29 avril 2024
Cour d'appel de Lyon
RG n° 24/00010

Jurid. Premier Président

Texte de la décision

N° R.G. Cour : N° RG 24/00010 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PMXD

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT



ORDONNANCE DE REFERE

DU 29 Avril 2024

































DEMANDERESSE :



S.C.I. DE LA VOIE ROMAINE représentée par son gérant domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 7]

[Localité 8]



avocat postulant : la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON (toque 475)



avocat plaidant : Me Manon COURNAC substituant Me François-Xavier AWATAR, avocat au barreau de LYON (toque 659)







DEFENDERESSE :



S.A. L'IMMOBILIERE EUROPENNE DES MOUSQUETAIRES

[Adresse 1]

[Localité 9]



avocat postulant : Me Aurélien BARRIE de la SELARL POLDER AVOCATS, avocat au barreau de LYON (toque 1470)



avocat plaidant : Me Samuel LEMACON, avocat au barreau de PARIS





Audience de plaidoiries du 08 Avril 2024



DEBATS : audience publique du 08 Avril 2024 tenue par Pierre BARDOUX, Conseiller à la cour d'appel de Lyon, délégataire du Premier Président dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées selon ordonnance du 31 janvier 2024, assisté de Sylvie NICOT, Greffier.



ORDONNANCE : contradictoire



prononcée le 29 Avril 2024 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;



signée par Pierre BARDOUX, Conseiller et Sylvie NICOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




''''

EXPOSE DU LITIGE



Par acte du 8 février 2023, la S.A. L'lmmobilière européenne des mousquetaires (IEM) a fait citer en référé la S.C.I. de la Voie romaine (VR) devant le président du tribunal judiciaire de Lyon, aux fins de :

- faire juger que si la SCI VR souhaite bénéficier de la servitude conventionnelle, il lui appartient de faire réaliser à ses frais un chemin carrossable sur I'assiette de ladite servitude assise sur les parcelles AB[Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6] conformément aux dispositions de l'acte authentique en date du 6 septembre 2017,

- faire juger que l'utilisation par la SCI VR de la parcelle AB[Cadastre 2] lui cause un trouble manifestement illicite,

- ordonner à la SCI VR de faire désinstaller tous réseaux ou canalisations de toutes sortes empruntant la parcelle AB[Cadastre 2] appartenant à la société IEM ou toute autre parcelle avoisinante appartenant à cette société qui ne seraient pas les parcelles AB[Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6] et de reprendre tous désordres induits par cette intervention,

- ordonner à la SCI VR de cesser tout passage sur la parcelle AB[Cadastre 2] en fermant I'accès de son fonds à ladite parcelle AB[Cadastre 2].



Par ordonnance contradictoire du 18 septembre 2023, le président du tribunal judiciaire de Lyon a notamment condamné la SCI VR, sous astreinte de 150 € par jour de retard passé un délai de deux mois à compter de la signification de la décision à :

- faire désinstaller tous réseaux ou canalisations de toutes sortes empruntant la parcelle AB[Cadastre 2] appartenant à la société IEM ou toute autre parcelle avoisinante appartenant à cette société IEM qui ne seraient pas les parcelles AB[Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6] et de reprendre tous désordres induits par cette intervention,

- cesser tout passage sur la parcelle AB[Cadastre 2] en fermant l'accès de son fonds à ladite parcelle AB[Cadastre 2],

et condamné la SCI VR à payer la somme de 800 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.



La SCI VR a interjeté appel de cette décision le 31 octobre 2023.



Par assignation en référé délivrée le 22 décembre 2023, elle a saisi le premier président afin d'obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire et la condamnation de la société IEM à payer la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.



A l'audience du 8 avril 2024 devant le délégué du premier président, les parties, régulièrement représentées, s'en sont remises à leurs écritures, qu'elles ont soutenues oralement.



Dans son assignation, la SCI VR soutient au visa de l'article 514-3 du Code de procédure civile l'existence de moyens sérieux de réformation tenant à l'absence d'un trouble manifestement illicite susceptible d'être retenu par le juge des référés, car la parcelle AB[Cadastre 2] est une voie privée à usage du public et ne constitue pas une voie privée ouverte au public, ce qui ne permet pas la société IEM de lui interdire l'accès à cette parcelle



Elle prétend que l'exécution provisoire de cette ordonnance de référé va entraîner des conséquences manifestement excessives en ce qu'il est impossible de réaliser les travaux idoines dans le délai imparti sans que l'astreinte se mette à courir et en ce que ces travaux auront des conséquences financières astronomiques, sans qu'il soit possible de revenir en arrière en cas d'infirmation.



Dans ses conclusions déposées lors de l'audience, la société IEM demande au délégué du premier président de :



- déclarer irrecevable la demande d'arrêt de l'exécution provisoire présentée par la SCI VR,

- débouter la SCI VR de toutes ses demandes,

- condamner la SCI VR à lui payer la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.



Elle soutient au visa de l'alinéa 2 de l'article 514-3 du Code de procédure civile que la SCI VR n'a présenté aucune observation sur l'exécution provisoire devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Lyon et ne démontre pas l'existence de conséquences manifestement excessives révélées depuis qu'il a statué.



Elle fait valoir que la SCI VR ne justifie pas d'un moyen sérieux de réformation, son affirmation tendant à ce qu'elle soit nécessairement autorisée d'emprunter la parcelle AB[Cadastre 2] ne résistant pas à l'examen, au regard de la jurisprudence constante du Conseil d'Etat et de sa décision de ne plus la laisser ouverte au public.



Elle affirme que la SCI VR ne démontre pas les conséquences manifestement excessives susceptibles de résulter du maintien de l'exécution provisoire en soulignant que le premier président n'est pas la juridiction idoine pour solliciter un aménagement de la condamnation mise à la charge d'une partie ou des délais d'exécution.



Elle conteste le caractère irréversible des travaux devant être engagés par la SCI VR et relève que les travaux ordonnés sous astreinte n'obligent pas cette dernière à réaliser par ailleurs des travaux, alors qu'elle n'a pas fait établir de devis pour chiffrer ceux visés dans l'ordonnance de référé et que le montant de l'astreinte à liquider est faible.



Dans ses conclusions déposées au greffe par RPVA le 5 avril 2024, la SCI VR maintient les demandes contenues dans son assignation et s'oppose aux demandes de la société IEM.



Elle affirme que les conséquences manifestement excessives se sont révélées postérieurement à l'ordonnance de référé dont appel, car elle n'avait pas envisagé auparavant l'absence de possibilité de circuler sur la parcelle AB[Cadastre 2] et l'ampleur des travaux à entreprendre.



Pour satisfaire aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties, à la décision déférée, aux conclusions régulièrement déposées et ci-dessus visées, comme pour l'exposé des moyens à l'énoncé qui en sera fait ci-dessous dans les motifs.




MOTIFS



Attendu que la société IEM soutient à tort au visa des dispositions de l'article 514-3 alinéa 2 du Code de procédure civile l'irrecevabilité de la demande de la SCI VR pour ne pas avoir fait valoir ses observations sur l'exécution provisoire en première instance et en ce que la demanderesse ne se prévaut pas de conséquences manifestement excessives révélées postérieurement ;



Attendu qu'en application de l'article 514-1 alinéa 3 du Code de procédure civile, le juge ne peut écarter l'exécution provisoire de droit lorsqu'il statue en référé ;



Attendu qu'il ne peut donc être reproché à la SCI VR de ne pas avoir fait valoir d'observations sur l'exécution provisoire en première instance alors que le premier juge ne pouvait pas l'écarter ; qu'il ne peut pas plus lui être imposé de justifier de conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à l'ordonnance dont appel ;



Attendu que la demande d'arrêt de l'exécution provisoire est déclarée recevable ;



Attendu que l'exécution provisoire de droit dont est assortie l'ordonnance de référé rendue le 18 septembre 2023 par le président du tribunal judiciaire de Lyon ne peut être arrêtée, que conformément aux dispositions de l'article 514-3 du Code de procédure civile, et lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ; que ces deux conditions sont cumulatives ;



Attendu que s'agissant de l'existence de conséquences manifestement excessives, il y a lieu de rappeler qu'il appartient seulement au premier président de prendre en compte les risques générés par la mise à exécution de la décision rendue en fonction des facultés de remboursement de l'intimé si la décision était infirmée, mais également de la situation personnelle et financière du débiteur ;



Qu'en outre, le caractère manifestement excessif des conséquences de la décision rendue ne saurait exclusivement résulter de celles inhérentes à la mise à exécution d'une condamnation au paiement d'une somme d'argent ou d'une décision ordonnant des travaux sous astreinte, mais ces conséquences doivent présenter un caractère disproportionné ou irréversible ;



Attendu qu'il appartient à la SCI VR de rapporter la preuve de ces risques occasionnés par l'exécution provisoire ;



Que tout en contestant clairement l'existence d'une implantation à sa demande de réseaux ou de canalisations souterrains sur la parcelle AB[Cadastre 2] comme en atteste les termes de ses dernières écritures ('M. [F] ne reconnaît nullement la présence de réseaux ou de canalisations' ), cette société demanderesse soutient qu'il est impossible de réaliser les travaux qu'elle qualifie d'idoines dans le délai précédant la course de l'astreinte ;



Attendu, tout d'abord, qu'elle ne peut d'une part dénier l'existence de réseaux enterrés et d'autre part déplorer les conséquences éventuellement susceptibles de découler de travaux à engager pour les retirer ou même se prévaloir de conséquences irréversibles ;



Qu'ensuite, elle ne justifie avoir engagé des démarches effectives de chiffrage de ces travaux qu'à compter de la fin du mois de mars 2024 (saisine d'Arpenteurs [Localité 11] le 18 mars 2024), après avoir pris contact avec les services de la mairie de [Localité 10] et avec la société AB Ingénierie à compter du 23 octobre 2023 ;



Attendu qu'elle ne peut se prévaloir de bonne foi d'une absence d'autorisation explicite et rapide de la société IEM pour lancer des demandes d'autorisation de travaux sur la parcelle litigieuse pour retirer des canalisations, car les parties sont tenues par les termes de l'ordonnance de référé dont appel qui ne permettent à la société IEM que de renoncer à cette condamnation sous astreinte sauf à s'exposer à des difficultés lors d'une éventuelle liquidation de cette astreinte ;



Attendu qu'elle ne peut dès lors déplorer l'écoulement du délai précédant la course de l'astreinte ordonnée par le juge des référés d'une durée de deux mois, se terminant le 23 décembre 2023 au regard d'une signification de l'ordonnance réalisée le 23 octobre 2023, et n'est ainsi pas fondée à invoquer la course de l'astreinte quotidienne depuis la première de ces dates ;



Attendu qu'au surplus, l'appréciation de la liquidation de cette astreinte provisoire devra être faite par le seul juge de l'exécution susceptible de prendre en compte une éventuelle impossibilité d'exécuter ;





Que la seule course de cette astreinte est ainsi insusceptible de caractériser à elle seule un risque de conséquences manifestement excessives ;



Attendu que la SCI VR ne peut pas plus mettre en avant la réalisation de travaux de voiries et de passage de canalisations enterrées sur des parcelles dont elle est propriétaire ou surtout sur laquelle elle dispose de droits de passage non contestés, car d'une part ces travaux ne sont pas ceux qui sont ordonnés sous astreinte et sont présumés devoir être engagés en l'état de l'affirmation d'une absence de réseaux sur la parcelle AB[Cadastre 2] et d'autre part, ils n'ont pas été concrètement chiffrés depuis plusieurs mois alors que la société demanderesse ne fait pas état d'une contrainte particulière et préalable à cette demande de chiffrage ;



Attendu que cette société demanderesse procède par allégation concernant le coût des travaux qu'elle est tenue directement d'engager en exécution de l'ordonnance de référé dont appel en se contentant de le qualifier d'astronomique sans réaliser une quelconque évaluation et demeure par ailleurs totalement taisante sur ses capacités financières à supporter ces frais ;



Attendu qu'un moyen sérieux ne relève pas d'une simple affirmation ni de la seule reprise des arguments développés en première instance ; qu'en d'autres termes un moyen sérieux est un moyen suffisamment consistant pour mériter d'être allégué ou soutenu, pris en considération et avoir des chances d'être retenu après discussion et réflexion et qui doit en tout état de cause conduire à l'annulation ou à la réformation ;



Que l'absence de pouvoir juridictionnel du premier président pour déterminer les chances de succès de l'appel doit le conduire à ne retenir un moyen que s'il repose sur une base factuelle évidente ;



Attendu que la SCI VR affirme l'absence de tout trouble manifestement illicite et se contente de critiquer l'ordonnance dont appel qui l'a retenu, sans pourtant s'expliquer sur les effets du rejet de sa propre saisine du juge des référés par ordonnance du 7 mars 2022 concernant son désenclavement au travers de la parcelle litigieuse AB[Cadastre 2] ;



Qu'aucune évidence ne s'évince de ses pièces et de ses explications sur la faculté qu'elle pouvait avoir d'envisager d'implanter des canalisations enterrées sur cette parcelle ;



Attendu que son moyen fondé sur l'absence d'un trouble manifestement illicite ne peut ainsi être retenu comme sérieux ;



Que sans avoir besoin d'examiner plus avant les moyens de réformation invoqués, la carence de la SCI VR à démontrer un risque de conséquences manifestement excessives doit conduire au rejet de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire ;



Attendu que la SCI VR succombe et doit supporter les dépens de la présente instance en référé comme indemniser son adversaire des frais irrépétibles engagés pour assurer sa défense ;





PAR CES MOTIFS



Nous, Pierre Bardoux, délégué du premier président, statuant publiquement, en référé, par ordonnance contradictoire,



Vu la déclaration d'appel du 31 octobre 2023,



Déclarons recevable mais rejetons la demande d'arrêt de l'exécution provisoire présentée par la S.C.I. de la Voie romaine,



Condamnons la S.C.I. de la Voie romaine aux dépens de ce référé et à verser à la S.A. L'lmmobilière européenne des mousquetaires une indemnité de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.





LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

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