nous vous avons laissé 48 heures pour que vous puissiez réfléchir et nous fournir les noms des clients invités correspondants à ces notes de frais pour repas. Or, en date du 20 septembre, vous nous avez soumis un seul nom d'un client invité pour huit repas sans pouvoir justifier des 111 repas restants.



Lors de l'entretien, vous avez en outre mentionné que suite à votre formation pour savoir comment remplir le LCM en septembre 2017, vous étiez conscient que cet outil ne permettait pas d'inviter un même client plus d'une fois par semestre. Vous connaissiez donc parfaitement les règles relatives au remboursement de notes de frais au sein de l'entreprise.



En outre, à plusieurs reprises, vous avez déclaré que vous étiez présent au bureau alors que vous demandez en même temps le remboursement d'une note de frais pour un « repas client ». Vous avez ainsi bénéficié de tickets restaurant, alors que dans la mesure où vous déjeunez avec des clients, comme vous le savez pertinemment, vous n'y avez pas droit. Vous avez ainsi fraudé la Société par une déclaration mensongère, pour bénéficier d'un double avantage : les tickets restaurants ainsi que le remboursement de notes de frais, ce qui n'est pas conforme à nos règles internes. Ceci constitue une nouvelle fraude à la société.



Par conséquent, nous sommes au regret de constater que vous avez délibérément fraudé la Société. Un tel comportement ne saurait être toléré au sein de notre entreprise.



Vous êtes tenu à une obligation de loyauté à l'égard de votre employeur, inhérente à votre contrat de travail, conformément à l'article L. 1222-1 du Code du travail. Vos agissements constituent indéniablement une violation de cette obligation qui exclut bien entendu tout comportement moralement et même pénalement répréhensible et contraire aux intérêts de l'entreprise.



Ceci est d'autant plus condamnable que l'attention de tous les salariés a été attirée sur l'importance du respect de l'éthique au sein de l'entreprise et sur la nécessité pour chaque employé d'avoir un comportement exemplaire. Vous avez eu connaissance et même accepté les règles figurant dans le «'Code de conduite et procédure de lutte contre la corruption et le trafic d'influence » en vigueur au sein de la Société depuis le 30 mars 2017.



Vous avez en outre suivi de nombreuses formations tant en e-learning qu'en présentiel, qui vous ont particulièrement alerté sur les règles de bonne conduite et la nécessité d'avoir un comportement exemplaire.



Un tel comportement frauduleux et déloyal peut donc d'autant moins être toléré.



Votre attitude démontrant une intention de frauder délibérément l'entreprise constitue une faute grave qui remet en cause toute confiance nécessaire à la bonne exécution de votre contrat de travail et rend impossible votre maintien dans l'entreprise.



Votre licenciement prend donc effet immédiatement dès réception de la présente, sans préavis.

(...)

Nous vous rappelons que vous êtes tenu à une obligation de discrétion et de confidentialité, qui s'applique après la rupture de votre contrat de travail. Cet engagement vous oblige à observer le secret le plus absolu et donc à ne pas divulguer ou utiliser tout ce qui est considéré comme confidentiel.



Les fichiers et informations clients sont la propriété exclusive de la Société. Tous les secrets de fabrication ou renseignements financiers, techniques ou commerciaux, les renseignements relatifs aux salaires et traitements, les spécifications, les rapports ou tous autres renseignements de telle nature, se rapportant directement ou indirectement à la Société, à une quelconque entreprise affiliée à la Société, ou client, fournisseur ou prospect, dont vous avez eu connaissance dans l'exercice de votre emploi, sont et demeurent strictement confidentiels. (...)».



Par requête introductive en date du 31 octobre 2018, M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt d'une demande tendant à déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse.



Par jugement du 28 janvier 2021, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt a :



- rappelé qu'il a été procédé à la jonction des instances RG 18/1365 et RG 18/1347,

- jugé que le licenciement intervenu pour faute grave de M. [P] est justifié,

- jugé que le licenciement n'est pas vexatoire

- fixé le salaire de référence de M. [P] à 7 845,71 euros bruts

- condamné M. [P] aux dépens éventuels de l'instance

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires

M. [P] a interjeté appel de ce jugement par déclaration d'appel au greffe du 14 février 2021.



Par ordonnance d'incident du 19 septembre 2022, le conseiller de la mise en état a':

- dit irrecevables les conclusions d'intimée et d'appel incident de la société ZTE France,

- dit qu'il n'appartient pas au conseiller de la mise en état de dire que la cour devra juger en tenant compte des conclusions et pièces communiquées par la société ZTE France en première instance,

- rejeté toute autre demande,

- condamné la société ZTE France aux dépens et au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



Par arrêt du 11 octobre 2023, la cour d'appel de Versailles, saisie sur déférée, a confirmé l'ordonnance du conseiller de la mise en état en toutes ses dispositions et, y ajoutant, a condamné la société ZTE France aux dépens outre à verser à M. [P] une indemnité de 500 euros au titre des frais irrépétibles engagés en déféré.



La clôture de l'instruction a été prononcée le 31 janvier 2024.



MOYENS ET PRÉTENTIONS



Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 30 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé complet des moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [P] demande à la cour de':



- juger que le licenciement de Monsieur [P] est sans cause réelle ni sérieuse,

en conséquence,

- infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de BOULOGNE- BILLANCOURT en ce qu'il a débouté Monsieur [P] de toutes ses demandes et le réformant condamner la Société ZTE aux sommes suivantes :

* remboursement de frais de septembre 2018 : 968,30 euros

* indemnité compensatrice de préavis : 23'537,13 euros bruts

* congés payés : 2.353,71 euros bruts

* indemnité légale de licenciement : 13.729,99 euros

* dommages et intérêts pour circonstances vexatoires du licenciement : 30.000 euros

* indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse : 55.000 euros

* article 700 du code de procédure civile : 3.000 euros

° ordonner la remise d'un bulletin de paie et d'une attestation Pôle Emploi conformes sous astreinte de 100 euros par document et par jour de retard,

° débouter la Société de ses demandes reconventionnelles,

° laisser les dépens à la charge de la partie défenderesse.




MOTIFS



Sur la procédure



En application de l'article 954, dernier alinéa, du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.



Les conclusions de la société ZTE France ayant été déclarées irrecevables, il convient de faire application des dispositions de l'article 954.



Sur le licenciement verbal



M. [P] invoque l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement au motif de l'existence d'un licenciement verbal en se fondant sur le formulaire de sortie qui mentionne qu'il est sorti des effectifs de la société le 26 septembre 2018, soit avant la notification du licenciement qui a été faite le 27 septembre 2018.



Les premiers juges, après avoir énoncé que la rupture du contrat de travail pour faute grave produit effet à la date d'envoi du courrier de notification du licenciement, ont retenu que le licenciement de M. [P] prenait effet au 25 septembre 2018, et que la mention figurant sur la lettre de licenciement selon laquelle le licenciement prenait effet à sa date de réception n'entachait pas la volonté claire et non-équivoque de la société ZTE de procéder à la rupture pour faute grave du contrat dès le 25 septembre 2018.



Au vu de ces motifs pertinents exposés par le conseil de prud'hommes, qu'il convient d'adopter, la cour ajoute que M. [P] n'établit pas la preuve du licenciement verbal, puisque le document de sortie des effectifs produit aux débats ne permet pas à lui seul de retenir une date distincte de la date d'envoi de la lettre de notification du licenciement.



Il convient donc de débouter M. [P] de sa demande de ce chef, par voie de confirmation du jugement entrepris.



Sur la faute grave



M. [P], qui souligne que la société lui reproche de s'être fait rembourser de façon abusive des frais professionnels à hauteur de 9.390, 93 euros pour les années 2016 et 2017, et 5.808 euros pour l'année 2018, conclut à la prescription des faits reprochés d'une part, et à l'absence de commission de fait fautif d'autre part, de sorte qu'il en déduit que son licenciement est abusif.



Sur la prescription



Dans sa décision, le conseil de prud'hommes a retenu, au visa des dispositions de l'article L. 1332-4 du Code du travail selon lesquelles aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement des poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, que les faits invoqués par l'employeur aux termes de la lettre de licenciement de janvier à août 2018 n'étaient pas prescrits.



Les premiers juges ont souligné que le délai de prescription court à compter du jour où l'employeur a eu connaissance des faits fautifs allégués et échoit deux mois plus tard, que la prescription s'acquiert mois par mois et que les frais querellés sont assemblés au sein d'une note de frais, non datée, d'un montant total de 968,30 euros, faisant état des dates de facturation suivantes, par ordre d'apparition dans le document (pièce 10 de la défenderesse) 21 juillet 2018 (99,50 euros), 27 juillet 2018 (217 euros), 15 août 2018 (53,10 euros), 11 juillet 2018 (139,20 euros), 7juillet 2018 (87,50 euros), 31 août 2.018 (54 euros), 28 juillet 2018 (62,40 euros), 15 août 201 8 (61,50 euros) et le 1er août 2018 (194,10 euros).



Ils ont ensuite indiqué que bien que la note de frais ne soit pas datée, il est manifeste que la société ZTE France ne pouvait avoir connaissance de ce document de synthèse préalablement à la date d'établissement de la plus ancienne des factures recensées dans ce document, soit le 31 août 2018 (facture établie par la société Sushi Sei, à [Localité 7], le 31 août 2018, pour 54 euros).



Les juges de première instance en ont déduit que l'action disciplinaire de la société ayant été engagée à la date de l'envoi du courrier de convocation à un entretien préalable le 7 septembre 2018, la société ZTE était recevable à engager une action disciplinaire fondée sur tout fait afférent à la période calendaire courant du 8 juillet 2018 au 7 septembre 2018. Le conseil a ajouté que la note de frais critiquée ayant été connue par la société ZTE FRANCE SASU au cours de la période susvisée, elle pouvait valablement fonder une action disciplinaire.



Le conseil a enfin relevé qu'au soutien de sa mesure disciplinaire de licenciement, il était loisible à la société ZTE d'invoquer des faits antérieurs au délai de prescription de deux mois s'ils procèdent du même objet que ceux fondant l'action disciplinaire engagée le 7 septembre 2018.

La cour retient que c'est par des motifs pertinents qu'il convient d'adopter, non utilement critiqués en cause d'appel par M. [P], que le conseil de prud'hommes a jugé non-prescrits les faits invoqués aux termes de la lettre de licenciement par la société ZTE France. Il convient donc de confirmer le jugement de ce chef.



Sur le fond



Au soutien de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement, M. [P] indique que la société ZTE n'établit pas la preuve d'une faute grave tenant à l'engagement de frais de nature non professionnelle.



Il souligne à ce titre qu'il n'existe aucune procédure spécifique de remboursement de frais professionnels mise en 'uvre par la société, qu'il n'a jamais reçu de consigne ni d'avertissement sur ce point, que ses notes de frais ont toujours été validées, et qu'il devait mentionner le noms des clients sur l'outil informatique utilisé pour solliciter le remboursement de ses frais, de sorte que l'employeur ne peut lui reprocher de ne pas en avoir justifié.



M. [P] précise que si l'employeur lui reproche d'avoir pris des repas à [Localité 7] près de son domicile et non dans l'ouest [Localité 6] près du siège de ZTE, ce choix est justifié par l'embargo américain sur les produits commercialisés par la société ZTE France, qui empêchaient les clients d'être vus avec les salariés de cette société et de se rendre au sein des locaux de celle-ci.



Le salarié ajoute concernant les frais de repas les week-end et jours fériés qu'aucune procédure n'interdit le remboursement de repas professionnels engagés sur ces périodes, qu'il était directeur au sein de l'entreprise et que les repas pris pendant les vacances'ont été pris à l'aéroport alors qu'il se trouvait sur le sol français.



****



Il résulte de l'article L.1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.



Le motif inhérent à la personne du salarié doit reposer sur des faits objectifs, matériellement vérifiables et qui lui sont imputables.



L'article L.1235-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.



Enfin, la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et qui justifie la rupture immédiate de son contrat de travail, sans préavis. La charge de la preuve pèse sur l'employeur.



En l'espèce, les premiers juges ont retenu l'existence d'une faute grave imputable au salarié tenant à la violation de son obligation de loyauté à l'égard de son employeur. A ce titre, ils ont considéré que M. [P] avait délibérément engagé des dépenses de nature non professionnelle à son profit pendant près de deux ans et en particulier sur la période comprise de juillet à août 2018 pour des sommes conséquentes exposées durant les week-ends et jours fériés, mais également durant ses congés du 2 au 31 août 2018. Le conseil, qui a précisément détaillé les frais exposés sur cette période en se fondant sur les factures produites aux débats et le compte-rendu de l'entretien préalable rédigé par un délégué du personnel et signé par M. [P], a souligné que le salarié ne pouvait alléguer la confidentialité afin de refuser de justifier auprès de son employeur du nom des clients avec lesquels il avait partagé des repas sur ces périodes, ni expliquer les dépenses exposés durant ses congés par le fait qu'il avait vu ces clients à ces dates et que ceux-ci étaient également ses amis.



Il apparaît que les premiers juges, à la faveur d'une exacte appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits, non utilement critiqués en cause d'appel, sans inverser la charge de la preuve, et suivant des motifs pertinents qu'il convient d'adopter en cause d'appel, ont à bon droit retenu l'existence d'une faute grave justifiant le licenciement de M. [P].



Il suffit d'ajouter que les pièces produites aux débats par M. [P] ne permettent pas d'établir comme il le soutient que l'employeur disposait des noms des clients afin de justifier que les frais exposés durant les week-ends, les jours fériés et les congés revêtaient bien une nature professionnelle, tandis que l'allégation d'un embargo s'appliquant aux produits de la société ZTE France n'est pas de nature à expliquer les raisons pour lesquelles le salarié a refusé de répondre sur ce point à son employeur durant l'entretien préalable.



La cour retient en définitive que le licenciement de M. [P] est justifié par une faute grave, de sorte qu'il convient, par voie de confirmation de la décision entreprise, de rejeter l'ensemble des demandes formulées par le salarié au titre de la liquidation de ses préjudices afférents au licenciement sans cause réelle et sérieuse (dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents et indemnité légale de licenciement), ainsi qu'au titre de la remise des documents de fin de contrat.





Sur le remboursement de frais



M. [P] sollicite le remboursement de 968,30 euros de notes de frais au titre du mois de septembre 2018, que son employeur a refusé de rembourser.



La demande présentée n'est cependant pas fondée, puisque la cour a retenu que les frais exposés n'entraient pas dans le cadre de ses activités professionnelles.



Il convient donc, par voie de confirmation du jugement entrepris, de débouter M. [P] de sa demande de remboursement de frais.



Sur les dommages et intérêts pour circonstances vexatoires du licenciement



M. [P] sollicite 30 000 euros de dommages-intérêts pour circonstances vexatoires du licenciement, en soulignant qu'outre que le motif est infamant, il a dû quitter l'entreprise du jour au lendemain comme s'il avait volé son employeur, et a été convoqué à l'entretien préalable de licenciement le jour de ses 40 ans.



Le conseil des prud'hommes a débouté le salarié de sa demande à ce titre, en relevant que M. [P] ne justifiait pas du caractère vexatoire de la procédure disciplinaire, et il a précisé que la circonstance que le salarié ait été convoqué à un entretien préalable le jour de ses 40 ans ne révèle aucun manquement dont serait responsable la société ZTE, la convocation étant respectueuse des dispositions légales applicables.



Il résulte de l'article 1240 du code civil que, même lorsqu'il est prononcé en raison d'une faute grave, le licenciement peut causer au salarié, en raison des circonstances vexatoires qui l'ont accompagné, un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi et dont il est fondé à demander réparation (Soc 4 octobre 2023, N°21-20.889).



En application de cette jurisprudence, le salarié qui argue des circonstances vexatoires ayant accompagné la rupture et justifie d'un préjudice distinct de la perte de son emploi peut en demander réparation, y compris lorsque le licenciement repose sur une cause réelle sérieuse ou une faute grave.

Néanmoins, en l'espèce, M. [P], à qui incombe la charge de la preuve, ne justifie pas de circonstances vexatoires ayant accompagné la rupture de son contrat de travail, ni d'un préjudice afférent. En conséquence, il sera débouté de sa demande de dommages-intérêts, par voie de confirmation du jugement entrepris.



Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile



M. [P], qui succombe, sera condamné aux dépens de première instance, par voie de confirmation, et de ceux exposés en cause d'appel.



Il sera par suite débouté de ses demandes au titre des frais irrépétibles.







PAR CES MOTIFS :



La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :



Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt du 28 janvier 2021 en la totalité de ses dispositions,



Y ajoutant,



Déboute M. [P] de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne M. [P] aux dépens en cause d'appel.





- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Madame Laurence SINQUIN, Président et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





Le Greffier, Le Président,

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.