29 avril 2024
Cour d'appel de Montpellier
RG n° 24/00312

Rétentions

Texte de la décision

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

N° RG 24/00312 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QHFV



O R D O N N A N C E N° 2024 - 320

du 29 Avril 2024

SUR LE CONTROLE DE LA REGULARITE D'UNE DECISION DE PLACEMENT EN RETENTION ET SUR LA PROLONGATION D'UNE MESURE DE RETENTION ADMINISTRATIVE

ET

SUR REQUÊTE DE L'ETRANGER EN CONTESTATION DU PLACEMENT EN RETENTION ADMINISTRATIVE



dans l'affaire entre,



D'UNE PART :



Monsieur [E] [C] [W] alias [C] [W] [K]

né le 30 Janvier 2000 à [Localité 5] (ALGERIE)

déclare à l'audience être né le 31 janvier 2000

de nationalité Algérienne



retenu au centre de rétention de [Localité 6] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,



Comparant et assisté par Maître Zoé LAFONT, avocat commis d'office



Appelant,



et en présence de [D] [S], interprète assermenté en langue arabe,



D'AUTRE PART



1°) MONSIEUR LE PREFET DES BOUCHES DU RHONE

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représenté par Monsieur [Y] [F] dûment habilité,



2°) MINISTERE PUBLIC



Non représenté









Nous, Sylvie BOGE conseiller à la cour d'appel de Montpellier, délégué par ordonnance de Monsieur le premier président, plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Alexandra LLINARES, greffier,






EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE



Vu les dispositions des articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;



Vu l'arrêté du 08 Décembre 2021 de MONSIEUR LE PREFET DES BOUCHES DU RHONE portant obligation de quitter le territoire national sans délai avec interdiction de retour de 2 ans pris à l'encontre de Monsieur [E] [C] [W] alias [C] [W] [K] ;



Vu la décision de placement en rétention administrative du 23 avril 2024 de Monsieur [E] [C] [W] alias [C] [W] [K] pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;



Vu la requête de Monsieur [E] [C] [W] alias [C] [W] [K] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative en date du 24 avril 2024 ;



Vu la requête de MONSIEUR LE PREFET DES BOUCHES DU RHONE en date du 24 avril 2024 tendant à la prolongation de la rétention de Monsieur [E] [C] [W] alias [C] [W] [K] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée vingt-huit jours ;



Vu l'ordonnance du 25 Avril 2024 à 15 h 20 notifiée le même jour à la même heure, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Perpignan qui a :

- rejeté la requête en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative formée par Monsieur [E] [C] [W] alias [C] [W] [K],

- ordonné la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [E] [C] [W] alias [C] [W] [K] pour une durée de vingt-huit jours,



Vu la déclaration d'appel faite le 26 Avril 2024 par Monsieur [E] [C] [W] alias [C] [W] [K] du centre de rétention administrative de [Localité 6], transmise au greffe de la cour d'appel de Montpellier le même jour à 12 h 52,



Vu l'appel téléphonique du 26 Avril 2024 à la coordination pénale afin de désignation d'un avocat commis d'office pour l'audience de 29 Avril 2024 à 09 H 45







Vu les courriels adressés le 26 Avril 2024 à MONSIEUR LE PREFET DES BOUCHES DU RHONE, à l'intéressé, à son conseil et au Ministère Public les informant que l'audience sera tenue le 29 Avril 2024 à 09 H 45,



L'avocat et l'appelant, qui ont pu préalablement prendre connaissance de la procédure, se sont entretenus, librement, dans le box dédié de l'accueil de la cour d'appel de Montpellier, les portes de la salle étant fermées pour assurer la confidentialité de l'entretien, en la seule présence de l'interprète et ce, sur le temps de l'audience fixée, avec l'accord du délégué du premier président de la cour d'appel de Montpellier



L'audience publique initialement fixée à 09 H 45 a commencé à 10 h 43.





PRÉTENTIONS DES PARTIES



Assisté de [D] [S], interprète, Monsieur [E] [C] [W] alias [C] [W] [K] confirme son identité telle que mentionnée dans l'ordonnance entreprise et déclare sur transcription du greffier à l'audience : 'Je m'appelle [E] [C] [W] alias [C] [W] [K], je suis né le 31 Janvier 2000 à [Localité 5] (ALGERIE).

Je n'ai pas de passeport ni de carte d'identité. Je suis en France depuis 8 mois. J'étais déjà venu en France en 2021, j'y suis resté 3 mois puis je suis parti en Espagne. Depuis 8 mois, je suis revenu en France, chez ma soeur. Je ne savais pas que j'avais une interdiction de retour, je n'avais pas compris. Je vivais chez ma soeur, puis je suis parti en Espagne. Ensuite, je suis revenu en France où j'ai vécu avec des amis à [Localité 3], je ne connais pas l'adresse exacte. Je ne connais que l'adresse de ma soeur. Si je n'ai pas parlé d'elle lors de mes auditions, c'est qu'on ne m'a pas posé la question'



L'avocat, Me Zoé LAFONT développe les moyens de l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé le maintien en rétention de l'étranger. Pas de demande d'assignation à résidence.

- erreur de motivation de l'ordonnance du JLD (art 455 CPC) : le JLD a indiqué que le moyen concernant la menace à l'ordre public est inopérant.

- insuffisance de motivation de l'arrêté préfectoral. Le père de Monsieur était de nationalité française, les frères et soeurs de Monsieur sont tous de nationalité française et Monsieur est venu en France pour régulariser sa situation. L'ordonnance du JLD est également insuffisamment motivée au regard de la situation personnelle de Monsieur.



Monsieur le représentant, de MONSIEUR LE PREFET DES BOUCHES DU RHONE, demande la confirmation de l'ordonnance déférée.

- motivation de l'ordonannce du JLD sur la menace à l'ordre public : le magistrat a retenu que le moyen est inopérant puisqu'il ne motive pas l'arrêté de placement en rétention.

- la situation personnelle de Monsieur n'était pas connue de l'administration au moment de l'édiction de l'arrêté de placement en rétention, la préfecture n'avait donc pas à en tenir compte. Ces élément ne seraient opérants que devant le tribunal administratif dans le cadre d'un recours contre l'OQTF.



Assisté de [D] [S], interprète, Monsieur [E] [C] [W] alias [C] [W] [K] a eu la parole en dernier et et a déclaré sur transcription du greffier à l'audience : 'Je veux quitter la France.'



Le conseiller indique que l'affaire est mise en délibéré et que la décision sera notifiée par les soins du Directeur du centre de rétention de [Localité 6] avec l'assistance d'un interprète en langue arabe à la demande de l'étranger retenu.






SUR QUOI



Sur la recevabilité de l'appel :



Le 26 Avril 2024, à 12 h 52, Monsieur [E] [C] [W] alias [C] [W] [K] a formalisé appel motivé de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Perpignan du 25 Avril 2024 notifiée à 15 h 20, soit dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance querellée, qu'ainsi l'appel est recevable en application des articles R 743-10 et R743-11 du CESEDA.



Sur l'appel :



Sur la contestation de la décision du premier juge pour erreur de motivation



Monsieur [E] [C] [W] alias [C] [W] [K] soutient que le premier juge a rejeté le moyen concernant la menace à l'ordre public sans pour autant ordonner sa remise en liberté et que l'ordonnance est dès lors manifestement entachée d'une erreur de motivation et de droit.



Le premier juge a relevé à juste titre qu'il ne s'agit pas du seul motif retenu par l'administration pour justifier la mesure de rétention administrative prise à l'encontre de l'intéressé. En effet, il existe un risque de soustraction à la mesure d'éloignement au motif que l'intéressé est dépourvu de document d'identité ou de voyage en cours de validité, n'a pas exécuté I'arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai pris le 8 décembre 2021 par le préfet des BOUCHES DU RHONE avec interdiction de retour d'une durée de deux ans dont il a eu notification le même jour, n'a pas justifié d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation préalablement à la décision de placement en rétention administrative, déclarant être hébergé par des amis à une adresse qu'il ne peut donner, et a explicitement déclaré qu'il s'opposerait à son éloignement à destination de l'Algérie.



Il convient dès lors de rejeter ce moyen.

















Sur la contestation de l'arrêté de placement en rétention administrative



ll résulte des articles L. 741-1 et L. 731-1 du CESEDA, tels que modifiés par la loi n°2024~42 du 26 janvier 2024, que l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de 48 heures, l'étranger qui fait l`objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé, lorsqu'iI ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécuticn de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision, étant précisé que le risque de soustraction est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente.



L'arrêté doit expliciter la raison ou les raisons pour lesquelles la personne a été placée en rétention au regard d'éléments factuels pertinents liés à la situation individuelle et personnelle de l'intéressé et ce, au jour où l'autorité administrative prend sa décision, sans avoir à relater avec exhaustivité l'intégralité des allégations de la personne concernée.



M. [E] [C] [W] conteste la régularité de l'arrêté portant placement en rétention administrative pris à son encontre en faisant valoir qu'il est insuffisamment motivé en ce que l'administration n'a pas pris en considération l'ensemble de sa situation personnelle.



Il résulte de la procédure et de l'arrêté de placement en rétention qu'il existe un risque de soustraction à la mesure d'éloignement, l'intéressé étant dépourvu de documents d'identité ou de voyage, n'ayant pas exécuté l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai pris le 8 décembre 2021 par M. LE PREFET DES BOUCHES- DU-RHONE, ni justifié d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation préalablement à la décision de placement en rétention administrative, déclarant résider chez des amis sans donner leur identité, ni leur adresse à [Localité 3], ayant enfin

explicitement déclaré qu'il s'opposerait à son éloignement à destination de l'Algérie.



L'administration a dès lors dûment apprécié l'absence de garanties de représentation et estimé que seul un placement en rétention administrative était de nature à prévenir un risque de soustraction à la mesure d'éloignement.



Les pièces produites par M. [E] [C] [W] à l'audience devant le premier juge concernant notamment une attestation d'hébergement par sa soeur à [Localité 4] n'ont pas été soumises à l'appréciation de l'administration avant qu'elle ne prenne la décision de le placer en rétention administrative, de sorte qu'il ne saurait lui être reprochée de ne pas en avoir tenu compte. Il convient de préciser qu'il n'a pas fait état de sa soeur, ni de cet hébergement lors de son audition préalable à son placement en rétention administrative.



Enfin, s'agissant du moyen soulevée en cause d'appel de la possibilité d'obtenir la nationalité française détenue notamment par sa soeur et dans le passé, par son père décédé en 2017, ce moyen ne relève pas de la compétence du juge judiciaire, mais critique la décision d'éloignement relevant de la compétence du juge administratif.





Il convient de rejeter ce moyen.



En l'absence de toute illégalité susceptible d'affecter les conditions (découlant du droit de l'Union) de légalité de la rétention et à défaut d'autres moyens présentés en appel, il y a lieu de confirmer l'ordonnance déférée.





PAR CES MOTIFS



Statuant publiquement,



Déclarons l'appel recevable,



Confirmons la décision déférée,



Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l'article R 743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile,



Fait à Montpellier, au palais de justice, le 29 Avril 2024 à 11 h 52.





Le greffier, Le magistrat délégué,

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