29 avril 2024
Cour d'appel de Montpellier
RG n° 24/00313

Rétentions

Texte de la décision

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

N° RG 24/00313 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QHGP



O R D O N N A N C E N° 2024 - 321

du 29 Avril 2024

SUR LE CONTROLE DE LA REGULARITE D'UNE DECISION DE PLACEMENT EN RETENTION ET SUR LA PROLONGATION D'UNE MESURE DE RETENTION ADMINISTRATIVE

ET

SUR REQUÊTE DE L'ETRANGER EN CONTESTATION DU PLACEMENT EN RETENTION ADMINISTRATIVE



dans l'affaire entre,



D'UNE PART :



Monsieur X se disant [L] [U]

né le 12 Septembre 1996 à [Localité 2] (MAROC)

de nationalité Marocaine



retenu au centre de rétention de [Localité 3] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,



Comparant et assisté par Maître Zoé LAFONT, avocat commis d'office



Appelant,



et en présence de [V] [T], interprète assermenté en langue arabe



D'AUTRE PART :



1°) MONSIEUR LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représenté par Monsieur [J] [P] dûment habilité,



2°) MINISTERE PUBLIC



Non représenté









Nous, Sylvie BOGE conseiller à la cour d'appel de Montpellier, délégué par ordonnance de Monsieur le premier président, plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Alexandra LLINARES, greffier,






EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE



Vu les dispositions des articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;



Vu l'arrêté du 3 février 2024 de MONSIEUR LE PREFET DE SEINE SAINT DENIS portant obligation de quitter le territoire national sans délai avec interdiction de retour d'un an pris à l'encontre de Monsieur X se disant [L] [U] ;



Vu la décision de placement en rétention administrative du 24 avril 2024 de Monsieur X se disant [L] [U] pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;



Vu la requête de Monsieur X se disant [L] [U] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative en date du 25 avril 2024 ;



Vu la requête de MONSIEUR LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES en date du 25 avril 2024 tendant à la prolongation de la rétention de Monsieur X se disant [L] [U] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée vingt-huit jours ;



Vu l'ordonnance du 26 Avril 2024 à 14 h 42 notifiée le même jour à la même heure, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Perpignan qui a :

- rejeté la requête en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative formée par Monsieur X se disant [L] [U],

- ordonné la prolongation de la rétention administrative de Monsieur X se disant [L] [U] ,



Vu la déclaration d'appel faite le 26 Avril 2024 par Monsieur X se disant [L] [U] du centre de rétention administrative de [Localité 3], transmise au greffe de la cour d'appel de Montpellier le même jour à 16 h 51,



Vu l'appel téléphonique du 26 Avril 2024 à la coordination pénale afin de désignation d'un avocat commis d'office pour l'audience de 29 Avril 2024 à 09 H 45



Vu les courriels adressés le 26 Avril 2024 à MONSIEUR LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES, à l'intéressé, à son conseil et au Ministère Public les informant que l'audience sera tenue le 29 Avril 2024 à 09 H 45,









L'avocat et l'appelant, qui ont pu préalablement prendre connaissance de la procédure, se sont entretenus, librement, dans le box dédié de l'accueil de la cour d'appel de Montpellier, les portes de la salle étant fermées pour assurer la confidentialité de l'entretien, en la seule présence de l'interprète , et ce, sur le temps de l'audience fixée, avec l'accord du délégué du premier président de la cour d'appel de Montpellier



L'audience publique initialement fixée à 09 H 45 a commencé à 10 h 59.





PRÉTENTIONS DES PARTIES



Assisté de Nabila BOUKHROUFA, interprète, Monsieur X se disant [L] [U] confirme son identité telle que mentionnée dans l'ordonnance entreprise et déclare sur transcription du greffier à l'audience : 'Je m'appelle [L] [U], je suis né le 12 Septembre 1996 à [Localité 2] (MAROC). Je n'ai pas de passeport, j'ai seulement la photo d'un ancien passeport qui n'est plus valide depuis 2016. Je ne vis pas en France, je n'ai pas d'adresse en France.'



L'avocat, Me Zoé LAFONT développe les moyens de l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé le maintien en rétention de l'étranger.

- avis tardif au procureur de la République du placement en rétention. Placement le 23/04 à 16 h 30, notification des droits à 17 h 10, avis à 17 h 20. La gare et le commissariat sont à quelques minutes de voiture, le délai de 50 minutes est excessif.

- erreur de motivation de l'ordonnance de prolongation : le JLD a indiqué que le moyen concernant la menace à l'ordre public devait être écarté mais n'a pas mis fin à la rétention de Monsieur.

- absence de prise en compte de la vulnérabilité : Monsieur est venu en France pour se faire soigner de kystes au cou ; il n'en a pas eu le temps, l'OQTF ayant été prononcée. Absence de formulaire de vulnérabilité au dossier, ses problèmes de santé n'ont pas été examinés et on ignore si la rétention est compatible avec son état de santé.

- s'en rapporte sur la demande d'assignation à résidence de la DA.



Monsieur le représentant, de MONSIEUR LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES, demande la confirmation de l'ordonnance déférée.

-sur l'avis tardif au parquet : avant d'aviser le parquet, l'identité précise de Monsieur devait être recueillie en présence d'un interprète, par visio conférence. Il a fallu aux policiers le temps de faire le trajet de la gare au commissariat à une heure d'afluence. 50 minutes n'étaient donc pas un temps exagéré.

- l'arrêté de placement en rétention est motivé par la soustraction à la mesure et à l'absence de garanties de représentation. L'OQTF vise la menace à l'ordre public et n'est pas contesté.

- sur la vulnérabilité : lors de son audition, Monsieur a indiqué n'avoir aucun souci de santé

- absence de garanties de représentation : assignation à résidence impossible.







Assisté de Nabila BOUKHROUFA, interprète, Monsieur X se disant [L] [U] a eu la parole en dernier et et a déclaré sur transcription du greffier à l'audience : 'je souhaiterais quitter le territoire français pour me faire soigner en Belgique, chez ma soeur, elle va m'aider pour que je puisse régulariser ma situation. J'ai des kystes, je ne les avais pas quand j'étais au Maroc.'



Le conseiller indique que l'affaire est mise en délibéré et que la décision sera notifiée par les soins du Directeur du centre de rétention de [Localité 3] avec l'assistance d'un interprète en langue arabe à la demande de l'étranger retenu.






SUR QUOI



Sur la recevabilité de l'appel



Le 26 Avril 2024, à 16 h 51, Monsieur X se disant [L] [U] a formalisé appel motivé de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de [Localité 3] du 26 Avril 2024 notifiée à 14 h 42, soit dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance querellée, qu'ainsi l'appel est recevable en application des articles R 743-10 et R743-11 du CESEDA.



Sur l'appel



Sur le moyen de nullité tiré de l'avis tardif au Parquet de la retenue



L'article L. 813-4 du CESEDA dispose que "le procureur de la République est informé dès le début de la retenue".



Le conseil de l'intéressé soutient que la procédure est irrégulière en ce que, placé en retenue le 23 avril 2024 à 16h30, le procureur de la République localement compétent n'a été informé de la mesure que le 23 avril 2024 à 17h20, soit plus de 50 minutes après le début de la mesure.



En l'espèce, M. X se disant [L] [U] a fait l'objet d'un contrôle puis a été placé en retenue, étant précisé que, selon le procès-verbal de notification des droits et de déroulement de la mesure, celle-ci a débuté le 23 avril 2024 à 16 heures 30. L'enquêteur a préalablement requis un interprète en langue arabe avant de recueillir des éléments d'identité de l'intéressé, préalable nécessaire à l'avis au ministère public.



Le procureur de la République a été informé de cette mesure de retenue le même jour à 17h20, dès la fin de la notification à l'intéressé de la mesure et des droits afférents avec un recours à un interprète. Au vu de ces éléments, cet avis n'apparaît donc pas tardif.



Le moyen de nullité sera donc rejeté.











Sur la contestation de la décision du premier juge pour erreur de motivation



M. X se disant [L] [U] soutient que le premier juge a rejeté le moyen concernant la menace à l'ordre public sans pour autant ordonner sa remise en liberté et que l'ordonnance est dès lors manifestement entachée d'une erreur de motivation et de droit.



Le premier juge a relevé à juste titre qu'il ne s'agit pas du seul motif retenu par l'administration pour justifier la mesure de rétention administrative prise à l'encontre de M. X se disant [L] [U]. En effet, il retient qu'il existe un risque de soustraction à la mesure d'éloignement, au motif que l'intéressé est dépourvu de document d'identité ou de voyage en cours de validité à l'exception d'une copie d'un passeport, n'a pas exécuté I'arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai pris le 3 fevrier 2024 par M. LE PREFET D SEINE-SAINT-DENIS dont il a eu notification le même jour, n'a pas justifié d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation préalablement à la décision de placement en rétention administrative, se déclarant sans domicile fixe, et a explicitement déclaré qu'il s'opposerait à son éloignement à destination du Maroc.



Il convient dès lors de rejeter ce moyen.



Sur la contestation de l'arrêté de placement en rétention



ll résulte des articles L. 741-1 et L. 731-1 du CESEDA, tels que modifiés par la loi n°2024~42 du 26 janvier 2024, que l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de 48 heures, l'étranger qui fait l`objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé, lorsqu'iI ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécuticn de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision, étant précisé que le risque de soustraction est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente.



L'arrêté doit expliciter la raison ou les raisons pour lesquelles la personne a été placée en rétention au regard d'éléments factuels pertinents liés à la situation individuelle et personnelle de l'intéressé et ce, au jour où l'autorité administrative prend sa décision, sans avoir à relater avec exhaustivité l'intégralité des allégations de la personne concernée.



En l'espèce, le conseil de Monsieur X se disant [L] [U] soutient que le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation concernant sa situation de vulnérabilité et ses garanties de représentation.













Sur le moyen pris du défaut d'examen sérieux et de l'insuffisance de motivation au titre dela situation de vulnérabilité du retenu



M. X se disant [L] [U] fait grief a l'administration de n'avoir pas procédé à un examen sérieux de sa situation de vulnérabilité et d'avoir insuffisamment motivé sa décision sur ce point.Il soutient avoir indiqué souffrir de plusieurs problèmes de santé dont notamment des kystes au cou pour lesquels il est venu se faire soigner en France. Il reproche encore à l'administration de ne pas avoir "procédé aux vérifications nécessaires de mes déclarations concernant mes problèmes de santé".



C'est par des motifs pertinents qu'il convient d'adopter que le premier juge a relevé que lors de son audition en date du 23 avril 2024 par les services de la SPEFT de Cerbère (procès-verbal n°60392/000738/2024), M. X se disant [L] [U] a été interrogé sur un éventuel état de vulnérabilité ou de handicap et a répondu : 'non, je n'ai pas de soucis'. A la question: 'avez-vous d'autres éléments sur votre situation personnelle à porter à la connaissance de l'autorité préfectorale '', il a répondu négativement. Il a par ailleurs effectivement indiqué ce qui suit : 'je suis venu en Europe pour travailler puis en France pour me faire enlever des kystes'. Il ne se déduit cependant pas de ses déclarations une situation de vulnérabilité, alors même que l'intéressé n'a fourni aucune indication précise ou justificatif médical relatif aux kystes qu'il a pu évoquer et qu' après notifiocation de son droit d'être examiné par un médecin pendant la mesure de retenue, il n'a pas souhaité d'examen médical. Seul M. X se disant [L] [U] peut fournir au service d'enquête ou à l'administration les éléments médicaux le concernant et l'administration ne pouvait procéder à aucune investigation particulière à cet égard, les professionnels de santé étant tenus au secret médical. Enfin, il ne produit au soutien de sa requête aucun élément justificatif de sa situation médicale alors que par application des dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, il lui incombe de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Il se déduit de ce qui précède qu'en indiquant à l'arrêté portant placement en rétention administrative 'que l'intéressé a été mis en mesure de faire valoir ses observations quant à un état de vulnérabilité ou un handicap ; qu'il ne déclare ni vulnérabilité, ni handicap ; qu'il ne ressort d'aucun élément du dossier que l'intéressé présenterait un état de vulnérabilité qui s'opposerait à un placement en rétention ; que, toutefois et en application de l'article R. 744-18 du CESEDA, il pourra, s'il en fait la demande, être examiné par un médecin de l'unité médicale du centre de rétention administrative qui assurera, le cas échéant, la prise en charge médicale durant la rétention administrative', l'administration n'a fait que tirer les conséquences des déclarations de M. X se disant [L] [U] lors de son audition.



L'arrêté n'encourt dès lors pas le grief qui lui est fait d'un défaut d'examen sérieux d'une

éventuelle situation de vulnérabilité, ni d'une insuffisance de motivation.



Sur les garanties de représentation



L'administration a dûment apprécié le risque de fuite de l'intéressé et estimé que seul un placement en rétention administrative était de nature à prévenir ledit risque.







En effet, il existe un risque de soustraction à la mesure d'éloignement au motif que l'intéressé est dépourvu de document d'identité ou de voyage en cours de validité à l'exception d'une copie d'un passeport dont la validité a expiré, n'a pas exécuté l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai pris le 3 fevrier 2024 par M. LE PREFET DE SEINE-SAINT-DENIS dont il a eu notification le même jour, n'a pas justifié d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation, déclarant être sans domicile fixe et vivre dans la rue, et a explicitement déclaré qu'il s'opposerait à son éloignement à destination du Maroc.



Il convient d'écarter les moyens soulevés.



En l'absence de toute illégalité susceptible d'affecter les conditions (découlant du droit de l'Union) de légalité de la rétention et à défaut d'autres moyens présentés en appel, il y a lieu de confirmer l'ordonnance déférée.





PAR CES MOTIFS



Statuant publiquement,



Déclarons l'appel recevable,



Confirmons la décision déférée,



Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l'article R 743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile,



Fait à Montpellier, au palais de justice, le 29 Avril 2024 à 12 h 22.





Le greffier, Le magistrat délégué,

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