25 avril 2024
Cour d'appel de Nîmes
RG n° 23/01478

1ère chambre

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



























ARRÊT N°



N° RG 23/01478 - N°Portalis DBVH-V-B7H-IZSD



ID



JUGE DE LA MISE EN ETAT DE NIMES

13 avril 2023 RG:21/04361



[C]



C/



[N] VEUVE [C]



































Grosse délivrée

le 25/04/2024

à Me Marie-Ange Sebellini

à Me Coralie Garcia Brengou









COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

1ère chambre



ARRÊT DU 25 AVRIL 2024





Décision déférée à la cour : ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nîmes en date du 13 avril 2023, N°21/04361



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre

Mme Delphine Duprat, conseillère

Mme Audrey Gentilini, conseillère



GREFFIER :



Mme Audrey Bachimont, greffière, lors des débats et du prononcé de la décision.



DÉBATS :



A l'audience publique du 18 mars 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 25 avril 2024.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.





APPELANT :

INTIMÉ à titre incident :



M. [I] [C]

né le [Date naissance 4] 2000 à [Localité 9] (84)

[Adresse 7]

[Localité 3]



Représenté par Me Marie-Ange Sebellini, postulante, avocate au barreau de Nîmes

Représenté par Me Jean Baptiste Cesbron, plaidant, avocat au barreau de Montpellier







INTIMÉE :

APPELANTE à titre incident :



Mme [T] [N] veuve [C]

née le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 9] (84)

[Adresse 8]

[Localité 6]



Représentée par Me Coralie Garcia Brengou de la Scp Tournier & Associés, avocate au barreau de Nîmes





ARRÊT :



Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre, le 25 avril 2024, par mise à disposition au greffe de la cour






EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE



[X] [C], de nationalité japonaise, est décédé le [Date décès 2] 2016 à [Localité 11] au Japon laissant pour lui succéder son fils M.[I] [C] et son épouse survivante Mme [T] [N].



Par exploit du 6 octobre 2021, M.[I] [C] a assigné sa mère Mme [T] [N] veuve [C] devant le tribunal judiciaire de Nimes au visa des articles 778, 2224 et 2235 du Code civil aux fins de voir :

- ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de

la succession de [X] [C],

- commettre le president de la chambre des notaires du Gard avec faculté

de délégation pour procéder auxdites opérations avec mission pour ce faire de :

- se faire remettre par les parties et par les tiers qui en seraient détenteurs, y compris administrations, organismes quelconques, tels que le fichier Ficoba, et les organismes bancaires, qui ne pourront lui opposer le secret professionnel, l'ensemble des pieces utiles à sa mission,

- déterminer les masses active et passive de la succession de [X] [C],

- y intégrer l'ensemble des biens dissimulés par Mme [T] [N],

- rappeler au notaire commis qu'il dispose, aux termes de l'article 1368 du code de procédure civile, d'un délai d'un an a compter de sa désignation, pour dresser l'état liquidatif, et qu'il lui appartient, en tant que de besoin, de saisir le juge commis, de toute difficulté et de toute demande éventuelle de suspension ou de prolongation de ce délai, par application des articles 1369 et suivants de ce même code,

- commettre un juge commissaire pour surveiller les opérations de partage à qui il sera référé en cas de difficultés,

- condamner Mme [T] [N] a lui régler les sommes de

- 5 000 euros au titre des dommages-intérêts

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner Mme [T] [N] aux dépens.





Suivant conclusions d'incident signifiées par voie électronique le 6 mars 2023, auxquelles il y a lieu de se référer expressément pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, Mme [T] [N] veuve [C] a demandé au juge de la mise en état, au visa des articles 789 du code de procédure civile, 4 du règlement européen du 04 juillet 2012, 1360 du code de procédure civile et 816 du code civil :

In limine litis

- de déclarer les juridictions francaises incompétentes pour connaitre de la succession de [X] [C] ;

Subsidiairement

- de déclarer irrecevables les demandes formées par M. [I] [C] en application de l'article 816 du Code civil,

Très subsidiairement

- de déclarer irrecevables les demandes formées par M. [I] [C] en application de l'article-1360 du code de procédure civile ;

- de condamner M.[I] [C] aux dépens, ainsi qu'à une juste indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile de 1500 euros.



Par ordonnance du 13 avril 2023 le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nîmes du 13 avril 2023 s'est déclaré incompétent pour connaître de la succession de [X] [C], a renvoyé les parties à mieux se pourvoir et dit n'y avoir lieu à article 700.



M.[I] [C] a interjeté appel de cette ordonnance le 28 avril 2023 dans des conditions de forme non contestées.



Après y avoir été autorisé par ordonnance du premier président de cette cour du 12 mai 2023 il a fait assigner à jour fixe Mme [N] veuve [C] à l'audience du 28 septembre 2023 ensuite avancée au 21 septembre 2023 et à cette date renvoyée à l'audience du 15 mars 2024 pour être plaidée.





EXPOSÉ DES MOYENS ET PRÉTENTIONS :



Au terme de ses conclusions notifiées le 23 octobre 2023 M.[C] demande à la cour :

Vu l 'article 789 du code de procédure civile,

Vu l 'article 4 du règlement européen du 4juillet 2012,

Vu l 'article 1360 du code de procédure civile,

Vu l'article 816 du Code civil,

Vu les articles 917 et suivants du code de procédure civile,

- de réformer l'ordonnance du juge de la mise en état en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour connaitre de la succession de [X] [C] et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir,

- de réformer également1'ordonnance en ce qu'elle l'a condamné aux depens,

En conséquence

- de déclarer les juridictions francaises compétentes pour connaitre de la succession de [X] [C],

- de déclarer ses demandes recevables en application de 1'article 816 du Code civil,

- de condamner Mme [T] [N] à lui régler une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.





Au terme de ses conclusions notifiées le 1er mars 2024 Mme [T] [N] veuve [C], intimée, demande à la cour :

Vu l'article 789 du code de procédure civile,

Vu l'article 4 du règlement européen du 4 juillet 2012,

Vu l'article 1360 du code de procédure civile,

Vu l'article 816 du Code civil,

- de confirmer l'ordonnance du 13 avril 2023 en ce qu'elle a déclaré les juridictions françaises incompétentes pour connaître de la succession de [X] [C],

En cas de besoin, et subsidiairement à l'exception d'incompétence territorial

- de dire et juger irrecevables les demandes formées par M.[I] [C] en application de l'article 816 du Code civil, et au surplus en application de l'article 1360 du code de procédure civile,

En toute hypothèse, après infirmation de l'ordonnance rendue le 13 avril 2023 sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner M.[I] [C] à lui payer une juste indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile de 1 500 euros, ainsi qu'aux entiers dépens, en ce(ux) compris de première instance.



En application de l'article 455 du code de procédure civile il est expressément référé aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.






MOTIVATION





1.Pour se déclarer incompétent pour connaître de la succession d'[X] [C] le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nîmes a relevé que celui-ci, dans les années ayant précédé son décès et à la date de celui-ci à [Localité 11], avait sa résidence habituelle au Japon.



Il a relevé que les parties s'accordaient sur l'application de l'article 4 du règlement n° 650/2012 du 04 juillet 2012 relatif a la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen, aux termes duquel sont compétentes pour statuer sur l'ensemble d'une succession les juridictions de I'Etat membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès, dont le considérant 23 énonce : 'l'autorité chargée de la succession devra procéder à une évaluation d'ensemble des circonstances de la vie du défunt au cours des années précédant son décès et au moment de son décès, prenant en compte tous les éléments de faits pertinents, notamment la durée et la régularité de la présence du défunt dans l'Etat concerné ainsi que les conditions et les raisons de cette présence. La résidence habituelle ainsi determinée devra révéler un lien étroit et stable avec l'Etat concerné (...)' et le considérant 24 admet, dans le cas ou le de cujus est parti travailler dans un Etat tout en ayant conservé un lien étroit et stable avec son Etat d'origine, qu'il soit considéré comme ayant toujours sa résidence habituelle dans son Etat d'origine.



2.L'appelant excipe des considérants 4 et 21 de cette ordonnance selon lesquels 'Sont compétentes pour statuer sur l'ensemble d'une succession les juridictions de l'Etat membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès' et 'Sauf disposition contraire du présent règlement, la loi applicable à l'ensemble d'une succession est celle de l'Etat dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès.'



Il soutient que son père s'était marié avec une française et avait tenu à ce que lui-même soit français, pour être né à [Localité 9] ; qu'il n'était propriétaire d'aucun immeuble au Japon ou au Mali, mais possédait en France la résidence familiale de [Localité 10] (30) ; qu'il déclarait ses revenus locatifs en France et souhaitait y résider effectivement après avoir fait valoir ses droits à la retraite, et y séjournait régulièrement notamment pour les vacances et les fêtes religieuses comme Noël ou Pâques.



3.L'intimée soutient que le réglement européen du 04 juillet 2012 invoqué ne s'applique pas au Japon, pays de naissance du défunt, ni au Mali, pays dans lequel il exerçait en dernier lieu sa mission diplomatique et où quoi qu'il en soit il était considéré comme résidant sur le territoire japonais ; qu'il était résident fiscal au Japon au moment de son décès ; que selon la loi japonaise, la loi applicable en matière de succession est celle du pays dont le défunt avait la nationalité ; qu'en tout état de cause, le seul fait qu'elle-même et son fils soient restés en France alors que leur mari et père exerçait sa mission au Mali est manifestement insuffisant pour conférer à celui-ci la qualité de résident français au moment de son décès.



4.Selon les articles 20 et 21 du règlement européen du 04 juillet 2012

'Application universelle'

'Toute loi désignée par le présent règlement s'applique même si cette loi n'est pas celle d'un État membre.'

et

'Règle générale'

'1. Sauf disposition contraire du présent règlement, la loi applicable à l'ensemble d'une succession est celle de l'État dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès.

2.Lorsque, à titre exceptionnel, il résulte de l'ensemble des circonstances de la cause que, au moment de son décès, le défunt présentait des liens manifestement plus étroits avec un État autre que celui dont la loi serait applicable en vertu du paragraphe 1, la loi applicable à la succession est celle de cet autre État.'



Il en résulte que les règles de conflit de lois contenues dans le règlement s'appliquent dans les États membres liés par le Règlement à toute succession présentant comme en l'espèce un élément d'extranéité même si la loi désignée n'est pas celle d'un État membre, dès lors qu'une autorité française, en l'espèce le tribunal judiciaire de Nîmes a été saisie.



5.Il en résulte ici que, bien que de nationalité japonaise, la juridiction française ayant été saisie, la loi applicable à la succession d'[X] [C] est celle de l'État dans lequel il avait sa résidence habituelle au moment de son décès.



6.Il incombe donc à l'appelant, qui soutient ici la compétence de la juridiction française, de rapporter la preuve que son père, né le [Date naissance 5] 1950 à Kobe (Japon), ambassadeur, avait au moment de son décès sa résidence habituelle en France.





7.[X] [C] est décédé le [Date décès 2] 2016 à [Localité 11] et ne résidait donc pas en France au jour de son décès.



8.Le fait qu'il se soit marié avec une française et que son fils soit né en France, ni le fait qu'il ait été propriétaire d'un immeuble en France, ne démontrent pas qu'il a eu en France sa résidence habituelle au sens du texte applicable, pas plus que le fait allégué qu'il y ait séjourné régulièrement notamment pendant les vacances ou à l'occasion de fêtes religieuses, ou encore que ses cendres y ait été rapportées après sa crémation au Japon.



9.Les attestations relatées dans les conclusions de l'appelant, qui n'ont pas été communiquées à la cour, qui ne dispose que des pièces 1 à 12 listées au bordereau joint aux conclusions, ne peuvent être prises en compte.



10.L'ordonnance attaquée sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions.



11.L'appelant qui succombe devra supporter les dépens de la présente instance et payer en outre à l'intimée la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS



La cour,



Confirme l'ordonnance en toutes ses dispositions.



Y ajoutant,



Condamne M.[I] [C] aux dépens de la présente instance,



Condamne M.[I] [C] à payer à Mme [T] [N] veuve [C] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



Arrêt signé par la présidente et par la greffière.



LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

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