26 avril 2024
Cour d'appel de Toulouse
RG n° 24/00018

REFERES 1° PRESIDENT

Texte de la décision

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



C O U R D ' A P P E L D E T O U L O U S E





DU 26 Avril 2024



ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ



53/24



N° RG 24/00018 - N° Portalis DBVI-V-B7I-P67Q

Décision déférée du 08 Janvier 2024

- TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE - 19/00857



DEMANDERESSES



S.A. MMA IARD

[Adresse 1]

[Localité 4]



Mutuelle MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

[Adresse 1]

[Localité 4]



Toutes deux représentées par :

- Me Damien DE LAFORCADE de la SELARL CLF, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant)

- à l'audience Me Jacques HUILLIER, avocat au barreau de PARIS (plaidant)





DEFENDEUR



Monsieur [T] [V]

[Adresse 3]

[Localité 2]



Représenté par Me Saida MAHNI, avocat au barreau de TOULOUSE





DÉBATS : A l'audience publique du 29 Mars 2024 devant A. DUBOIS, assistée de C. IZARD





Nous, A. DUBOIS, présidente de chambre déléguée par ordonnance de la première présidente du 20 décembre 2023, en présence de notre greffière et après avoir entendu les conseils des parties en leurs explications :



- avons mis l'affaire en délibéré au 26 Avril 2024



- avons rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, l'ordonnance contradictoire suivante :










FAITS ' PROCÉDURE ' PRÉTENTIONS :



Par acte du 28 avril 2008, M. [T] [V], auteur de dessins stylisés, a assigné la société Lacheteau en contrefaçon de marques devant le tribunal de Toulouse.



Par jugement du 3 juin 2010, le TGI de Toulouse a notamment :

- écarté la prescription de l'action,

- prononcé la résiliation du contrat de licence,

- condamné la société Lechateau à payer à M. [V] la somme de 300 000 euros à titre de provision à valoir sur son préjudice définitif, celle de 20 000 euros à titre de liquidation d'astreinte pour la période du 16 octobre 2008 au 4 mars 2010 et 15 000 euros à titre de préjudice moral.



Par acte du 29 décembre 2011, Carrefour, principal distributeur de la société Lechateau, était à son tour assigné en contrefaçon devant le TGI de Paris.



Par arrêt rendu le 12 mars 2014, la cour d'appel de Paris a :

- considéré que les petits dessins de M. [V] ne pouvaient bénéficier de la protection au titre des droits d'auteur et infirmé le jugement rendu le 3 juin 2010,

- confirmé le jugement sur l'existence d'une contrefaçon de marque,

- fixé à 400 000 euros l'indemnité à titre de réparation du préjudice économique pour contrefaçon de marque et de parasitisme outre la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



Le 22 juin 2017, la Cour de cassation a cassé cet arrêt en ce qu'il condamnait la société Lacheteau pour parasitisme à payer à M. [V] la somme de 400 000 euros incluant l'indemnité provisionnelle de 300 000 euros en réparation de son préjudice économique ainsi que la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral pour contrefaçon et parasitisme.



Par arrêt du 10 septembre 2019, la cour d'appel de Paris a :

- constaté que l'arrêt rendu le 12 mars 2014 par la cour d'appel de Paris était définitif en ce qu'il a :

- confirmé le jugement qui avait prononcé la résiliation du contrat de licence et condamné la société Lacheteau à payer à M. [V] les sommes de 300 000 euros à titre de provision à valoir sur le préjudice définitif et 20 000 euros à titre de la liquidation de d'astreinte,

- débouté M. [V] de ses demandes au titre de la contrefaçon de droit d'auteur,

- déclaré irrecevable de M. [V] en ses demandes tendant à la condamnation à la liquidation d'astreinte pour la somme de 200 000 euros et celle de 200 000 euros au titre de la dépréciation portée à ses droits,

- pour le surplus, infirmé le jugement,

- déclaré M. [V] mal fondé en son action de parasitisme et l'en a débouté,

- au titre de la contrefaçon de marque, condamné la société Lacheteau à payer à M. [V] la somme de 187 000 euros au titre de son préjudice matériel et 15 000 euros au titre de son préjudice moral.



Par arrêt du 4 février 2020 et sur requête en interprétation, la Cour d'appel de Paris a :

- dit que l'arrêt du 10 septembre 2019 doit être interprété comme octroyant à M. [V] une indemnité de 187 000 euros au titre de son préjudice matériel définitif venant s'imputer sur la somme de 300 000 euros précédemment alloués à titre de provision,

- dit, en conséquence, que le dispositif de la décision sera complété en précisant que l'indemnité de 187 000 euros alloués au titre du préjudice matériel définitif de M. [V] s'imputera sur la somme de 300 000 euros mis à la charge de Lacheteau à titre de provision,

- dit, en tant que de besoin, que le différentiel entre ces deux sommes devra être restitué à la société Lacheteau.



Parallèlement, une ordonnance du juge de la mise en état du 8 juillet 2016, confirmée par la cour d'appel de Paris le 27 octobre 2017, a prononcé la péremption de l'instance engagée contre Carrefour.



M. [V] a alors intenté une action en responsabilité civile à l'encontre de son avocate, Maître [F] [P] devant le tribunal judiciaire de Toulouse.



Le 5 février 2019, il a assigné MMA IARD, assureur de Maître [F] [P] en paiement de la somme de 1 200 000 euros pour ne pas avoir transmis à son dominus litis un bulletin de procédure par lequel le juge de la mise en état interrogeait les parties sur l'issue de la procédure principale engagée par M. [V] à l'encontre de Lacheteau et dans laquelle une ordonnance de sursis à statuer avait été prononcée.



Par jugement du 15 février 2021, le tribunal a notamment :

- dit que Maître [F] [P] a commis une faute dont il résultait une perte de chance de 75%

- condamné la MMA IARD et la MMA IARD Assurances Mutuelles à payer à M. [V] la somme de 1 500 euros sur le fondement du préjudice moral relevant de cette faute,

- désigné M. [D] [E] en qualité d'expert avec pour mission de déterminer la quantité de bouteilles contrefaites vendues par Carrefour s'agissant des bouteilles qui reproduisent les marques déposées pour la période du 1er juillet 2004 au 31 mars 2004, indiquer le montant des bénéfices perçus par la société Carrefour et évaluer le montant des redevances auxquelles M. [V] aurait pu prétendre si un contrat de licence avait été conclu.



L'expert a déposé son rapport le 27 décembre 2022.



Par un arrêt du 4 avril 2023, la cour d'appel de Toulouse a confirmé ledit jugement et rappelé que le premier juge ne s'est pas prononcé sur l'existence et l'étendue du préjudice réparable.



Par jugement du 8 janvier 2024, le tribunal judiciaire a :

- condamné les sociétés MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard SA à payer à M. [V] les sommes de 1 068 238,50 euros et 3 300 euros,

- condamné les sociétés MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard SA aux dépens et à payer à M. [V] la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir à constater la non-restitution de la somme de 98 000 euros,

- ordonné l'exécution provisoire.



Les sociétés MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard SA ont interjeté appel de cette décision le 16 janvier 2024.



Par acte du 25 janvier 2024, soutenu oralement à l'audience du 29 mars 2024, auquel il conviendra de se référer pour l'exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, elles ont fait assigner M. [V] en référé devant la première présidente de la cour d'appel de Toulouse, sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2020 aux fins de :

- à titre principal, leur donner acte qu'elles ont versé la somme de 53 658 euros x 0,75% = 40 243,50 euros,

- les recevoir en leur demande d'arrêt de l'exécution provisoire ordonnée par le jugement visé,

- arrêter l'exécution provisoire ordonnée par le jugement du 8 janvier 2024 jusqu'à ce que la cour d'appel de Toulouse ait statué sur leur appel interjeté à l'encontre de ce jugement,

- à titre subsidiaire, autoriser et ordonner le règlement des condamnations entre les mains du bâtonnier du barreau de Toulouse,

- à titre plus subsidiaire, ordonner à M. [V] de fournir une garantie de premier ordre sous forme de caution bancaire avant toute exécution provisoire de la part de MMA Iard,

- condamner M. [V] aux dépens.



Suivant conclusions reçues au greffe le 11 mars 2024, soutenues oralement à l'audience, auxquelles il conviendra de se référer pour l'exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [V] demande à la première présidente de :

- débouter MMA Iard de l'intégralité de ses demandes, principales et subsidiaires,

- condamner MMA Iard au paiement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner MMA Iard aux entiers dépens.




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MOTIVATION :



Aux termes de l'article 524 alinéa 1, 2° du code de procédure civile, lorsque l'exécution provisoire a été ordonnée elle peut, en cas d'appel, être arrêtée par le premier président si elle risque d'entraîner pour la partie condamnée des conséquences manifestement excessives. Ces dernières doivent être appréciées au regard de la situation du débiteur, compte tenu de ses facultés de règlement des condamnations prononcées, ou des facultés de remboursement du créancier en cas de réformation du jugement. La preuve en incombe à celui qui les invoque.



En l'espèce, la SA MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles sollicitent l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement entrepris en soutenant l'existence d'un risque de non-restitution des sommes réglées en cas de réformation de la décision en appel.



Toutefois, ces dernières qui ne contestent pas être en mesure de régler leurs condamnations ne démontrent pas en quoi ce risque hypothétique serait de nature à entraîner à leur égard des conséquences manifestement excessives, étant précisé que l'importance des condamnations ne saurait à elle seule caractériser de telles conséquences.



Par ailleurs les moyens de réformation soutenus par les demanderesses sont en l'espèce inopérants dès lors que l'article 524, dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2020, ne les envisagent pas comme une condition nécessaire à l'obtention de l'arrêt de l'exécution provisoire.



A défaut d'établir l'existence de conséquences manifestement excessives au sens de l'article 524 précité, elles seront déboutées de leur demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement entrepris.



Aux termes de l'article 521 du code de procédure civile, la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l'exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation et le premier président dispose, en la matière, d'un pouvoir discrétionnaire.



Les demanderesses sollicitent subsidiairement l'autorisation de consigner les sommes dues au même motif d'un risque de non restitution des sommes en cas de réformation de la décision.



Pour justifier d'un tel risque elles se prévalent du fait que M. [V] n'a pas procédé au remboursement de la somme de 98 000 euros ordonné par un arrêt de la cour d'appel de Paris rendu à l'occasion d'une affaire l'opposant à une autre société.



A l'appui de son argumentation elle verse aux débats une attestation émanant du conseil de cette société qui fait état de difficultés dans le recouvrement de cette somme.



Toutefois, M. [V] lui oppose que c'est délibérément qu'il a refusé de rembourser ces sommes estimant que la société créancière et partie au litige avait été absorbée par une filiale qui n'avait pas régularisé la procédure de sorte qu'elle n'était pas en droit de se prévaloir de cette instance.



De plus, l'attestation n'étant pas datée, ne permet pas d'apprécier le moment où les démarches décrites ont été réalisées étant relevé que s'agissant de la présente procédure, les demanderesses ont pu assigner M. [V] sans difficulté, l'adresse communiquée au commissaire de justice ayant été confirmée.



Enfin, le risque de non restitution des sommes ne peut ressortir de la seule importance du montant des condamnations mais doit être démontré par le fait qu'au regard de sa situation, le créancier pourrait disposer des sommes obtenues de telle façon qu'il se trouverait dans l'incapacité de les restituer en cas d'infirmation de la décision.



Or, aucun élément versé aux débats ne permet de corroborer la réalité d'une telle situation.



Par conséquent, la situation respective des parties et la sauvegarde de leurs droits et intérêts justifient le rejet de la demande de consignation.



Aux termes de l'article 517 du code de procédure civile, l'exécution provisoire peut également être subordonnée à la constitution d'une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations qui, lorsqu'elle consiste en un dépôt d'une somme d'argent à la caisse des dépôts et consignations.



En l'espèce, les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles demandent à titre infiniment subsidiaire la fourniture par M. [V] d'une garantie de premier ordre sous forme de caution bancaire.



Mais il ressort de ce qui précède qu'il n'apparaît pas opportun de faire droit à cette demande dès lors que l'existence d'un risque de non restitution n'est pas démontré.



Comme elles succombent, les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles seront condamnées aux dépens et à payer à M. [T] [V] la somme de 1 000 euros du chef de l'article 700 du code de procédure civile.



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PAR CES MOTIFS



Statuant par décision contradictoire, après débats en audience publique,



Déboutons les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles de l'ensemble de leurs demandes,



Les condamnons aux dépens,



Les condamnons à payer à M. [T] [V] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.







LA GREFFIERE LA MAGISTRATE DELEGUEE











C. IZARD A. DUBOIS

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