26 avril 2024
Cour d'appel de Paris
RG n° 23/16939

Pôle 1 - Chambre 8

Texte de la décision

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 8



ARRÊT DU 26 AVRIL 2024



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/16939 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIMIG



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 Septembre 2023 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BOBIGNY - RG n° 23/00040



APPELANTE



SARL GIDWIN, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 4]



Ayant pour avocat postulant Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480, et pour avocat plaidant Me Alexandre MEILHAUD



INTIMÉE



SCI DES CHANTEREINES, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 3]

[Localité 5]



Ayant pour avocat postulant Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090 et pour avocat plaidant Me Véronique HAMAMOUCHE





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mars 2024, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Rachel LE COTTY, Conseiller chargée du rapport et Patrick BIROLLEAU, magistrat honoraire.



Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de:



Florence LAGEMI, Président,

Rachel LE COTTY, Conseiller,

Patrick BIROLLEAU, magistrat honoraire



Greffier, lors des débats : Jeanne BELCOUR



ARRÊT :



- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence LAGEMI, Présidente de chambre et par Jeanne BELCOUR, Greffière, présente lors de la mise à disposition.




Par contrat de bail dérogatoire au statut des baux commerciaux du 12 juillet 2016, la SCI des Chantereines a loué à la société Gidwin un local commercial situé [Adresse 2]) pour une durée de 12 mois et demi à compter du 13 juillet 2016 jusqu'au 31 juillet 2017.



Par acte du 15 mai 2017, les parties ont reconduit le bail pour une durée de 12 mois, le terme étant fixé au 31 juillet 2018.



Par un troisième acte du 31 juillet 2018, elles ont de nouveau reconduit le bail dérogatoire pour une durée de 5 mois, le terme étant fixé au 31 décembre 2018 et le loyer étant de 3.420 euros TTC, payable d'avance le premier de chaque mois.



Par une promesse unilatérale de vente du 5 septembre 2018 établie par acte notarié, la SCI des Chantereines s'est engagée à vendre à la SCI Loretta - dont le gérant est le même que celui de la société Gidwin - le local commercial occupé par la société Gidwin au prix de 550.000 euros, avec un délai expirant le 31 décembre 2018.



Par lettre du 15 février 2019, la SCI des Chantereines a informé la SCI Loretta de la caducité de la promesse de vente faute de réalisation de la vente au plus tard le 31 décembre 2018.



Par acte du 21 février 2019, la SCI des Chantereines a fait signifier à la société Gidwin une sommation de quitter les lieux.



Par acte du 25 mars 2019, les sociétés Gidwin et Loretta ont assigné la SCI des Chantereines devant le tribunal judiciaire de Bobigny pour obtenir l'exécution forcée de la vente du local commercial au bénéfice de la SCI Loretta et la requalification du bail précaire en bail commercial.



Par acte du 13 juillet 2022, un commandement de payer visant la clause résolutoire contenue dans le bail dérogatoire du 31 juillet 2018 a été délivré par la SCI des Chantereines à la société Gidwin à hauteur de la somme de 853.960 euros.



Par acte du 26 décembre 2022, la SCI des Chantereines a assigné la société Gidwin devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de constat de l'acquisition de la clause résolutoire du bail, expulsion de la locataire et condamnation de celle-ci au paiement de la somme de 246.240 euros au titre des indemnités d'occupation impayées arrêtées à décembre 2022, outre la somme de 730.500 euros au titre de l'astreinte conventionnelle due au 31 décembre 2022 (soit 500 euros par jour de retard) à défaut de libération des lieux.



Par jugement du 11 mai 2023, le tribunal judiciaire de Bobigny a annulé la promesse unilatérale de vente conclue le 5 septembre 2018 entre la SCI Loretta et la SCI des Chantereines, débouté la SCI Loretta et la société Gidwin de leur demande d'exécution forcée de la vente, dit qu'un bail commercial portant sur les locaux situés [Adresse 2] s'est opéré entre la SCI des Chantereines et la société Gidwin à compter du 1er janvier 2019, débouté la SCI des Chantereines de sa demande d'expulsion de la société Gidwin des locaux et de sa demande en paiement d'une indemnité d'occupation.



Par ordonnance contradictoire du 7 septembre 2023, le juge des référés a :


accueilli partiellement la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée ;

déclaré irrecevables les demandes de la SCI des Chantereines visant à voir constater l'occupation sans droit ni titre des lieux loués par la société Gidwin, à obtenir son expulsion et sa condamnation à régler des indemnités d'occupation majorées et une astreinte conventionnelle ;







condamné la société Gidwin à régler à la SCI des Chantereines à titre provisionnel la somme de 164.160 euros correspondant aux loyers dus et impayés du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2022 ;

condamné la société Gidwin à payer à la SCI des Chantereines la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la société Gidwin à supporter la charge des dépens.




Par déclaration du 17 octobre 2023, la société Gidwin a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle :


l'a condamnée à régler à la SCI des Chantereines à titre provisionnel la somme de 164.160 euros correspondant aux loyers dus et impayés du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2022 ;

l'a condamnée à payer à la SCI des Chantereines la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

l'a condamnée à supporter la charge des dépens.




Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 4 mars 2023, elle demande à la cour de :


confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a déclaré irrecevables les demandes de la SCI des Chantereines visant à voir constater l'occupation sans droit ni titre des lieux qu'elle loue, à obtenir son expulsion et à la voir condamner à régler des indemnités d'occupation majorées et une astreinte conventionnelle ;

infirmer l'ordonnance en ce qu'elle :

l'a condamnée à régler à la SCI des Chantereines à titre provisionnel la somme de 164.160 euros correspondant aux loyers dus et impayés du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2022 ;

l'a condamnée à payer à la SCI des Chantereines la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

l'a condamnée à supporter la charge des dépens ;


statuant à nouveau,

à titre principal,


juger que l'ensemble des demandes de la SCI des Chantereines sont irrecevables dès lors que celles-ci ont déjà été jugées au fond par le tribunal judiciaire de Bobigny le 11 mai 2023 ;


à titre subsidiaire,


juger que l'ensemble des demandes de la SCI des Chantereines sont très sérieusement contestables ;

juger n'y avoir lieu à référé ;


à titre infiniment subsidiaire,


reporter de deux ans le règlement des sommes dues par elle ou à tout le moins l'échelonner sur cette même période ;


en tout état de cause,


débouter la SCI des Chantereines de l'ensemble de ses demandes ;

condamner la SCI des Chantereines à lui verser la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en cause d'appel.




Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 27 février 2024, la SCI des Chantereines demande à la cour de :


la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes ;

déclarer irrecevable la demande nouvelle tendant à l'octroi de délais de paiement de la société Gidwin ;

débouter la société Gidwin de l'ensemble de ses demandes ;

confirmer l'ordonnance de référé entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a été déboutée de sa demande d'expulsion de la société Gidwin et d'acquisition de la clause résolutoire ;







infirmer la décision entreprise en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande tendant à voir constater l'acquisition de la clause résolutoire et prononcer l'expulsion de la société Gidwin ;


statuant à nouveau et y ajoutant,


condamner la société Gidwin à titre provisionnel au paiement de la somme de 103.500 euros au titre des loyers impayés ;

débouter la société Gidwin de sa demande de délais de paiement ;

constater l'acquisition de la clause résolutoire à compter du 2 septembre 2023 ;

prononcer la résiliation du bail commercial à compter du 2 septembre 2023 ;

ordonner l'expulsion de la société Gidwin et celle de tous occupants de son chef des locaux loués au 114 à [Adresse 2]) en la forme accoutumée et avec l'assistance du commissaire de police et de la force armée, si besoin est, ainsi que la séquestration, à ses frais, risques et péril, des marchandises et objets garnissant les lieux dans tel garde meubles qu'il plaira à la cour de désigner ;

condamner la société Gidwin au paiement de la somme de 3.500 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.




L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 mars 2024.



Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.






SUR CE, LA COUR,



Sur l'irrecevabilité de la demande de provision au titre des loyers impayés soulevée par la société Gidwin



Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.



L'article 480 du même code prévoit que le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie

du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche. Le principal s'entend de l'objet du litige tel qu'il est déterminé par l'article 4.



Aux termes de l'article 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ; il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.



Aux termes de l'article 484 du code de procédure civile, l'ordonnance de référé est une décision provisoire rendue à la demande d'une partie, l'autre présente ou appelée, dans les cas où la loi confère à un juge qui n'est pas saisi du principal le pouvoir d'ordonner immédiatement les mesures nécessaires.



L'article 488 du même code précise que l'ordonnance de référé n'a pas, au principal, l'autorité de la chose jugée.





Par jugement du 11 mai 2023, le tribunal judiciaire de Bobigny a :


annulé la promesse unilatérale de vente conclue le 5 septembre 2018 entre la SCI Loretta et la SCI des Chantereines ;

débouté la SCI Loretta et la société Gidwin de leur demande d'exécution forcée de la vente ;

débouté la SCI Loretta et la société Gidwin de leurs demandes tendant à voir la SCI des Chantereines condamnée à effectuer une déclaration d'intention d'aliéner, à notifier au notaire rédacteur les documents nécessaires à la réalisation de la vente, à régulariser la vente, et à rembourser les loyers perçus ;

débouté la SCI Loretta et la société Gidwin de leur demande en paiement de dommages et intérêts au titre de la faute de la SCI des Chantereines dans l'exécution de la promesse de vente du 5 septembre 2018 ;

débouté la SCI des Chantereines de sa demande en paiement au titre de l'indemnité d'immobilisation ;

débouté la SCI Loretta et la société Gidwin de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts formées contre la SCP Kerestedjian Burgeat ;

dit qu'un bail commercial portant sur les locaux situés [Adresse 2] s'est opéré entre la SCI des Chantereines et la société Gidwin à compter du 1er janvier 2019 ;

débouté la SCI des Chantereines de sa demande d'expulsion de la société Gidwin des locaux situés [Adresse 2] ;

débouté la SCI des Chantereines de sa demande en paiement d'une indemnité d'occupation ;

débouté la SCI des Chantereines de sa demande en paiement de dommages et intérêts.




Il n'a pas été interjeté appel de ce jugement qui est irrévocable.



La société Gidwin soutient que l'irrecevabilité des demandes de la SCI des Chantereines liée à l'autorité de la chose jugée attachée à ce jugement aurait dû s'étendre à la demande de provision formulée, dès lors que le juge du fond s'était prononcé sur la demande d'indemnités d'occupation formée par la bailleresse.



Elle estime qu'en raison du principe de concentration des moyens, obligeant le demandeur à exposer l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder sa demande lors de l'instance en cours, il appartenait à la SCI des Chantereines de solliciter le règlement des loyers lors de ce contentieux au fond, plutôt que d'engager une nouvelle procédure, et d'anticiper une éventuelle requalification du bail par le juge du fond, les décisions de justice étant par nature rétroactives.



Mais le principe de concentration des moyens impose au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci (Ass. Plén. 7 juillet 2006, Bull. 2006, Ass. Plén., n° 8 ; 2e Civ., 11 avril 2019, pourvoi n° 17-31.785, publié). Il ne lui impose pas de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits (2e Civ., 22 mars 2018, pourvoi n° 17-14.302 ; 3e Civ., 3 mai 2018, pourvoi n° 17-16.506).



En l'espèce, la SCI des Chantereines a sollicité le paiement d'indemnités d'occupation devant le juge du fond puis a demandé le règlement de loyers, à titre provisionnel, devant le juge des référés. Il résulte en effet de l'ordonnance entreprise qu'elle a, lors de l'audience devant le juge des référés, en procédure orale, précisé que, compte tenu de la requalification du bail dérogatoire en bail commercial par le juge du fond, les indemnités d'occupation réclamées devaient s'analyser en des loyers.



Le principe de concentration des moyens n'est donc pas applicable, la SCI des Chantereines n'ayant pas présenté la même demande, sur des fondements juridiques différents, mais ayant présenté des demandes différentes devant le juge du fond, d'abord, le juge des référés, ensuite.



Ainsi, le juge du fond, qui a débouté la SCI des Chantereines de sa demande en paiement d'une indemnité d'occupation, n'a pas statué sur une demande en paiement de loyers, de sorte que l'autorité de la chose jugée attachée à sa décision n'était pas opposable à la demande en paiement de loyers provisionnels formulée devant le juge des référés.



Sur l'irrecevabilité de la demande d'expulsion et en paiement d'indemnités d'occupation



Le juge du fond ayant débouté la SCI des Chantereines de sa demande d'expulsion de la société Gidwin des locaux loués ainsi que de sa demande en paiement d'une indemnité d'occupation, c'est à bon droit que le juge des référés a constaté l'irrecevabilité de ces demandes, qui se heurtaient devant lui à l'autorité de la chose jugée au principal.



L'ordonnance entreprise sera donc confirmée de ce chef.



Sur la demande de provision au titre des loyers impayés



Selon l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.



La société Gidwin expose, au soutien de son appel, que les loyers ont été réglés jusqu'au 1er janvier 2022 et que la SCI des Chantereines a donc fait preuve de mauvaise foi en première instance en soutenant qu'elle n'avait pas réglé le moindre loyer.



Elle estime que la demande de provision se heurte en conséquence à une contestation sérieuse.



Cependant, il ressort de son propre décompte, extrait de sa comptabilité (pièce n° 46), qu'elle était débitrice de la somme de 90.795 euros au 1er janvier 2022 au titre des loyers impayés et elle ne produit aucune autre pièce justifiant de règlements postérieurs, à l'exception d'un justificatif de virement de la somme de 6.840 euros le 27 février 2024 (pièce n° 49).



Au regard du décompte détaillé établi dans ses conclusions par la bailleresse, qui tient compte des règlements de la locataire, le montant de la dette locative s'élève au 1er mars 2024 (terme de mars inclus) à la somme de 103.500 euros, dont il convient de déduire le virement de 6.840 du 27 février 2024.



Le montant non sérieusement contestable de la dette locative s'élève donc à la somme de 96.660 euros au 1er mars 2024, terme de mars 2024 inclus, au paiement duquel la locataire sera condamnée à titre provisionnel.



Sur la demande de délais de paiement



Aux termes de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.



La société Gidwin sollicite un report de paiement de deux années, ou à tout le moins un échéancier prenant en compte sa situation financière, exposant qu'elle n'a pas la capacité de régler les sommes réclamées, ses bénéfices étant faibles et en diminution constante depuis la crise sanitaire du Covid-19. Elle ajoute qu'elle est de bonne foi et a souhaité acheter les locaux mais qu'elle ne se serait jamais maintenue aussi longtemps dans les lieux si elle n'avait pas envisagé cette acquisition.



L'intimée soulève l'irrecevabilité de la demande de délais formée par la société Gidwin, celle-ci étant selon elle nouvelle comme n'ayant pas été formée devant le premier juge.



Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.



En l'espèce, la demande de délais tend à faire écarter les prétentions adverses visant à obtenir le paiement immédiat de l'ensemble de la créance de loyers. Elle est par conséquent recevable.



Cependant, sur le fond, la locataire ne saurait imposer à la bailleresse un report de paiement de deux ans alors qu'elle a déjà bénéficié d'importants délais de fait.



Il ne peut davantage être fait droit à sa demande de délais de paiement alors qu'elle ne justifie pas être en mesure de régler le loyer courant, celui-ci n'étant pas réglé depuis plusieurs mois, seul un versement récent de 6.840 euros étant intervenu le 27 février 2024.



Au vu des bilans et comptes de résultat de 2019 à 2021 qu'elle produit, elle ne paraît pas en mesure de régler sa dette de 96.660 euros dans le délai de deux ans imparti par le texte précité, son résultat net étant de 27.751,85 euros en 2020 et de 24.241,60 euros en 2021, ses dettes fiscales et sociales ne cessant de croître pour atteindre la somme de 54.629 euros en 2021 et sa trésorerie étant limitée à 17.368 euros fin 2021, étant précisé qu'elle ne produit ni ses comptes 2022 ni ceux de 2023 afin de permettre une appréciation actualisée de sa situation.



Sa demande de report de paiement et de délais ne peut donc qu'être rejetée.



Sur la demande de constat de l'acquisition de la clause résolutoire formée par la SCI des Chantereines



L'intimée demande reconventionnellement à la cour de constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail à compter du 2 septembre 2023 et d'ordonner l'expulsion de la société Gidwin, faisant valoir qu'elle a délivré un nouveau commandement de payer visant la clause résolutoire à la locataire le 2 août 2023, ainsi qu'un commandement de justifier d'une assurance dans le délai d'un mois, ce que la société Gidwin n'a pas fait.



Il lui appartient toutefois, sauf à priver la société Gidwin d'un double degré de juridiction, d'engager une nouvelle procédure à cette fin devant le juge des référés, sur le fondement de ce nouveau commandement, délivré au cours du délibéré de la décision frappée d'appel du 7 septembre suivant.



Il n'y a donc pas lieu à référé de ce chef.



Sur les frais et dépens



L'appel de la société Gidwin était fondé au regard du montant excessif de la provision réclamée en première instance par la SCI des Chantereines au titre de l'arriéré locatif et allouée à celle-ci.



Cette dernière sera donc tenue aux dépens d'appel.



En revanche, la locataire reste débitrice d'une somme importante à sa bailleresse, de sorte que l'indemnité allouée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en première instance sera maintenu et qu'il ne sera pas fait application de ce texte à son profit à hauteur d'appel, pas plus qu'au profit de l'intimée dont l'appel incident est rejeté.



PAR CES MOTIFS



Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a condamné la société Gidwin à régler à la SCI des Chantereines à titre provisionnel la somme de 164.160 euros correspondant aux loyers dus et impayés du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2022 ;



Statuant à nouveau de ce chef,



Déclare recevable la demande de provision au titre des loyers impayés formée par la SCI des Chantereines ;



Condamne la société Gidwin à payer à la SCI des Chantereines une provision de 96.660 euros au titre des loyers impayés au 1er mars 2024, terme de mars 2024 inclus ;



Y ajoutant,



Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande d'acquisition de la clause résolutoire du bail au 2 septembre 2023 et d'expulsion de la société Gidwin ;



Déclare recevable la demande de report de paiement ou de délais de paiement formée par la société Gidwin ;



Rejette cette demande ;



Condamne la SCI des Chantereines aux dépens d'appel ;



Rejette les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile en appel.





LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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