29 avril 2024
Cour d'appel de Lyon
RG n° 24/03612

RETENTIONS

Texte de la décision

N°RG 24/03612 - N°Portalis DBVX-V-B7I-PUKA



Nom du ressortissant :

[K] [U]







[U]

C/

PREFET DE L'ALLIER



COUR D'APPEL DE LYON



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





ORDONNANCE DU 29 AVRIL 2024

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers





Nous, Isabelle OUDOT, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 4 janvier 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,



Assistée de Gwendoline DELAFOY, greffière placée,



En l'absence du ministère public,



En audience publique du 29 Avril 2024 dans la procédure suivie entre :



APPELANT :



M. [K] [U]

né le 20 Septembre 1990 à [Localité 5] (ALBANIE)

de nationalité Albanaise

Actuellement retenu au Centre de rétention administrative 1 de [4]



comparant à l'audience avec le concours de [Z] [O], interprète assermenté en langue albanaise, experte près la cour d'appel de LYON assisté de Me Nathalie LOUVIER, avocat au barreau de LYON, commis d'office



ET



INTIME :



M. LE PREFET DE L'ALLIER

[Adresse 1]

[Localité 2] (ALLIER)



Non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître Stanislas FRANCOIS, avocat au barreau de LYON substituant Me Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON,



Avons mis l'affaire en délibéré au 29 Avril 2024 à 17h00 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit :




FAITS ET PROCÉDURE



Le 16 septembre 2021, une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et assortie d'une interdiction de retour pendant 3 ans a été notifiée à [K] [U] par le préfet de l'Allier.



Le 24 avril 2024, [K] [U] faisait l'objet d'un contrôle routier et était placé en retenue administrative.



Le 25 avril 2024, l'autorité administrative a ordonné le placement de [K] [U] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire afin de permettre l'exécution de la mesure d'éloignement.



Suivant requête du 26 avril 2024, réceptionnée par le greffe du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon le jour même à 15 heures 57, [K] [U] a contesté la décision de placement en rétention administrative prise par le préfet de l'Allier.



Suivant requête du 26 avril 2024, reçue le jour même à 14 heures 07, le préfet de l'Allier a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours.



Dans son ordonnance du 27 avril 2024 à 15 heures 30, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a ordonné la jonction des deux procédures, déclaré régulière la décision de placement en rétention et ordonné la prolongation de la rétention de [K] [U] dans les locaux du centre de rétention administrative de [4] pour une durée de vingt-huit jours.



Le 28 avril 2024 à 08 heures 27, [K] [U] a interjeté appel de cette ordonnance dont il demande l'infirmation et sollicite sa mise en liberté.









Il fait valoir que la décision de placement en rétention est irrégulière pour être :

- dépourvue de base légale

- entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses garanties de représentation,

outre le fait que la mesure n'était pas nécessaire.



Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 29 avril 2024 à 10 heures 30.



[K] [U] a comparu et a été assisté d'un interprète et de son avocat.



Le conseil de [K] [U] a été entendu en sa plaidoirie pour soutenir les termes de la requête d'appel. Elle fait valoir qu'elle ne maintient pas le moyen tiré du défaut de base légale déjà abandonné en première instance. Elle développe les moyens tirés du défaut d'examen sérieux, de l'erreur manifeste d'appréciation, de la nécessité et la proportion de la mesure.



Le préfet de l'Allier, représenté par son conseil, a demandé la confirmation de l'ordonnance déférée.



[K] [U] a eu la parole en dernier. Il explique que son avocat lui avait dit qu'il pouvait revenir. Sa famille vit à la même adresse depuis 10 ans.




MOTIVATION



Sur la procédure et la recevabilité de l'appel



Attendu que l'appel de [K] [U], relevé dans les formes et délais légaux est recevable ; 



Sur les moyens tirés du défaut de base légale



Attendu que ces moyens abandonnés devant le premier juge, le sont également devant le délégué du premier président ;



Sur le moyen pris de l'insuffisance de la motivation de la décision de placement en rétention administrative et du défaut d'examen de la situation individuelle de la personne retenue



Attendu qu'il résulte de l'article L. 741-6 du CESEDA que la décision de placement est écrite et motivée ;



Que cette motivation se doit de retracer les motifs positifs de fait et de droit qui ont guidé l'administration pour prendre sa décision, ce qui signifie que l'autorité administrative n'a pas à énoncer, puis à expliquer pourquoi elle a écarté les éléments favorables à une autre solution que la privation de liberté ;



Que pour autant, l'arrêté doit expliciter la raison ou les raisons pour lesquelles la personne a été placée en rétention au regard d'éléments factuels pertinents liés à la situation individuelle et personnelle de l'intéressé, et ce au jour où l'autorité administrative prend sa décision, sans avoir à relater avec exhaustivité l'intégralité des allégations de la personne concernée ;



Attendu que le conseil de [K] [U] prétend que l'arrêté de placement en rétention du préfet de l'Allier est insuffisamment motivé et lui reproche notamment de ne pas faire référence à sa situation familiale et au fait que la condamnation dont il a fait l'objet est unique ;



Attendu qu'en l'espèce, l'arrêté du préfet de l'Allier est motivé, notamment, par les éléments suivants :

- [K] [U] fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français avec interdiction de retour pendant trois ans ;

- [K] [U] déclare avoir regagné l'Albanie en 2021 et être revenu en France de janvier 2022 à fin 2023 et n'a pas respecté l'interdiction de retour qui pesait sur lui ;

- le comportement de [K] [U] est constitutif d'une menace pour l'ordre public puisqu'il a été condamné à trois ans d'emprisonnement dont un an assorti du sursis par le tribunal correctionnel de Cusset pour transport, détention, offre ou cession et acquisition de stupéfiants ;

- il est titulaire d'un titre de séjour délivré par les autorités slovaques mais a déclaré être à nouveau entré irrégulièrement en France le 20 avril 2024 ;

- [K] [U] déclare que son épouse [Y] [P] et ses enfants résident à [Localité 6] mais son épouse se trouve également en situation irrégulière sur le territoire français ;

- il déclare vivre en Slovaquie ;

- il ne ressort pas de l'évaluation qui a été faite d'élément de vulnérabilité susceptible de faire obstacle à une mesure de rétention ;



Attendu que la simple lecture de la décision permet de lire que la préfecture a procédé à l'examen de la situation de l'intéressé en faisant état de sa famille et qu'il ne peut lui être fait grief d'avoir relevé que son épouse était en situation irrégulière, cette réalité n'étant pas contestée ;



Attendu qu'il convient de retenir, ainsi que l'a relevé le premier juge avec pertinence, que le préfet de l'Allier a pris en considération les éléments de la situation personnelle de [K] [U] tels que portés à sa connaissance au moment où il a pris sa décision pour motiver son arrêté de manière suffisante et circonstanciée ;



Sur le moyen pris de l'erreur d'appréciation des garanties de représentation, la menace à l'ordre public et la nécessité de la mesure



Attendu que l'article L. 741-1 du CESEDA dispose que « L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente. » ;



Attendu que la régularité de la décision administrative s'apprécie au jour de son édiction, au regard des éléments de fait connus de l'administration à cette date et l'obligation de motivation ne peut s'étendre au-delà de l'exposé des éléments qui sous-tendent la décision en cause ;



Que les pièces fournies devant le juge des libertés et de la détention n'ont pas été soumises à l'appréciation de la préfecture au jour où elle a édicté son arrêté et qu'il ne peut pas lui être reproché de ne pas avoir pris en considération des éléments qu'elle ignorait ;



Attendu que le conseil de [K] [U] soutient que l'autorité administrative a commis une erreur d'appréciation s'agissant de l'examen de ses garanties de représentation pour ne pas prendre en considération le fait qu'il réside avec sa famille [Adresse 3] à [Localité 6] et qu'au mois de janvier 2024 il a fait des démarches de régularisation en Slovaquie, pays dans lequel il a obtenu un permis de travail valable jusqu'au mois de janvier 2026 et qu'il n'était venu en France que pour rendre visite à sa femme et ses filles ;



Attendu qu'il n'est pas contesté que [K] [U] a été condamné à une peine de trois ans d'emprisonnement dont un an assortie du sursis pour des faits de transport, détention, cession ou offre et acquisition de produits stupéfiants par décision du tribunal correctionnel de Cusset du 01 juillet 2021 ; que l'importance de cette peine et la gravité des faits poursuivis qui portent atteinte à la santé publique permettaient à la préfecture de relever l'existence d'une menace pour l'ordre public sans commettre d'erreur d'appréciation ;



Que [K] [U] dans son audition a déclaré : « Je suis revenu à [Localité 6] en janvier 2022 pour travailler jusqu'a fin 2023. Janvier 2023 je suis encore a [Localité 6] jusqu'à fin 2023 pour aller en Slovaquie. Je suis venu pour passer quelques jours de vacances et pour voir ma fille qui était malade. Je suis arrivé le samedi 20 avril et je repars samedi 27 avril. » ;



Attendu que dans sa décision de placement en rétention le préfet de l'Allier relève bien que l'épouse de [K] [U] et leurs deux filles résident en France mais indique que Mme [Y] [P] est en situation irrégulière sur le territoire français ;



Attendu qu'en raison du non-respect de l'interdiction de retour qui pesait sur lui, de son souhait exprimé de pouvoir rencontrer sa famille qui vit à [Localité 6] en dépit de cette interdiction qui pesait sur lui, de la lourde condamnation prononcée qui caractérise une menace pour l'ordre public, le préfet de l'Allier a pu considérer sans commettre une erreur manifeste d'appréciation que [K] [U] ne présentait pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision de reprise en charge par la Slovaquie et apprécier qu'aucune autre mesure que le placement en rétention n'apparaissait suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision ;



Attendu que ce moyen ne pouvait donc pas être accueilli ;



Attendu que la préfecture de l'Allier ne nie pas la réalité du titre de séjour slovaque de M. [U] et qu'il est justifié d'une demande de reprise en charge auprès des autorités slovaques ;



Attendu que [K] [U] ne démontre pas une atteinte disproportionnée à ses droits consécutive à son placement en rétention ;



Attendu qu'en conséquence, à défaut d'autres moyens soulevés, l'ordonnance entreprise est confirmée ;



PAR CES MOTIFS



Déclarons recevable l'appel formé par [K] [U],



Confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée.



La greffière, Le conseiller délégué,

Gwendoline DELAFOY Isabelle OUDOT

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.